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Date : 20000202

Dossier : T-294-96

Référence neutre : 2001 CFPI 11

ENTRE:

APOTEX INC.,

demanderesse,

(défenderesse

reconventionnelle),

- et -

MERCK & CO. INC. et

MERCK FROSST CANADA INC.,

défenderesses,

(demanderesses

reconventionnelles),

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN


[1]                Il s'agit de l'audition de deux requêtes en vue d'obtenir un jugement sommaire dans le dossier no T-294-96, dans le cadre d'une action qu'avait introduite Apotex Inc. pour faire déclarer que son utilisation du maléate d'énalapril en question ne constitue pas une contrefaçon des lettres patentes canadiennes no 1,275,349 (le brevet 349). La première requête en jugement sommaire a été présentée par les défenderesses, Merck et Merck Frosst Canada. La demanderesse, Apotex Inc., a par la suite présenté une requête incidente en jugement sommaire.

[2]                En juillet 1987, le commissaire aux brevets a délivré des avis de conformité à Merck Frosst relativement au brevet en question. Le 24 avril 1992 une licence obligatoire afférente au brevet Merck a été accordée à Delmar, un tiers dans la présente affaire, pour la fabrication, l'utilisation et la vente du maléate d'énalapril, et pour laquelle des redevances sont payées à Merck.

[3]                Conformément à la licence, Delmar a vendu 772 kg de maléate d'énapril à un tiers non désigné le 3 février 1993.

[4]                Le 14 février 1993, la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets (LMLB) est entrée en vigueur. Le paragraphe 12(1) de la LMLB a éteint la licence obligatoire accordée à Delmar.

[5]                En mai et en octobre 1994, Apotex a acheté du tiers non désigné deux lots de maléate d'énalapril, dont le poids global était de 772,9 kg. Tel que souligné, le maléate d'énalapril en question a été vendu au tiers par Delmar avant l'extinction de la licence obligatoire accordée à Delmar. Apotex a subséquemment décidé d'utiliser le maléate d'énalapril en question.


[6]                Ce n'est pas la première fois que les tribunaux sont saisis d'un recours entre les deux parties au sujet du produit pharmaceutique maléate d'énalapril. En mars et en avril 1994, le juge MacKay a été saisi d'un litige entre les parties (dossier no T-2408-91). Le litige portait sur une quantité de maléate d'énalapril (44,9 kg) vendue par Delmar à un tiers en janvier 1993, et dont Apotex en a fait l'acquisition auprès du tiers en mars 1993. Le jugement du juge MacKay a été prononcé le 14 décembre 1994. L'affaire a été portée en appel et tranchée par la Cour d'appel fédérale le 19 avril 1995 (dossier no A-724-94). Le 7 décembre 1995, la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d'autorisation de pourvoi (dossier no 24751).

[7]                L'action dans laquelle le présent litige se situe a été introduite par Apotex le 5 février 1996, et avait pour but de faire déclarer que son utilisation du maléate d'énalapril en question ne constitue pas une contrefaçon du brevet 349 de Merck. Par voie de demande reconventionnelle modifiée déposée le 27 mai 1999, Merck sollicitait une déclaration que l'utilisation faite par Apotex était en fait une contrefaçon de son brevet.


[8]                Tel qu'indiqué précédemment, il s'agit de l'audition de deux requêtes en vue d'obtenir un jugement sommaire conformément à la règle 216 des Règles de la Cour fédérale, dont la première a été présentée par les défenderesses (Merck et Merck Frosst Canada) et la deuxième, par la demanderesse (Apotex Inc.).

Analyse :

[9]                Avant d'examiner les requêtes en jugement sommaire, je m'attarderai brièvement à la question de l'admissibilité du document figurant à l'onglet #20 du Dossier de requête des défenderesses, intitulé Licence obligatoire Delmar. À l'audition de la requête, l'avocat de la demanderesse a fait valoir que le tribunal n'était pas régulièrement saisi de ce document. À mon avis le tribunal en était régulièrement saisi à ce moment, toutefois j'ai accordé une suspension de l'audience afin de permettre à chacune des parties de traiter plus amplement, dans des observations écrites, de la question de l'admissibilité. Je suis convaincu qu'il y a eu respect des garanties procédurales, puisque les deux parties ont amplement eu la possibilité de faire des observations au sujet du document et de son admissibilité. En conséquence, j'estime être régulièrement saisi du document en question.


[10]            J'aborde maintenant l'examen des requêtes en jugement sommaire. La règle 216 des Règles de la Cour fédérale dispose qu'une requête en jugement sommaire doit être accordée lorsqu'il n'existe pas de véritable question litigieuse. Lorsqu'il examine la question, le tribunal doit tenir compte du contexte dans lequel se situe l'affaire dont il est saisi. Conformément à la décision rendue par le juge Tremblay-Lamer dans Granville Shipping Co. c.Pegasus Lines Ltd. S.A., [1996] 2 C.F. 853 (1re inst.), un jugement sommaire ne devrait être accordé que lorsque l'affaire est si incertaine qu'elle ne sera pas digne d'intérêt pour le juge qui en sera saisi au procès.

[11]            Les défenderesses soutiennent que la déclaration et l'argumentation de la demanderesse n'ont pas soulevé de véritable question litigieuse puisque l'affaire a déjà été jugée, compte tenu de la décision rendue en première instance par le juge MacKay, de la décision rendue en appel par le juge MacGuigan, dans l'affaire Merck c. Apotex (1994), 59 C.P.R. (3d) 133 (C.F. 1re inst.); (1995), 60 C.P.R. (3d) 356 (C.A.F.). À titre subsidiaire, les défenderesses soutiennent que, dans l'éventualité où le tribunal arriverait à la conclusion que l'affaire n'est pas chose jugée, l'utilisation faite par la demanderesse du maléate d'énalapril en question constitue une contrefaçon du brevet 349 par l'application des articles 39.11 et 39.14 de l'ancienne Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4 (la Loi sur les brevets).

[12]            La demanderesse affirme qu'un jugement sommaire devrait lui être accordé, eu égard à la décision de la Cour suprême du Canada dans Novopharm Ltd. c. Eli Lilly (1998), 80 C.P.R. (3d) 321, laquelle a été instruite en même temps que Apotex Inc. c. Merck Frosst, [1998] 2 R.C.S. 193.


[13]            À mon avis, l'affaire est réglée par l'application du principe de l'autorité de la chose jugée ou de l'irrecevabilité pour cause d'identité des questions en litige (issue estoppel), lequel s'étend à chacun des points litigieux que les parties, si elle avaient fait preuve de diligence raisonnable, auraient déjà pu soulever. Ce principe vient renforcer celui du règlement final des litiges. Dans Maynard v. Maynard, [1951] S.C.R. 346 (C.S.C.), le juge Cartwright cite l'affaire Hoystead v. Commissioner of Taxation, [1926] A.C. 155, à la page 165 :

Les parties ne sont pas autorisées à engager un nouveau litige à cause des vues nouvelles qu'elles pourraient avoir sur le droit relatif à l'affaire, ou de versions nouvelles qu'elles présentent sur ce qui devrait être, pour la Cour, une bonne façon de comprendre le résultat légal qui découle soit de l'interprétation des documents soit de l'importance de certaines circonstances.

Si cela était autorisé, un litige n'aurait de fin que le jour où l'ingéniosité légale serait épuisée. Il est un principe de droit que cela ne peut être autorisé, et ce principe est réitéré dans une abondante jurisprudence.

[14]                        Le juge Cartwright a ensuite poursuivi en ces termes :

[TRADUCTION] À mon avis, le droit est correctement exposé dans Halsbury's Laws of England (2e édition) volume 13 à la page 410, où il est indiqué que le principe de l'estoppel s'applique « là où la question sur laquelle portait la décision rendue antérieurement, et pour laquelle les parties ne peuvent débattre à nouveau, en est une de fait, de droit, ou à la fois de droit et de fait. »

[15]                        Dans Rocois Construction c. Québec Ready Mix Inc., [1990] 2 R.C.S. 440, la Cour suprême a statué que l'autorité de la chose jugée signifie qu'il y a identité de parties, identité d'objet et identité de cause. Aux pages 451 et 452 du jugement, le juge Gonthier cite le commentaire de Mignault sur l'objet d'une demande. Dans Le droit civil canadien, t. 6, 1902, à la page 105, Mignault dit ainsi :

C'est évidemment le bénéfice juridique immédiat qu'on recherche en la formant, soit le droit dont on poursuit l'exécution. . .

. . . mais il importe de compléter la règle en disant qu'il n'est pas nécessaire que les deux demandes concluent identiquement à la même condamnation, mais qu'il y aura chose jugée dès que l'objet de la seconde action se trouve implicitement compris dans l'objet de la première.

[16]                        Dans une décision qu'il a rendue le 5 novembre 1999, le juge Lemieux a confirmé la validité de la position des défenderesses en concluant à l'irrecevabilité pour cause d'identité des questions en litige (issue estoppel) dans l'action no T-294-96 et, au paragraphe 46, il s'exprimait ainsi au sujet de la question de la licence :

À mon avis, il est manifeste et évident que la requête en radiation de Merck réunit les conditions d'irrecevabilité pour cause d'identité des questions en litige. Premièrement, la question de la validité du brevet Merck, aux fins de la présente instance, a été tranchée dans l'action de 1991. Selon les conclusions tant du juge MacKay dans la requête en réexamen que du juge Muldoon dans l'action T-2869-96, Apotex ne peut pas rouvrir les débats de manière fragmentée en plaidant l'invalidité du brevet Merck pour des motifs différents. De plus, la question de l'invalidité du brevet Merck était fondamentale dans la décision relative à l'action de 1991 ainsi que dans le jugement déclaratoire et les réparations accordées, en l'occurrence qu'Apotex avait contrefait le brevet Merck relativement à des lots spécifiques de maléate d'énalapril en vrac et aux 44,9 kilogrammes de maléate d'énalapril achetés par Apotex à Delmar en mars 1993 après l'expiration prévue par la loi de la licence obligatoire détenue par Delmar. En outre, une injonction a interdit à Apotex de contrefaire les revendications du brevet Merck, et en particulier de fabriquer, utiliser, mettre en vente et vendre, au Canada ou ailleurs, des comprimés d'APO-ENALAPRIL ou tous autres comprimés ou formes posologiques contenant du maléate d'énalapril relié au lots spécifiques et aux 44,9 kilogrammes achetés à Delmar.

[17]                        De plus, le juge Lemieux a conclu qu'il n'y avait pas de relation concédant-licencié entre Merck et Apotex eu égard au maléate d'énalapril en vrac qui est en cause, puisqu'à ce moment la licence était éteinte. Il s'est exprimé en ces termes au paragraphe 49 :


À mon avis, la demande de radiation de Merck devrait être accueillie malgré le moyen tiré de l'irrecevabilité pour cause de licence d'Apotex. Premièrement, dans l'hypothèse où Apotex aurait la faculté de plaider l'exception à l'irrecevabilité pour cause de licence, à mes yeux cette exception (la faculté du licencié de contester la validité du brevet du concédant) ne s'appliquerait pas en l'espèce du fait que cette question précise a été tranchée dans les actions antérieures. Le principe de l'irrecevabilité pour cause d'identité des questions en litige est d'empêcher une partie, dans une action distincte impliquant une cause d'action différente, de rouvrir le débat sur une question tranchée. Apotex ne peut pas utiliser l'exception prévue à l'irrecevabilité pour cause de licence comme un subterfuge. Deuxièmement, à mes yeux, il n'y a pas de relation concédant-licencié entre Merck et Apotex eu égard au maléate d'énalapril en vrac qui est en cause. Il y en avait une entre Merck et Delmar, mais la loi y a mis fin.

[18]            Comme l'ont plaidé les défenderesses, l'affaire dont je suis saisi concernait les mêmes parties, les mêmes questions et à peu près les mêmes faits que Merck c. Apotex Inc., précitée, laquelle a été instruite devant le juge MacKay et ensuite devant la Cour d'appel fédérale. Les deux affaires portent sur le maléate d'énalapril dont Delmar avait fait l'acquisition après qu'une licence obligatoire lui ait été délivrée le 24 avril 1992. Comme en l'espèce, l'affaire Merck portait sur du maléate d'énalapril en vrac dont Delmar avait fait l'acquisition et qui a été vendu à un tiers étranger en janvier et en février 1993. Qui plus est, les deux affaires ont nécessité une décision pour définir la portée de l'extinction légale de la licence Delmar en date du 14 février 1993 sur les droits des acheteurs subséquents du maléate d'énalapril qui avait été vendu par Delmar alors que sa licence était encore valide. Le juge MacKay et la Cour d'appel ont conclu que le brevet Merck est contrefait par Apotex dans le cas du maléate d'énalapril acheté par Apotex auprès d'un client étranger de Delmar, dont l'identité n'a pas été divulguée, après que la licence obligatoire détenue par Delmar a été éteinte par la loi.


[19]            Une bonne partie de l'argumentation de la demanderesse portait sur l'interprétation des paragraphes 12(1) et 12(2) de la LMLB, lesquels disposent respectivement :

Toute licence accordée au titre de l'article 39 de la loi antérieure le 20 décembre 1991 ou après cesse d'être valide à l'expiration du jour précédant la date d'entrée en vigueur et les droits et privilèges acquis au titre de cette licence ou de la loi antérieure relativement à cette licence s'éteignent.

Il ne peut être intenté d'action en contrefaçon sous le régime de la Loi sur les brevets à l'égard d'un acte accompli, préalablement à la date d'entrée en vigueur, au titre d'une licence visée au paragraphe (1) et conformément aux articles 39 à 39.17 de la loi antérieure ou à cette licence.

[20]            L'avocat de la demanderesse a fait valoir un argument important au sujet de l'interprétation de ces paragraphes. Son argument reposait essentiellement sur le fait que, fréquemment, l'expression anglaise « for greater certainty » tend à indiquer que le législateur a l'intention de reprendre ce qui aurait déjà dû paraître évident dans le premier énoncé de la disposition concernée. En l'espèce, l'expression donne à entendre que ce que l'on sait déjà est que l'extinction des droits relatifs à la licence obligatoire ne s'applique pas aux actes posés avant la journée où l'extinction entre en vigueur. Si cette interprétation était exacte, alors la décision de la Cour d'appel dans l'affaire Merck serait remise en question.

[21]            L'avocat de la demanderesse a également soutenu que la licence obligatoire Delmar ne comportait aucune restriction et que les droits d'utilisation devraient exister in rem après le 14 février 1993, étant donné qu'on y prévoit que les droits accordés peuvent faire l'objet d'une « annulation » , par opposition à l' « extinction » prévue à la loi.


[22]            L'avocat de Merck a également fait valoir des arguments valides au sujet de l'interprétation du terme « extinction » utilisé au paragraphe 12(1) de la LMLB. Il a fait remarquer que l'extinction se distingue de la simple annulation d'une licence, en ce qu'elle rend généralement les dispositions ou les licences visées nulles ab initio. En d'autres termes, elle a pour conséquence de faire comme si la licence en l'espèce n'avait jamais existé. Il s'agirait d'une position compatible avec la décision de la Cour d'appel dans l'affaire Merck, puisqu'elle étaye la conclusion voulant que tous les droits se sont éteints à la date d'entrée en vigueur du paragraphe 12(1), notamment les droits des acquéreurs à l'égard de toute chose ayant précédemment fait l'objet d'une licence obligatoire sous le régime de l'ancienne Loi sur les brevets.

[23]            L'avocat de la demanderesse a apporté des arguments valides, mais je tiens à signaler que notre rôle n'est pas d'instruire à nouveau une affaire dont notre cour a déjà été saisie. À ce titre, je dois d'abord décider si l'affaire qui m'est soumise est irrecevable pour cause d'estoppel en raison de l'application du principe de l'autorité de la chose jugée.


[24]            Je fais remarquer que la seule différence entre Merck c. Apotex, précitée, et l'affaire qui m'est soumise réside dans le fait que le maléate d'énalapril en question a été acquis en mars 1993 dans l'affaire précédente, alors que le maléate d'énalapril dont il est question en l'espèce a été acquis par Apotex en mai et en octobre 1994. Comme l'a conclu le juge Joyal dans ses motifs d'ordonnance en date du 14 février 1997, Apotex a fait l'acquisition du maléate d'énalapril supplémentaire après l'instruction mais avant le prononcé des motifs du jugement le 14 décembre 1994, et elle a omis de divulguer ce fait dans l'action portant le no de dossier T-2408-91. Le maléate d'énalapril supplémentaire dont il est question en l'espèce a été divulgué pour la première fois dans l'affidavit de documents qu'a déposé Apotex dans la présente instance. Cette différence de fait entre les deux affaires n'est pas pertinente, puisque dans les deux, le maléate d'énalapril en question a été acquis après que la loi ait mis fin à la licence obligatoire Delmar le 14 février 1993.

[25]            La demanderesse a fait valoir que l'arrêt Novopharm de la Cour suprême, précité, a modifié le droit dans la mesure où l'autorité de la chose jugée ne devrait pas l'empêcher d'établir le bien-fondé actuel de son argument relativement au maléate d'énalapril en question. Principalement, la demanderesse a soutenu que l'arrêt Novopharm confirmait que les droits des acquéreurs existent in rem et que, comme le maléate d'énalapril en question avait été vendu au tiers étranger, à qui Apotex l'a acheté avant l'extinction de la licence obligatoire Delmar, cette extinction n'affectait donc aucunement les droits d'Apotex d'utiliser le maléate d'énalapril en question. Toutefois, compte tenu que l'arrêt Novopharm comportait des faits différents, à savoir la question de l'annulation d'une licence par le breveté plutôt que l'extinction d'une licence obligatoire par l'effet de la loi, cette affaire se distingue de la présente espèce.


[26]            La demanderesse a également soutenu que la Cour avait un pouvoir discrétionnaire eu égard à l'application du principe de l'autorité de la chose jugée. Cet argument s'appuie sur les remarques incidentes du juge Laskin dans Minott c. O'Shanter Development Company Ltd. (1999), 168 D.L.R. (4th) 270 (C.A.O.). Le juge Laskin s'exprimait ainsi aux pages 288 et 289 :

[TRADUCTION] La façon d'appliquer l'irrecevabilité pour cause d'identité des questions en litige (issue estoppel) devrait être souple si une application stricte est susceptible d'être inéquitable pour la partie qui se voit empêchée de débattre à nouveau d'une question.

La jurisprudence démontre clairement que les tribunaux ont effectivement toujours exercé un tel pouvoir discrétionnaire. Par exemple, les tribunaux ont refusé d'appliquer l'irrecevabilité pour cause d'identité des questions en litige (issue estoppel) à des « circonstances particulières » , lesquelles comprennent notamment une modification de la loi ou l'accessibilité à une documentation supplémentaire pertinente. S'il appert, d'une décision subséquente, que le tribunal dans une instance antérieure a fait une erreur de droit, l'irrecevabilité pour cause d'identité des questions en litige n'empêchera pas que la question soit à nouveau débattue dans une instance subséquente.

                                                                

[27]            Il est important de signaler que l'arrêt Minott examinait des arguments relatifs à la question d'irrecevabilité pour cause d'identité des questions en litige (issue estoppel), lesquels avaient été soulevés dans le but d'empêcher la cour d'examiner les conclusions d'un tribunal administratif, à savoir le Conseil arbitral constitué sous le régime de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23. Compte tenu des questions d'équité procédurale soulevées dans cette affaire, j'hésite à donner aux propos du juge Laskin une interprétation trop large. Je signale également ne pas être convaincu par la prétention de la demanderesse voulant que la présente affaire comporte des circonstances particulières intrinsèques qui justifient l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour de contourner l'application habituelle du principe de l'autorité de la chose jugée.


[28]            En conséquence des jugements de la Section de première instance et de la Cour d'appel dans les dossiers nos T-2408-91 et A-724-94, respectivement, il n'existe pas de véritable question litigieuse à l'égard de la demande en vue d'obtenir un jugement déclaratoire qu'expose Apotex dans sa déclaration en l'espèce, et Apotex n'a pas établi de défense à l'encontre de la demande des demanderesses reconventionnelles, Merck et Merck Frosst, portant sur la contrefaçon du brevet Merck.

[29]            Compte tenu de ce qui précède, je n'ai pas à traiter de l'argument subsidiaire des défenderesses au sujet des articles 39.11 et 39.14 de l'ancienne Loi sur les brevets.

[30]            Ainsi, j'accorde un jugement sommaire en faveur des défenderesses, Merck & Co. Inc. et Merck Frosst Canada Inc. Du consentement des parties, la question de la réparation sera traitée dans le cadre d'une audience subséquente. La requête incidente en

jugement sommaire présentée par Apotex Inc. est rejetée. Apotex est déboutée de son action. Les dépens des deux requête sont adjugés aux défenderesses.

                                                                            « W. P. McKeown »

                                                                                                   JUGE                       

Ottawa (Ontario)

Le 2 février 2001.

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

          AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER:                 T-294-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         APOTEX INC. c. MERCK & CO. INC. et MERCK                                                      FROSST CANADA INC.

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            30 octobre 2000

MOTIFS DE L' ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

EN DATE DU :         2 février 2001

ONT COMPARU :

M. H. B. RADOMSKI et                                             POUR LA DEMANDERESSE

Mme. D. BASSAN

M. G. A. MACKLIN et                                                POUR LES DÉFENDERESSES

Mme. H. D'IORIO

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOODMAN PHILLIPS & VINEBERG           POUR LA DEMANDERESSE

TORONTO (ONTARIO)

GOWLING LAFLEUR HENDERSON LLP    POUR LES DÉFENDERESSES

OTTAWA (ONTARIO)


Date: 20010202

Dossier: T-294-96

OTTAWA (ONTARIO), le 2 février 2001

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE W. P. McKEOWN

ENTRE :

APOTEX INC.,

demanderesse,

(défenderesse

reconventionnelle),

- et -

MERCK & CO. INC. et

MERCK FROSST CANADA INC.,

défenderesses,

(demanderesses

reconventionnelles),

                                        ORDONNANCE

IL EST ORDONNÉ QUE le jugement sommaire soit accordé en faveur des défenderesses, Merck & Co. Inc. et Merck Frosst Canada Inc. Du consentement des parties, la question de la réparation sera traitée à une audience subséquente. La requête incidente en jugement sommaire présentée par Apotex Inc. est


rejetée. Apotex est déboutée de son action. Les dépens des deux requêtes sont adjugés aux défenderesses.

« W. P. McKeown »

                                                                                                                      JUGE

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

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