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Date : 20190425


Dossier : IMM‑3611‑18

Référence : 2019 CF 521

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 avril 2019

En présence de Madame la juge Strickland

ENTRE :

JOSE ARNULFO RECINOS

demandeur

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION,

DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision rendue le 12 juillet 2018 par une décideuse principale (la décideuse) d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, qui a rejeté la demande de réouverture de l’avis de danger, selon lequel, aux termes de l’alinéa 115(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 (la LIPR), le demandeur était interdit de territoire pour grande criminalité et constituait un danger pour le public.

Le contexte

[2]  Le demandeur est citoyen du Salvador. Il est devenu résident permanent du Canada le 12 juillet 1988. Entre 2005 et 2015, le demandeur a accumulé un lourd casier judiciaire, y compris des déclarations de culpabilité pour voies de fait, voies de fait causant des lésions corporelles, voies de fait armées, harcèlement criminel et menaces. Il a également accumulé de multiples déclarations de culpabilité liées à la capacité de conduire affaiblie, y compris la conduite avec facultés affaiblies, la conduite dangereuse d’un véhicule à moteur et la conduite pendant interdiction, en plus des déclarations de culpabilité pour défaut de se conformer à des engagements, des ordonnances de probation, des conditions de la liberté sous caution ainsi que pour défaut de comparaître devant le tribunal. Ses dernières déclarations de culpabilité remontent au 27 mai 2015.

[3]  Le 27 octobre 2017, la décideuse a délivré un avis de danger au titre de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR (l’avis de danger). Dans l’avis de danger, la décideuse a examiné le casier judiciaire du demandeur et a conclu que celui‑ci était interdit de territoire au Canada pour grande criminalité, aux termes de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR, en raison de sa déclaration de culpabilité du 24 novembre 2006 pour avoir conduit un véhicule à moteur alors qu’il avait consommé de l’alcool en quantité telle qu’il avait plus de 80 mg d’alcool dans 100 ml de sang. La décideuse a ensuite évalué si le demandeur constituait un danger pour le public. Elle a analysé son lourd casier judiciaire, y compris des déclarations de culpabilité pour violence et le fait que, bien qu’une suspension de permis eût dû dissuader le demandeur, il continuait de récidiver et était, à ce moment‑là, frappé d’une interdiction de conduire à vie. Tout en admettant que l’interdiction à vie et les mesures prises par la conjointe de fait du demandeur (garder toutes les clés de voiture dans une boîte à verrou) fussent des facteurs atténuants, la décideuse a conclu que la conduite récurrente du demandeur pendant l’interdiction, combinée au nombre élevé d’infractions variées liées à des violations, la portait à croire que le demandeur était plus susceptible de récidiver que le contraire. La décideuse a soupesé ces habitudes de comportement par rapport aux tentatives plus récentes du demandeur de se réadapter pendant son incarcération et sa libération conditionnelle. Elle a conclu que, lorsqu’elle a comparé le dossier teinté d’imprudence du demandeur à ses efforts de réadaptation et à ses meilleures intentions récemment, elle n’était pas convaincue qu’il avait fait des progrès importants et durables et qu’il ne présenterait plus un danger une fois libéré dans la collectivité, dans un environnement sans restriction. Compte tenu de la preuve dont elle disposait qui démontrait que les infractions criminelles du demandeur étaient graves, répétées et dangereuses pour le public, en plus de l’absence d’une preuve suffisante de réadaptation, elle a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur constituait un danger actuel et futur pour le public canadien et que sa présence au Canada posait un risque inacceptable.

[4]  En évaluant le risque auquel le demandeur serait exposé s’il retournait au Salvador, la décideuse a examiné la documentation sur la situation dans le pays en cause et a déclaré qu’il était bien établi que le Salvador était aux prises avec un grave problème de criminalité violente découlant principalement des conflits existants entre les gangs criminalisés. En effet, il est devenu l’un des pays les plus violents de cet hémisphère, où les jeunes sont les plus vulnérables. Toutefois, la décideuse était d’avis que la simple présence d’une personne sur le sol salvadorien n’était pas en soi un facteur qui pourrait justifier la prise d’une mesure de protection. D’après la documentation sur la situation dans le pays en cause, le profil du demandeur en tant qu’expulsé et alcoolique ne ferait pas de lui une personne personnellement ciblée. En tant que propriétaire d’une petite entreprise, il pourrait être exposé à un plus grand risque d’extorsion, mais il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve à la disposition de la décideuse pour donner à penser qu’il deviendrait un entrepreneur autonome s’il était renvoyé au Salvador. De plus, en tant que carreleur qualifié, il pourrait chercher un emploi dans une entreprise existante. Après avoir examiné la preuve ainsi que les risques possibles pour la vie, la liberté et la sécurité de la personne énoncés au paragraphe 115(1) de la LIPR et à l’article 7 de la Charte, la décideuse a conclu, somme toute, que le demandeur ne serait pas personnellement exposé à un risque pour sa vie, sa liberté ou sa sécurité s’il était renvoyé au Salvador.

[5]  La décideuse a ensuite apprécié les considérations d’ordre humanitaire, y compris les difficultés auxquelles feraient face la conjointe de fait du demandeur et les trois enfants adultes de celle‑ci, du fait du renvoi du demandeur, les attaches familiales de celui‑ci au Canada, y compris son fils biologique, ainsi que l’absence de soutien familial au Salvador, l’adaptation à la culture salvadorienne et l’alcoolisme du demandeur. Après avoir pris en considération tous les renseignements liés aux facteurs d’ordre humanitaire, la décideuse était d’avis qu’ils ne l’emportaient pas sur le danger que le demandeur constituait pour le public canadien.

[6]  La décideuse a conclu, après avoir entièrement pris en compte tous les aspects de l’affaire, y compris les aspects d’ordre humanitaire, et évalué les risques auxquels le demandeur pourrait faire face s’il était renvoyé au Salvador ainsi que la nécessité de protéger la société canadienne, que le risque pour le public canadien l’emportait sur le risque auquel le demandeur pourrait être exposé s’il était renvoyé au Salvador et elle a jugé que, par conséquent, il pouvait être renvoyé aux termes de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR.

[7]  Le demandeur a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de l’avis de danger, laquelle a été rejetée le 3 avril 2018. Il a présenté une requête à la Cour pour que la décision défavorable sur l’autorisation soit réexaminée. Cette demande a été rejetée le 24 mai 2018. Le renvoi du demandeur avait été fixé au 13 juin 2018. Il a présenté une demande de report du renvoi fondée sur une demande de réexamen de l’avis de danger. La demande de réouverture et de réexamen de l’avis de danger a été rejetée dans une décision rendue le 12 juillet 2018, décision faisant maintenant l’objet du contrôle.

La décision faisant l’objet du contrôle

[8]  La décideuse a reconnu que le chapitre 7.16 du document ENF 28 intitulé « Réexamen d’un avis de danger » reconnaissait explicitement la possibilité qu’un avis de danger puisse être rouvert et réexaminé en fonction de nouveaux éléments de preuve ou d’une atteinte aux principes de justice naturelle. Toutefois, après avoir examiné la preuve présentée, qui comprenait de nouveaux documents sur la situation dans le pays en cause ainsi que des affidavits et des lettres d’appui attestant la bonhomie du demandeur et les efforts continus déployés en vue de sa réadaptation, de même que l’absence de danger pour le public, elle a conclu que les nouveaux éléments de preuve n’étaient pas substantiellement pertinents quant au danger que constituait le demandeur pour le public canadien, au risque auquel il serait exposé à son retour au Salvador ou aux considérations d’ordre humanitaire. Par conséquent, elle a refusé de rouvrir l’avis de danger, qu’elle a jugé toujours factuellement et juridiquement viable.

[9]  La décideuse a également rejeté l’observation du demandeur selon laquelle des erreurs dans l’avis de danger portaient atteinte aux principes de justice naturelle, et elle a rejeté sa demande d’audience, puisque la preuve présentée ne l’a pas amenée à remettre en question la crédibilité du demandeur.

Les questions en litige et la norme de contrôle

[10]  Bien que le demandeur ait soulevé de nombreux enjeux, à mon avis, ils sont tous visés par les deux questions suivantes :

  1. La décideuse a‑t‑elle manqué à l’équité procédurale?

  2. Le refus de la décideuse de rouvrir l’avis de danger était‑il raisonnable?

[11]  La première de ces questions est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43), et la seconde est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Clarke c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 393, au paragraphe 12 [Clarke]).

La première question : la décideuse a‑t‑elle manqué à l’équité procédurale?

[12]  Pour décider si elle doit rouvrir l’avis de danger, la décideuse a fait référence au document ENF 28, dont voici un extrait :

Un décideur examinera la demande et déterminera s’il est nécessaire de revenir sur la décision initiale de l’avis de danger selon que la demande (et toute observation connexe) répond à l’un des critères suivants :

  De nouveaux éléments de preuve respectant tous les critères ci‑dessous ont été présentés :

a)  Fiabilité : Les preuves nouvelles sont‑elles fiables, compte tenu de leur source et des circonstances dans lesquelles elles sont apparues?

b)  Pertinence : Les preuves nouvelles ont‑elles trait au type de décision, c’est‑à‑dire peuvent‑elles prouver ou réfuter un fait qui intéresse la procédure?

c)  Caractère substantiel : Les preuves nouvelles sont‑elles substantielles, c’est‑à‑dire le décideur aurait‑il tiré une conclusion différente si elles avaient été portées à sa connaissance?

d)  Nouveauté : Les preuves sont‑elles nouvelles, c’est‑à‑dire peuvent‑elles :

i.  prouver la situation ayant cours dans le pays de renvoi?

ii.  établir un fait qui n’était pas connu au moment de la prise de décision initiale?

iii.  réfuter une conclusion de fait tirée par le décideur initial?

  La décision initiale portait atteinte au principe de justice naturelle.

RÉOUVERTURE ET RÉEXAMEN

Lorsque le décideur choisit de rouvrir la demande initiale d’avis de danger en fonction de l’un des énoncés ci‑dessus ou des deux, la décision initiale est annulée et une nouvelle décision doit être prise. Cette deuxième décision est appelée la décision de réexamen. Avant de rendre sa nouvelle décision, le décideur doit aviser la personne concernée par l’avis de danger ou son avocat du réexamen et leur donner l’occasion de fournir d’autres observations.

REFUS DE RÉOUVERTURE ET DE RÉEXAMEN

Il est également possible que, après avoir examiné la demande de réexamen et toute nouvelle observation fournie à l’appui de la demande, le décideur rejette la demande. Le décideur doit expliquer les raisons du refus de réouverture de la demande initiale, compte tenu des observations du demandeur et des politiques en vigueur. Ces explications peuvent être fournies dans une lettre.

[13]  Tout en reconnaissant que les lignes directrices n’ont pas force de loi, le demandeur soutient qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elles soient suivies (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36; Clarke, aux paragraphes 21 et 31). Il soutient que le document ENF 28 indique clairement que le seuil de réouverture d’un avis de danger est peu élevé et que la décideuse n’a pas suivi le processus énoncé, parce qu’elle a apprécié chaque élément de preuve et qu’elle a ensuite tiré des conclusions définitives quant à savoir si chacun d’eux aurait changé le résultat de l’avis de danger. En outre, la décideuse a imposé un seuil de preuve plus élevé que ce qui était prévu.

[14]  Je fais d’abord remarquer qu’il peut être établi une distinction d’avec les faits de la décision Clarke. Après que la décision Clarke ait été rendue, le document ENF 28 a été révisé pour refléter sa forme actuelle. Deuxièmement, après examen de la décision dans son ensemble, je conviens avec le défendeur que la décideuse a bel et bien suivi le processus décrit dans le document ENF 28 et qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale à cet égard. Elle a plutôt conclu que les nouveaux éléments de preuve dont elle disposait ne satisfaisaient pas aux exigences du document ENF 28. Le demandeur cite des phrases dans la décision concernant les nouveaux éléments de preuve, comme [traduction« il ne s’agit pas de nouveaux éléments de preuve qui auraient une incidence substantielle sur l’issue de cette décision », illustrant selon lui le fait que la décideuse n’a pas compris que ce qui était requis était une norme de preuve moins élevée, à savoir si les preuves étaient substantielles, « c’est à dire le décideur aurait il tiré une conclusion différente si elles avaient été portées à sa connaissance? » Toutefois, dans leur contexte, ces exemples montrent que la décideuse a entrepris l’analyse requise de la preuve. Si les éléments de preuve n’influaient pas de façon importante sur le résultat, ils ne pourraient pas atteindre le seuil du caractère substantiel, qui exige que la décideuse ait pu tirer une conclusion différente. Je fais également remarquer que les nouveaux éléments de preuve proposés doivent répondre à tous les critères énoncés pour qu’un avis de danger soit rouvert.

[15]  Le demandeur soutient également que, bien que la décideuse ait refusé sa demande d’audience en déclarant qu’elle n’avait aucune préoccupation quant à sa crédibilité, la nature de sa décision selon laquelle le demandeur n’est pas réadapté est essentiellement une conclusion défavorable quant à sa crédibilité (Cho c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1299, au paragraphe 29). Bien que je convienne que, lorsque la crédibilité est en cause, l’équité procédurale peut nécessiter une audience, en l’espèce, ce n’est pas que la décideuse n’a pas donné foi à la preuve du demandeur à l’appui de son point de vue selon lequel il avait pris des mesures de réadaptation adéquates, ou à d’autres éléments de preuve, comme le point de vue de son ex‑femme quant au danger potentiel que le demandeur constituait pour le public. Elle a plutôt conclu que la preuve ne satisfaisait pas au seuil requis pour rouvrir l’avis de danger. Les éléments de preuve peuvent être acceptés comme étant véridiques, mais être jugés non pertinents, substantiels ou nouveaux de façon à justifier la réouverture de l’avis de danger. Contrairement à ce que prétend le demandeur, la décideuse n’a pas formulé une conclusion voilée en matière de crédibilité.

[16]  Le demandeur soutient également que la décideuse a imposé un critère impossible, qui constituait également un manquement à l’équité procédurale. Elle a tenté de justifier sa décision en déclarant que la réadaptation du demandeur n’était pas pertinente, puisqu’il était détenu. Autrement dit, peu importe ce qu’il fait, il ne peut jamais établir qu’il est réadapté et, par conséquent, un avis de danger défavorable est une conclusion inéluctable.

[17]  Cette observation n’est pas fondée, car, lorsqu’elle a examiné les éléments de preuve présentés avec la demande de réouverture, la décideuse n’a pas tiré une telle conclusion. Elle a identifié les nouveaux éléments de preuve et a également mentionné ses conclusions sur la réadaptation et le danger pour le public dans l’avis de danger et fait remarquer qu’une grande partie des nouveaux éléments de preuve étaient simplement des éléments supplémentaires de la même preuve. Elle a conclu que les nouveaux éléments de preuve, s’ils lui avaient été présentés lors de l’examen de l’avis de danger original, auraient probablement eu peu de poids.

[18]  En somme, le demandeur n’a pas établi de manquement à l’équité procédurale.

La deuxième question : le refus de la décideuse de rouvrir l’avis de danger était‑il raisonnable?

[19]  Le demandeur soutient que le rejet par la décideuse des nouveaux éléments de preuve comme n’étant pas substantiellement pertinents était déraisonnable.

Le risque attribuable aux opinions politiques imputées

[20]  Le demandeur soutient que, dans l’avis de danger, la décideuse a reconnu que la demande initiale présentée par le demandeur à titre de réfugié parrainé ne pouvait plus être considérée. Il soutient que, par conséquent, la présentation des nouveaux éléments de preuve à l’appui de la demande de réouverture de l’avis de danger correspondait à la première fois où la décideuse a été mise au courant de la nature du risque qui l’a amené à se voir accorder l’asile, et que le rejet, par la décideuse, de ces éléments de preuve comme n’étant pas substantiellement pertinents quant au risque relatif au retour du demandeur au Salvador était donc inintelligible.

[21]  Je tiens d’abord à souligner que, contrairement aux observations du demandeur, la décideuse n’a pas reconnu que ces nouveaux éléments de preuve établissaient que le demandeur courait un risque accru d’être ciblé en raison d’opinions politiques imputées. Elle a plutôt déclaré que le demandeur avait mentionné que des membres de la famille Recinos étaient expressément ciblés pour des activités politiques et que, par conséquent, le demandeur risquait davantage d’être ciblé en raison des liens antérieurs de sa famille. Elle a ajouté que, bien que la preuve ait jeté de la lumière sur l’expérience des membres de la famille lorsqu’ils ont fui le Salvador il y a une trentaine d’années, elle ne constituait pas une nouvelle preuve qui aurait une incidence substantielle sur l’issue de l’avis de danger. À mon avis, cette appréciation est raisonnable en l’absence de toute preuve donnant à penser que tout risque auquel le demandeur faisait face il y a 30 ans perdure.

[22]  En outre, dans l’avis de danger, la décideuse a non seulement souligné que la demande d’asile parrainée initiale du demandeur ne pouvait plus être considérée, elle a également noté qu’il y avait une indication au dossier, et de la part de la sœur du demandeur, au moyen d’une lettre de soutien datée du 2 novembre 2015, qu’il avait fui le Salvador pour échapper à la guerre civile. La même sœur a déposé un affidavit à l’appui de la demande de réouverture de l’avis de danger, dans lequel elle déclare qu’elle fournit de nouveaux renseignements, y compris des détails sur la demande d’asile du demandeur et les raisons pour lesquelles il a été forcé de fuir le Salvador. Je tiens d’abord à faire remarquer, comme le fait le défendeur, qu’il ne s’agit pas de nouveaux renseignements. Ils étaient connus du demandeur et de sa sœur avant la rédaction de l’avis de danger. En outre, dans l’affidavit, il est déclaré que sa sœur a fui le Salvador parce que son mari y était en danger, en raison de sa participation à des manifestations. Quant à ses frères alors restés au Salvador, ils étaient jeunes et risquaient d’être recrutés de force dans l’armée pour combattre dans la guerre civile. Quant au meurtre de son père, elle déclare que c’était pour une raison inconnue et aux mains d’un membre d’un bandito qui terrorisait le quartier. Par la suite, par l’entremise de l’archidiocèse de Toronto, ses frères et sœurs ont été parrainés et sont venus au Canada. Fait important, cet affidavit ne donne pas à penser que la raison pour laquelle le demandeur a fui le Salvador était un risque pour lui découlant des activités de manifestation du mari de sa sœur.

[23]  Certains documents de l’archidiocèse sont joints à l’affidavit en tant que pièce. L’un d’entre eux, une mise à jour du parrainage datée du 31 mars 1998, décrit effectivement quatre frères et sœurs non nommés qui vivaient alors au Mexique et qui ont fui le Salvador parce qu’ils recevaient des menaces en raison des activités politiques de leur beau‑frère. Toutefois, cela n’est pas corroboré par le contenu de l’affidavit et, de toute façon, comme le défendeur le soutient, ces éléments de preuve ne sont pas substantiels quant à une évaluation prospective des risques.

Le meurtre d’un ami du demandeur

[24]  Dans son affidavit, la sœur du demandeur déclare également qu’un des amis du demandeur a été expulsé du Canada il y a quelques années et a été tué. Elle dit croire qu’il a été ciblé parce qu’il était suivi et qu’il s’est démarqué en raison de son accent et de la façon dont il marchait. Elle affirme qu’il a peut‑être aussi été ciblé en raison de ses tatouages. Le demandeur soutient qu’il s’agissait d’une preuve importante du risque à son retour, puisqu’il se démarquerait lui aussi en raison de son accent.

[25]  La décideuse a pris note de l’observation selon laquelle l’ami du demandeur avait été renvoyé au Salvador et assassiné peu après, de même que de celle selon laquelle sa sœur croyait que l’ami avait été ciblé et tué parce qu’il s’était démarqué en raison de son accent et de la façon dont il marchait. La décideuse a déclaré qu’il serait spéculatif de déduire que le demandeur subirait le même sort, simplement parce qu’il pourrait parler avec un accent occidental et qu’il serait renvoyé du Canada.

[26]  Le demandeur soutient que la décideuse n’a pas tenu compte de ces éléments de preuve et qu’elle a commis une erreur de droit dans sa conclusion, parce qu’il semble qu’elle appliquait le critère du fardeau de preuve hors de tout doute raisonnable et que tout le reste n’était que pure spéculation. Cette thèse est sans fondement. Rien dans les motifs ne donne à penser qu’il y a eu application d’un critère de preuve hors de tout doute raisonnable. De plus, l’affidavit ne fournit aucun motif de croire que l’ami du demandeur a été suivi et ciblé en raison de sa démarche, de son accent ou, peut‑être, de ses tatouages. Et, comme le défendeur le souligne, la preuve de ce meurtre a été fournie par le demandeur à l’appui de l’avis de danger. L’affidavit de sa sœur peut ajouter des détails, sous forme de ouï‑dire non attribué et de sa spéculation sur les raisons pour lesquelles l’ami a été tué, mais cela ne constitue pas une nouvelle preuve. L’utilisation du mot [traduction« spéculatif » par la décideuse ne reflète aucunement non plus l’application du critère du doute raisonnable. Au contraire, comme l’indique la conclusion de la décideuse, les nouveaux renseignements n’étaient pas suffisamment pertinents ou substantiels pour justifier la réouverture de l’avis de danger.

Le risque lié à l’expulsion

[27]  Dans ses observations à la décideuse, le demandeur a inclus des extraits de divers articles de journaux concernant les risques pour les personnes expulsées. La décideuse a fait remarquer que le demandeur avait déjà soutenu, relativement à l’avis de danger, qu’il risquait d’être persécuté, y compris d’être extorqué par des gangs, en raison de son identité de personne expulsée, ce qui avait été pris en considération dans cette décision. Bien que les nouveaux éléments de preuve aient été postérieurs à l’avis de danger, elle a conclu qu’ils ne donnaient pas à penser que les conditions au Salvador avaient changé de façon si importante qu’il était justifié de réexaminer la décision initiale. Des sources indiquaient bel et bien que les personnes expulsées, par exemple celles qui reviennent des États‑Unis avec de l’argent ou qui avaient été menacées avant leur départ, peuvent être victimes d’extorsion par des gangs criminels, mais il s’agissait d’une preuve supplémentaire du même genre que celle dont elle disposait déjà au moment de la décision relative à l’avis de danger, laquelle preuve n’avait pas d’incidence substantielle sur l’issue.

[28]  Le demandeur soutient que les extraits d’articles fournissaient de nouveaux éléments de preuve selon lesquels des personnes expulsées de l’Amérique du Nord risquaient davantage de se faire cibler à leur retour au Salvador en raison de la richesse perçue. Le demandeur soutient que la preuve de [traduction« l’augmentation massive des expulsions dans l’ère Trump » n’a pas été incluse dans les observations initiales, comme le confirme le fait que l’analyse du risque pour les personnes expulsées, effectuée par la décideuse, était limitée à une seule phrase, mentionnant que, selon les principes directeurs du HCR, le profil du demandeur en tant qu’expulsé ou alcoolique ne ferait pas directement de lui une personne ciblée personnellement. Étant donné que la décideuse ne disposait pas des nouveaux éléments de preuve, elle n’aurait pas dû rejeter l’ensemble de ces éléments de preuve au motif qu’ils avaient été pris en compte dans la décision initiale.

[29]  Comme l’a fait remarquer le défendeur, la décideuse était saisie d’éléments de preuve indiquant que les rapatriés de l’étranger disposant de ressources financières étaient victimes d’extorsion. Je souligne que l’avis de danger faisait référence au document intitulé Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Asylum‑Seekers from El Salvador (Principes directeurs relatifs à l’évaluation des besoins de protection internationale des demandeurs d’asile du Salvador) à cet égard et qu’il y était tenu compte de divers facteurs de risque, y compris le fait d’être expulsé, mais qu’il y est finalement conclu que, compte tenu de son profil, il était peu probable que le demandeur soit distingué de ses concitoyens salvadoriens. Bien que la mention dans l’avis de danger du risque pour les personnes expulsées ait été brève, je suis convaincue que le risque était antérieur et que la décideuse en a tenu compte à ce moment‑là. Étant donné que le demandeur est expulsé de l’Amérique du Nord, l’analyse du risque dans cette décision tenait implicitement compte de son lien avec l’Amérique du Nord et de la perception de la richesse associée à ce statut. En outre, après avoir examiné les extraits fournis, dont les versions publiées et complètes ne se trouvent pas dans le dossier, il n’était pas déraisonnable pour la décideuse de conclure que ces articles ne donnaient pas à penser que la situation dans le pays en cause avait changé de façon si importante qu’un réexamen était justifié. Par exemple, la citation du Latin American Working Group (Groupe de travail sur l’Amérique latine) de janvier 2018 mentionne que la situation d’insécurité, de corruption et d’impunité dans laquelle se trouvent tous les migrants déportés demeure la même et, dans certains cas, s’est détériorée, mais ne donne pas à penser que c’est le cas en ce qui concerne les personnes expulsées perçues comme étant riches. Un autre extrait d’un article qui, selon le demandeur, concerne les expulsions en cours sous l’administration Trump ne fait pas référence à cette administration et ne donne pas non plus à penser qu’il y a un risque plus élevé simplement en raison du nombre accru de rapatriés ou du risque accru du fait de la richesse perçue. À mon avis, la décideuse n’a pas commis d’erreur en concluant que les nouveaux éléments de preuve étaient d’autres éléments de preuve du même genre que ceux dont elle disposait déjà au moment de la décision sur l’avis de danger et n’avaient pas d’incidence importante sur l’issue.

[30]  Le demandeur soutient également que les extraits visaient à démontrer l’incapacité des personnes expulsées à trouver un emploi, ce qui, selon lui, contredit la conclusion de l’avis de danger selon laquelle le demandeur pourrait chercher un emploi dans une entreprise existante. Étant donné que cette prémisse a été utilisée pour compenser le risque accru d’extorsion du demandeur, les nouveaux éléments de preuve devaient être pris en considération.

[31]  Dans l’avis de danger, la décideuse examinait le risque d’extorsion lorsqu’elle a accepté que, en tant que propriétaire d’une petite entreprise, le demandeur pût être exposé à un plus grand risque, mais elle a conclu qu’en tant que carreleur qualifié, il pouvait potentiellement chercher un emploi dans une entreprise existante. Ainsi, le risque qu’il soit victime d’extorsion n’était pas plus élevé. Ce faisant, la décideuse examinait le risque; elle ne tirait pas de conclusion sur le potentiel d’emploi du demandeur. En outre, la décideuse a déclaré que l’avis de danger tenait compte du fait que la réintégration du demandeur dans la main‑d’œuvre salvadorienne présenterait des défis. Étant donné que la preuve présentée à l’appui de la demande de réouverture n’exclut pas la possibilité que le demandeur puisse obtenir un emploi dans une entreprise existante, il était raisonnablement loisible à la décideuse de conclure que ces nouveaux éléments de preuve n’étaient pas substantiels.

La réadaptation

[32]  Le demandeur présente de longues observations à l’appui de son point de vue selon lequel la décideuse a commis une erreur dans sa décision sur la réadaptation. Plus précisément, elle a commis une erreur en rejetant les nouveaux éléments de preuve qu’il avait présentés à cet égard. Bien que j’aie examiné l’ensemble des observations du demandeur, je ne suis pas convaincue que la décideuse a commis une erreur en concluant que les nouveaux affidavits et les nouvelles lettres de soutien ne constituaient qu’une preuve supplémentaire dans la même veine que la preuve présentée au moment de l’avis de danger et ne présentaient aucun argument nouveau. Elle a conclu que la preuve ne changeait pas son appréciation initiale de la difficulté qu’une possible séparation pourrait causer au demandeur et à sa famille, et qu’elle ne fournissait pas non plus une preuve fiable et impartiale de réadaptation.

[33]  Essentiellement, le demandeur s’est opposé au fait que la décideuse s’était appuyée dans l’avis de danger sur les notes de la police entourant ses déclarations de culpabilité de juin 2005 et qu’elle n’aurait pas adéquatement tenu compte du nouvel affidavit fourni par son ex‑femme et d’une lettre de son ancien beau‑frère au sujet de cette question. Les notes de la police mentionnaient que le demandeur s’était présenté chez son beau‑frère et qu’il avait commencé à crier après son ex‑beau‑frère, l’accusant de savoir que son ex‑femme entretenait une relation avec un autre homme. Au cours de cette rencontre, il avait proféré des menaces de mort contre ce beau‑frère et avait utilisé une hache pour détruire deux carreaux de granit et une fenêtre vitrée dans le hall de l’immeuble d’appartements. Le demandeur s’était ensuite rendu en voiture à la résidence de son ex‑femme et avait enfoncé le véhicule à moteur de celle‑ci avec sa fourgonnette. Il s’était ensuite enfui des lieux, conduisant son véhicule d’une manière dangereuse pour le public. Les notes de la police mentionnent que, à une date ultérieure, l’ex‑femme du demandeur avait reçu une lettre du demandeur, alors qu’il était en prison, dans laquelle il exprimait sa rage et sa haine envers elle, lui disait que toute tentative de lui échapper serait vaine et la menaçait de mort.

[34]  Dans l’affidavit de l’ex‑femme du demandeur, sous la rubrique [traduction« Erreurs et omissions dans l’avis de danger », elle déclare avoir examiné l’avis de danger et ne pas croire que les faits la concernant avaient été correctement consignés. Elle ne conteste toutefois pas les principaux énoncés concernant la preuve figurant dans les notes de la police, et elle confirme que le demandeur a affronté son frère, qu’il a endommagé le hall de l’immeuble où vivait ce dernier et qu’il a endommagé son véhicule à elle. Elle dit ne pas se rappeler qu’ils ont porté des accusations, qu’elle n’avait pas peur du demandeur et qu’elle n’a pas demandé d’ordonnance de non‑communication. Si une demande a été accordée, ce n’est pas parce qu’elle l’a demandée. Elle déclare que, bien qu’elle ait reçu les lettres mentionnées dans l’avis de danger, elles n’ont pas été traduites correctement. Toutefois, ce qui fait qu’elle sait cela n’est pas clair, puisqu’elle déclare également qu’elle n’a plus de copies des lettres et qu’elle ne sait pas comment elles se sont trouvées entre les mains de la police. Elle affirme qu’elle ne croit pas que le demandeur essayait de la menacer physiquement, qu’elle croit qu’il a changé et qu’elle ne croit pas qu’il constitue un danger pour la société. L’ancien beau‑frère du demandeur a fourni une lettre dans laquelle il déclare que, malgré l’incident, il est demeuré ami avec le demandeur, qui, selon lui, est réadapté.

[35]  En examinant l’objection du demandeur à ce qu’elle s’appuie sur les notes de la police, la décideuse a fait remarquer que les notes de la police étaient des sources crédibles d’information quant aux circonstances de l’infraction, et que sa description du demandeur, comme étant une personne violente, n’était pas uniquement fondée sur des notes de la police, mais qu’elle était fondée sur son appréciation approfondie de l’ensemble de la preuve dont elle disposait, laquelle démontrait le lourd casier judiciaire du demandeur, qui s’étendait sur plus de 20 ans et 35 déclarations de culpabilité, la gravité de ses déclarations de culpabilité, de même que l’absence de gains manifestes en matière de réadaptation. La décideuse a conclu que, par comparaison, l’affidavit de l’ex‑femme du demandeur et la lettre de son ancien beau‑frère ne semblaient pas être des sources impartiales, compte tenu de leurs relations personnelles étroites. En outre, s’ils lui avaient été présentés dans la trousse d’avis de danger initiale, elle leur aurait probablement accordé peu de poids.

[36]  Je souligne que ces « nouveaux » éléments de preuve auraient pu être fournis au moment de l’avis de danger. Quoi qu’il en soit, je suis également d’accord avec le défendeur pour dire que la décideuse a raisonnablement examiné et apprécié ces éléments de preuve, mais qu’elle avait le droit d’accorder un poids considérable aux notes de la police. Celles‑ci ont été prises à la même époque que les faits à partir desquels des déclarations de culpabilité ont été prononcées. Je ne suis pas d’accord pour dire que le seul motif pour lequel la décideuse a écarté l’affidavit et la lettre était la relation personnelle de l’ex‑femme et de son frère avec le demandeur. La décideuse était tenue d’examiner la preuve dans son ensemble et de considérer les nouveaux éléments de preuve, y compris leur fiabilité, dans le contexte de la totalité de la preuve, ce qu’elle a fait. À mon avis, le demandeur cherche simplement à ce que la Cour apprécie à nouveau la preuve, ce qui n’est pas son rôle. Je ne suis pas d’accord, non plus, pour dire que la façon dont la décideuse a traité les nouveaux éléments de preuve en matière de réadaptation est révélatrice d’un esprit fermé, comme le laisse entendre le demandeur.

[37]  Le demandeur soutient également que la décideuse a commis une erreur en rejetant tous les nouveaux éléments de preuve du demandeur concernant sa réadaptation, au motif qu’il s’agissait simplement d’autres éléments de preuve [traduction« dans la même veine ». Il soutient que son raisonnement est imprécis, inintelligible et contraire au document ENF 28. Toutefois, à la lecture de la décision dans son ensemble, je ne suis pas convaincue que son raisonnement est imprécis et inintelligible. Elle a examiné attentivement la preuve et a conclu qu’elle était [traduction« dans la même veine », en ce sens qu’elle était essentiellement semblable à la preuve antérieure concernant la réadaptation. Bien que le demandeur conteste cette caractérisation, à mon avis, il était raisonnablement loisible à la décideuse d’en conclure ainsi. En outre, quant à l’observation du demandeur faisant référence à la décision Clarke, il peut encore une fois être établi une distinction d’avec les faits de cette décision.

[38]  Enfin, en ce qui concerne l’autre affidavit de la sœur du demandeur, daté du 4 février 2019, qui souligne que le demandeur n’est plus en détention et qui traite de ses efforts additionnels en matière de réadaptation, cet affidavit n’a pas été présenté à la décideuse et il est irrecevable dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency, 2012 CAF 22, au paragraphe 19). De plus, bien que le demandeur ait présenté divers autres arguments, bon nombre de ceux‑ci équivalent à des attaques indirectes contre l’avis de danger, que le demandeur a déjà eu l’occasion de contester devant la Cour.

[39]  En somme, il était raisonnable pour la décideuse de conclure que les nouveaux éléments de preuve n’étaient pas suffisants pour satisfaire aux critères énoncés dans le document ENF 28 et justifier la réouverture de l’avis de danger.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3611‑18

LA COUR STATUE :

  1. que la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. qu’aucuns dépens ne sont adjugés;

  3. qu’aucune question de portée générale n’a été proposée aux fins de certification, et aucune n’est soulevée.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour de juillet 2019.

Christian Laroche, LL.B., juriste‑traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3611‑18

INTITULÉ :

JOSE ARNULFO RECINOS c LE ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 26 mars 2019

jugEment ET MOTIFS

la juge STRICKLAND

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

Le 25 avril 2019

COMPARUTIONS :

SUDOH BHARATI

POUR LE DEMANDEUR

KRISTINA DRAGAITIS

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SSB LAW CHAMBERS

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Sous‑procureur général du Canada Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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