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Date : 19971212


Dossier : T-646-97

Ottawa (Ontario), le 12 décembre 1997

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE MULDOON

ENTRE


EDWARD AKINBOBALA,


requérant

(appelant),


et


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et LA MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN,


intimés

(intimés).


ORDONNANCE

     Une demande, sur appel d'une ordonnance rendue par le protonotaire le 27 août 1997, ayant été présentée;

     L'affaire ayant été entendue à Toronto le 20 octobre 1997 en présence des avocats de chaque partie;

     La Cour ayant réservé sa décision;

     CETTE COUR ORDONNE que l'appel interjeté par le requérant soit rejeté sans que les dépens soient adjugés.

                             F. C. Muldoon

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.


Date : 19971212


Dossier : T-646-97

ENTRE


EDWARD AKINBOBALA,


requérant

(appelant),


et


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et LA MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN,


intimés

(intimés).


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      Les parties, d'autres intéressés et la Cour ne se sont pas montrés aussi méticuleux qu'ils auraient dû l'être compte tenu des circonstances de l'espèce.

[2]      Au début, en avril 1997, le requérant a présenté un avis de requête introductive d'instance en vue d'obtenir d'[TRADUCTION] " un mandamus , enjoignant à l'intimé [sic, lequel?] d'accepter les propositions soumises en vue d'apporter certaines modifications à la Loi sur la radiodiffusion et de soumettre la proposition au Cabinet fédéral pour examen ".

[3]      Pour bien comprendre le point de vue du requérant et de son avocat ainsi que l'affaire dans laquelle le redressement est demandé, il est opportun, quoique peu commode, d'exposer au complet les motifs invoqués par le requérant à l'appui du redressement :

         [TRADUCTION]                 
         i.      En vertu de la Loi sur le Ministère du patrimoine canadien, l'intimée, la ministre du Patrimoine canadien [" la ministre "], est en droit responsable de l'administration du ministère du Patrimoine canadien; elle a compétence en matière de radiodiffusion au Canada et elle est chargée de coordonner les politiques nationales se rapportant aux services de communication au Canada. La ministre est chargée en droit et en fait de soumettre au Cabinet fédéral toute proposition se rapportant aux services de communication au Canada.                 
         ii.      La compétence de la ministre englobe la promotion des libertés fondamentales et des valeurs connexes. En outre, l'intimée est chargée de coordonner, d'appliquer et de promouvoir les politiques nationales dans tout domaine ayant une importance historique pour le Canada.                 
         iii.      La ministre est liée par les politiques établies dans la Loi sur le multiculturalisme canadien et est tenue de reconnaître l'égalité de tous les citoyens canadiens en vertu de la loi ainsi que le droit de tous les Canadiens à la même protection et au même bénéfice de la loi indépendamment de toute discrimination. La ministre est également tenue de reconnaître à chaque Canadien un statut égal ainsi que l'égalité en ce qui concerne les droits, pouvoirs et privilèges possédés. De plus, la ministre est tenue, en vertu de la politique établie dans la Loi sur le multiculturalisme canadien, de promouvoir la participation pleine et équitable des particuliers, de quelque origine qu'ils soient, lorsqu'il s'agit de bâtir la société canadienne sous tous ses aspects.                 
         iv.      La ministre est liée par les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés.                 
         v.      Le requérant a soumis une proposition au bureau du Premier ministre pour examen par le Cabinet fédéral, proposition qui se rapporte à certaines modifications à apporter à la Loi sur la radiodiffusion. Étant donné que la ministre était chargée de soumettre la proposition au Cabinet, le bureau du Premier ministre a transmis la proposition à cette dernière [la ministre du Patrimoine canadien].                 
         vi.      La ministre a refusé et continue à refuser de soumettre la proposition du requérant au Cabinet fédéral, en alléguant entre autres que le requérant ne fait pas partie de l'élite canadienne et que la proposition ne peut pas être soumise au Cabinet fédéral.                 
         v.[sic]      La question de savoir si une proposition telle que celle que le requérant a faite doit être reçue ou être soumise au Cabinet fédéral donne lieu à une décision, rendue conformément au pouvoir législatif de coordonner les services de communication au Canada qui est conféré à la ministre. Cette décision ne peut pas être fondée sur des considérations illégales ou non pertinentes ou ne peut pas être limitée par pareilles considérations.                 
         vi.[sic]      La ministre a créé ou a fait en sorte que soient créés des obstacles déraisonnables et discriminatoires qui empêchent les citoyens canadiens ordinaires d'avoir accès au Cabinet fédéral ou de soumettre une proposition au Cabinet fédéral sur des questions d'importance nationale.
         vii.[ sic]      Les restrictions imposées par la ministre à l'accès au Cabinet fédéral par les citoyens canadiens ordinaires comme le requérant sont inconstitutionnelles et contreviennent à la liberté d'expression et au droit à l'égalité devant la loi du requérant, lesquels sont reconnus par la Charte canadienne des droits et libertés. Les restrictions sont également contraires aux politiques établies et à la protection fournie par la Loi sur le multiculturalisme canadien.
         viii.[ sic] La ministre a également allégué, entre autres, que la proposition du requérant contredisait certains objectifs fondamentaux de la Loi sur la radiodiffusion. C'est apparemment pour cette raison que la ministre n'appuyait pas la proposition et qu'elle a par la suite omis de la présenter au Cabinet.
         ix.[sic]      La ministre était au courant ou aurait dû être au courant des préoccupations manifestées par un nombre croissant de Canadiens, dont un autre député fédéral, au sujet de la question qui fait l'objet de la proposition. En omettant de soumettre la proposition au Cabinet fédéral, à l'égard d'une question d'une telle importance nationale, uniquement en raison de sa disposition personnelle, la ministre a agi sans avoir compétence.
         x.[sic]      La ministre a compétence pour élaborer, recommander, coordonner et promouvoir des politiques nationales. Cette compétence n'inclut pas les atteintes aux politiques nationales. Une décision unilatérale au sujet de ce qui constitue une politique nationale constitue une omission flagrante de tenir compte des droits des Canadiens et une atteinte déraisonnable au processus de soumission des propositions au Cabinet fédéral.
         xi.[sic]      La compétence de la ministre englobe la radiodiffusion et inclut obligatoirement la promotion de politiques et de programmes nationaux. La façon dont un particulier conçoit les intérêts nationaux ne peut pas avoir pour effet de limiter cette compétence. En se fondant sur sa conception individuelle ou personnelle de ce qui constitue l'intérêt national, et en refusant de soumettre une proposition d'importance nationale au Cabinet fédéral, la ministre a outrepassé la compétence qui lui est conférée par la Loi sur le Ministère du patrimoine canadien.
         xii.[ sic]      À supposer que la ministre ait omis de soumettre la proposition au Cabinet uniquement en raison d'une présumée contradiction entre la proposition et certains objectifs fondamentaux de la Loi sur la radiodiffusion, la ministre a également porté atteinte, d'une façon déraisonnable, à tout pouvoir discrétionnaire existant. Les présumés objectifs fondamentaux font partie de la Loi sur la radiodiffusion qui peut également être modifiée dans le cadre de la mise en oeuvre des modifications proposées par le requérant.
         xiii.[ sic] La ministre a omis ou refusé de soumettre la proposition du requérant au Cabinet fédéral, en alléguant également entre autres, que la proposition lui avait été transmise uniquement pour qu'elle soit au courant des " remarques " du requérant.
         xiv.[ sic] La ministre ne saurait se soustraire à sa responsabilité en matière de radiodiffusion et à la responsabilité qui lui incombe de soumettre au Cabinet fédéral la proposition se rapportant aux services de communication au Canada en alléguant que la proposition lui a simplement été transmise de façon qu'elle soit au courant des remarques qui y figurent.
         xv.[sic]      La ministre a refusé et continue à refuser d'exercer son pouvoir discrétionnaire sur des questions liées à la Loi sur la radiodiffusion et empêche ainsi les citoyens canadiens ordinaires de faire connaître au Cabinet fédéral leurs préoccupations légitimes en ce qui concerne la radiodiffusion nationale.

[4]      L'objet des observations que le requérant a présentées au CRTC et aux divers ministres semble suffisamment sérieux en ce sens que le requérant propose qu'une licence soit délivrée à son entreprise, Telephone Plus, à titre d'agent d'un radiodiffuseur américain, l'" empreinte " du signal de celui-ci se trouvant au Canada; il propose également l'imposition de frais de réception et la suppression, en totalité ou en partie, du " marché gris ". Toutefois, ce n'est pas le contenu de la proposition du requérant et la plainte qu'il a présentée au CRTC qui intéressent cette cour.

[5]      La plainte du requérant découle d'une réponse que celui-ci a reçue au moyen d'une lettre envoyée par le conseiller juridique principal du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications (le CRTC) le 6 juin 1996, dont je citerai ici certains passages :

[...]

         [TRADUCTION]
             À la suite de notre conversation, je crois comprendre que vous voulez mettre en marché les services d'United States Satellite Broadcast Company (USSB) et de DirecTV au Canada. Vous proposez de le faire en concluant des ententes avec ces deux compagnies. L'utilisation des satellites et des signaux devant être distribués relèverait du contrôle d'USSB et de DirecTV.
             Dans ces conditions, vous agirez en fait comme agent de mise en marché pour le compte d'USSB et de DirecTV. En tant que tel, vous n'exploiteriez pas une entreprise de radiodiffusion et vous n'auriez donc pas besoin d'une licence du Conseil. Ce seraient USSB et DirecTV qui devraient obtenir une licence si elles décidaient de vous permettre de mettre leurs signaux en marché au Canada.

[...]

         Le Parlement agit normalement au moyen de la législation; dans ce cas-ci, il a édicté la Loi sur la radiodiffusion. Cette loi exige que le système de radiodiffusion canadien appartienne à des Canadiens et qu'il soit exploité par des Canadiens. Le gouvernement a donné au Conseil des directives indiquant les conditions d'obtention d'une licence. Il est tout à fait clair, compte tenu de cette directive, que ni DirecTV ni USSB ne pourraient obtenir une licence du Conseil. Si USSB ou DirecTV concluaient avec vous une entente vous autorisant à mettre leurs services en marché au Canada, il serait possible de soutenir qu'elles exploitent des entreprises au Canada sans être titulaires de licences. En pareil cas, elles seraient passibles des sanctions prévues par la Loi sur la radiodiffusion en vertu de laquelle commet une infraction quiconque exploite une entreprise sans obtenir une licence du CRTC. Vous avez expliqué que, parce que vous disposez de certains éléments de preuve tendant à montrer qu'il y a au Canada des exploitants qui aident des Canadiens à obtenir les services d'USSB et de DirecTV au Canada, vous croyez qu'il devrait y avoir une solution vous permettant de commercialiser ces signaux légalement. Compte tenu de la situation dont j'ai ci-dessus fait état, je ne vois pas comment cela est possible à l'heure actuelle. Pour ce faire, il faudrait modifier la Loi sur la radiodiffusion. Toutefois, je tiens à souligner que le gouvernement hésiterait probablement à effectuer pareille modification parce que la politique en matière de radiodiffusion, telle qu'elle est énoncée dans la Loi sur la radiodiffusion, est notamment fondée sur ce que le système de radiodiffusion canadien doit appartenir à des Canadiens, et qu'il doit être exploité et contrôlé par des Canadiens.

(Pièce L jointe à l'affidavit du 6 avril 1997 du requérant.)

Par conséquent, le conseiller juridique principal du CRTC a fait savoir au requérant que sa demande de licence exigeait une modification de la Loi sur la radiodiffusion, ce qui était peu probable.

[6]      Par la suite " sur le chemin critique menant au litige " le requérant a communiqué avec le bureau du Premier ministre (le BPM) pour demander de quelle façon il devait procéder pour que sa demande de modification de la Loi sur la radiodiffusion soit soumise au Cabinet. Le requérant a déclaré (paragraphe 26 de son affidavit) qu'on lui avait conseillé de consigner sa proposition par écrit et de l'envoyer au BPM. Le requérant a alors préparé sa proposition, intitulée : [TRADUCTION] " Appel au Cabinet fédéral " Décision du CRTC " Objet : Entreprise de distribution par satellite DTH " (la proposition), dont une copie est jointe à l'annexe M de l'affidavit.

[7]      Certains problèmes se sont posés à l'égard de la transmission de la proposition par Postes Canada, mais ces problèmes ont en fin de compte été réglés.

[8]      Le requérant a finalement été informé par le BPM que sa proposition avait été transmise au Vice-premier ministre et ministre du Patrimoine canadien. Compte tenu de ses expériences antérieures, la tournure que prenaient les événements mécontentait le requérant, mais le BPM l'a informé [TRADUCTION] " que le Vice-premier ministre était chargé de présenter la proposition au Cabinet " (paragraphe 30 de l'affidavit du requérant).

[9]      Le paragraphe 35 de l'affidavit du requérant permet de constater que le requérant comprenait mal ses droits en l'espèce :

         [TRADUCTION]
         35.      Étant donné que je n'étais pas satisfait du refus continu de soumettre ma proposition au Cabinet, j'ai rencontré mon député fédéral [" le député "], qui est ministre du Commerce international. Après avoir examiné la proposition que je voulais soumettre au Cabinet, mon député m'a informé que le Vice-premier ministre est chargé de présenter pareilles propositions au Cabinet, ce que je crois fermement. J'ai également été informé qu'étant donné que le Bureau du Premier ministre a transmis ma proposition au Vice-premier ministre, il incombe à cette dernière de présenter la proposition au Cabinet.

Le requérant a également échangé des lettres avec le directeur de la Section des initiatives reliées à l'économie clandestine et des initiatives d'observation, Direction de la vérification, de Revenu Canada (pièce 0-1). Cela était légèrement à l'écart du chemin critique.

[10]      Un conseiller en politiques du Vice-premier ministre et ministre du Patrimoine canadien a envoyé au requérant une lettre, le 14 novembre 1996, pour lui faire part des positions ci-après énoncées :

         [TRADUCTION]


[...]

             La proposition que vous avez avancée contreviendrait à la politique existante en permettant aux entreprises de distribution de services de radiodiffusion, comme DirecTV et USSB, qui n'appartiennent pas à des Canadiens et qui ne sont pas contrôlées par des Canadiens, et ne sont pas autorisées à effectuer la distribution au Canada, à servir le marché canadien. En outre, étant donné que ces entreprises étrangères de distribution de services de radiodiffusion ne sont pas assujetties aux règlements canadiens sur la radiodiffusion, elles ne seraient pas tenues d'offrir des services de programmation canadienne et les recettes tirées de ces services ne reviendraient donc pas au système de radiodiffusion canadien.

[...]

             Nous nous rendons bien compte qu'en soumettant votre proposition, vous voulez capter le marché gris en vue d'appuyer le système de radiodiffusion canadien. Malheureusement, votre proposition contredit les objectifs fondamentaux de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur la radiocommunication. Étant donné que le gouvernement canadien appuie fortement ces deux lois, Mme Copps n'est pas en mesure d'appuyer votre proposition.

(Pièce P jointe à l'affidavit du 6 avril 1997 du requérant.)

Cette indication plutôt précise du fait que la ministre n'appuierait pas la proposition du requérant n'a pas pour autant arrêté celui-ci.

[11]      Pour obtenir un mandamus, le requérant doit démontrer qu'il possède, en common law ou en equity, un droit de le faire et il doit démontrer que l'intimée est tenu en droit de prendre la mesure qu'il lui enjoint de prendre et ne doit pas faire preuve de mauvaise foi. Ces propositions constituent les deux côtés d'une même monnaie et sont illustrées dans bon nombre d'arrêts qui font autorité; il suffit de mentionner les décisions suivantes : O'Grady c. White, [1983] 1 C.F. 719, ('82) 42 N.R. 608 à la p. 611, (1982) 138 D.L.R. (3d) 167, et Hartel Holdings c. Calgary, [1984] 1 R.C.S. 337, qui ont toutes les deux été rendues à l'unanimité en appel.

[12]      En invoquant la Loi sur le muticulturalisme canadien, le requérant semble accuser les intimés d'avoir fait preuve de mauvaise foi et d'avoir agi d'une façon discriminatoire à son endroit ou à l'endroit de ses associés, mais il ne fournit aucun élément de preuve à l'appui et il est bien loin de formuler pareille accusation. Le requérant invoque également la Loi sur le Ministère du patrimoine canadien et la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). Il ne cherche pas à imposer au ministre compétent l'obligation de présenter la soumission en son nom ou au nom de quelqu'un d'autre en vertu de la législation sur le patrimoine. Il est malheureux, mais vrai, qu'un favori insensible du bureau d'un ministre a dit au requérant que les ministres ne se plient à cet égard qu'aux demandes importunes de l'" élite canadienne ". Ce genre de remarque, si elle a été faite, ferait preuve non seulement d'ignorance, mais aussi de malice. Même alors, des relations publiques aussi épouvantables ne permettraient pas pour autant de fonder la cause du requérant sur la base des deux propositions susmentionnées.

[13]      Cette cour statue que les allégations du requérant, et les éléments de preuve présentés par celui-ci, ne mettent pas la Charte en cause, compte tenu des circonstances de l'espèce.

[14]      De fait, le Cabinet en tant que tel n'est même pas mentionné dans la Constitution, même s'il existe réellement. La Loi constitutionnelle de 1867 prévoit ceci, à l'article 11 :

         11.      Il y aura, pour aider et aviser, dans l'administration du gouvernement du Canada, un conseil dénommé le Conseil Privé de la Reine pour le Canada; les personnes qui formeront partie de ce conseil seront, de temps à autre, choisies et mandées par le Gouverneur Général et assermentées comme Conseillers Privés; les membres de ce conseil pourront, de temps à autre, être révoqués par le gouverneur général.

Les ministres et secrétaires d'État que le Premier ministre considère comme membres de son cabinet sont ceux qui prennent activement part, le cas échéant, aux travaux du Conseil privé, conformément aux exigences de la loi.

[15]      Il semble y avoir fort peu d'arrêts sur le point même soulevé par le requérant, mais de nombreux auteurs qui font autorité ont énoncé la doctrine, en ce qui concerne l'appareil gouvernemental. Un exemple bien connu des avocats et des juges est Peter W. Hogg qui, dans Constitutional Law of Canada, 1992, 3e éd. (feuillets mobiles) dit ceci, aux pages 9-8 à 9-10 :

         [TRADUCTION]
             L'ensemble du Conseil privé serait composé d'une centaine de membres dont les convictions politiques sont fort divergentes. Pareil organisme ne pourrait pas s'occuper des affaires gouvernementales et il ne s'en occupe pas. L'ensemble du Conseil privé se réunit fort rarement, et même alors uniquement pour des cérémonies.
             Le Cabinet, qui se réunit régulièrement et fréquemment, est la plupart du temps l'autorité exécutive suprême. (Les " pouvoirs de réserve " relèvent du gouverneur général, et certains pouvoirs sont dévolus au Premier ministre; nous y reviendrons ci-dessous). Le Cabinet formule et met en oeuvre toutes les politiques de l'exécutif; il est responsable de l'administration de tous les ministères du gouvernement. Il constitue l'unique partie active du Conseil privé, et il exerce les pouvoirs que possède cet organisme. Le gouverneur général ne préside pas les réunions du Cabinet et il n'y assiste même pas. C'est le Premier ministre qui les préside. Lorsque la Constitution ou une loi exige qu'une décision soit prise par le " gouverneur général en conseil " (et cette exigence est de fait fort commune), on ne rencontre toujours pas le gouverneur général. Le Cabinet (ou un comité du Cabinet auquel les affaires courantes du Conseil privé ont été déléguées) prend la décision, et envoie un " décret " ou un " procès-verbal " de la décision au gouverneur général pour signature (celui-ci, par convention, apposant automatiquement sa signature). Lorsqu'une loi exige qu'une décision soit prise par un ministre particulier, c'est le Cabinet qui prend la décision, et le ministre compétent authentifie officiellement cette décision. Bien sûr, le Cabinet est prêt à déléguer de nombreuses questions à des ministres individuels, mais chaque ministre reconnaît l'autorité suprême du Cabinet, si ce dernier cherche à s'en prévaloir.
             c)      Le Premier ministre
             Dans la plupart des cas, le Cabinet est l'autorité exécutive suprême, mais le Premier ministre (ou le Premier ministre d'une province) possède certains pouvoirs qu'il n'a pas à partager avec ses collègues. Deux de ces pouvoirs sont fort importants. En premier lieu, il y a le pouvoir de choisir les autres ministres ainsi que le pouvoir de les promouvoir, de les rétrograder ou de les congédier à son gré. (Bien sûr, en théorie, le Premier ministre peut uniquement recommander pareilles mesures au gouverneur général, mais il est toujours donné suite à pareilles recommandations.) En second lieu, le Premier ministre est personnellement chargé de conseiller le gouverneur général au sujet de la date de dissolution du Parlement en vue de la tenue d'élections, et de la date de sa convocation.
             Ces pouvoirs sont non seulement importants en tant que tels, mais ils garantissent aussi que l'avis du Premier ministre l'emporte au sein du Cabinet.

(pages 9-9 et 9-10)

             [...] et la mesure dans laquelle le Cabinet dans son ensemble a un rôle en ce qui concerne les prises de décisions importantes peut dépendre dans une large mesure du pouvoir discrétionnaire du Premier ministre. À cet égard, il est important de noter que le Premier ministre convoque les réunions du Cabinet, décide de l'ordre du jour et préside les réunions.
             d)      La responsabilité ministérielle
             Un ministre est responsable de chacun des ministères du gouvernement. La plupart des ministres du Cabinet sont responsables d'au moins un ministère. (Il y a habituellement un ministre ou des ministres sans portefeuille qui sont membres du Cabinet, mais qui ne sont pas responsables d'un ministère.) Chaque ministre qui est responsable d'un ministère assume les obligations administratives qui sont liées à pareille charge. De plus, le ministre " représente " son ministère devant le Parlement : le ministre assure l'adoption du budget du ministère par la Chambre, explique et défend les politiques et pratiques du ministère, et présente au Parlement tout projet de loi se rapportant au travail du ministère.
             Bien sûr, les ministères gouvernementaux sont administrés par des fonctionnaires qui, contrairement au ministre, sont censément neutres sur le plan politique. Le fonctionnaire en chef de chaque ministère, qui au Canada est habituellement désigné sous le nom de " sous-ministre ", assure la liaison entre le ministre et les fonctionnaires. Le sous-ministre agit à la fois comme conseiller auprès du ministre et comme gestionnaire supérieur du ministère. Bien sûr, le ministre n'est pas tenu de suivre les conseils du sous-ministre.

(pages 9-10)

Une autre description précieuse des rouages du Cabinet et de ses fonctions se trouve dans Con Mills, CCH Canadian Ltd. 1992.

[16]      À part les allégations du requérant, il n'est certainement pas fait mention du droit que possède un citoyen de contraindre un ministre du Cabinet fédéral ou provincial à soumettre le projet du citoyen concerné au Cabinet pour examen ou à modifier de quelque façon l'ordre du jour. Comme on l'a vu, il incombe exclusivement au Premier ministre d'établir l'ordre du jour du Cabinet. En outre, le ministre, qui n'est pas obligé de tenir compte des conseils de son propre sous-ministre, n'est pas obligé (quel que soit le risque sur le plan politique, le cas échéant) de tenir compte des conseils et des causes prônées par un particulier. La plupart des démocraties représentatives ou toutes les démocraties représentatives doivent fonctionner de la même façon.

[17]      Le requérant se plaint que le fait qu'on ne tienne pas compte de sa demande n'est pas démocratique. On pourrait examiner cette allégation étant donné que la Loi constitutionnelle de 1982 décrit le Canada comme étant une " société libre et démocratique ". Le droit que possède le requérant de promouvoir son projet devant le bureau du Premier ministre et devant tous les ministres est primordial et fondamental, ainsi que le droit de faire des observations, oralement ou par écrit, à ce sujet et le droit de critiquer les politiques du gouvernement, et ce, sans risquer le moindrement d'être arrêté et détenu. En outre, le requérant peut, également impunément, communiquer avec les sénateurs et les députés fédéraux, tant du gouvernement que de l'opposition, afin de promouvoir son projet. De fait, il peut même obtenir une réponse officielle du Cabinet en prenant des dispositions pour qu'un député présente sa pétition devant la Chambre des communes. Son avocat peut le conseiller au sujet de pareilles pétitions.

[18]      Toutes les mesures susmentionnées peuvent être prises par le requérant, mais ce dernier ne peut pas contraindre un ministre du Cabinet à mettre son projet à l'ordre du jour du Cabinet. Le requérant n'a pas démontré qu'il avait le droit de le faire, ou que quiconque avait le droit de le faire. Les conventions, la coutume et la pratique veulent que le Cabinet conduise ses propres affaires et il n'existe en droit aucun fondement étayant l'existence d'un présumé droit de la part des citoyens d'exiger qu'une question soit mise à l'ordre du jour du Cabinet, ou que le Cabinet examine pareille question ou en discute.

[19]      Les remarques qui précèdent sont justes en droit, mais elles le sont également d'une façon intuitive.

[20]      En 1948, Robert MacGregor Dawson, dans son brillant ouvrage intitulé : The Government of Canada, University of Toronto Press, réimprimé en 1948, a fait la remarque suivante :

         [TRADUCTION]
         Une autre difficulté commune qui est étroitement liée à la taille du Cabinet découle du fait que le Cabinet doit se pencher sur énormément d'affaires. Au Canada, ce problème n'est d'une certaine façon pas aussi grave que dans certains autres pays parce que les provinces assument une partie importante du travail du gouvernement, mais la charge de travail tend néanmoins à être beaucoup trop lourde à cause de la quantité de détails dont le Cabinet a tenté de s'occuper directement. Cela est attribuable en partie à l'immaturité politique et administrative et, partant, au fait qu'on hésite à déléguer des pouvoirs et des responsabilités à d'autres personnes, et en partie à la nature représentative du Cabinet et au fait qu'on s'attend à ce que chaque section ou groupe d'intérêt ait la possibilité de participer à toute décision qui est susceptible de le toucher.

Ce passage figure également dans la cinquième édition de 1970, à la page 226.

[21]      Dans la deuxième édition réimprimée en 1954 de l'ouvrage bien connu intitulé : Democratic Government and Politics, faisant partie de la série d'ouvrages notoires du gouvernement canadien rédigés par Corry, Dawson, Paul Gérin-Lajoie, Norman Ward et Frank MacKinnon, J.A. Corry confirme l'existence des problèmes mentionnés par R.M. Dawson dans les passages précités, soit la taille du Cabinet et la charge de travail.

[22]      Les jugements portant sur la question sont fort peu nombreux, mais il en existe néanmoins. L'avocat des intimés semble dire que les ministres de la Couronne sont passablement à l'abri du contrôle judiciaire. Ce n'est tout simplement pas vrai. Il est intéressant de citer ici le raisonnement que Madame le juge Reed a fait dans le jugement Inuvialuit Regional Corp'n v. The Queen & al., (1992) 53 F.T.R. 1, aux pages 4 à 6, par. [16] à [22] et [24] :

         [16]      On invoque un argument plus substantiel, savoir qu'il n'y a pas lieu de décerner un bref de la nature d'une prohibition parce que la présentation de l'entente au cabinet, et probablement plus tard au Parlement, par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et sa signature par quiconque pourrait être désigné représentant de la Couronne ne constituent pas le type d'actes qui est visé par l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale. L'avocat des intimés soutient que ces actes sont de nature politique ou ministérielle et ne sont pas sujets à des contraintes imposées par les tribunaux. Le paragraphe 18.(1) prévoit que la Section de première instance a compétence exclusive :
         a)      [...]

         b)      [...]

             [cité au complet]

         [17]      Le paragraphe 2 de la Loi sur la Cour fédérale est ainsi rédigé :

[...]

[cité au complet]

         [18]      Le manuel Federal Court Practice 1991-92 de Sgayias, Kinnear, Rennie and Saunders fait état, à la page 41, de la récente modification apportée à l'article 2 :
             [TRADUCTION] La définition " office fédéral " est révisée pour y inclure des organismes ou des personnes exerçant des pouvoirs en vertu d'une prérogative royale et pour préciser que le Sénat et la Chambre des communes sont exclus de la portée de cette expression. La première adjonction garantit que la Cour fédérale, et non les cours supérieures provinciales, a le pouvoir d'examiner les actes administratifs fondés sur l'exercice de la prérogative royale fédérale. La dernière clarification, qu'on trouve dans le nouveau paragraphe 2(2), représente la réponse du législateur à la décision rendue en première instance dans l'affaire Southam Inc. c. Canada (P.G.) , [1989] 3 C.F. 147, 27 F.T.R. 139, 43 C.R.R. 87 (1re inst.), laquelle décision a par la suite été infirmée en appel; [1990] 3 C.F. 465, 73 D.L.R. (4th) 289, 114 N.R. 255 (C.A.).         
         [19]      L'avocat des requérants cite à la fois l'arrêt M.R.N. c. Kruger Inc., [1984] 2 C.F. 535 (C.A.F.) et Operation Dismantle c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441; 59 N.R. 1; 18 D.L.R. (4th) 481; 13 C.P.R. 287. Dans le premier arrêt, aux pages 543 et 544, il a été jugé que le ministre des Finances était susceptible de faire l'objet d'un certiorari lorsqu'il exerçait un pouvoir administratif purement discrétionnaire, en vertu d'une loi, pour autoriser la perquisition des locaux d'un contribuable. Il a été décidé que le respect des garanties constitutionnelles énoncées dans la Charte canadienne des droits et libertés s'imposait. Dans l'arrêt Operation Dismantle, à la page 455, il a été bien entendu jugé que les décisions du cabinet prises dans l'exercice de la prérogative royale pouvaient être sujettes à l'examen judiciaire en vue d'assurer leur compatibilité avec la Charte.
         [20]      Il m'est difficile de qualifier l'acte par lequel un ministre soumet une proposition au cabinet d'exercice de la prérogative royale, bien que la signature de l'entente, qu'il s'agisse d'un traité ou d'un simple contrat, par des représentants de la Couronne constitue l'exercice d'un tel pouvoir. On ne m'a cité aucun texte législatif d'où découleraient les actes en question. Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a, en vertu de l'article 6 de la Loi sur le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, L.R.C. (1985), chap I-6, compétence sur les terres en question.

6. [...]

[cité au complet]

         [21]      Si je comprends bien l'argument de l'avocat des intimés, il prétend que le ministre, lorsqu'il agit en vertu de l'entente des Gwidch'in, en présentant la proposition au cabinet et, par là, en provoquant la signature possible de l'entente et l'incorporation finale de celle-ci dans une loi, agit en vertu d'un accord contractuel privé. Il soutient qu'un bref de prohibition ne peut être décerné pour empêcher la rupture d'un accord privé (paragraphe 43 de l'exposé des faits et du droit des intimés).
         [22]      En tout état de cause, je ne me propose pas de m'attarder davantage sur ces arguments, parce que je trouve qu'il est inutile de le faire. Je souscris à l'argument de l'avocat de l'intervenant selon lequel il ne convient pas de rendre maintenant une ordonnance parce que ce serait prématuré. Il fait valoir qu'on ne devrait pas empêcher le ministre de soumettre l'entente au cabinet pour qu'il en discute, qu'on ne sait pas si le cabinet approuvera en fait l'entente ou s'il va l'approuver sous certaines conditions. Il avance que l'on ignore qui va signer l'entente au nom du gouvernement, si celle-ci doit être signée, et il note que même si elle est signée, rien n'oblige à soumettre l'entente au Parlement avant que le litige concernant les terres d'Aklavik ne soit tranché par les Gwich'in et les Inuvialuit, ou par cette cour le cas échéant.

[...]

         [24]      C'est l'arrêt Toth v. M.E.I. [1989] 1 C.F. 535; 86 N.R. 302; 6 Imm.L.R. (2d) 123 (C.A.F.) qui a statué que la Cour a le pouvoir accessoire d'empêcher un ministre d'exécuter une obligation prévue par la loi afin que les procédures devant la Cour ne deviennent pas futiles. Bien que cette affaire porte sur le pouvoir accessoire de la Cour d'appel fédérale, il n'y a aucune raison pour ne pas appliquer également ce principe aux procédures devant la Section de première instance, et il leur a d'ailleurs été appliqué. De même, bien que cette décision ait été rendue dans le contexte d'une demande de contrôle judiciaire, rien ne justifie de ne pas l'appliquer également dans le contexte d'une action en jugement déclaratoire. En dernier lieu, bien que l'arrêt Toth porte sur l'octroi d'une injonction pour empêcher un ministre d'exécuter ses fonctions légales, l'octroi d'une injonction semble convenir encore mieux lorsque cette fonction découle de ce qui semble être une obligation contractuelle.

Madame le juge Reed a ensuite rejeté la demande de bref de prohibition. Toutefois, selon les remarques qu'elle a faites (ci-dessus), elle a refusé de trancher une question à peu près identique à celle qui est ici soulevée. Néanmoins, ses observations sont utiles et font preuve de perspicacité.

[23]      Dans la décision précitée, le juge Reed n'a pas mentionné le jugement que la Cour suprême du Canada avait rendu dans l'affaire Le vérificateur général du Canada c. Le ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources et autres, [1989] 2 R.C.S. 49, (1989) 61 D.L.R. (4th) 604, dans lequel le juge en chef Dickson a rédigé les motifs au nom de la Cour. Dans cette affaire, le vérificateur général avait présenté une demande de mandamus, en vue de se prévaloir en fait d'un droit d'accès à de l'information, notamment des dossiers de Petro-Canada et des documents du Cabinet concernant l'acquisition de Petrofina par Petro-Canada, droit qu'il pouvait censément faire valoir en justice. Dans cette affaire-là, aucune question fondée sur la Charte ne se posait.

[24]      Il vaut la peine de lire au complet l'arrêt Vérificateur général, mais les motifs sont beaucoup trop longs pour qu'il soit possible de les reproduire ici au complet. Aux fins qui nous occupent, certains passages sont particulièrement pertinents :

             La notion de justiciabilité la plus fondamentale dans le système juridique canadien est celle, évoquée dans l'arrêt Pickin, précité, qui nous vient du gouvernement unitaire de Westminster, savoir qu'il n'appartient pas aux tribunaux de juger de la validité des lois. Bien sûr, dans le contexte canadien, le rôle constitutionnel du judiciaire relativement à la validité des lois a été grandement modifié par le régime fédéral de partage des compétences, de même que par la consécration de la protection fondamentale accordée à certaines valeurs constitutionnelles dans les différentes Lois constitutionnelles, notamment celle de 1982. Il existe tout un éventail de questions litigieuses exigeant l'exercice d'un jugement judiciaire pour déterminer si elles relèvent à bon droit de la compétence des tribunaux. Finalement, un tel jugement dépend de l'appréciation par le judiciaire de sa propre position dans le système constitutionnel.

(page 91)


[...]

         Accepter l'interprétation que donne le vérificateur général à l'obligation que lui impose l'al. 7(2)d) et au droit que lui confère le par. 13(1) entraînerait un changement de fait dans l'équilibre constitutionnel des pouvoirs en ce qui concerne le processus de vérification des dépenses. Un changement de cette nature peut, bien entendu, résulter de la loi, mais en l'absence d'indication plus claire de l'intention du Parlement de permettre aux tribunaux de statuer sur le bien-fondé des prétentions du vérificateur général à un rôle et à des pouvoirs accrus, je ne crois pas qu'il convienne que les tribunaux assument cette responsabilité. C'est au Parlement, et non aux tribunaux, qu'il appartient de décider s'il y a lieu d'élargir le mandat du vérificateur général.

[...]

On peut se demander de quel droit le requérant ou toute autre personne peut contraindre un ministre à soumettre une question au Cabinet pour examen.

*** *** ***


             Dans l'arrêt Operation Dismantle, précité, où était invoquée la Charte, j'ai déclaré de façon assez catégorique, avec l'appui de quatre autres membres de la Cour, que " [j]e ne doute pas que les tribunaux soient fondés à connaître de différends d'une nature politique ou mettant en cause la politique étrangère " (p. 459). Toutefois, pour les motifs susmentionnés et compte tenu des circonstances, je suis d'avis que l'al. 7(1)b ) de la Loi sur le vérificateur général constitue le seul recours que puisse faire valoir le vérificateur général contre la négation alléguée de ses droits d'accès à l'information fondés sur le par. 13(1). Je ne saurais trop souligner que la Charte n'est pas invoquée en l'espèce.
             Il n'est donc pas nécessaire que je me prononce sur le fond des interprétations opposées des droits et obligations du vérificateur général en ce qui concerne l'accès à l'information prévu au par. 13(1). Rien de ce qui précède n'est censé porter préjudice au droit de la Chambre des communes d'agir comme bon lui semble à l'égard d'un rapport présenté en vertu de l'al. 7(1)b). En outre, les conclusions de l'espèce devraient être considérées comme limitées à l'interprétation d'une loi unique, eu égard au rôle particulier du vérificateur général. L'analyse en l'espèce ne doit pas non plus être interprétée comme une atteinte au principe fondamental selon lequel les tribunaux ne doivent pas refuser volontiers d'accorder les recours nécessaires quant à des droits reconnus par les lois du Canada.

(pages 109-110)

[25]      À coup sûr, le droit ne met pas les ministres du Cabinet à l'abri du contrôle judiciaire en ce qui concerne les obligations légitimes qui leur incombent en common law et en vertu de la loi. Toutefois, en l'espèce, il n'existe aucune obligation légitime de la part des intimés de se plier aux exigences du requérant et de soumettre son projet au Cabinet. Il ne s'agit tout simplement pas d'une question justiciable. Le résultat semble clair sur le plan intuitif, mais il peut s'agir d'une première impression.

[26]      Tous ces arguments et tout le litige découlent d'un appel d'une décision par laquelle le protonotaire a accueilli la requête que les intimés avaient présentée en vue de faire radier la demande conformément à l'article 419 des Règles. Cette règle s'applique aux plaidoiries se rapportant à une action et non à un avis de requête introductive d'instance, comme c'est ici le cas. Dans l'arrêt Bull Laboratories Inc. v. Pharmacia Inc., (1994) 176 N.R. 48, la Cour d'appel a souligné qu'il n'y a pas nécessairement dans les règles de manque qui nous porte à élargir la portée de l'article 419 des Règles de façon à y remédier. De fait, dans cet arrêt-là, la Cour a fait remarquer (à la page 52) que " [...] le moyen direct et approprié par lequel la partie intimée devrait contester un avis de requête introductive d'instance qu'elle estime sans fondement consiste à comparaître et à faire valoir ses prétentions à l'audition de la requête même ". Un point c'est tout.

[27]      En l'espèce, il aurait été plus rapide et moins coûteux de simplement régler cette instance sommaire d'une façon sommaire, parce que de toute façon c'est ce qu'il fallait en fin de compte faire. On n'a rien gagné en demandant la radiation de la demande en vertu de l'article 419 des Règles, bien qu'on croie que le résultat serait évident sur le plan intuitif. Il y avait une autre difficulté, en ce sens que l'intimé a fourni un projet d'ordonnance type, qui renfermait une disposition subsidiaire si le protonotaire ne radiait pas l'avis de requête introductive d'instance. Le protonotaire a par inadvertance signé une ordonnance conforme au projet, ce qui portait le requérant à croire que la requête qu'il avait présentée n'avait pas en fin de compte été radiée. Il est maintenant clair que l'ordonnance telle qu'elle avait été rédigée a été signée par inadvertance, que le protonotaire voulait en réalité radier l'avis de requête introductive d'instance et qu'au fond, sinon pour ce qui est de la forme, le rejet était le résultat mérité.

[28]      Il faut des millions de citoyens pour élire une majorité de députés à la Chambre des communes afin d'appuyer le gouvernement. Si les particuliers pouvaient dicter les questions et projets sur lesquels le Cabinet doit se pencher, quelques milliers de personnes qui s'opposent au gouvernement, ou même un nombre moins élevé, pourraient facilement entraver l'ordre du jour du Cabinet, ce qui empêcherait ce dernier de s'occuper des affaires légitimes du gouvernement.

[29]      La demande est rejetée. Conformément à l'article 1618 des Règles, les dépens ne sont pas adjugés compte tenu des circonstances particulières de l'espèce.

                         F. C. Muldoon

                                     Juge

Ottawa (Ontario),

le 12 décembre 1997

Traduction certifiée conforme

C. Delon, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      T-646-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Edward Akinbobala c. Le procureur général
     du Canada et autre

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 20 octobre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Muldoon en date du 12 décembre

1997

ONT COMPARU :

Bola Adetunji      POUR LE REQUÉRANT

Lois Lehmann      POUR LES INTIMÉS

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Bola Adetunji      POUR LE REQUÉRANT

Avocat

Toronto (Ontario)

George Thomson      POUR LES INTIMÉS

Sous-procureur général

du Canada

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