Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050107

Dossier : T-2235-99

Référence : 2005 CF 10

Ottawa (Ontario), le 7 janvier 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                           TOMMY HILFIGER LICENSING INC.,

                                              TOMMY HILFIGER CANADA INC.

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             et

                                             PRODUITS DE QUALITÉ I.M.D. INC.

                                                            et HAROLD ROSEN

                                                                                                                                          défendeurs

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT


[1]                Quality Goods I.M.D. Inc. (Quality Goods), également appelée Produits de Qualité I.M.D. Inc., est une compagnie qui fabrique et vend des articles souvenirs. En 1996, elle a créé le logo « Explore Canada » qu'elle affiche depuis sur ses t-shirts, chapeaux, tasses à café, porte-clés, ainsi que sur une foule d'autres articles que l'on trouve habituellement chez les marchands de souvenirs pour touristes. En août 1999, Tommy Hilfiger Licensing Inc. (THLI) et Tommy Hilfiger Canada Inc. (THC) ont expliqué à deux des plus gros clients de Produits de Qualité qu'ils seraient poursuivis en justice s'ils n'arrêtaient pas de vendre des produits affichant le logo « Explore Canada » . Ces deux clients ont cessé de commander les produits en question et l'un d'entre eux en a même retourné. THLI et THC allèguent maintenant que Produits de Qualité et son président, directeur et administrateur Harold Rosen, ont contrefait quatre marques de commerce Hilfiger constituées de rectangles de couleur bleu, blanc et rouge et des mots « Tommy Hilfiger » dans le cas de deux des marques de commerce en question, et qu'ils ont également contrefait la marque de commerce « Tommy Hilfiger » . THLI et THC accusent également les défendeurs d'imitation frauduleuse (passing-off) et de dépréciation de la valeur de l'achalandage afférent à leurs marques de commerce. Elles sollicitent une injonction, la restitution des bénéfices, des dommages-intérêts exemplaires, les intérêts avant jugement et les intérêts après jugement, une ordonnance portant restitution des articles contrefaits et les dépens. Les parties ont convenu que, si les demanderesses obtenaient gain de cause, ces questions seraient examinées après que les avocats auraient formulé d'autres observations ou que les parties auraient réglé ces questions.


[2]                Les défendeurs nient toute contrefaçon. Ils affirment de surcroît que les marques de commerce déposées sont invalides. Ils réclament le rejet de l'action avec dépens, ainsi que la radiation des marques de commerce déposées. Par voie de demande reconventionnelle, le défendeur Rosen réclame également la somme de 1 000 000 $ à titre de dommages-intérêts pour compenser le fléchissement qu'ont connu ses ventes et sa marge bénéficiaire au cours des exercices 2000 et 2001, ainsi que la baisse de la valeur des actions qu'il détient dans Produits de Qualité. Il réclame aussi des intérêts avant jugement et des intérêts après jugement. Les parties ont convenu que, pour le cas où les défendeurs obtiendraient gain de cause, la question des intérêts avant jugement et des intérêts après jugement serait examinée après que les avocats auraient formulé d'autres observations ou que les parties auraient réglé la question.

QUESTIONS EN LITIGE

[3]                Les questions en litige sont les suivantes :

1.         Les marques de commerce déposées Hillfiger sont-elles invalides?

2.         Les défendeurs ont-il violé les droits que l'article 19 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), reconnaît aux demanderesses?

3.         Les défendeurs ont-ils violé les droits que l'article 20 de la Loi reconnaît aux demanderesses?

4.         Les défendeurs ont-ils employé leurs marques de commerce d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché aux marques de commerce des demanderesses, en violation de l'article 22 de la Loi?

5.         Les défendeurs ont-ils fait passer leurs marchandises pour celles des demanderesses en contravention de l'alinéa 7b) de la Loi?

6.         Le défendeur Rosen devrait-il être tenu personnellement responsable de tout acte fautif commis, le cas échéant, par la défenderesse Produits de Qualité?


7.         Le défendeur Rosen a-t-il droit à la somme d'un million de dollars à titre de dommages-intérêts pour l'indemniser de la diminution de son chiffre de ventes et de sa marge de profit et du fléchissement de la valeur de ses actions?

MISE EN CONTEXTE

[4]                Je m'en remets pour l'essentiel à l'exposé conjoint des faits soumis par les parties pour brosser le tableau général de la présente affaire et pour exposer certaines questions plus précises.

Les demanderesses, leurs marchandises et leur chiffre des ventes

[5]                La demanderesse THLI est une société constituée en personne morale sous le régime des lois de l'État du Delaware, où se trouve également son siège social. Elle est titulaire des marques de commerce associées à la marque Tommy Hilfiger au Canada et ailleurs dans le monde et elle délivre des licences d'exploitation des marques de commerce Tommy Hilfiger en contrepartie de redevances.

[6]                La demanderesse THC est une société constituée en personne morale sous le régime des lois canadiennes. Son siège social est situé au Canada. THC fabrique, vend, distribue et fait de la publicité pour des vêtements et des accessoires en liaison avec les marques de commerce en vertu de la licence que THLI lui a octroyée.

[7]                THLI est propriétaire des marques suivantes, qui sont enregistrées au Canada :


1.         marque de commerce LMC 375827 (LMC 827) déposée le 16 novembre 1990 en liaison avec des vêtements pour hommes, à savoir pantalons, vestes, complets, chandails, pantalons d'entraînement, shorts d'entraînement, maillots de bain, peignoirs, manteaux, blousons, imperméables, gilet de corps;

2.         marque de commerce LMC 432095 (LMC 095) déposée le 26 août 1994 en liaison avec des vêtements pour hommes et des vêtements pour femmes, à savoir chemises, pantalons, vestes, chandails, shorts, ceintures, gilets, vestes de sport, manteaux, imperméables, parkas, valises, sacs fourre-tout, trousses à maquillage et trousses à rasage;

3.         marque de commerce LMC 482283 (LMC 283) enregistrée le 9 septembre 1997 en liaison avec des produits de beauté, produits de parfumerie, articles de toilette, crèmes à bronzer, bâtonnets à bronzer; savons et produits capillaires;

4.         marque de commerce LMC 482082 (LMC 082) enregistrée le 5 septembre 1997 en liaison avec des produits de beauté, produits de parfumerie, articles de toilette, bâtonnets à bronzer, savons et produits capillaires;

5.          marque de commerce LMC 446291 (LMC 291) enregistrée le 18 août 1995 en liaison avec des blazers, manteaux, vestons, jeans, paletots, pantalons, parkas, chemises, shorts, vestons, chandails, chandails à col roulé, gilets, maillots de bain, pantalons d'entraînement, sweatshirts, cravates, gilets de corps, sous-vêtements.


[8]         Par souci de commodité, les quatre premières marques de commerce seront désignées sous le nom de « marques de commerce arborant le drapeau Hilfiger » . Voici comment se présentent les marques de commerce arborant le drapeau Hilfiger :

Marque de commerce : TOMMY HILFIGER & DESSIN

Enregistrement numéro :    LMC375827


Marque de commerce : DESSIN TAG (RECTANGLES)

Enregistrement numéro :     LMC 432095

Marque de commerce : DESSIN DE RECTANGLES

Enregistrement numéro :    LMC 482283


Marque de commerce :    TOMMY HILFIGER & DESSIN

Enregistrement numéro :    LMC482082

et

Enregistrement numéro :     LMC446291

pour la marque de commerce TOMMY HILFIGER

[9]         Depuis le début des années quatre-vingt-dix, THC a commencé à vendre des marchandises portant LMC 827 et, en 1993, 1994 et 1995, des marchandises portant LMC 095 et LMC 291 (témoignage de MM. Green et Abramowitz) et les deux autres marques de commerce LMC 082 et 283, en 1997.


[10]       En 1996 et au cours des années qui ont suivi, THC a vendu et distribué des articles promotionnels arborant les marques de commerce Hilfger tels que des épinglettes, des bougies, des calculatrices, des sacs fourre-tout, des thermos à café, des porte-clés, des sacs, des tapis de souris, des tasses à café, des stylos à bille, des t-shirts, des ballons de soccer, des ballons de basket-ball, des bouteilles à eau et des parapluies.

[11]       Voici les chiffres de vente de vêtements Tommy Hilfiger par THC au Canada : huit millions de dollars (1992), huit millions de dollars (1993), dix millions de dollars (1994), seize millions de dollars (1995), 25 millions de dollars (1996), 50 millions de dollars (1997), 90 millions de dollars (1998), 125 millions de dollars (1999), 125 millions de dollars (2000), 125 millions de dollars (2001). THC vend ses produits dans des magasins à succursales multiples, des boutiques spécialisées et des grands magasins comme La Baie et Eaton. THC est sélectif en ce qui concerne ses acheteurs de détail. Elle tient compte de l'image du détaillant, de l'emplacement des magasins et du choix de marques du détaillant lorsqu'il s'agit de décider d'autoriser un détaillant à vendre des produits Hilfiger. Les demanderesses visent le marché intermédiaire et le marché haut de gamme.


[12]       La marque Tommy Hilfiger et les produits autorisés de THLI ont été annoncés au Canada de diverses façons : publicité dans des magazines étrangers et d'autres publications diffusées au Canada, dont Vanity Fair, GQ, Men's Journal, Details,Rolling Stone, Men's Health, le New York Times et le New York Times Magazine; publicité dans des magazines canadiens, dont Macleans,Toronto Life Fashion, Toronto Life et Elle Québec, publicité conjointe dans des magazines canadiens en collaboration avec des détaillants canadiens, dont les grands magasins La Baie et Eaton, panneaux-réclames, affiches posées à l'intérieur des magasins, enseignes et vidéos, commandite de tournées ou de spectacles de groupes musicaux, dont Pete Townsend, The Who et les Rolling Stones; commandite d'événements, dont le Festival international du film de Toronto et le Grand Prix de Montréal, et des concours.

Les défendeurs, leurs marchandises et leur chiffre de ventes

[13]       La défenderesse Produits de Qualité est une société constituée sous le régime des lois québécoises dont le siège social est situé au Québec. Produits de Qualité conçoit, fabrique, fait fabriquer, vend, distribue et fait de la publicité pour des souvenirs, y compris des vêtements, sur le thème « Explore Canada » ( « Découvrez le Canada » ).

[14]       Le défendeur Harold Rosen est le président, directeur et administrateur et l'unique actionnaire de la défenderesse Produits de Qualité.

[15]       Pendant l'été de 1996, Produits de Qualité a créé le logo « Explore Canada » ( « Découvrez le Canada » ) et a par la suite conçu des variantes régionales du logo « Explore Canada » dans lesquelles le mot « Explore » est remplacé par le nom d'une ville ou d'une province. Par souci de commodité, le logo « Explore Canada » et ses variantes régionales seront désignés sous le nom de logo « Explore Canada » . Voici comment est illustré le logo « Explore Canada » :


[16]       Le logo « Explore Canada » a été élaboré par Harold Rosen et Allan Rosen, du service de la promotion des ventes, avec la participation de Joel Noden, directeur des ventes chez Produits de Qualité, et d'Angelica Muntigal, directrice artistique chez Produits de Qualité. Produits de Qualité a fabriqué ou fait fabriquer des vêtements, accessoires et articles de fantaisie arborant le logo « Explore Canada » qu'elle a dessiné.


[17]       Produits de Qualité s'est servi du logo « Explore Canada » pour une gamme de souvenirs (les produits « Explore Canada » ), en l'occurrence des biens de consommation non durable, à savoir : t-shirts, polos de golf, sweatshirts, casquettes, toques, foulards, serre-tête, sacs à dos, sacoches de ceinture, sacs de forme polochon et sacs à provisions et des biens de consommation durable, à savoir tasses à café, stylos à bille, porte-clés, plaques d'immatriculation, cartes à jouer, aimants, rondelles de hockey, épinglettes, dessous de verre, cendriers, chopes, petits verres et dés à coudre. Produits de Qualité a commencé à offrir en vente et à vendre ces produits « Explore Canada » au Canada en 1996.

[18]       Voici le chiffre de ventes de Produits de Qualité en ce qui concerne ses produits « Explore Canada » :

Date                              Biens durables Biens non durables                     Total

Au 30 mai 2001            581 015,05 $                1 431 306,60 $             2 012 321,65 $

Entre le 20 mai 2001

et le 4 août 2003           11 849,02                         22 840,45 $                 34 689,47 $

Entre le 5 août 2003

et le 13 mai 2004                  761,88 $                            635,45 $                  1 397,33 $

Bien que Produits de Qualité ait cessé de vendre activement ses produits « Explore Canada » le 15 octobre 2001, elle a continué d'écouler ses stocks et a l'intention de continuer à les liquider.

[19]       Les clients qui achètent les produits « Explore Canada » de Produits de Qualité sont les marchands de souvenirs pour touristes, les boutiques hors taxes, et les boutiques spécialisées comme United Cigar Stores.


[20]       Produits de Qualité annonce ses produits dans des catalogues (qui sont distribués à des acheteurs de détail), dans des publications spécialisées et dans des foires commerciales. Sa publicité n'est pas massive et elle n'a pas fait de publicité grand public au cours des années quatre-vingt-dix. Produits de Qualité a fait la promotion de ses produits « Explore Canada » à l'occasion de salons semi-annuels de cadeaux à Montréal, Toronto, Vancouver et Edmonton en offrant des échantillons de ses produits ainsi que des catalogues.

[21]       En août 1999, THLI et THC ont fait savoir à deux des plus importants clients de Produits de Qualité, en l'occurrence, HDS, qui exploite United Cigar Stores, et la Niagara Park Commission, qu'ils seraient poursuivis en justice s'ils n'arrêtaient pas de vendre des produits affichant le logo « Explore Canada » . Ces deux clients ont cesser de commander ces produits et HDS a même retourné les produits en question.

[22]       Produits de Qualité a reçu une lettre de mise en demeure datée du 13 octobre 1998 par laquelle les avocats de THLI la sommaient de cesser la vente des produits « Explore Canada » au motif que le logo « Explore Canada » violait les marques de commerce de THLI. Dans une lettre datée du 13 novembre 1998, Produits de Qualité a nié qu'elle violait les droits de THLI et elle a exigé que THLI cesse de nuire aux ventes de ces produits auprès de ses clients.

[23]       La déclaration des demanderesses a été déposée le 21 décembre 1999.

ANALYSE

Première question : validité de l'enregistrement des marques de commerce Hilfiger


[24]       Pour les motifs qui suivent, je ne puis conclure que les marques de commerce Tommy Hilfiger sont invalides.

Contexte

[25]       THI est une société constituée en personne morale le 15 avril 1982. Son siège social et son principal établissement se trouvent à New York. Titulaire des marques de commerce Tommy Hilfiger et d'autres droits de propriété intellectuelle y afférents, THI autorise par licence l'utilisation par autrui des droits en question en contrepartie du versement de redevances et elle dessine des vêtements qui seront vendus sous la marque Tommy Hilfiger.

[26]       THUSA est une société américaine constituée en personne morale en 1989 sous le régime des lois de l'État de New York sous la raison sociale de Tommy Hilfiger Sportswear Inc., qui a été remplacée en 1992 par la raison sociale actuelle.

[27]       THC est une société canadienne qui a été constituée en personne morale sous le régime des lois canadiennes le 19 décembre 1989. Son siège social et son principal établissement sont situés à Montréal (Québec).

[28]       Le 1er janvier 1990, THI a accordé une licence géographique à THC.


[29]       THLI est une société qui a été constituée en personne morale sous le régime des lois de l'État du Delaware, aux États-Unis d'Amérique le 23 juillet 1992. Son siège social et son principal établissement se trouvent à Wilmington, au Delaware.

[30]       Le 3 août 1992, THI a cédé ses droits à THLI. Cet accord a été reconduit le 28 septembre 1993. Le 19 juin 1994, THI a fusionné avec THUSA.

[31]       Le 24 mai 1995, THLI a modifié la licence qu'elle avait accordée à THC de manière à élargir la définition de la marque de commerce et à permettre l'utilisation au Canada de chacune des marques de commerce Hilfiger constituées du dessin d'un drapeau en liaison avec des vêtements et des accessoires sous le strict contrôle de THLI quant à la nature et à la qualité de cette utilisation (la licence canadienne de vente au détail).

[32]       En janvier 2001, THC a fait l'objet d'une restructuration. L'exploitation des magasins de ventre au détail a été confiée à une nouvelle personne morale, THC Retail. Une nouvelle entreprise, THC Sales, est devenue agent des ventes pour THC au Canada à l'extérieur du Québec. THC Retail et THC Sales sont toutes les deux des filiales de THC et leur siège social et principal établissement sont situés à Toronto (Ontario).

[33]       TH Corp. est une société de portefeuille. Elle possède ou contrôle directement ou indirectement toutes les sociétés susmentionnées.


Charge de la preuve

[34]       Une marque de commerce déposée bénéficie d'une présomption de validité. C'est donc à celui qui cherche à la faire radier qu'il incombe de démontrer que l'enregistrement de la marque est invalide (Richard, Hugues G., Canadian Trade-marks Act Annotated, éditions en feuilles mobiles, 2e relieur, Éditions Thomson Carswell, Toronto, page 18-3; voir aussi le jugement J.C. Penney Co. c. Gaberdine Clothing Co. (2001), 16 C.P.R. (4th) 151, à la page 170 (C.F. 1re inst.)).

[35]       L'article 19 de la Loi sur les marques de commerce (la Loi) dispose :


Droits conférés par l'enregistrement

19. Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l'enregistrement d'une marque de commerce à l'égard de marchandises ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l'emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces marchandises ou services.

Rights conferred by registration

19. Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trade-mark in respect of any wares or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trade-mark the exclusive right to the use throughout Canada of the trade-mark in respect of those wares or services.


[36]       En vertu de cet article, l'enregistrement d'une marque de commerce confère à son propriétaire le droit exclusif d'utiliser cette marque partout au Canada. Il semble toutefois acquis que l'invalidité de l'enregistrement d'une marque de commerce constituerait un moyen de défense absolu à une action fondée sur la violation des articles 19, 20 et 22 (PRV Co. Ltd. c. Decosol (Canada) Ltd. (1972), 10 C.P.R. (2d) 203 (C.F. 1re inst.)).

[37]       L'article 18 de la Loi déclare invalide l'enregistrement d'une marque de commerce dans l'un ou l'autre des cas suivants :


1.         la marque n'est pas enregistrable;

2.         la marque n'est pas distinctive;

3.         la marque a été abandonnée;

4.         sous réserve de l'article 17, l'auteur de la demande d'enregistrement n'était pas la personne ayant le droit de l'obtenir.

[38]       L'article 18 de la Loi est ainsi libellé :


18. (1) L'enregistrement d'une marque de commerce est invalide dans les cas suivants :

18. (1) The registration of a trade-mark is invalid if

a) la marque de commerce n'était pas enregistrable à la date de l'enregistrement;

(a) the trade-mark was not registrable at the date of registration,

b) la marque de commerce n'est pas distinctive à l'époque où sont entamées les procédures contestant la validité de l'enregistrement;

(b) the trade-mark is not distinctive at the time proceedings bringing the validity of the registration into question are commenced, or

c) la marque de commerce a été abandonnée.

Sous réserve de l'article 17, l'enregistrement est invalide si l'auteur de la demande n'était pas la personne ayant droit de l'obtenir.

(c) the trade-mark has been abandoned,

and subject to section 17, it is invalid if the applicant for registration was not the person entitled to secure the registration.

Exception

(2) Nul enregistrement d'une marque de commerce qui était employée au Canada par l'inscrivant ou son prédécesseur en titre, au point d'être devenue distinctive à la date d'enregistrement, ne peut être considéré comme invalide pour la seule raison que la preuve de ce caractère distinctif n'a pas été soumise à l'autorité ou au tribunal compétent avant l'octroi de cet enregistrement.

Exception

(2) No registration of a trade-mark that had been so used in Canada by the registrant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of registration shall be held invalid merely on the ground that evidence of the distinctiveness was not submitted to the competent authority or tribunal before the grant of the registration.



[39]       La thèse des défendeurs s'articule pour l'essentiel autour du motif d'invalidité prévu à l'alinéa 18(1)b) de la Loi, qui porte sur le caractère distinctif. Dans son ouvrage Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition (3e éd.) Toronto, Carswell Co. Ltd, 1972, à la page 309, Fox explique toutefois que les tribunaux ne sont pas habilités à tenir compte de moyens d'invalidité éventuels qui n'ont pas été expressément invoqués par les parties.

[40]       Lorsqu'il s'agit de rectifier le registre, la Cour est motivée par le désir de purifier le registre et de défendre l'intérêt du public. Pour ce faire, la Cour a une compétence inhérente et elle est tenue, le cas échéant, de radier d'office une marque et ce, même si l'élément visé par la radiation n'a pas été soulevé dans les actes de procédure. Cependant, même si elle peut agir de la sorte alors que personne n'a comparu devant elle à titre de personne intéressée pour réclamer la radiation, la Cour ne devrait procéder à la radiation que lorsqu'il est évident que c'est à tort que la marque figure au registre. L'intérêt du public revêt une importance capitale et les considérations qui militent en faveur ou à l'encontre de celui qui demande la rectification ont peu d'importance, car le débat se joue entre le public et le propriétaire de la marque.

[41]       Ceci étant dit, je suis d'avis qu'il ne s'agit pas d'un cas où c'est à tort que les marques se trouvent au registre. Je vais donc restreindre mon analyse à la question du caractère distinctif et je ne vais aborder que brièvement les autres moyens d'invalidité.

Marque non enregistrable : alinéa 18(1)a)


[42]       L'enregistrement d'une marque de commerce est invalide si la marque de commerce n'était pas enregistrable à la date de l'enregistrement. Pour déterminer si une marque de commerce était enregistrable, il nous faut se reporter aux articles 12 à 15 de la Loi, qui portent sur les marques de commerce enregistrable (voir l'annexe I).

[43]       En résumé, on peut dire, à la lumière des articles 12, 13, 14 et 15, qu'une marque de commerce qui entre dans les cinq catégories suivantes n'est pas enregistrable :

(1)        elle est constituée d'un mot qui n'est que le nom ou le nom de famille d'un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes, exception faite des cas prévus au paragraphe 12(2) et aux articles 13, 14 et 15;

(2)        elle donne une description ou une description fausse ou trompeuse d'une marque de commerce, exception faite des cas prévus au paragraphe 12(2) et aux articles 13, 14 et 15;

(3)         elle est constituée du nom des marchandises ou des services à l'égard desquels elle est employée, exception faite des cas prévus aux articles 14 et 15;

(4)        elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée, exception faite des cas prévus aux articles 14 et 15;

(5)        elle est une marque interdite.

[44]       En l'espèce, après examen de l'ensemble de la preuve, je ne crois pas que les marques de commerce Tommy Hilfiger entrent dans l'une ou l'autre de ces cinq catégories. Je conclus donc que les marques de commerce Hilfiger étaient enregistrables à la date de l'enregistrement.


Abandon : alinéa 18(1)c)

[45]       L'abandon d'une marque de commerce est une question de fait qui doit être appréciée au cas par cas en fonction des circonstances de l'espèce. Le non-emploi d'une marque de commerce n'est pas suffisant pour être assimilé à un abandon. Le défaut d'emploi doit s'accompagner d'une intention d'abandonner la marque de commerce. Cette intention peut être déduite d'une longue période de non-emploi (Richard, Hugues G., précité, à la page 18-3).

[46]       En l'espèce, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de s'attarder longuement sur ce moyen d'invalidité. Il semble assez évident que les marques de commerce Tommy Hilfiger n'ont pas été abandonnées, étant donné qu'elles servent à distinguer les produits Tommy Hilfiger. Les marchandises Tommy Hilfger continuent à être annoncées et vendues partout au Canada. J'en conclus donc que le moyen d'invalidité fondé sur ce motif ne peut prospérer.

Absence de droit : dernière partie de l'article 18


[47]       Si la personne physique ou la personne morale qui a fait enregistrer une marque de commerce n'avait pas le droit d'en obtenir l'enregistrement, l'enregistrement de la marque de commerce est invalide. En l'espèce, au paragraphe 103 de leur mémoire, les défendeurs expliquent que le transfert qui a eu lieu de THI à THLI en 1992 et sa reconduction en 1993 ne valaient que pour les marques faisant l'objet d'un enregistrement ou d'une demande. Ils se demandent, en conséquence, comment THLI a acquis le droit à l'enregistrement de la marque TOMMY HILFIGER sur le fondement d'un emploi au Canada qui remonte à une date antérieure à l'existence de la compagnie.

[48]       Après avoir examiné l'entente de cession intervenue entre THI et THLI et après avoir tenu compte de l'intention des parties, je dois dire que je me dissocie du point de vue des défendeurs. Je suis d'avis que cette cession visait à transférer à THLI tous les droits de propriété intellectuelle de THI. Les défendeurs ont reconnu les conséquences de ce transfert dans l'exposé conjoint des faits (paragraphe 6). Je conclus donc que, si elle a acquis tous les droits de propriété intellectuelle relatifs à la marque Tommy Hilfiger, THLI a acquis le droit le faire enregistrer les marques de commerce Tommy Hilfiger. Je crois qu'en tant que propriétaire de toutes les marques de commerce Tommy Hilfiger, THLI a acquis le droit d'enregistrer de nouvelles marques de commerce.

[49]       À la suite de cette cession, THI a fusionné avec THUSA. Les fonctions de THUSA, qui avaient antérieurement été définies dans un contrat de service conclu avec THLI (pièce P-15), consistent à fournir des services à THLI et à faciliter l'octroi de licences relativement aux droits de propriété intellectuelle de TH. La nature des services que THUSA fournis à THLI n'a pas changé depuis la fusion, ce qui démontre que THI a effectivement cédé tous ses droits à THLI, y compris celui de faire enregistrer des marques de commerce, étant donné qu'elle n'exerce aucune de ses anciennes fonctions.


[50]       En résumé, aucune des marques de commerce enregistrées par THLI ne peut être radiée en vertu de la dernière partie de l'article 18 de la Loi, parce que THLI a acquis le droit de faire enregistrer les marques de commerce Tommy Hilfiger par suite du transfert qui a eu lieu en 1992.

Absence de caractère distinctif : alinéa 18(1)b)

A.        Introduction

[51]       L'enregistrement d'une marque de commerce est invalide si la marque de commerce n'est pas distinctive. L'article 2 de la Loi définit comme suit le mot « distinctive » :


« distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

"distinctive", in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them;


[52]       La fonction et l'objet d'une marque de commerce est d'indiquer la provenance des marchandises. Par définition, une marque de commerce doit être distinctive, c'est-à-dire qu'elle ne peut être associée qu'à une seule source. Dans le jugement Brasserie Labatt Co. c. Brasserie Molson, société en commandite, (1992), 42 C.P.R. (3d) 481 (C.F. 1re inst.), le juge Dubé explique que le caractère distinctif exige que :

1.         une marque et un produit soient associés;

2.         que le propriétaire utilise cette association entre la marque et son produit et qu'il vende ce produit ou ce service;

3.                   que cette association permette au propriétaire de la marque de distinguer son produit de ceux des autres propriétaires (Philip Morris Incorporated c. Imperial Tobacco Ltd. et autres, (1987), 7 C.P.R. (3d) 254 (C.F. 1re inst.)).

[53]       Il y a deux types de caractère distinctif : le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis. Une marque est distinctive lorsqu'elle ne comporte aucun élément susceptible de diriger les consommateurs vers une multitude de sources. En conséquence, lorsqu'une marque est constituée d'un nom unique ou inventé qui ne peut désigner ou évoquer qu'une seule chose, il est possible de conclure que cette marque possède effectivement un caractère distinctif inhérent. La marque de commerce qui ne possède pas de caractère distinctif inhérent peut quand même acquérir un caractère distinctif par suite de son emploi constant sur le marché. Toutefois, pour démontrer qu'une marque a acquis un caractère distinctif, il faut établir que les consommateurs ont associé constamment la marque à une source déterminée.

[54]       Pour démontrer avec succès qu'une marque de commerce est invalide au sens de cet article, il faut établir que la marque de commerce n'était pas distinctive à la date de l'introduction de l'instance lorsque la question de la validité de l'enregistrement a été soulevée (Parke, Davis & Co., Ltd. c. Empire Laboratories Ltd. (1963), 41 C.P.R. 121, à la page 134 (C.F. 1re inst.), confirmé par la Cour suprême du Canada à [1964] R.C.S. 351).


[55]       Fox explique ce qui suit dans son ouvrage Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition (3e éd.) Toronto, Carswell Co. Ltd, 1972, à la page 24 :

[TRADUCTION] [...] Aucun enregistrement n'est invalide par application de l'article 18 du simple fait que la marque de commerce n'était pas distinctive au moment de son enregistrement. Elle peut être devenue distinctive lorsqu'une instance visant à contester la validité de l'enregistrement a été introduite, auquel cas elle ne peut être radiée du registre pour ce motif, non seulement parce qu'il est prévu autrement à l'alinéa 18(1)b), mais aussi parce que le paragraphe 56(1) [maintenant le paragraphe 57(1)] permet l'examen de la validité uniquement à la date de la demande de radiation ou de rectification.

[56]       Sauf erreur, ce passage confirme que le « caractère distinctif » s'apprécie à la date de l'introduction de l'action en radiation. On peut donc considérer que la marque qui n'est pas distinctive à la date de son enregistrement l'est devenue par la suite en raison de l'usage qu'en a fait son propriétaire.

[57]       Ainsi, même si les défendeurs étaient en mesure de démontrer que les marques de commerce Hillfiger n'étaient pas distinctives à la date de leur enregistrement, il leur faudrait quand même démontrer soit que les marques de commerce n'étaient toujours pas distinctives lors de l'introduction de l'action, soit qu'elles ont perdu leur caractère distinctif.

[58]       Le caractère distinctif est une question de fait. La question à se poser est celle de savoir si l'on a bien indiqué au public que les marchandises auxquelles la marque de commerce est associée et est utilisée sont les marchandises du propriétaire de la marque de commerce et non celles de quelqu'un d'autre (White Consolidated Industries, Inc. c. Beam of Canada Inc. (1991), 39 C.P.R. (3d) 94, aux pages 109 à 111 (C.F. 1re inst.)).


[59]       La question de savoir si une marque de commerce est distinctive ou non ne peut être résolue qu'en examinant l'ensemble des circonstances de l'espèce (Fox, précité, à la page 27) :

[TRADUCTION] Lorsque l'on examine le caractère distinctif d'une marque de commerce, il ne convient pas de la « disséquer » et d'en examiner les éléments constitutifs. C'est la combinaison des éléments qui compose une marque de commerce et qui lui confère son caractère distinctif, et c'est l'effet de la marque de commerce dans son ensemble - la totalité - plutôt qu'un élément particulier de cette marque qu'il faut considérer.

B.        Observations des parties

i)          Demanderesses

[60]       Les demanderesses soutiennent qu'il incombe aux défendeurs d'établir que les marques de commerce étaient invalides :

a)         à la date de l'enregistrement, si les défendeurs prétendent que les marques de commerce n'étaient pas enregistrables;

b)         ou à la date de l'introduction de la demande reconventionnelle, si les défendeurs prétendent que les marques de commerce ne sont pas distinctives.

[61]       Les demanderesses soutiennent que le caractère distinctif d'une marque de commerce s'apprécient en fonction des circonstances de l'espèce. Elles citent l'arrêt John Labatt Ltd. et autres c. Brasserie Molson, société en nom collectif, (2000), 5 C.P.R. (4th) 180, à la page 203, de la Cour d'appel fédérale, pour établir que l'emploi exclusif d'une marque de commerce peut constituer une preuve convaincante de son caractère distinctif, mais que l'utilisation exclusive n'est pas exigée pour établir le caractère distinctif.


[62]       Elles concluent que les défendeurs n'ont soumis aucune preuve pour démontrer de façon péremptoire que les marques de commerce Tommy Hilfiger ne sont pas distinctives ou qu'elles ont perdu leur caractère distinctif.

ii)        Défendeurs

[63]       Les défendeurs affirment que les marques de commerce Hilfiger ont perdu leur caractère distinctif et qu'elles devraient par conséquent être radiées. Ils rappellent que la perte de caractère distinctif d'une marque de commerce est attribuable à de multiples causes : perte de spécificité, présence d'usagers multiples, changement d'origine du produit et utilisation fonctionnelle ou décorative (Heintzman v. 751056 Ontario Ltd. (1990), 34 C.P.R. (3d) 1 (C.F. 1re inst.) et Santana Jeans Ltd. c. Manager Clothing Inc. (1993), 52 C.P.R. (3d) 472) (C.F. 1re inst.)).

[64]       Je crois qu'on peut résumer comme suit les faits pertinents relatifs à la perte de caractère distinctif. Une première licence a été accordée à THC par THI en 1990 (la licence géographique). Puis, en 1992, THI a cédé ses droits à THLI. À la suite de ce transfert, THLI est devenue propriétaire de tous les droits de propriété intellectuelle et de toutes les licences auparavant détenues par THI. En 1994, THI a fusionné avec THUSA. En 1995, THLI a modifié sa licence avec THC (la licence canadienne de vente au détail). Après la restructuration de THC en janvier 2001, la licence canadienne de vente au détail a été transférée à une nouvelle division de THC appelée THC Retail.


[65]       Avant de passer à l'analyse du caractère distinctif, il est important de comprendre la nécessité de faire une nette distinction entre un transfert et une licence. Cette distinction est évidente à la lecture des articles 48 et 50 de la Loi. En conséquence, une licence ne confère aucun droit de propriété sur le bien qui fait l'objet de la licence. Il s'agit simplement du droit d'utiliser le bien de quelqu'un d'autre pour une période déterminée et ce, à certaines conditions. En revanche, un transfert se définit comme la cession de la totalité ou d'une partie des droits et des intérêts de l'ancien propriétaire au nouveau propriétaire.

a)         Transfert

[66]       En l'espèce, deux transferts se sont produits. Le premier a eu lieu en 1992 entre THI et THLI et le second s'est produit en 2001 entre THC et THC Retail. Le transfert de 1992 a été confirmé en 1993 en ce qui concerne les marques de commerce canadiennes Tommy Hilfiger et leur achalandage.

- Transfert de THC à THC Retail (2001)


[67]       Les défendeurs soutiennent qu'à la suite de la restructuration de THC de janvier 2001 au cours de laquelle des éléments de l'entreprise de THC ont été transférés à THC Retail et à THC Sales, aucune des marques de commerce en litige n'était, au moment de l'introduction de l'instance, distinctive des marchandises des demanderesses. En d'autres termes, les défendeurs soutiennent que, parce qu'il était « absolu » , le transfert a fait perdre leur caractère distinctif aux marques. Les défendeurs expliquent que, par suite du transfert, il était impossible de savoir qui était le propriétaire des marques de commerce. L'article 48 de la Loi est ainsi libellé :


TRANSFERT

Une marque de commerce est transférable

48. (1) Une marque de commerce, déposée ou non, est transférable et est réputée avoir toujours été transférable, soit à l'égard de l'achalandage de l'entreprise, soit isolément, et soit à l'égard de la totalité, soit à l'égard de quelques-uns des services ou marchandises en liaison avec lesquels elle a été employée.

TRANSFER

Trade-mark transferable

48. (1) A trade-mark, whether registered or unregistered, is transferable, and deemed always to have been transferable, either in connexion with or separately from the goodwill of the business and in respect of either all or some of the wares or services in association with which it has been used.

Dans le cas de deux ou plusieurs personnes intéressées

(2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'empêcher qu'une marque de commerce soit considérée comme n'étant pas distinctive si, par suite de son transfert, il subsistait des droits, chez deux ou plusieurs personnes, à l'emploi de marques de commerce créant de la confusion et si ces droits ont été exercés par ces personnes.

Where two or more persons interested

(2) Nothing in subsection (1) prevents a trade-mark from being held not to be distinctive if as a result of a transfer thereof there subsisted rights in two or more persons to the use of confusing trade-marks and the rights were exercised by those persons.


[68]       J'admets qu'il est possible que, par suite d'un transfert, le droit d'utiliser une marque de commerce puisse continuer à être exercé par deux ou plusieurs personnes, créant ainsi de la confusion au sujet de la source du produit. Une telle confusion peut avoir pour effet de nuire au caractère distinctif d'une marque de commerce.


[69]       Dans le cas qui nous occupe, je ne suis pas d'accord avec la thèse des défendeurs pour la raison suivante. Le transfert n'a pas été opéré entre des compagnies qui n'avaient absolument aucun lien. Ces compagnies sont toutes des filiales de TH Corp. Ce transfert a eu lieu à la suite de la restructuration de THC. La compagnie à laquelle la licence a été transférée est encore une compagnie Tommy Hilfiger. Je ne puis donc conclure que le transfert était susceptible de créer de la confusion quant à la provenance des marchandises ou qu'il en a effectivement créé.

[70]       Je suis d'avis que le transfert qui a eu lieu de THC à THC Retail n'a pas fait perdre leur caractère distinctif aux marques. Pour qu'une marque perde son caractère distinctif, il faut que le transfert crée de la confusion dans l'esprit du consommateur en ce qui a trait à l'origine du produit. Or, en l'espèce, la source des marchandises est Tommy Hilfiger et, parce que le transfert a été opéré en faveur d'une filiale de Tommy Hilfiger, je ne crois pas que de la confusion aurait été créée dans l'esprit d'un consommateur au sujet de l'origine des marchandises. En outre, les défendeurs n'ont pas présenté d'éléments de preuve pour établir que de la confusion avait été créée en ce qui concerne la source du produit.

- Transfert de THI à THLI (1992)

[71]       Les défendeurs affirment également que, parce que la cession effectuée en 1992 en faveur de THLI n'a pas eu pour effet de transférer l'achalandage, ce transfert n'était pas valide (paragraphe 106 du mémoire des défendeurs).


[72]       Pour être valide, il n'est pas nécessaire que le transfert englobe l'achalandage. Historiquement, en common law, le transfert d'une marque de commerce emportait transfert de l'achalandage de l'entreprise à l'égard de laquelle la marque avait été employée, étant donné qu'une marque de commerce n'était pas autonome (Richard, Hugues G., précité, à la page 48-2, citant Lacteosote Ltd.c. Alberman, (1927), 44 R.P.C. 211, Clauson J. (H.C.J. - Div. Ch.), à la page 222). Comme la fonction d'une marque de commerce est d'indiquer la source ou l'origine des marchandises auxquelles elle se rapporte, la simple cession d'une marque de commerce sans rapport avec une entreprise était interdite et était réputée d'affaiblir son caractère distinctif (Dubiner c. Cheerio Toys and Games Ltd., [1965] 1 R.C. de l'Éch. 524, à la page 539). Toutefois, depuis l'entrée en vigueur de la loi actuelle, une cession peut être valide même si l'achalandage n'est pas transféré (paragraphe 48(1) de la Loi).

b)         Octroi de licences

[73]       L'article 50 de la Loi prévoit que le titulaire d'une marque de commerce peut autoriser une autre personne à utiliser sa marque de commerce et ce, sans que cette utilisation porte atteinte au caractère distinctif de la marque de commerce, à condition que l'autre personne ait obtenu une licence conformément à cet article. L'emploi faisant ainsi l'objet d'une licence est réputé être le fait du propriétaire de la marque.

[74]       L'article 50 est ainsi libellé :



LICENCES

Licence d'emploi d'une marque de commerce

50. (1) Pour l'application de la présente loi, si une licence d'emploi d'une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l'emploi, la publicité ou l'exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial -- ou partie de ceux-ci -- ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s'il s'agissait de ceux du propriétaire.

LICENCES

Licence to use trade-mark

50. (1) For the purposes of this Act, if an entity is licensed by or with the authority of the owner of a trade-mark to use the trade-mark in a country and the owner has, under the licence, direct or indirect control of the character or quality of the wares or services, then the use, advertisement or display of the trade-mark in that country as or in a trade-mark, trade-name or otherwise by that entity has, and is deemed always to have had, the same effect as such a use, advertisement or display of the trade-mark in that country by the owner.

Licence d'emploi d'une marque de commerce

(2) Pour l'application de la présente loi, dans la mesure où un avis public a été donné quant à l'identité du propriétaire et au fait que l'emploi d'une marque de commerce fait l'objet d'une licence, cet emploi est réputé, sauf preuve contraire, avoir fait l'objet d'une licence du propriétaire, et le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des marchandises et services est réputé, sauf preuve contraire, être celui du propriétaire.

Idem

(2) For the purposes of this Act, to the extent that public notice is given of the fact that the use of a trade-mark is a licensed use and of the identity of the owner, it shall be presumed, unless the contrary is proven, that the use is licensed by the owner of the trade-mark and the character or quality of the wares or services is under the control of the owner.

Action par le propriétaire

(3) Sous réserve de tout accord encore valide entre lui et le propriétaire d'une marque de commerce, le licencié peut requérir le propriétaire d'intenter des procédures pour usurpation de la marque et, si celui-ci refuse ou néglige de le faire dans les deux mois suivant cette réquisition, il peut intenter ces procédures en son propre nom comme s'il était propriétaire, faisant du propriétaire un défendeur.

Owner may be required to take proceedings

(3) Subject to any agreement subsisting between an owner of a trade-mark and a licensee of the trade-mark, the licensee may call on the owner to take proceedings for infringement thereof, and, if the owner refuses or neglects to do so within two months after being so called on, the licensee may institute proceedings for infringement in the licensee's own name as if the licensee were the owner, making the owner a defendant.


[75]       Cet article exige que deux conditions soient réunies pour que l'emploi, la publicité et l'exposition de la marque par le titulaire de la licence soient réputés avoir le même effet que s'il s'agissait de ceux du propriétaire. Ces deux conditions sont les suivantes : (1) l'existence d'une licence; (2) l'existence d'un certain contrôle sur la nature et la qualité des marchandises.


[76]       En l'espèce, il y a une licence qui présente un intérêt marqué. Il s'agit de la licence que THI a accordée à THC en 1990 (la licence géographique) et que THLI a par la suite modifiée en 1995 (la licence canadienne de vente au détail). Les défendeurs font valoir qu'il ressort des éléments de preuve relatifs à la licence géographique que THI a uniquement autorisé THC à utiliser une marque de commerce qui n'était pas enregistrée, en l'occurrence les marques de commerce TOMMY HILFIGER. Les défendeurs font valoir que l'utilisation par THC d'autres marques de commerce Tommy Hilfiger sans autorisation donnée en bonne et due forme a fait perdre leur caractère distinctif aux marques de commerce Tommy Hilfiger, parce qu'elle a induit le public en erreur en ce qui a trait à la source des produits (paragraphe 106 du mémoire des défendeurs).

[77]       En réponse, les demanderesses affirment qu'elles utilisent la forme abrégée TOMMY HILFIGER pour désigner les marques de commerce afin d'englober toutes les marques de commerce Tommy Hilfiger. Les demanderesses soutiennent que leur intention n'était pas d'empêcher le titulaire de la licence d'utiliser les marques de commerce.


[78]       Sur le premier point, je dois dire que je favorise la thèse des demanderesses. Je trouve logique leur explication que la forme abrégée TOMMY HILFIGER englobait toutes les marques Tommy Hilfiger déposées qui existaient à ce temps-là. À la date de l'octroi de la licence, aucune marque de commerce n'avait été enregistrée pour le nom TOMMY HILFIGER. Il est donc raisonnable de croire que les demanderesses utilisaient cette forme abrégée pour simplifier l'octroi de licences. Parce que le nom TOMMY HILFIGER a été enregistré comme marque de commerce en 1994, on peut raisonnablement en déduire que la définition de la marque de commerce à l'article 1.3 de la licence géographique a dû être modifiée et être élargie en 1995 pour empêcher toute erreur d'interprétation de la licence géographique.

[79]       Sur la seconde question, je ne crois pas que de la confusion pourrait être créée dans l'esprit du public au sujet de la source ou de l'origine des marchandises. De toute évidence, THI, THLI et THC sont toutes des filiales de TH Corp. L'origine des marchandises ne pourrait créer de la confusion aux yeux du client moyen. Il importe peu de savoir quelle filiale a accordé la licence et quelle filiale s'est vue octroyer la licence. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'un produit Tommy Hilfiger qui est contrôlé, vendu et annoncé par une compagnie Tommy Hilfiger.

[80]       Les défendeurs soutiennent, au paragraphe 106 de leur mémoire, que parce que THLI ne fabrique pas les biens en question, cela fait obstacle à l'enregistrement. Plus loin, aux paragraphes 114 à 118, les défendeurs expliquent que le contrôle de la qualité qui est effectué pour le compte du propriétaire THLI par sa société mère est insuffisant pour satisfaire aux exigences de l'article 50 de la Loi en matière de contrôle de la qualité. Le contrôle de la qualité constitue l'aspect le plus important lorsqu'il s'agit de délivrance de licences. Or, l'article en question est muet sur la façon dont le contrôle de la qualité doit être effectué. Il nous faut donc examiner la procédure qui a été suivie en l'espèce pour assurer le contrôle de la qualité.


[81]       THUSA a signé avec THLI en 1992 une entente de service (pièce P-15, à la page 2) dans laquelle elle s'est engagée à ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...]          

(v)           Coordonner la conception et l'exécution des produits faisant l'objet de la licence.

(vi)          Examiner des échantillons de produits faisant l'objet de la licence avant leur fabrication et de façon périodique au cours de leur fabrication pour assurer l'intégrité et la qualité du produit.

(vii)         Planifier et coordonner la construction de salles consacrées exclusivement à l'exposition de produits Tommy Hilfiger.

(viii)        Coordonner le lancement des produits.

(ix)           Planifier et exécuter des projets et programmes de publicité et de promotion [...]

[82]       Depuis la fusion de THI avec THUSA en 1994, les fonctions de THUSA n'ont pas changé. THLI contrôle effectivement l'intégrité et la qualité des marchandises. Même si le contrôle de la qualité est effectué par une autre filiale Tommy Hilfiger, il ne s'ensuit pas pour autant qu'il n'y a aucun contrôle de la qualité. Au contraire, dans le cas qui nous occupe, THLI a signé une entente de service pour assurer un contrôle de la qualité. Comme ce contrôle est balisé par certaines lignes directrices, je conclus sans hésiter que THLI contrôle effectivement la qualité du produit même si elle ne fabrique pas les marchandises. La délégation de cette obligation ne porte pas un coup fatal à la licence et à l'enregistrement.


[83]       Dans le jugement Mister Transmission (International) Limited c. Registraire des marques de commerce, [1979] 1 C.F. 787 (C.F. 1re inst.), le juge Thurlow a mentionné que l'utilisation par le propriétaire enregistré (devenu par la suite un licencié) a le même effet que l'utilisation par le propriétaire. Il a toutefois précisé qu'il ne s'ensuivait pas que le propriétaire devait être réputé se livrer à la fabrication, à la vente ou à la location des marchandises ou à la prestation des services en liaison avec lesquels la marque de commerce est utilisée.

c)         Conclusion

[84]       En l'espèce, les défendeurs n'ont pas prouvé que les marques de commerce n'étaient pas distinctives au moment de l'introduction de l'instance. Il ressort de la preuve que les marques de commerce des demanderesses sont distinctives. Le dessin du drapeau fait partie intégrante de toute la publicité entourant la marque Tommy Hilfiger (interrogatoire d'Allan Abramowicz, 24 novembre 2003, pages 116 à 118). Dès le milieu de l'année 2001, le logo Hilfiger avait acquis une notoriété suffisante au Canada en liaison avec des vêtements pour que l'utilisation de ce logo ou de présumées variantes de ce logo en liaison avec des vêtements puisse susciter des doutes statistiquement appréciables parmi les acheteurs quant à la question de savoir si ces vêtements étaient fabriqués par Tommy Hilfiger ou s'ils étaient visés par une licence (affidavit de Mme Corbin et son interrogatoire du 25 novembre 2003).


[85]       Je souscris donc à la décision United Stated District Court in Tommy Hilfiger Licensing, Inc. c. Goody's Family Clothing, Inc., 2003 U.S. Dist. LEXIS 8788, à la page 21 (recueil des sources citées, vol. 1, onglet B-14.) dans laquelle il a été jugé que les marques Hilfiger sont des marques vraisemblablement fortes.

[86]       Ceci étant dit, je conclus que les moyens d'invalidité tirés de l'article 18 de la Loi sont mal fondés.

Deuxième question : Violation de l'article 19 de la Loi

[87]       L'article 19 de la Loi porte :


19. Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l'enregistrement d'une marque de commerce à l'égard de marchandises ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l'emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces marchandises ou services.

19. Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trade-mark in respect of any wares or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trade-mark the exclusive right to the use throughout Canada of the trade-mark in respect of those wares or services.


[88]       L'article 19 s'applique dans une action où il est établi qu'une personne autre que le propriétaire enregistré ou son licencié emploie la marque de commerce enregistrée à l'égard de l'un ou l'autre des produits ou des services visés par l'enregistrement de la marque de commerce. En d'autres termes, l'emploi non autorisé par le défendeur d'une marque de commerce identique enregistrée par le demandeur en liaison avec des marchandises ou des services identiques constitue une contrefaçon, à condition que le défendeur emploie son dessin à titre de marque de commerce au sens de l'article 2.


[89]       Je vais examiner la question de l' « utilisation à titre de marque de commerce » (qui est également un élément à prouver dans le cas de la violation prévue à l'article 20) et je vais ensuite passer à la question de savoir si le logo « Explore Canada » est identique à la marque LMC 095. Aux termes de l'article 2, une marque de commerce est « une marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d'autres » . Dans l'arrêt Tommy Hilfiger Licensing, Inc. c. International Clothiers Inc. [2005] 1 R.C.F. 1487, 2004 CAF 252, la Cour d'appel fédérale a réitéré le principe que, pour décider si une marque a été employée à titre de marque de commerce, l'intention de l'usager ou la reconnaissance du public sont suffisants pour démontrer cet emploi. La Cour a poursuivi en déclarant, au paragraphe 44, que le constat de confusion du juge de première instance en vertu du paragraphe 6(5) signifiait que le dessin de l'intimée serait considéré par le public comme une indication que les marchandises associées au dessin étaient celles des appelantes. En l'espèce, j'en viens à la conclusion qu'il existe une confusion entre le logo « Explore Canada » et les marques de commerce Hilfger, ainsi qu'il est expliqué plus en détail dans la partie du présent jugement portant sur la violation de l'article 20. Je suis donc justifié de conclure, à la lumière de l'arrêt International Clothiers, que les défendeurs ont effectivement utilisé le logo « Explore Canada » à titre de marque de commerce.


[90]       Je passe maintenant à la question de savoir si le logo « Explore Canada » est identique à l'une ou l'autre des marques de commerce Hilfiger. La seule marque de commerce en litige en l'espèce est la marque LMC 095, un fait que les demanderesses reconnaissent elles-mêmes. Suivant les demanderesses, le logo « Explore Canada » est identique à la marque LMC 095 car le logo englobe cette dernière : la combinaison de couleurs est la même et l'agencement spatial des blocs de couleurs est identique. Les demanderesses soutiennent que Produits de Qualité s'est contentée d'ajouter à la marque LMC 095 les mots « Explore Canada » ou des mots génériques et une feuille d'érable commune ou d'autres symboles courants. Étant donné que Produits de Qualité emploie le logo « Explore Canada » sur des chemises et des sacs, qui sont les marchandises visées par l'enregistrement LMC 095, les demanderesses soutiennent que Produits de Qualité contrefait par conséquent la marque de commerce LMC 095.

[91]       J'en arrive à la conclusion que le logo « Explore Canada » n'est pas identique à la marque LMC 095. Celle-ci n'arbore pas les mots « Explore Canada » ou le nom d'une ville ou d'une province et ne comporte pas en son milieu de symbole d'une feuille d'érable ou d'autres illustrations. Je réponds à l'argument des demanderesses en rappelant que le principe fondamental de l'ajout implique un changement, même mineur, entre le produit original et le nouveau produit. Or, le produit auquel on a ajouté quelque chose ne saurait être considéré comme identique au premier produit.

[92]       En conséquence, je conclus qu'il n'y a pas eu violation de l'article 19.


Troisième question : Violation de l'article 20 de la Loi

[93]       L'article 20 de la Loi dispose :


20(1) Le droit du propriétaire d'une marque de commerce déposée à l'emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne non admise à l'employer selon la présente loi et qui vend, distribue ou annonce des marchandises ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion. Toutefois, aucun enregistrement d'une marque de commerce ne peut empêcher une personne :

20(1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use shall be deemed to be infringed by a person not entitled to its use under this Act who sells, distributes or advertises wares or services in association with a confusing trade-mark or trade-name, but no registration of a trade-mark prevents a person from making

a) d'utiliser de bonne foi son nom personnel comme nom commercial;

(a) any bona fide use of his personal name as a trade-name, or

b) d'employer de bonne foi, autrement qu'à titre de marque de commerce :

(b) any bona fide use, other than as a trade-mark,

(i) soit le nom géographique de son siège d'affaires,

(i) of the geographical name of his place of business, or

(ii) soit toute description exacte du genre ou de la qualité de ses marchandises ou services,

d'une manière non susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à la marque de commerce.

(ii) of any accurate description of the character or quality of his wares or services,

in such a manner as is not likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching to the trade-mark.


[94]       Pour que l'article 20 s'applique, il faut que le logo « Explore Canada » utilisé par les défendeurs à titre de marque de commerce sans la permission des demanderesses ait créé de la confusion avec la marque déposée. Je vais maintenant analyser chacun des éléments constitutifs de la contrefaçon.


[95]       Premièrement, j'ai déjà conclu, dans mon analyse de la violation de l'article 19, que les défendeurs ont employé le logo « Explore Canada » à titre de marque de commerce au sens de l'article 2, c'est-à-dire qu'ils ont employé le logo « pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises [...] des marchandises [...] vendues [...] par d'autres » . En deuxième lieu, il est acquis aux débats qu'il y a eu vente de produits arborant le logo « Explore Canada » , ce qui constitue un emploi au sens de l'article 4. Troisièmement, il est indubitable que toutes les marques de commerce Hilfiger en litige étaient enregistrées. Quatrièmement, il est également acquis aux débats que les demanderesses n'ont pas autorisé les défendeurs à utiliser les marques de commerce Hilfiger.

[96]       Je passe maintenant au dernier élément dont l'existence doit être établie pour qu'on puisse conclure à la violation de l'article 20 : l'emploi du logo « Explore Canada » crée-t-il de la confusion avec les marques de commerce Hilfiger? Aux termes du paragraphe 20(1), il y a violation lorsqu'il y a utilisation d'une « marque de commerce créant de la confusion » . Dans le jugement Tommy Hilfiger Licensing, Inc. c. International Clothiers Inc., 2003 CF 1087 (C.F. 1re inst.) au paragraphe 42, le juge Mackay définit bien le concept de la confusion et de la preuve qu'il faut en faire :

Selon la Loi, l'emploi d'une marque de commerce crée de la « confusion » avec une autre lorsque cet emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées ou vendues par la même personne, que ces marchandises soient ou non de la même catégorie générale (voir le paragraphe 6(2)). Pour trancher cette question, la Cour doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles qui sont mentionnées aux alinéas a) à e) du paragraphe 6(5).

[97]       Le paragraphe 6(5) est ainsi libellé :



6.(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

6.(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.


[98]       Avant de passer à l'analyse des facteurs énumérés au paragraphe 6(5), j'aimerais rappeler ce qu'est le critère de la confusion. J'emprunte les propos tenus par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Polo Ralph Lauren Corp. c.United States Polo Assn. (2000), 9 C.P.R. (4th) 51, au paragraphe 18 :

[...] la Cour doit se mettre à la place d'une personne ordinaire qui est familière avec la marque antérieure mais qui n'en a qu'un vague souvenir; la question à se poser est de savoir si un consommateur ordinaire, au vu de la marque postérieure, aura comme première impression que les marchandises avec lesquelles la seconde marque est employée sont en quelque façon associées à celles de la marque antérieure.

Il y a par ailleurs lieu de signaler qu'il n'est pas nécessaire de prouver que de la confusion a effectivement été créée dans l'esprit des consommateurs; il suffit de démontrer qu'il existe un risque de confusion.

[99]       Quant aux facteurs énumérés au paragraphe 6(5), voici mon analyse et mes conclusions. Sauf indication contraire explicite, l'analyse des cinq critères permettant de conclure à une confusion vaut, en l'espèce, pour chacune des marques de commerce Hilfiger.


Alinéa 6(5)a) : Caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux et mesure dans laquelle ils sont devenus connus

[100]     Le premier facteur a trait à la force des marques. Le caractère distinctif inhérent d'une marque de commerce tient à son originalité. Dans le jugement ITV Technologies, Inc. c. WIC Television Ltd. (2003), 29 C.P.R. (4th) 182 (C.F. 1re inst.), la juge Tremblay-Lamer déclare :

Le caractère distinctif inhérent d'une marque est assimilable à son originalité. Le caractère distinctif inhérent d'une marque constituée d'un nom unique ou inventé, ne pouvant désigner qu'une chose, est supérieur à celui d'une marque constituée d'un mot d'usage courant dans le commerce.           [Non souligné dans l'original.]

[101]     Un dessin original possède un caractère distinctif inhérent et est considéré comme une marque forte, ainsi que le tribunal l'a expliqué dans l'arrêt Cochrane-Dunlop Hardware Ltd. c. Capital Diversified Industries Ltd. (1976), 30 C.P.R. (2d) 176 (C.A. Ont.), au paragraphe 18 :

[TRADUCTION] Il est de jurisprudence constante qu'une marque de commerce composée d'un nom inventif saisissant ou d'un dessin original est en soi distinctive, et qu'on la considère comme une marque forte. En tant que telle, elle a droit à une protection d'une grande portée. Il en est particulièrement ainsi si elle est devenue bien connue à force d'usage. D'autre part, si une marque manque de ces qualités exceptionnelles dans sa conception ou dans sa formulation, elle est, fondamentalement, moins distinctive, et on la considère comme une marque plus faible. La portée de la protection offerte à une marque faible est beaucoup inférieure à celle prévue pour une marque forte, et l'enregistrement d'autres marques contenant des différences relativement faibles peut être autorisé. (Non souligné dans l'original.)


[102]     Je suis convaincu que le dessin du drapeau Hilfiger possède un caractère distinctif inhérent car il ne décrit pas la gamme de vêtements ou les autres produits qu'il désigne : il est plutôt constitué d'une combinaison arbitraire et d'un agencement spatial de blocs de couleurs, ce qui, à première vue, fait du dessin du drapeau Hilfiger une marque forte. Le logo « Explore Canada » possède un caractère distinctif inhérent pour les mêmes raisons que le dessin du drapeau Hilfiger, car les deux présentent une forme et des couleurs fort semblables.

[103]     Quant à la mesure dans laquelle les deux marques de commerce sont devenues connues, ce qu'on appelle aussi le critère du « caractère distinctif acquis » , ce caractère distinctif s'acquiert par l'usage qui est fait de la marque sur le marché. Il faut démontrer qu'il est devenu notoire que la marque de commerce provient d'une source déterminée.


[104]     Les marques de commerce Hilfiger ont acquis un caractère distinctif marqué grâce aux vastes campagnes de publicité et de promotion dont elles ont fait l'objet. En 1996, année où le logo « Explore Canada » a été créé et utilisé, les marques de commerce Hilfiger étaient déjà bien connues. Les chiffres de vente pour les produits Hilfiger au Canada au cours des années quatre-vingt-dix et au début de notre siècle sont un indice du succès qu'ont connu les marques de commerce : en 1992 : huit millions de dollars, en 1996 : 25 millions de dollars, en 2001 : 125 millions de dollars. Le logo « Explore Canada » a été employé au Canada et est par conséquent devenu connu, mais pas dans la même mesure que les marques de commerce Hilfiger. Il suffit de considérer qu'aucune publicité grand public ou vaste campagne de promotion n'a été lancée pour les produits « Explore Canada » , qui n'ont été annoncés que dans des catalogues distribués à des acheteurs de détail et à l'occasion de salons semi-annuels de cadeaux. Les chiffres de vente des produits « Explore Canada » - environ deux millions de dollars entre la création du logo « Explore Canada » et 2001 - peuvent également être comparés avec ceux des produits Hilfiger. Je conclus que le critère du caractère distinctif favorise les demanderesses.

Alinéa 6(5)b) : Période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage

[105]     La période pendant laquelle une marque de commerce a été en usage est le facteur suivant dont on tient compte pour décider s'il y a eu confusion. Ainsi que la juge Tremblay-Lamer l'explique dans le jugement ITV Technologies, précité, au paragraphe 135 :

La période pendant laquelle la marque a été en usage est un facteur propre à contribuer à la confusion du consommateur quant à l'origine des marchandises ou services. On peut présumer qu'une marque de commerce d'adoption ou d'enregistrement récents n'est pas généralement connue du public [Triple G. Manufacturing Inc. c. Work Wear Corp. (1990), 35 F.T.R. 193]. Inversement, la marque qui a été en usage pendant une longue durée est présumée avoir créé une certaine impression chez les consommateurs, impression à laquelle il faut accorder un certain poids (Pink Panther Beauty Corp., précité).

(Non souligné dans l'original.)


[106]     Au début des années quatre-vingt-dix, THC a commencé à vendre des marchandises portant la marque LMC 827, des marchandises arborant LMC 095 et LMC 291 en 1993, 1994 et 1995 (témoignage de MM. Green et Abramowitz) et les deux autres marques de commerce LMC 283 et 082 en 1997. Produits de Qualité a commencé à offrir en vente et à vendre ses produits « Explore Canada » au Canada en 1996. Ce facteur favorise nettement les demanderesses dans le cas des marques LMC 827, LMC 095 et LMC 291 et le même facteur favorise les défendeurs pour ce qui est des marques LMC 283 et LMC 082, étant donné que les défendeurs ont commencé à employer leur logo « Explore Canada » avant l'enregistrement de ces marques de commerce.

Alinéa 6(5)c) : Genre de marchandises, services ou entreprise

[107]     Il n'est pas nécessaire de conclure que l'entreprise des demanderesses et de Produits de Qualité se chevauchent effectivement pour pouvoir conclure à un risque de confusion. Le paragraphe 6(2) précise qu'il peut y avoir confusion que les marchandises « soient ou non de la même catégorie générale » , La Cour d'appel fédérale explique ce qui suit dans l'arrêt Miss Universe, Inc. c. Bohna, [1995] 1 C.F. 614, (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.), au paragraphe 14 :

Pour que l'on conclut à la vraisemblance de la confusion, il n'est pas nécessaire que les parties exercent dans le même domaine ou la même industrie, ni que les services soient du même genre ou de la même qualité. Les marques de commerce utilisées en liaison avec des marchandises et des services d'une certaine qualité, destinés à une catégorie d'acheteurs, peuvent causer de la confusion avec les marques de commerce désignant des marchandises et des services d'un genre ou d'une qualité différents, destinés à une catégorie différente d'acheteurs.


[108]     La marque de commerce LMC 827 concerne des vêtements pour hommes, à savoir des pantalons, vestes, shorts, complets, chandails, pantalons d'entraînement, shorts d'entraînement, maillots de bain, peignoirs, manteaux, vestons, imperméables et gilet de corps. La marque de commerce LMC 095 vise notamment des vêtements pour hommes et des vêtements pour femmes, à savoir des chemises, pantalons, vestes, chandails, shorts, ceintures, gilets, vestes de sport, manteaux, imperméables et parkas. La marque de commerce 291 concerne des blazers, manteaux, vestes, jeans, paletots, pantalons, parkas, chemises, shorts, vestes de sport, chandails, chandails à col roulé, gilets, maillots de bain, casquettes, chaussettes, complets, pantalons d'entraînement, sweatshirts, cravates, gilets de corps et sous-vêtements. Produits de Qualité a, en liaison avec le logo « Explore Canada » , offert en vente et vendu des biens de consommation non durable, à savoir des t-shirts, polos de golf, sweatshirts, casquettes, toques, foulards, serre-tête, vêtement d'extérieur (c.-à-d. des vestes de ski), sacs à dos, sacoches de ceinture, sacs de forme polochon et sacs à provisions, ainsi que des biens de consommation durable, à savoir des tasses à café, stylos à bille, porte-clés, plaques d'immatriculation, cartes à jouer, aimants, rondelles de hockey, épinglettes, dessous de verre, cendriers, chopes, petits verres et dés à coudre. En résumé, il y a un chevauchement évident de marchandises - t-shirts, polos de golf, sweatshirts et vêtements d'extérieur - entre les marques de commerce 827, 095 et 291 de Hilfiger et le logo « Explore Canada » .

[109]     Il y a lieu de signaler que, malgré le fait que THC distribue et vend des articles promotionnels tels que des tasses à café, des stylos à bille et des porte-clés, l'enregistrement des marques de commerce ne couvre pas ces marchandises. Par conséquent, malgré le chevauchement de la vente des tasses à café, des stylos à bille et des porte-clés des deux parties, on ne peut tenir compte de ce chevauchement en faveur des demanderesses.


[110]     Quant aux marchandises associées à la marque LMC 283 (produits de beauté, produits de parfumerie; articles de toilette, crèmes à bronzer, bâtonnets à bronzer, savons et produits capillaires) et avec la marque LMC 082 (produits de beauté, produits de parfumerie, articles de toilette, bâtonnets à bronzer, savons et produits capillaires), elles ne sont pas semblables aux marchandises vendues en liaison avec le logo « Explore Canada » .

[111]     En conclusion, il y a un net chevauchement en ce qui concerne le genre de certains des produits Hilfiger qui sont utilisés en liaison avec les marques LMC 827, LMC 095 et LMC 291 en ce qui concerne les produits « Explore Canada » . Il s'ensuit que, pour ces trois marques de commerce, le critère relatif au genre des marchandises favorise les demanderesses.

Alinéa 6(5)d) : Nature du commerce


[112]     Les réseaux de distribution des marchandises ou des services constitue également un facteur dont il y a lieu de tenir compte pour analyser la confusion. Le risque de confusion est plus élevé lorsque les marchandises ou les services, bien que dissemblables, sont distribués dans le même type de magasins. Les produits Hilfiger sont vendus sur le marché haut de gamme composé de magasins à succursales multiples, de boutiques spécialisées, de boutiques hors taxes et d'autres grands magasins choisis en raison de leur image, de leur emplacement et de leur choix de marques. Les produits « Explore Canada » sont vendus chez de simples marchands de souvenirs pour touristes, des boutiques spécialisées comme United Cigar Stores et des boutiques hors taxes. Les marchandises des deux parties sont vendues partout au Canada et la nature de leur commerce se chevauche parce que leurs marchandises respectives sont vendues dans des boutiques hors taxes et des boutiques spécialisées. Ce facteur favorise les demanderesses.

Alinéa 6(5)e) : Degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[113]     Pour analyser le degré de ressemblance qui existe entre des marques de commerce en vue de décider si les marques de commerce créent de la confusion, la Cour doit les envisager dans leur totalité et elle ne doit pas les disséquer. Elle doit aussi se placer dans la situation du consommateur moyen qui connaît bien la marque la plus ancienne mais qui n'en a qu'un souvenir imparfait. Il est toutefois possible de s'attarder à des caractéristiques particulières d'une marque qui sont susceptibles d'influencer de façon déterminante la perception que le public en a.


[114]     Pour ce qui est de ce facteur, la marque LMC 291, c.-à-d. le nom TOMMY HILFIGER, n'est de toute évidence pas en jeu dans la présente instance, étant donné que cette marque de commerce est composée uniquement d'un nom, alors que le logo « Explore Canada » est constitué d'un rectangle sur lequel des couleurs et des mots ont été tracés. Pour ce qui est des marques LMC 827 et LMC 082, elles rappellent quelque peu le logo « Explore Canada » étant donné qu'elles sont constituées du même rectangle et du même agencement et espacement de couleurs. Cependant, les mots « TOMMY HILFIGER » et « EXPLORE CANADA » (ou d'autres désignations régionales), créent une nette distinction visuelle entre les deux marques de commerce Hilfiger et le logo « Explore Canada » . La principale marque de commerce Hilfiger en jeu pour ce qui est du degré de ressemblance visuelle avec le logo « Explore Canada » est la marque LMC 095, qui est constituée d'un rectangle contenant des couleurs mais aucun mot. Le logo « Explore Canada » présente exactement le même rectangle que la marque LMC 095 pour ce qui est des couleurs et de leur agencement. Les seuls éléments ajoutés au dessin des défendeurs sont la feuille d'érable ou d'autres symboles inscrits au centre du rectangle et les mots « Explore Canada » ou une désignation régionale inscrits dans la partie supérieure ou la partie inférieure du rectangle. Je conclus que le logo « Explore Canada » présente un degré élevé de ressemblance avec la marque LMC 095, spécialement si l'on applique le critère du « souvenir imparfait du consommateur » . Je ne vois pas comment les marques en litige en l'espèce pourraient véhiculer des idées qu'il faudrait comparer. En ce qui a trait à la marque LMC 095, le facteur relatif au degré de ressemblance favorise donc les demanderesses.

Circonstances de l'espèce

[115]     Outre les cinq facteurs énumérés au paragraphe 6(5), la Loi exige du tribunal qu'il tienne compte de toutes les circonstances de l'espèce. Dans le cas qui nous occupe, les demanderesses invoquent trois facteurs supplémentaires au soutien de leurs prétentions.


[116]     Elles affirment tout d'abord que le refus de Produits de Qualité de divulguer les résultats de l'avis juridique qu'elle a demandé en 1996 au sujet de l'emploi du logo « Explore Canada » permet d'inférer que cet avis portait que le logo était susceptible de porter atteinte aux marques de commerce Hilfiger. La seule décision juridictionnelle canadienne citée par les demanderesses sur cette question, l'arrêt Milliken & Co. c. Interface Flooring Systems (Canada) Inc. (2000), 5 C.P.R. (4th) 209 (C.A.F.), ne s'applique pas, car elle ne porte pas sur le secret professionnel dans le contexte d'un avis juridique demandé ou donné mais bien sur le défaut des demanderesses d'appeler le concepteur à témoigner au sujet de la date de la création du dessin. Je ne tire donc aucune inférence défavorable du fait que les défendeurs n'ont pas soumis en preuve les résultats de la demande de consultation juridique sur le privilège du secret professionnel de l'avocat.

[117]     Deuxièmement, les demanderesses citent un sondage réalisé par leur témoin expert, Ruth Corbin, dans un autre procès en contrefaçon impliquant Hilfiger. En 2001, on a montré à environ 300 personnes, dans quatre petits centres commerciaux situés un peu partout au Canada, une paire de jeans arborant un logo et une autre paire de jeans. L'objet de l'enquête était de déterminer dans quelle mesure les acheteurs percevaient que deux paires de jeans, arborant la griffe Boxer America sous différents dessins de logo, sont fabriqués par Tommy Hilfiger ou font l'objet d'une licence d'emploi par Tommy Hilfiger.


[118]     Je suis d'accord avec le témoin expert des défendeurs, Darrel Bricker, pour dire que, même si l'enquête de Boxer America respecte les règles fondamentales à suivre en matière de sondages réalisés auprès des consommateurs sur des questions concernant de façon générale les marques de commerce, cette enquête ne propose aucun résultat éclairant sur les questions à résoudre en l'espèce, sauf en ce qui concerne la preuve suivant laquelle, au milieu de 2001, le logo Hilfiger avait acquis une notoriété suffisante au Canada en liaison avec des vêtements pour que l'utilisation du logo ou de ce qui était perçu comme ses variantes en liaison avec des vêtements soit susceptible de créer une perception erronée suffisamment marquée chez les acheteurs pour que ceux-ci croient que ces vêtements étaient fabriqués par Tommy Hilfiger ou qu'ils faisaient l'objet d'une licence d'emploi par Tommy Hilfiger (affidavit de Mme Corbin et son interrogatoire du 25 novembre 2003). L'enquête ne ciblait pas les touristes, qui est la population visée en l'espèce, mais le public général d'acheteurs de vêtements ou de jeans à des endroits qui ne sont pas très fréquentés par les touristes. L'enquête ne se servait pas des produits des défendeurs pour établir une comparaison et se servait d'un genre de marchandises - des jeans - que Produits de Qualité ne vend même pas. Produits de Qualité vend des t-shirts, pas des jeans. Pour les motifs qui précèdent, il n'est pas possible d'accorder de valeur à ce sondage, à l'exception près susmentionnée.


[119]     Troisièmement, les demanderesses ont cité M. David Livingstone comme témoin expert. Les défendeurs n'étaient pas d'accord pour que ce témoin soit reconnu comme un expert. Après examen de son curriculum vitae, j'ai conclu que son témoignage pouvait être utile en l'espèce. Toutefois, lors de son contre-interrogatoire, il a été forcé d'admettre qu'il ignorait à quand remontait la création du dessin du drapeau de Hilfiger. Il ne disposait d'aucune donnée scientifique pour appuyer ses dires. Il ne savait pas quand la vente des vêtements Hilfiger avait commencé au Canada et à quel prix ils se vendaient. S'agissait de la culture hip-hop, il n'a cité aucune statistique, aucune donnée. Il en va de même pour la sensibilité du public au logo Hilfiger. Il n'a effectué aucune recherche avant de signer son affidavit. J'ai donc écarté en entier son témoignage parce que j'estime qu'il n'est ni probant, ni convaincant.

[120]     Les demanderesses n'ont pas présenté de preuve concrète de confusion. Nicola Bavaro, un des administrateurs de THC à Montréal, a bien fait allusion à un incident au cours duquel un client d'un magasin appelé Galaxi Blue s'était plaint des produits « Explore Canada » , mais comme M. Bavaro ne se rappelait pas le nom du propriétaire de la boutique Galaxi Blue et que ce magasin a depuis fermé ses portes, aucun poids ne peut être accordé à cet incident isolé et non corroboré.

Conclusion sur les risques de confusion

[121]     J'ai tenu compte des cinq facteurs énumérés au paragraphe 6(5) mais je conclus que, dans quatre cas, un facteur empêche nettement de conclure à l'existence d'un risque de confusion.


[122]     En raison de l'importante différence visuelle entre la marque LMC 291 et le logo « Explore Canada » (la marque LMC 291 est constituée uniquement d'un mot, et non d'un rectangle avec des couleurs), je ne puis conclure que le logo « Explore Canada » contrefait la marque LMC 291. J'en arrive à la même conclusion en ce qui a trait à la marque LMC 827 (un rectangle avec des couleurs et les mots « Tommy Hilfiger » ), bien que cette situation ne soit pas aussi tranchée que celle de la marque LMC 291. La marque LMC 827 présente une différence visuelle assez importante qui écarte tout risque de confusion dans l'esprit du consommateur : les mots « Tommy Hilfiger » sont de toute évidence fort différents des mots que l'on trouve sur les marchandises des défendeurs, c'est-à-dire les mots « Explore Canada » ou une autre désignation régionale.

[123]     En raison de la différence évidente qui existe en ce qui concerne la nature des marchandises enregistrées en liaison avec les marques LMC 283 et LMC 082 (produits de beauté, produits de parfumerie, articles de toilette, crèmes à bronzer, bâtonnets à bronzer, savons et produits capillaires dans les deux cas) par rapports aux marchandises vendues par Produits de Qualité (chemises, casquettes, toques, foulards, serre-tête, vêtements d'extérieur, sacs, tasses à café, stylos à bille, porte-clés, plaques d'immatriculation, cartes à jouer, aimants, rondelles de hockey, etc.), je conclus qu'il n'y a pas de risque de confusion entre les marques LMC 283 et LMC 082 et le logo « Explore Canada » que l'on trouve sur les articles vendus par Produits de Qualité.


[124]     Je passe maintenant à la dernière marque de commerce Hilfiger. J'estime que le logo « Explore Canada » crée effectivement un risque de confusion avec la marque LMC 095 de Hilfiger (rectangle avec couleurs sans les mots « Tommy Hilfiger » ). Pour ce qui est du premier élément de l'analyse de la confusion, la marque de commerce Hilfiger est une marque forte en raison de l'originalité de son dessin et du caractère distinctif qu'elle a acquis au cours des ans grâce à une publicité massive et des ventes substantielles. La marque LMC 095 a été enregistrée et a été employée pendant quelques années (en 1994) avant que Produits de Qualité ne commence à utiliser son logo « Explore Canada » (en 1996). Certaines des marchandises vendues par les deux parties en liaison avec leur marque respective sont exactement les mêmes (t-shirts, chandails, etc.). Il y a chevauchement de certains des magasins par l'entremise desquels les produits des deux parties sont vendus (par ex. les boutiques hors taxes et les boutiques spécialisées). Finalement, le degré de ressemblance visuelle est très élevé, car la seule différence entre la marque LMC 095 et le logo « Explore Canada » est l'ajout, dans ce dernier cas, des mots « Explore Canada » ou d'une variante régionale et de la feuille d'érable ou d'un autre symbole au centre du rectangle. À la lumière de ces cinq facteurs, je conclus que le logo « Explore Canada » risque de créer de la confusion avec la marque LMC 095 et qu'il contrevient par conséquent à l'article 20 de la Loi. En d'autres termes, je suis convaincu qu'un client qui se trouverait chez un marchand de souvenirs et qui verrait par exemple, en 1996, ou même maintenant, un t-shirt « Explore Canada » aurait comme première impression qu'il a affaire à un t-shirt Tommy Hilfiger offert à bon prix. En somme, le logo « Explore Canada » viole l'article 20 de la Loi car il risque de créer de la confusion avec la marque LMC 095.

Quatrième question : Diminution de la valeur de l'achalandage au sens de l'article 22 de la Loi

[125]     L'article 22 de la Loi porte :



22(1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à cette marque de commerce.

(2) Dans toute action concernant un emploi contraire au paragraphe (1), le tribunal peut refuser d'ordonner le recouvrement de dommages-intérêts ou de profits, et permettre au défendeur de continuer à vendre toutes marchandises revêtues de cette marque de commerce qui étaient en sa possession ou sous son contrôle lorsque avis lui a été donné que le propriétaire de la marque de commerce déposée se plaignait de cet emploi.

22(1) No person shall use a trade-mark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.

(2) In any action in respect of a use of a trade-mark contrary to subsection (1), the court may decline to order the recovery of damages or profits and may permit the defendant to continue to sell wares marked with the trade-mark that were in his possession or under his control at the time notice was given to him that the owner of the registered trade-mark complained of the use of the trade-mark.


[126]     Pour démontrer que son achalandage a subi une diminution de valeur, le demandeur doit démontrer que le défendeur a employé sa marque de commerce déposée au sens de l'article 4. Le demandeur doit ensuite établir que cet emploi est susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à sa marque de commerce. Ainsi que la Cour l'a déclaré dans les jugements Clairol International Corp. c. Thomas Supply & Equipment Co., [1968] 2 R.C. de l'Éch. 552 (C. de l'Éch.), au paragraphe 37, et Compagnie Générale des Établissements Michelin-Michelin & Cie c. Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada), [1997] 2 C.F. 306 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 31, il n'est pas nécessaire que la marque de commerce soit « employée comme une marque de commerce » au sens du paragraphe 2.

[127]     Il est incontestable que Produits de Qualité a employé une marque qui était semblable aux marques de commerce déposées des demanderesses et qui évoquait un lien dans l'esprit du public. La question à se poser est donc celle de savoir si cet emploi est susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché aux marques de commerce des demanderesses.


[128]     Comme la Cour l'a expliqué dans le jugement Clairol International Corp. au paragraphe 41, l'achalandage est la réputation édifiée par le propriétaire de la marque de commerce au prix de longues années de travail honnête ou de dépenses considérables, qui comporte l'avantage d'une association entre la marque de commerce et les marchandises ou services fournis par son propriétaire. Dans le jugement Kirkbi AG c. Ritvik Holdings Inc. (2002), 20 C.P.R. (4th) 224, à la page 258 (C.F. 1re inst.), la Cour a défini l'achalandage comme « l'avantage propre au bon nom, à la réputation et aux contacts d'une entreprise, la force d'attraction qui attire la clientèle et cet actif incorporel qui distingue une entreprise bien établie d'une autre à ses débuts » .

[129]     La diminution de la valeur de l'achalandage provient [TRADUCTION] « soit d'une réduction de l'estime que l'on porte à la marque de commerce elle-même, soit de la persuasion directe et de la séduction des clients qui pourraient être autrement des acheteurs éventuels ou des personnes continuant à acheter les marchandises portant la marque de commerce » (Clairol International Corp., précité, au paragraphe 42). Il n'est pas nécessaire de faire la preuve d'un risque de confusion pour prouver que la valeur de l'achalandage est susceptible de subir une diminution de valeur. Toutefois, le risque de confusion peut avoir pour effet d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage d'une marque déposée (ITV Technologies, précité, au paragraphe 195).


[130]     Les demanderesses font valoir que Produits de Qualité a essayé de profiter de la réputation établie de THLI, de sorte qu'une atteinte a été portée à l'exclusivité de l'association du dessin du drapeau de Hilfiger avec la marque de l'image Tommy Hilfiger. Les demanderesses affirment qu'il s'ensuit qu'il y a eu une baisse de l'estime que les clients qui connaissaient bien les marques de commerce du drapeau Hilfiger portaient à celles-ci.

[132]     J'accepte que les consommateurs feront probablement un lien dans leur esprit entre les produits « Explore Canada » et Hilfiger. Il ne suffit toutefois pas d'affirmer que cette association mentale réduira l'estime que les consommateurs portent aux marques de commerce Hilfiger. Le diminution de la valeur de l'achalandage attaché à une marque de commerce est un concept plutôt abstrait qui est parfois difficile à prouver. Certains éléments de preuve doivent être soumis au tribunal pour démontrer qu'il existe effectivement à tout le moins une probabilité qu'une impression défavorable subsiste dans l'esprit du consommateur, et quelle serait cette impression défavorable, à défaut de quoi certains éléments de preuve doivent être présentés pour démontrer qu'il existe une probabilité de persuasion directe et de séduction des clients qui pourraient être autrement des acheteurs éventuels ou des personnes continuant à acheter les marchandises portant la marque de commerce.


[132]     En l'espèce, on ne m'a pas présenté le moindre élément de preuve tendant à démontrer qu'il existe un risque de diminution de la valeur de l'achalandage attaché aux marques de commerce Hilfiger. Je conclus donc que l'emploi par les défendeurs du logo « Explore Canada » n'a pas entraîné une diminution de la valeur de l'achalandage attaché aux marques de commerce déposées Hilfiger, et j'estime qu'il n'y a pas eu violation de l'article 22.


Cinquième question : Imitation frauduleuse au sens de l'alinéa 7b) de la Loi

[133]     Voici le libellé de l'alinéa 7b) de la Loi :


7. Nul ne peut :

[...]

b) appeler l'attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu'il a commencé à y appeler ainsi l'attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d'un autre;

[...]

7. No person shall

[...]

(b) direct public attention to his wares, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his wares, services or business and the wares, services or business of another;

[...]


[134]     L'alinéa 7b) de la Loi est une codification du délit de passing-off (imitation frauduleuse) de la common law. Pour reprendre les propos qu'a tenus la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120, au paragraphe 33, les trois éléments nécessaires à une action en passing-off sont : l'existence d'un achalandage, l'induction en erreur du public par suite d'une représentation trompeuse et des dommages réels ou éventuels pour le demandeur. En d'autres termes, les demanderesses doivent, en l'espèce, démontrer qu'elles bénéficiaient d'un certain achalandage ou d'une certaine réputation dans l'esprit des consommateurs relativement aux marchandises associées à leurs marques de commerce Hilfiger; que Produits de Qualité, à l'occasion de la vente de ses marchandises arborant le logo « Explore Canada » , créerait probablement de la confusion dans l'esprit des consommateurs canadiens et que les demanderesses ont de ce fait subi ou sont susceptibles de subir un préjudice.


[135]     Je passe au premier élément, celui de l'existence d'un achalandage. La preuve justifie nettement la conclusion que les demanderesses avaient effectivement acquis un achalandage ou une réputation appréciables à l'égard de leurs marques de commerce Hifiger par suite de leur publicité massive et de leurs ventes substantielles au Canada.

[136]     En ce qui concerne le deuxième élément, celui du risque que les marchandises des défendeurs créent de la confusion avec les marchandises des demanderesses, j'ai déjà conclu, dans mon analyse de l'article 20 et du paragraphe 6(5) qu'il existe effectivement un risque de confusion entre les produits « Explore Canada » .


[137]     Quant au troisième élément, celui des dommages réels ou éventuels actuels pour les demanderesses, je me retrouve devant la même absence de preuve que pour mon analyse de l'article 22 en ce qui concerne les incidences négatives que la concurrence des défendeurs a eues sur l'entreprise des demanderesses. Non seulement ne m'a-t-on présenté aucun élément de preuve quantifiant l'atteinte portée aux droits des demanderesses, mais on ne m'a présenté aucune preuve indiquant ne serait-ce que le nature du préjudice causé. Le seul élément de preuve qui se rapporte indirectement à cette question est la plainte portée par un client du magasin Galaxi Blue au sujet des produits « Explore Canada » . Mais comme je l'ai déjà dit plus tôt dans la présente décision, le témoin qui a déposé à ce sujet ne se souvenait pas du nom du propriétaire du magasin Galaxi Blue, qui a d'ailleurs fermé ses portes depuis. On ne peut donc accorder aucune valeur à cette plainte. En tout état de cause, sans autres preuves, ce type d'incident isolé serait, même s'il était crédible, loin d'être suffisant pour répondre au critère minimal des « dommages réels ou éventuels » qui doit être rempli pour pouvoir conclure à une imitation frauduleuse au sens de l'alinéa 7b).

[138]     En somme, en raison de l'absence de preuve au sujet des dommages réels ou éventuels causés aux demanderesses, je ne puis conclure que les défendeurs ont été impliqués dans une imitation frauduleuse au sens de l'alinéa 7b) de la Loi.

Sixième question : Responsabilité personnelle du défendeur Rosen

a)         Observations des demanderesses

[139]     Les demanderesses estiment que M. Rosen devrait être tenu personnellement responsable de la contrefaçon des marques de commerce Tommy Hilfiger. Elles affirment ce qui suit :

1)         Mr. Rosen est l'unique actionnaire et codirecteur de Produits de Qualité;

2)         il a participé de près à la création du logo « Explore Canada » et c'est lui qui, en fin de compte, a pris la décision en ce qui concerne l'utilisation de ce logo par Produits de Qualité;

3)         il connaissait personnellement les marques de commerce Tommy Hilfiger.

b)         Contexte juridique


[140]     La Cour d'appel de l'Ontario a dit ce qui suit, dans l'arrêt Normart Management Ltd. c. West Hill Redevelopment Co. (1998), 37 O.R. (3d) 97, page 102 :

[TRADUCTION] Il est de jurisprudence constante que les têtes dirigeantes des personnes morales ne sont tenues civilement responsables des actes de la personne morale qu'elles contrôlent et qu'elles dirigent que si ces têtes dirigeantes ont elles-mêmes commis un acte qui est délictueux en lui-même ou qui témoigne d'une identité distincte ou d'intérêts différents de ceux de la personne morale de telle manière que les actes ou les agissements reprochés à la personne morale peuvent être attribués à ses têtes dirigeantes (voir l'arrêt Scotia McLeod Inc. c. Peoples Jewellers Ltd. (1995), 26 O.R. (3d) 481, à la page 491, 129 D.L.R. (4th) 711 (C.A.).

[141]     Par conséquent, le simple fait d'exercer le contrôle d'une compagnie ne suffit pas à engager la responsabilité personnelle de ses dirigeants. Quel type de conduite peut engager la responsabilité personnelle? Le juge Le Dain expose ses vues sur la question dans l'arrêt Mentmore Manufacturing Co., Ltd. c. National Merchandising Manufacturing Co. Inc. (1978), 89 D.L.R. (3d) 195, (1978), 22 N.R. 161 (C.A.F.) :

Mais quand donc la participation aux actes de la société engage-t-elle la responsabilité personnelle? C'est là une délicate question. Il semblerait que ce soit lorsque la nature et l'étendue de la participation personnelle de l'administrateur ou du dirigeant fasse de l'acte délictueux leur acte délictueux. Il s'agit manifestement d'une question de fait qui doit être apprécié à la lumière des circonstances de chaque cas.

[142]     À mon avis, il doit exister des circonstances qui permettent raisonnablement de conclure que l'objectif visé par l'administrateur ou dirigeant de la compagnie était de délibérément, volontairement et sciemment adopter une ligne de conduite qui inciterait à la contrefaçon ou à l'indifférence face au risque de contrefaçon. La formulation exacte du critère applicable est de toute évidence difficile. Il y a lieu à une vaste appréciation des faits de l'espèce pour décider si la responsabilité personnelle est engagée (Mentmore, précité, aux pages 172 à 174).


[143]     La preuve ne permet pas de conclure que M. Rosen a délibérément, volontairement et sciemment adopté une ligne de conduite ayant pour effet d'inciter à contrefaire les marques de commerce des demanderesses.

[144]     Il n'y a aucun élément de preuve convaincant que M. Rosen est, à quelque moment que ce soit, sorti de son rôle d'administrateur et de dirigeant de Produits de Qualité. Je conclus donc que la responsabilité personnelle du défendeur Rosen n'est pas engagée.

Septième question : demande reconventionnelle du défendeur Rosen

a)         Observations du M. Rosen

[145]     Le défendeur Rosen réclame un million de dollars à titre de dommages-intérêts, de même que les intérêts avant jugement et les intérêts après jugement et le remboursement des frais extrajudiciaires qu'il a engagés pour contester la présente action.

[146]     À la clôture de l'exercice se terminant en septembre 1999, les bénéfices non répartis de la défenderesse Produits de Qualité s'élevaient à 3 662 709 $.


[147]     Tout juste avant, en août 1999, les demanderesses ont entrepris des démarches en vue de faire disparaître le logo « Explore Canada » et de s'approprier l'agencement de couleurs bleu, blanc et rouge. En août 1999, les demanderesses ou d'autres personnes agissant en leur nom, ont communiqué avec deux des plus importants clients de Produits de Qualité, pour leur faire savoir qu'ils seraient poursuivis en justice et qu'il feraient l'objet d'autres tracasseries s'ils ne cessaient pas de vendre des produits « Explore Canada » . Ces deux clients, à savoir la Niagara Parks Commission et Hachett Distribution (HD) qui est propriétaire de la chaîne de magasins United Cigar Stores, ont cessé de commander des produits « Explore Canada » . De fait, HD a retourné ces produits.

[148]     Avant les démarches entreprises par les demanderesses, les ventes de produits « Explore Canada » représentaient environ huit pour cent du chiffre d'affaires de Produits de Qualité. En raison de ces projets d'expansion et de la demande prévue de produits « Explore Canada » , Produits de Qualité avait haussé plusieurs frais fixes, y compris les coûts d'inventaire.

[149]     Les demanderesses, ou des personnes agissant en leur nom, ont abusé de leurs droits en formulant des prétentions exorbitantes au sujet de la protection et de la contrefaçon de leurs marques, alors qu'elles étaient parfaitement au courant de la différence entre la forme et l'apparence des marques de commerce et de la différence en ce qui concerne le commerce, la nature des marchandises et les lieux où les marchandises sont vendues.

[150]     Qui plus est, même si elles étaient au courant de ces faits, les demanderesses ont choisi de s'immiscer dans les rapports contractuels de la défenderesse Produits de Qualité en persuadant HD de retourner des marchandises et en convaincant HD et la Niagara Parks Commission de cesser de commander des marchandises.


[151]     En agissant ainsi, les demanderesses ont abusé de leurs droits et ont contrevenu à l'alinéa 7a) de la Loi d'une manière qui tendait à discréditer l'entreprise de Produits de Qualité. L'alinéa 7a) est ainsi libellé :


7. Nul ne peut :

a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l'entreprise, les marchandises ou les services d'un concurrent;

[...]

7. No person shall

(a) make a false or misleading statement tending to discredit the business, wares or services of a competitor;

[...]


[152]     Par suite de l'abus de droits des demanderesses, le chiffre de vente de la défenderesse Produits de Qualité a fléchi et sa marge bénéficiaire a diminué au cours des exercices 2000 et 2001 et la valeur des actions détenues par le défendeur Rosen dans Produits de Qualité a chuté d'environ un million de dollars.

[153]     Aucun élément de preuve n'a été présenté à l'appui de ces allégations. Aucun état financier ou rapport d'expert-comptable n'a été produit pour démontrer la moins-value des actions détenues par le défendeur Rosen dans Produits de Qualité. La demande reconventionnelle est par conséquent rejetée.

CONCLUSIONS ET RÉPARATIONS

[154]     Voici, en résumé, mes conclusions :

1.         Les marques de commerce déposées Hilfiger sont-elles invalides? NON.


2.         Les défendeurs ont-ils violé les droits que l'article 19 de la Loi reconnaît aux demanderesses? NON.

3.         Les défendeurs ont-ils violé les droits que l'article 20 de la Loi reconnaît aux demanderesses? Dans le cas de la défenderesse PRODUITS DE QUALITÉ I.M.D. INC. : OUI, POUR CE QUI EST DE LA MARQUE LMC 432095.

4.         Les défendeurs ont-ils employé leurs marques d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché aux marques de commerce des demanderesses, en violation de l'article 22 de la Loi? NON.

5.         Les défendeurs ont-ils fait passer leurs marchandises pour celles des demanderesses en contravention de l'alinéa 7b) de la Loi? NON.

6.         Le défendeur Rosen devrait-il être tenu personnellement responsable de toute acte fautif commis, le cas échéant, par la défenderesse Produits de Qualité? NON.

7.        Les parties ont convenu que les autres questions, à savoir l'injonction permanente prévue à l'article 20 de la Loi, les dommages-intérêts, la restitution des bénéfices, les dommages-intérêts exemplaires, les intérêts avant jugement et les intérêts après jugement et le prononcé d'une ordonnance enjoignant aux défendeurs de rendre aux demanderesses toutes les marchandises et, finalement, les dépens, seront réglées par la Cour au moyen d'une ordonnance complémentaire sur le fondement de l'entente conclue entre les parties ou, à défaut d'entente, sur le fondement des observations respectives des avocats.


                                           JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande présentée par les demanderesse en vertu de l'article 20 de la Loi contre la défenderesse Produits de Qualité I.M.D. Inc. au sujet de la demande LMC 432095 est accueillie avec dépens. Les parties devront régler au plus tard le 7 février 2005 les autres questions, à savoir l'injonction permanente prévue à l'article 20 de la Loi, les dommages-intérêts, la restitution des bénéfices; les dommages-intérêts exemplaires, les intérêts avant jugement et les intérêts après jugement et le prononcé d'une ordonnance enjoignant aux défendeurs de rendre aux demanderesses toutes les marchandises et, finalement, les dépens. À défaut d'entente, les demanderesses devront déposer et signifier leurs observations écrites au plus tard le 18 février 2005. La défenderesse Produits de Qualité I.M.D. Inc. devra déposer et signifier ses observations écrites au plus tard le 4 mars 2005 et les demanderesses devront y répondre, si elles choisissent de le faire, au plus tard le 11 mars 2005.

2.         L'action introduite contre le défendeur Harold Rosen est rejetée avec dépens. Les parties devront s'entendre sur la question des dépens au plus tard le 7 février 2005, à défaut de quoi le défendeur Harold Rosen devra déposer et signifier ses observations écrites au plus tard le 18 février 2005. Les demanderesses devront déposer et signifier leurs observations au plus tard le 4 mars 2005, sur quoi le défendeur Harold Rosen devra répondre, s'il le souhaite, au plus tard le 11 mars 2005;


3.         La demande reconventionnelle du défendeur Harold Rosen est rejetée. Aucuns dépens ne sont adjugés.

                                                                              _ Michel Beaudry _                      

                                                                                                     Juge                                  

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.B.


                                                           ANNEXE 1

Les articles 12 à 15 disposent :


MARQUES DE COMMERCE ENREGISTRABLES

Marque de commerce enregistrable

12. (1) Sous réserve de l'article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l'un ou l'autre des cas suivants :

REGISTRABLE TRADE-MARKS

When trade-mark registrable

12. (1) Subject to section 13, a trade-mark is registrable if it is not

a) elle est constituée d'un mot n'étant principalement que le nom ou le nom de famille d'un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes;

(a) a word that is primarily merely the name or the surname of an individual who is living or has died within the preceding thirty years;

b) qu'elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l'égard desquels on projette de l'employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d'origine de ces marchandises ou services;

(b) whether depicted, written or sounded, either clearly descriptive or deceptively misdescriptive in the English or French language of the character or quality of the wares or services in association with which it is used or proposed to be used or of the conditions of or the persons employed in their production or of their place of origin;

c) elle est constituée du nom, dans une langue, de l'une des marchandises ou de l'un des services à l'égard desquels elle est employée, ou à l'égard desquels on projette de l'employer;

(c) the name in any language of any of the wares or services in connection with which it is used or proposed to be used;

d) elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée;

(d) confusing with a registered trade-mark;

e) elle est une marque dont l'article 9 ou 10 interdit l'adoption;

(e) a mark of which the adoption is prohibited by section 9 or 10;

f) elle est une dénomination dont l'article 10.1 interdit l'adoption;

(f) a denomination the adoption of which is prohibited by section 10.1;


g) elle est constituée, en tout ou en partie, d'une indication géographique protégée et elle doit être enregistrée en liaison avec un vin dont le lieu d'origine ne se trouve pas sur le territoire visé par l'indication;

(g) in whole or in part a protected geographical indication, where the trade-mark is to be registered in association with a wine not originating in a territory indicated by the geographical indication; andh) elle est constituée, en tout ou en partie, d'une indication géographique protégée et elle doit être enregistrée en liaison avec un spiritueux dont le lieu d'origine ne se trouve pas sur le territoire visé par l'indication.

(h) in whole or in part a protected geographical indication, where the trade-mark is to be registered in association with a spirit not originating in a territory indicated by the geographical indication.

Idem

(2) Une marque de commerce qui n'est pas enregistrable en raison de l'alinéa (1)a) ou b) peut être enregistrée si elle a été employée au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive à la date de la production d'une demande d'enregistrement la concernant.

L.R. (1985), ch. T-13, art. 12; 1990, ch. 20, art. 81; 1993, ch. 15, art. 59(F); 1994, ch. 47, art. 193.

Idem

(2) A trade-mark that is not registrable by reason of paragraph (1)(a) or (b) is registrable if it has been so used in Canada by the applicant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of filing an application for its registration.

R.S., 1985, c. T-13, s. 12; 1990, c. 20, s. 81; 1993, c. 15, s. 59(F); 1994, c. 47, s. 193.

Signes distinctifs enregistrables

13. (1) Un signe distinctif n'est enregistrable que si, à la fois :

When distinguishing guises registrable

13. (1) A distinguishing guise is registrable only if

a) le signe a été employé au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenu distinctif à la date de la production d'une demande d'enregistrement le concernant;

(a) it has been so used in Canada by the applicant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of filing an application for its registration; and

b) l'emploi exclusif, par le requérant, de ce signe distinctif en liaison avec les marchandises ou services avec lesquels il a été employé n'a pas vraisemblablement pour effet de restreindre de façon déraisonnable le développement d'un art ou d'une industrie.

(b) the exclusive use by the applicant of the distinguishing guise in association with the wares or services with which it has been used is not likely unreasonably to limit the development of any art or industry.

Effet de l'enregistrement

(2) Aucun enregistrement d'un signe distinctif ne gêne l'emploi de toute particularité utilitaire incorporée dans le signe distinctif.

Effect of registration

(2) No registration of a distinguishing guise interferes with the use of any utilitarian feature embodied in the distinguishing guise.


Aucune restriction à l'art ou à l'industrie

(3) L'enregistrement d'un signe distinctif peut être radié par la Cour fédérale, sur demande de toute personne intéressée, si le tribunal décide que l'enregistrement est vraisemblablement devenu de nature à restreindre d'une façon déraisonnable le développement d'un art ou d'une industrie.

S.R., ch. T-10, art. 13; S.R., ch. 10(2e suppl.), art. 64.

Not to limit art or industry

(3) The registration of a distinguishing guise may be expunged by the Federal Court on the application of any interested person if the Court decides that the registration has become likely unreasonably to limit the development of any art or industry.

R.S., c. T-10, s. 13; R.S., c. 10(2nd Supp.), s. 64.Enregistrement de marques déposées à l'étranger

14. (1) Nonobstant l'article 12, une marque de commerce que le requérant ou son prédécesseur en titre a fait dûment déposer dans son pays d'origine, ou pour son pays d'origine, est enregistrable si, au Canada, selon le cas :

Registration of marks registered abroad

14. (1) Notwithstanding section 12, a trade-mark that the applicant or the applicant's predecessor in title has caused to be duly registered in or for the country of origin of the applicant is registrable if, in Canada,

a) elle ne crée pas de confusion avec une marque de commerce déposée;

(a) it is not confusing with a registered trade-mark;

b) elle n'est pas dépourvue de caractère distinctif, eu égard aux circonstances, y compris la durée de l'emploi qui en a été fait dans tout pays;

(b) it is not without distinctive character, having regard to all the circumstances of the case including the length of time during which it has been used in any country;

c) elle n'est pas contraire à la moralité ou à l'ordre public, ni de nature à tromper le public;

(c) it is not contrary to morality or public order or of such a nature as to deceive the public; or

d) son adoption comme marque de commerce n'est pas interdite par l'article 9 ou 10.

(d) it is not a trade-mark of which the adoption is prohibited by section 9 or 10.

Assimilation à marques déposées à l'étranger

(2) Une marque de commerce qui diffère de la marque de commerce déposée dans le pays d'origine seulement par des éléments qui ne changent pas son caractère distinctif ou qui ne touchent pas à son identité dans la forme sous laquelle elle est déposée au pays d'origine, est considérée, pour l'application du paragraphe (1), comme la marque de commerce ainsi déposée.

L.R. (1985), ch. T-13, art. 14; 1994, ch. 47, art. 194.

Trade-marks regarded as registered abroad

(2) A trade-mark that differs from the trade-mark registered in the country of origin only by elements that do not alter its distinctive character or affect its identity in the form under which it is registered in the country of origin shall be regarded for the purpose of subsection (1) as the trade-mark so registered.

R.S., 1985, c. T-13, s. 14; 1994, c. 47, s. 194.

Enregistrement de marques créant de la confusion

15. (1) Nonobstant l'article 12 ou 14, les marques de commerce créant de la confusion sont enregistrables si le requérant est le propriétaire de toutes ces marques, appelées « marques de commerce liées » .

Registration of confusing marks

15. (1) Notwithstanding section 12 or 14, confusing trade-marks are registrable if the applicant is the owner of all such trade-marks, which shall be known as associated trade-marks.


Inscription

(2) Lors de l'enregistrement de toute marque de commerce liée à une autre marque de commerce déposée, une mention de l'enregistrement de chaque marque de commerce est faite dans l'inscription d'enregistrement de l'autre marque de commerce.

Record

(2) On the registration of any trade-mark associated with any other registered trade-mark, a note of the registration of each trade-mark shall be made on the record of registration of the other trade-mark.Modification

(3) Aucune modification du registre consignant un changement dans la propriété ou le nom ou l'adresse du propriétaire de l'une d'un groupe de marques de commerce liées ne peut être apportée, à moins que le registraire ne soit convaincu que le même changement s'est produit à l'égard de toutes les marques de commerce de ce groupe, et que les inscriptions correspondantes sont faites à la même époque en ce qui regarde toutes ces marques de commerce.

Amendment

(3) No amendment of the register recording any change in the ownership or in the name or address of the owner of any one of a group of associated trade-marks shall be made unless the Registrar is satisfied that the same change has occurred with respect to all the trade-marks in the group, and corresponding entries are made contemporaneously with respect to all those trade-marks.



                                                  COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2235-99

INTITULÉ :                                        TOMMY HILFIGER LICENSING INC., TOMMY HILFIGER CANADA INC.

et

PRODUITS DE QUALITÉ I.M.D.

INC. et HAROLD ROSEN

LIEU DE L'AUDIENCE :                              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                            les 24, 25, 26, 27 et 28 novembre 2003,

les 17, 19 et 20 mai 2004

et le 31 août 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                   LE 7 JANVIER 2005

COMPARUTIONS:

Glen Bloom                                           POUR LES DEMANDERESSES

Ross Carrière

Arthur Sanft                                           POUR LA DÉFENDERESSE

Produits de Qualité I.M.D. Inc.

Aaron Rodgers                                      POUR LE DÉFENDEUR

Harold Rosen

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Glen Bloom, Ross Carrière                                POUR LES DEMANDERESSES

OSLER, HOSKIN & HARCOURT

Ottawa (Ontario)

Arthur Sanft                                           POUR LA DÉFENDERESSE

Montréal (Québec)                                Produits de Qualité I.M.D. Inc.

Aaron Rodgers                                      POUR LE DÉFENDEUR

SPIEGEL SOHMER                             Harold Rosen


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.