Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20010608

Dossier : T-747-97

Référence neutre : 2001 CFPI 610

ENTRE :

                                 ALLAN J. MILES

                                                                            demandeur

                                           - et -

PREMIÈRE NATION DE WHITEFISH RIVER et

SA MAJESTÉLA REINE DU CHEF DU CANADA,

représentée par le MINISTRE DES AFFAIRES

INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

                                                                            défendeurs

      MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]    La Cour est saisie d'une requête présentée par la défenderesse, Sa Majesté la reine, la requérante en l'espèce (la requérante), en vue d'obtenir une ordonnance annulant ou modifiant l'ordonnance en date du 20 janvier 1998 par laquelle M. le juge en chef adjoint Jerome a interdit à Sa Majesté de prendre toute autre mesure en vue de résilier le bail, d'expulser le demandeur (l'intimé) ou de reprendre autrement possession des locaux loués.


FAITS PERTINENTS

[2]    Le 2 février 1978, le père de l'intimé, Norman Miles, a conclu un bail avec la requérante en vue de prendre à bail le lot no 105 de la réserve indienne de Whitefish River pour une période de vingt et un ans (le bail).

[3]    Le 21 mars 1991, une entente a été conclue avec la requérante en vue de céder le bail à la bande indienne requérante au moyen d'un addenda au bail (l'addenda).                                     

[4]    Le 8 mars 1994, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (le ministre) a envoyé une lettre à l'intimé pour l'informer que la Première nation de Whitefish River avait assumé le pouvoir délégué du ministre de gérer les terres situées dans la réserve indienne de Whitefish River. Le ministre précisait également dans sa lettre que par suite de cette délégation de pouvoir, l'intimé devait désormais payer son loyer à la Première nation de Whitefish River.

Ordonnance du 20 janvier 1998 du juge en chef adjoint Jerome

[5]    Par une déclaration déposée le 16 avril 1997, l'intimé a introduit une action contre la requérante et contre la Première nation de Whitefish River en vue d'obtenir notamment une injonction provisoire interdisant à la requérante de prendre d'autres mesures en vue de résilier le bail, d'expulser l'intimé ou de reprendre autrement possession des lieux loués, et le relevant de sa déchéance pour non-paiement du loyer.


[6]                 En octobre 1997, l'intimé s'est désisté de son action contre la Première nation de Whitefish River.

[7]                 Par avis de requête modifié daté du 12 janvier 1998, la requérante a présenté à la Cour une requête concluant notamment au prononcé d'une ordonnance lui accordant un jugement sommaire et rejetant la déclaration.

[8]                 Par requête incidente datée du 12 janvier 1998, l'intimé a également saisi la Cour d'une requête visant notamment à obtenir une injonction provisoire interdisant à la requérante de prendre toute autre mesure en vue de résilier le bail, d'expulser l'intimé ou de reprendre autrement possession des lieux loués.

[9]                 Les deux requêtes ont été instruites conjointement par le juge en chef adjoint Jerome le 20 janvier 1998.

[10]            Aux termes de l'ordonnance qu'il a prononcée à l'audience, le juge en chef adjoint Jerome a rejeté la requête en jugement sommaire de la requérante. Il a également suspendu l'action jusqu'à ce que l'action no T-234-92 de la Cour fédérale ait été tranchée définitivement (y compris les appels).


[11]            Le juge en chef adjoint Jerome a également prononcé une injonction provisoire interdisant à la défenderesse de prendre toute autre mesure en vue de résilier le bail, d'expulser l'intimé ou de reprendre autrement possession des locaux loués jusqu'au procès ou jusqu'au prononcé d'une autre ordonnance.

Expiration du bail

[12]            Conformément à ses dispositions, le bail a expiré le 31 mars 1998. La requérante n'a pas reconduit ou prolongé le bail. De plus, ainsi que le chef Leona Nahwegahbow l'a précisé dans sa lettre du 20 décembre 2000, la Première nation de Whitefish River n'a pas reconduit ou prolongé le bail.

[13]            L'intimé signale toutefois qu'aux termes de l'article 30 du bail, le locataire a le droit de reconduire le bail à condition d'en aviser le locateur douze mois avant l'expiration du bail initial ou du bail reconduit. L'intimé affirme dans l'affidavit qu'il a souscrit le 29 mai 2001 qu'il a avisé le locateur de son intention de reconduire le bail au cours de la période de douze mois précédant l'expiration du bail. De fait, l'intimé a envoyé le 23 juin 1997 un avis qui a été reçu le lendemain par la Première nation de Whitefish River.


Violation du bail par l'intimé à la suite de l'ordonnance prononcée par le juge en chef adjoint Jerome le 20 janvier 1998.

Arriérés de loyer

[14]            Suivant la requérante, pour l'année 1998, l'intimé n'a acquitté son loyer qu'en partie. Il n'a fait aucun versement de loyer pour les années 1999 et 2000. L'intimé doit présentement 4 984 $ en arriérés de loyer.

[15]            Le 17 mai 2000 ou vers cette date, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a reçu de l'intimé un chèque de 1 265 $ fait à l'ordre des Affaires indiennes. Le même jour, Mme Diane Wills, du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, a retourné ce chèque à l'intimé et l'a informé qu'il devait payer son loyer à la Première nation de Whitefish River.

[16]            L'intimé affirme dans son affidavit qu'il n'est pas en retard dans le paiement de son loyer. Le loyer a été fixé à 1 265 $ par année pour la période commençant en mars 1998. Les « propriétaires » des lots adjacents paient le même loyer. La requérante a continué à refuser d'encaisser les chèques envoyés par l'intimé pour payer son loyer. Ces chèques étaient suffisants pour couvrir le loyer. Ils ont été envoyés sous pli recommandé.


[17]            L'intimé affirme que si les chèques étaient encaissés, il serait en règle. Comme les chèques envoyés pour payer le loyer sont maintenant périmés, il est disposé à signer de nouveaux chèques à condition que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien s'engage à les encaisser.

Faillite

[18]            Le 22 mai 1998, l'intimé a fait une cession de faillite. Il a été libéré de sa faillite le 22 février 1999 ou vers cette date.

[19]            Suivant la requérante, l'intimé n'a jamais avisé les employés du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ou la Première nation de Whitefish River de cette faillite.

[20]            L'intimé affirme toutefois dans son affidavit que l'avocat du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et de la Première nation de Whitefish River était au courant de la faillite. Avant d'être libéré de sa faillite, l'intimé a personnellement eu une conversation avec Me O'Neill, l'avocat de la Première nation de Whitefish River, conversation au cours de laquelle il a discuté de sa faillite. Qui plus est, l'avocat de l'intimé a informé celui-ci qu'il avait informé Me O'Neill, au cours d'une conversation téléphonique, que l'intimé s'était mis en faillite.

[21]            De plus, après la mise en faillite, le syndic a renoncé à ses droits sur les lieux loués et sur l'édifice où ils étaient situés. La faillite n'a pas porté atteinte aux droits de la Première nation de Whitefish River ou du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.


Résiliation du bail

[22]            Aux termes de l'alinéa 21e) du bail, le ministre a la faculté de déclarer le bail expiré et de résilier le bail si le locataire (l'intimé) fait défaut de payer le loyer exigible.

[23]            Aux termes des alinéas 21a) et 21b) du bail, le ministre a la faculté de déclarer le bail expiré et de résilier le bail si le locataire (l'intimé) se met en faillite ou fait une cession de faillite.

[24]            Par lettre en date du 20 décembre 2000, la Première nation de Whitefish River a demandé la résiliation du bail et l'expulsion de l'intimé du lot no 105. Le ministre accepte que le bail soit résilié et que l'intimé soit expulsé du lot no 105.

Action no T-234-92

[25]            Dans l'ordonnance qu'il a prononcée le 20 janvier 1998, le juge en chef adjoint Jerome a interdit au ministre de prendre quelque mesure que ce soit pour résilier le bail avant la tenue du procès ou le prononcé d'une autre ordonnance. Le juge Jerome a également suspendu la présente action jusqu'à ce que l'action no T-234-92 de la Cour fédérale ait été tranchée définitivement (y compris les appels).

[26]            Le 16 juillet 1998, La Cour fédérale (Section de première instance) a rendu son jugement dans l'action no T-234-92.


[27]            Dans l'action no T-234-92, Maurice St-Martin et autres c. Canada (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), les demandeurs, soixante et un locataires de lots individuels situés dans la réserve de Whitefish River, étaient dans la même situation que l'intimé pour ce qui était du calcul de leur loyer. Ils ont intenté une action pour faire calculer le loyer annuel de chaque parcelle de terrain louée pour la période de sept ans commençant le 1er avril 1991.

[28]            Monsieur le juge en chef adjoint Richard (maintenant juge en chef) a conclu ce qui suit :

Le loyer courant, pour la période allant du 1er avril 1991 au 31 mars 1998, est la valeur marchande estimative de chaque lot telle qu'elle a étécalculée par M. Bell dans son rapport (pièce P-8, onglet 17) aux pages 82 à 83 et assortie d'un escompte de 40 % pour arriver à la valeur marchande escomptée, multipliée par le taux préférentiel de 9,92 % ou tout autre taux qui était en vigueur le 31 mars 1991. Si ce calcul entraîne un paiement en trop de loyer, chaque locataire a alors droit au remboursement d'un montant qui sera fixé par les avocats, compte tenu de l'intérêt avant jugement conformément aux dispositions de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l'Ontario. En cas de litige au sujet de ce calcul, l'affaire peut m'être renvoyée.

[29]            Le 13 août 1998, le jugement rendu dans l'affaire T-234-92 a été porté en appel devant la Cour d'appel fédérale. L'appel (dossier A-465-98) a été entendu le 4 avril 2001 mais aucun jugement n'a encore été rendu.


QUESTION EN LITIGE

Y a-t-il lieu de modifier ou d'annuler l'ordonnance prononcée par le juge en chef adjoint Jerome le 20 janvier 1998?

ANALYSE

[30]            L'alinéa 399(2)a) des Règles de la Cour fédérale (1998) dispose :


(2) Annulation - La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l'un ou l'autre des cas suivants :

a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l'ordonnance a été rendue;

(2) Setting aside or variance - On motion, the Court may set aside or vary an order

(a) by reason of a matter that arose or was discovered subsequent to the making of the order; or


[31]            Dans l'arrêt Canada (M.E.I.) c. Chung, [1993] 2 C.F. 42 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a expliqué ce qui suit :

Pour faire annuler un jugement en vertu de la Règle 1733, le requérant doit démontrer que la question a étédécouverte subséquemment et qu'il a agi avec une diligence raisonnable (voir Saywack c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 3 C.F. 189 (C.A.); Rostamian c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 14 Imm. L.R. (2d) 49 (C.A.F.)). Normalement, dans le cas d'une requête fondée sur la Règle 1733, la Cour examine ces deux questions avant de statuer au fond sur la requête. Il s'ensuit que rien ne garantit que la Cour statuera un jour sur le fond d'une requête présentée en vertu de la Règle 1733, étant donné qu'il se peut que la requête soit rejetée avant qu'on atteigne cette étape.

[32]            La requérante soutient que le défaut de l'intimé de payer le loyer exigible en vertu du bail et la cession de faillite de l'intimé sont des faits nouveaux qui :

(i)         ont été découverts (et sont survenus) après que l'ordonnance eut été rendue par le juge en chef adjoint Jerome le 20 janvier 1998;

(ii)        ne pouvaient, avec une diligence raisonnable, être découverts plus tôt;


(iii)       sont de telle nature que, s'ils avaient été révélés dans la première requête, ils auraient modifié l'ordonnance rendue par le juge en chef adjoint Jerome le 20 janvier 1998.

[33]            Je suis d'accord avec la requérante pour dire que ces faits sont des faits nouveaux qui ont été découverts après le prononcé de l'ordonnance du juge en chef adjoint Jerome et que la requérante n'aurait pas pu, avec une diligence raisonnable, les découvrir plus tôt.

[34]            La question qui se pose est donc celle de savoir si ces faits nouveaux sont suffisants pour modifier ou annuler l'ordonnance prononcée le 20 janvier 1998 par le juge en chef adjoint Jerome.

[35]            La requérante soutient que, lorsqu'une des parties contractantes obtient une injonction et que cette partie ne remplit pas ses obligations contractuelles, le tribunal devrait annuler l'injonction qui a été accordée.

[36]            La requérante soutient en outre que l'injonction interlocutoire prononcée par le juge en chef adjoint Jerome a été accordée pour maintenir le « statu quo » et qu'elle a été prononcée à la condition implicite que l'intimé continuerait à s'acquitter des obligations qui lui étaient imposées aux termes du bail.


[37]            Pour sa part, l'intimé affirme qu'il a payé son loyer mais que ses chèques n'ont pas été acceptés par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Si les chèques de loyer avaient été acceptés, il n'y aurait pas d'arriérés de loyer. L'intimé affirme en outre que l'avocat du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et de la Première nation de Whitefish River était au courant de la faillite.

[38]            L'intimé affirme que de toute façon sa faillite n'a eu aucune incidence sur la validité du bail, étant donné que le syndic de faillite a renoncé à ses droits sur la propriété et que le locataire n'a pas fait défaut de payer son loyer.

[39]            La requérante invoque l'arrêt Chappell v. Times Newspapers Ltd., [1975] W.L.R. 482 (C.A.) dans lequel lord Denning affirme :

[TRADUCTION]

Il y a un autre aspect qui semble décisif. Ces hommes affirment que les éditeurs sont sur le point de violer le contrat de travail. Il est toutefois évident qu'ils ne sont pas disposés à fournir leur propre prestation. Il est établi tant en common law qu'en equity que, dans un contrat où chacun doit accomplir sa prestation en même temps que l'autre partie, la partie à un contrat qui sollicite une réparation doit être disposée à fournir sa propre prestation. C'est ainsi que la common law est exposée dans Smith's Leading Casesed. (1929) vol. 2 p. 10 (notes concernant l'arrêt Cutter v. Powell (1795) 6 Term Rep 320). L'equity est exposée dans l'arrêt Measures Brothers Ltd. v. Measures, [1910] 2 Ch. 248, dans lequel sir H.H. Cozens-Hardy M.R. déclare, à la page 2 :

[TRADUCTION]

Je préfère fonder ma décision sur le fait que les demandeurs, qui sollicitent une réparation en equity sous forme d'injonction, ne peuvent obtenir cette réparation tant qu'ils n'ont pas allégué et démontré qu'ils ont exécuté la prestation à laquelle ils étaient obligés et qu'ils sont disposés à l'exécuter à l'avenir et qu'ils sont en mesure de le faire.

Le principe a été formuléplus récemment par lord Radcliffe dans l'arrêt Australia Hardwoods Pty. Ltd. v. Commissioner for Railways, [1961] 1 W.L.R. 425, aux pages 432 et 433 :

[TRADUCTION]


[...] lorsque le contrat l'oblige à accomplir des actes continus ou futurs, le demandeur doit succomber, à moins qu'il ne soit en mesure de démontrer qu'il est disposé à remplir les obligations en question qui constituent, en fait, une partie de la contrepartie de l'engagement que le demandeur veut forcer le défendeur à exécuter.

En l'espèce, il me semble impossible que l'un des demandeurs puisse affirmer qu'il est disposé à exécuter la prestation à laquelle il est obligé aux termes du contrat alors que, suivant les dires de son syndicat, la National Graphical Association (qu'il n'a jamais désavoués), il peut être appelé, ou d'autres membres de son syndicat peuvent être appelés, à déclencher une grève qui risque de faire subir de lourdes pertes à l'employeur. Comme ils ne sont pas disposés à exécuter leur prestation, ils ne peuvent forcer leur employeur à les garder à son service. Ils réclament la justice alors qu'ils ne sont pas prêts à agir avec justice.

[40]            Je dois donc déterminer si l'intimé a fourni sa prestation.

[41]            L'intimé affirme qu'il a bel et bien payé son loyer mais que la requérante n'a pas accepté ses chèques. Il ressort de la preuve que l'intimé a envoyé au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien trois chèques, l'un en date du 20 avril 2001 au montant de 1 267 $, un autre, daté du 1er avril 2000 au montant de 1 265 $, puis un autre, daté du 28 mai 1998, au montant de 1 250 $. L'intimé n'a pas réussi à retrouver les copies de tous ces chèques de loyer. Il a expliqué qu'il s'était fait voler son véhicule en février 2000 et qu'il n'avait jamais récupéré certains de ses dossiers.

[42]            L'intimé soutient qu'il serait en règle si ses chèques étaient encaissés. Il est par ailleurs disposé à produire d'autres chèques pour acquitter son loyer à condition que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien s'engage à les encaisser.


[43]            La requérante estime toutefois que le loyer dû s'élève à 2 078 $. C'est le montant qui figure sur l'addenda que la requérante et l'intimé ont inséré au bail le 21 mars 1991. Les chèques de l'intimé ne suffiraient donc pas à payer les arriérés de loyer même s'ils étaient encaissés.

[44]            L'intimé n'a pas réussi à convaincre la Cour qu'il avait l'intention de payer son loyer.

[45]            Si l'on se reporte au bail lui-même, on constate que le montant dû pour chaque année est de 2 078 $. Néanmoins, l'intimé a décidé que le montant qu'il devait payer était de 1 265 $. Il a eu tort. Il ne peut décider lui-même du montant qu'il doit payer. Le montant a été fixé dans l'addenda au bail que l'intimé a signé le 21 mars 1991. Le dernier paragraphe du préambule du bail prévoit ce qui suit pour le cas où le locataire ne serait pas d'accord avec le montant du loyer :

[TRADUCTION]

S'il n'est pas d'accord avec le loyer fixé par le ministre, le locataire a le droit de soumettre à ses frais la question à la Section de première instance de la Cour fédérale. En pareil cas, le locataire continue de payer le loyer annuel fixépar le ministre À LA CONDITION QUE tout montant que le locataire a payépour la période de sept ans en question soit rajusté en fonction du montant fixé par la Cour fédérale, sous forme de réduction ou de paiement supplémentaire.

[46]            De plus, l'intimé envoyait toujours ses chèques en retard et, malgré le fait qu'il était avisé dans les termes les plus nets depuis 1994 qu'il devait les envoyer à la Première nation de Whitefish River, il n'a jamais envoyé ses chèques à cette dernière, mais toujours au ministère des Affaires indiennes. Lorsque les chèques lui étaient retournés, il ne les transmettait jamais à la bande. Il a été avisé la dernière fois en mai, par une lettre de Mme Wills datée du 17 mai 2000, d'envoyer ses chèques à Mme Ester Osche, chef des terres de la bande.


[47]            Dans l'affidavit qu'elle a souscrit le 8 janvier 2001, Mme Restoule précise que le 17    mai 2000, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a reçu de l'intimé un chèque de 1 265 $ fait à l'ordre des Affaires indiennes. Le même jour, Mme Diane Wills, du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, a retourné ce chèque à l'intimé et l'a informé qu'il devait payer son loyer à la Première nation de Whitefish River.

[48]            Dans l'affidavit qu'elle a souscrit le 30 mai 2001, Mme Ester Osche déclare qu'elle a reçu une lettre à laquelle Mme Wills avait joint un chèque d'Allan J. Miles qui était tiré sur la succursale de la Banque Toronto-Dominion à Espanola (Ontario). Ce chèque était fait à l'ordre des Affaires indiennes. Il était au montant de 1 267 $ et portait la date du 20 avril 2001.

[49]            Madame Osche affirme que, sur réception du chèque, elle a communiqué avec la succursale de la Banque Toronto-Dominion à Espanola, qui lui a envoyé le 15 mai 2001 une note indiquant qu'il n'y avait pas de provision suffisante dans le compte que l'intimé possédait à cette banque pour couvrir le montant du chèque.

[50]            Il ressort également à l'évidence des documents soumis à la Cour que, même s'il doit être payé le 1er avril, le chèque était daté du 20 avril et qu'il avait été envoyé par courrier recommandé le 11 mai.


[51]            Je suis également préoccupé par le fait que les chèques ne couvrent pas en totalité le montant réclamé par le locateur. Cette situation s'explique toutefois probablement par le fait que l'intimé n'est pas d'accord avec le calcul du loyer.

[52]            Quoi qu'il en soit, même si l'intimé n'est pas d'accord avec le montant du loyer, il doit le payer et se plaindre ensuite. Je crains qu'il ne croie qu'il a le droit de soustraire le montant qui excède ce qu'il pense qu'il devrait payer.

[53]            Je suis d'avis que l'intimé n'a pas respecté les modalités du bail. Je suis sensible à sa situation et au fait qu'il a peut-être de bons arguments à faire valoir contre la requérante et que celle-ci ne calcule pas le loyer comme il se doit. Toutefois, l'addenda au bail est clair et l'intimé l'a bel et bien signé. En outre, l'intimé ne peut décider unilatéralement que le loyer devrait être de 1 267 $ alors que l'addenda au bail indique un montant différent. S'il veut contester ce montant, l'intimé devrait recourir aux tribunaux et non se faire justice à lui-même. L'intimé affirme toutefois que la Cour devrait le relever de sa déchéance en vertu de la common law et de l'equity en cas de refus du locataire de payer le loyer.


[54]            La requérante affirme par ailleurs que l'intimé n'a pas respecté le bail, étant donné qu'il n'a pas informé les employés du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ou la Première nation de Whitefish River qu'il avait fait faillite. L'intimé déclare toutefois dans son affidavit qu'il a effectivement avisé l'avocat de la Première nation de Whitefish River de sa faillite. Le fait qu'il a informé l'avocat n'est pas pertinent et ne constitue pas une renonciation au droit de la requérante de résilier le bail en cas de faillite.

[55]            Je suis également préoccupé par le fait que, dans le bilan de liquidation qu'il a dressé lors du dépôt de sa demande de mise en faillite, l'intimé a déclaré que l'immeuble qu'il occupait sur les terres de la bande était évalué à 0 $, alors que, dans l'affidavit qu'il a souscrit le 14 avril 1997, il a lui-même établi la valeur estimée du chalet et je cite :

[TRADUCTION]

La valeur du chalet à lui seul qui se trouve sur ma propriété a été estimée à au moins 70 000 $. La valeur des dépendances est d'au moins 28 000 $.

[56]                      Si la valeur estimée de sa propriété est fixée à 0 $ dans son bilan de liquidation, cela pourrait expliquer pourquoi le syndic a décidé, lors du dépôt de la demande de mise en faillite, de renoncer à ses droits sur les locaux loués et sur l'immeuble qui s'y trouvait.

[57]                      La décision du syndic aurait pu être différente s'il avait su que la valeur estimée était de 70 000 $ et non de 0 $.

[58]                      Il est curieux de constater que ces deux documents ont été souscrits par la même personne, le premier le 14 avril 1997 et le second, le 21 mai 1998. Ils en disent long sur la crédibilité de l'intimé.


[59]            Je ne suis à mon avis nullement tenu de réexaminer les motifs pour lesquels le juge en chef adjoint Jerome a rendu sa décision en 1998.

[60]            Il est toutefois évident que, se fondant sur la décision du juge Jerome, l'intimé a décidé de ne pas remplir les obligations que le bail mettait à sa charge.

[61]            Je conclus sans la moindre hésitation que les faits nouveaux soulevés par la requérante sont suffisants pour justifier l'annulation de l'ordonnance prononcée le 20 janvier 1998 par le juge en chef adjoint Jerome et pour donner gain de cause à la requérante, Sa Majesté la Reine.

[62]            LA COUR DÉCLARE que le bail conclu entre les parties est résilié;

[63]            LA COUR ORDONNE EN OUTRE :

-            L'ordonnance en date du 20 janvier 1998 par laquelle le juge en chef adjoint Jerome a interdit à Sa Majesté de prendre toute autre mesure pour résilier le bail, expulser le demandeur ou pour reprendre autrement possession des locaux loués est annulée;


-            Les dépens sont adjugés à la requérante Sa Majesté la reine.

« Pierre Blais »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 8 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL. L., trad. a.


                         COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                 SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                                     T-747-97

INTITULÉDE LA CAUSE :                                 Allan J. Miles

c.

Première nation de Whitefish River et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     le 1er juin 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :                           MONSIEUR LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                                             le 8 juin 2001

ONT COMPARU

Léo Arseneau                                                               pour le demandeur

Bradley Gotkin                                                             pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Arseneau Poulson                                                        pour le demandeur

Sudbury (Ontario)

Morris Rosenberg                                                         pour la défenderesse

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.