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     Date : 19980115

     Dossier : IMM-3675-96

Ottawa (Ontario), le 15 janvier 1998

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE WETSTON

ENTRE

     ANTONIO QUINDIPAN CABALDON FILS,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         intimé.

     ORDONNANCE

         La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et la décision en date du 21 août 1996 de l'agent des visas est annulée et renvoyée pour qu'un autre agent procède à une nouvelle audition et à un nouvel examen.

                             Howard I. Wetston

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

Tan Trinh-viet

     Date : 19980115

     Dossier : IMM-3675-96

ENTRE

     ANTONIO QUINDIPAN CABALDON FILS,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE WETSTON

[1]      Le requérant, Antonio Cabaldon fils, demande le contrôle judiciaire de la décision en date du 21 août 1996 par laquelle un agent des visas a refusé à lui et à sa famille l'admission au Canada en tant que résidents permanents, en application du paragraphe 6(1) du Règlement sur l'immigration. La demande a été rejetée parce que l'enfant à charge des requérants, Marian Aira Cabaldon (l'enfant), souffrait d'un état pathologique -- [TRADUCTION] "grave déficience auditive avec retard dans le perfectionnement du langage" -- qui, de l'avis de deux médecins agréés, entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux au Canada. Cela étant, l'enfant appartenait à la catégorie non admissible visée par l'alinéa 19(1)a ) de la Loi sur l'immigration.

[2]      Il faut déterminer si les avis des médecins agréés sur la question de savoir si l'enfant appartenait à la catégorie non admissible reposaient sur des éléments de preuve insuffisants versés au dossier, ou étaient dus à l'inobservation de l'équité procédurale.

[3]      Le requérant soutient que l'agent des visas a commis une erreur de droit en s'appuyant uniquement sur les avis médicaux, et non sur l'engagement des parents des requérants de subvenir à leurs besoins, dans la détermination de l'admissibilité sous le régime de la Loi. Il est également allégué que les médecins agréés ont eu tort de conclure que l'état de l'enfant entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux au Canada, sans tenir compte de la preuve relative au fardeau excessif pour l'éducation spéciale au Canada, ni de la volonté des parents de subvenir aux besoins des requérants. De même, il est allégué que les médecins agréés ont eu tort de considérer l'enfant comme une requérante indépendante, au lieu de la considérer comme une requérante à charge.

[4]      L'intimé soutient que la fortune d'un requérant ou de la famille d'un requérant n'est pas pertinente pour déterminer si l'état de santé d'un requérant entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux, puisqu'on ne saurait renoncer au droit à des services sociaux. L'intimé soutient également que les avis médicaux invoqués par l'agent des visas n'étaient pas déraisonnables, puisque les médecins agréés se sont appuyés sur des documents pertinents pour les exprimer.

[5]      En application de l'alinéa 19(1)a) de la Loi et de l'article 22 du Règlement, deux médecins agréés doivent donner un avis médical sur la question de savoir si l'état de santé de l'enfant entraînerait ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services de santé ou pour les services sociaux au Canada. À cet égard, le rôle de l'agent des visas consiste uniquement à déterminer si une erreur évidente a été commise dans la formulation des avis médicaux, se fondant sur le dossier dont disposaient les médecins agréés (p. ex. ils n'ont pas tenu compte de tous les rapports médicaux dont ils disposaient : Lee c. M.E.I. (1986), 4 F.T.R. 86). En l'absence d'une telle erreur, l'agent des visas est tenu aux avis médicaux donnés : Gingiovenanu c. Canada (M.E.I.) (1995), 31 Imm. L.R. (2d) 55 (C.F.1re inst.); Ajanee c. Canada (M.E.I.) (1996), 110 F.T.R. 172.

[6]      Les avis d'expert des médecins agréés, relativement au diagnostic et au pronostic, ne sont pas sujets à contrôle par la Cour. Toutefois, les avis des médecins agréés sur la question de savoir si l'état de santé d'une personne créerait un fardeau excessif pour les services de santé et les services sociaux au Canada sont sujets à contrôle Ahir c. M.E.I. (1983), 49 N.R. 185 (C.A.F.); Hiramen c. M.E.I. (1986), 65 N.R. 67 (C.A.F.). Les motifs de contrôle comprennent : incohérence ou inconsistance, absence de preuve justificative ou omission de tenir compte des facteurs prévus à l'article 22 du Règlement : Gao c. Canada (M.E.I.) (1993), 18 Imm. L.R. (2d) 306 (C.F.1re inst.), à la page 318.

[7]      L'argument du requérant selon lequel l'agent des visas a commis une erreur de droit en s'appuyant uniquement sur les avis donnés par les médecins agréés ne saurait être retenu. Si l'agent des visas est convaincu que les avis des médecins agréés reposent raisonnablement sur un dossier adéquat dont ils disposent, il est tenu de les accepter.

[8]      De plus, ni les médecins agréés ni l'agent des visas n'ont eu tort d'avoir méconnu la preuve que les parents résidant au Canada avaient promis de subvenir aux besoins de la famille du requérant. Aux fins d'exprimer un avis médical sur l'admissibilité de l'enfant sur le plan médical, peu importe si le requérant présente des lettres de soutien provenant de parents qui sont déjà des résidents du Canada. En tant que résidente permanente, l'enfant aurait droit aux services sociaux dont elle a besoin, droit auquel on ne saurait renoncer du fait du soutien financier promis par des parents : Choi c. M.C.I. (1995), 29 Imm. L.R. (2d) 85, aux pages 93 et 94 (C.F.1re inst.) & Hussain c. M.C.I. (1996), 35 Imm. L.R. (2d) 86, à la page 91 (C.F.1re inst.).

[9]      De même, il n'existe pas de preuve que les médecins agréés ont mal interprété le fait que l'enfant était une requérante à charge plutôt qu'une requérante indépendante. Néanmoins, la possibilité pour un requérant d'avoir une autonomie économique et physique personnelle peut parfois être un facteur pertinent à examiner lorsqu'il s'agit de déterminer si le requérant n'est pas admissible pour des raisons d'ordre médical : Wong c. M.C.I. (1996), 34 Imm. L.R. (2) 18 (C.F.1re inst.); Brar c. M.C.I. (T-2832-91, 20 décembre 1996, (C.F.1re inst.). Il ne convient simplement pas qu'un médecin agréé s'appuie exclusivement sur la question d'autonomie lorsqu'il faut déterminer si l'état d'une personne entraînerait un fardeau excessif pour les services de santé ou pour les services sociaux au Canada : Chu c. M.E.I. (1995), 106 F.T.R. 143.

[10]      Pour conclure préliminairement que l'état de l'enfant entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux, les médecins agréés se sont appuyés sur un examen et un rapport préliminaires d'un omnipraticien, sur une évaluation faite par un spécialiste ophtalmologiste et oto-rhino-laryngologiste, un rapport médical sur l'audiogramme et sur une évaluation psychiatrique. Ces rapports indiquaient que la déficience auditive de l'enfant avait retardé son développement au point qu'elle était en retard d'environ trois ans dans ses études, et qu'elle aurait besoin d'une éducation spécialisée future.

[11]      L'intimé reconnaît que les études spécialisées dont l'enfant peut avoir réellement besoin peuvent se limiter à quelques années (en effet pour lui permettre de [TRADUCTION] "rejoindre" les enfants de son propre âge et pour s'adapter à sa déficience auditive. Le succès de l'enfant dans ses études faites jusqu'ici, prouvées par des bulletins dont les médecins agréés ne disposaient pas, indique qu'elle a une certaine capacité intellectuelle. Ces bulletins peuvent contredire l'analyse fournie aux médecins agréés selon laquelle l'enfant est [TRADUCTION] "en dessous de la moyenne par rapport aux potentiels intellectuels limites", et qu'il lui faut une éducation d'[TRADUCTION] "enfant physiquement et intellectuellement handicapé" (non souligné dans l'original).

[12]      Les bulletins semblent contredire le rapport médical initial, rédigé par un omnipraticien, qui indiquait que l'enfant était une [TRADUCTION] "sourde-muette" qui [TRADUCTION] "va à l'école (seulement) de temps à autre". Toutefois, rien n'indique que si les médecins agréés s'appuyaient sur cette erreur factuelle figurant dans le dossier, celle-ci influerait réellement sur leur décision.

[13]      Toutefois, une estimation de l'importance réelle de l'éducation spécialisée dont aurait besoin cette enfant était manquante dans le dossier dont disposaient les médecins agréés. Aucune documentation n'a non plus été fournie concernant l'existence de cette éducation spécialisée au Canada ou l'accès actuel à celle-ci. En application du sous-alinéa 22e)(i) du Règlement, les médecins agréés doivent déterminer si la prestation de services sociaux dont l'enfant peut avoir besoin au Canada est limitée au point qu'il y a tout lieu de croire que l'utilisation de ces services par elle pourrait empêcher ou retarder la prestation des services en question aux citoyens canadiens ou aux résidents permanents.

[14]      Certes, il appartient aux médecins agréés de déterminer si l'état d'un requérant particulier entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux; mais ils doivent disposer d'une certaine preuve qui laisse entendre que le fardeau créé par un état de santé particulier est excessif. Le fait pour les médecins agréés d'exprimer un avis en l'absence d'une telle preuve justificative constitue une erreur de droit : Gao c. M.E.I. (1993), 18 Imm. L.R. (2d) 306, à la page 318 (C.F.1re inst.).

[15]      Comme les médecins agréés ont commis une erreur dans leur application du critère énoncé au sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi, la décision de l'agent des visas d'exclure les requérants du fait de l'état de santé de l'enfant doit être annulée. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision en date du 21 août 1996 de l'agent des visas est renvoyée pour qu'un autre agent procède à une nouvelle audition et à un nouvel examen conformes aux présents motifs.

[16] Les parties ont convenu seulement de demander qu'une question

soit certifiée si ma décision exigeait une interprétation du sens de l'expression "fardeau excessif" figurant à l'article 22 du Règlement qui différait des interprétations existantes qu'on trouve dans d'autres décisions de la Cour. Comme ma décision ne portait pas directement sur une telle interprétation, aucune question ne sera certifiée.

                             Howard I. Wetston

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 15 janvier 1998

Traduction certifiée conforme

Tan Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-3675-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Antonio Quindipan Cabaldon fils c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 14 novembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE WETSTON

EN DATE DU                      15 janvier 1998

ONT COMPARU :

    Kingsley I. Jesuorobo              pour le requérant
    Marie-Louise Wcislo                  pour l'intimé
                        

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Kingsley I. Jesuorobo              pour le requérant
    North York (Ontario)
    George Thomson
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour l'intimé

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