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     Date : 19990315

     Dossier : DES-4-93

Ottawa (Ontario), le 15 mars 1999

En présence de Monsieur le juge Denault

Entre

     MANSOUR AHANI,

     demandeur,

     - et -

     LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     et LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeurs

     ORDONNANCE

     La Cour déboute le demandeur de sa demande de remise en liberté.

     Signé : Pierre Denault

     _____________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19990315

     Dossier : DES-4-93

Entre

     MANSOUR AHANI,

     demandeur,

     - et -

     LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     et LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeurs

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge DENAULT

[1]      La Cour est saisie en l'espèce d'une demande de remise en liberté introduite en application de l'article 40.1, paragraphes (8) et (9), de la Loi sur l'immigration1 (la Loi).

[2]      Le demandeur était détenu depuis 1993 par suite de l'attestation faite par le solliciteur général du Canada et le ministre de l'Emploi et de l'Immigration en application du paragraphe 40.1(1) de la Loi qu'ils étaient d'avis, à la lumière de renseignements secrets en matière de sécurité soumis par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), que l'intéressé appartenait à la catégorie des personnes non admissibles que visent le sous-alinéa e)(iii), la disposition e)(iv)(C), le sous-alinéa f)(ii), la disposition f)(iii)(B) et l'alinéa g) du paragraphe 19(1) de la Loi. La longue détention du demandeur s'explique par les péripéties procédurales de son cas.

[3]      À la suite de l'attestation faite en juin 1993, la Cour fédérale du Canada a été appelée à juger si elle était raisonnable. À l'audience tenue à huis clos peu de temps après conformément à la Loi, moi-même, en ma qualité de juge délégué, ai examiné les renseignements secrets en matière de sécurité et d'autres preuves produits par les deux ministres, et dont j'ai communiqué le résumé au demandeur. Mais, au lieu d'exercer immédiatement son droit de s'y faire entendre conformément à l'alinéa 40.1(4)c), il a choisi de contester en justice la validité constitutionnelle de l'article 40.1 de la Loi. Son action a été entendue par Mme le juge McGillis, qui l'en a débouté en septembre 19952, et son appel a été rejeté par la Cour d'appel fédérale en juillet 19963. La demande d'autorisation de pourvoi a été rejetée par la Cour suprême du Canada en juillet 1997, ce qui a mis fin à la contestation quatre ans après sa mise en état de détention4.

[4]      Le caractère raisonnable de l'attestation a été examiné au cours d'une audience qui a duré deux semaines en février 1998 et à l'issue de laquelle il a été jugé que cette attestation était raisonnable5, c'est-à-dire qu'il y a raisonnablement lieu de croire que le demandeur a commis ou commettra des actes de terrorisme, ou qu'il est ou a été membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre ou s'est livrée à des actes de terrorisme.

[5]      Une ordonnance de renvoi a été prise le 28 avril 1998, ce qui, conjugué avec la conclusion tirée le 12 août 1998 par la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration que le demandeur constituait un danger pour la sécurité du Canada, a ouvert la voie à son renvoi en Iran, dont il est citoyen6. Cependant, lorsque la ministre entreprit de le renvoyer le 28 août 1998, le demandeur a engagé diverses procédures tendant à suspendre l'exécution de l'ordonnance de renvoi, d'abord devant la Section de première instance de la Cour7 puis, celle-ci l'en ayant débouté, devant la Division générale de la Cour de l'Ontario8. Il a aussi intenté devant notre Cour une nouvelle contestation des dispositions antiterroristes du paragraphe 19(1) et du paragraphe 53(1) de la Loi (danger pour le public)9 et a obtenu une injonction provisoire qui interdit son renvoi hors du Canada en attendant l'issue de l'action10.

[6]      C'est dans ce contexte que le demandeur demande sa remise en liberté. Selon le paragraphe 40.1(8), la personne retenue en application d'une attestation délivrée en application du paragraphe 40.(1) et qui n'a pas été annulée par la Cour, peut demander au juge en chef ou au juge qu'il délègue à cet effet, de le remettre en liberté s'il n'a pas été renvoyé dans les 120 jours de l'ordonnance de renvoi. Par application du paragraphe 40.1(9), la Cour peut ordonner sa remise en liberté si elle conclut d'une part, qu'il ne sera pas renvoyé hors du Canada dans un délai raisonnable et, d'autre part, que sa remise en liberté ne porterait pas atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité des gens :


40.1 (8) Where a person is detained under subsection (7) and is not removed from Canada within 120 days after the making of the removal order relating to that person, the person may apply to the Chief Justice of the Federal Court or to a judge of the Federal Court designated by the Chief Justice for the purposes of this section for an order under section (9).

40.1 (8) La personne retenue en vertu du paragraphe (7) peut, si elle n'est pas renvoyée du Canada dans les cent vingt jours qui suivent la prise de la mesure de renvoi, demander au juge en chef de la Cour fédérale ou au juge de cette cour qu'il délègue pour l'application du présent article de rendre l'ordonnance visée au paragraphe (9).


40.1 (9) On an application referred to in subsection (8) the Chief Justice or the designated judge may, subject to such terms and conditions as the Chief Justice or designated judge deems appropriate, order that the person be released from detention if the Chief Justice or designated judge is satisfied that

     a) the person will not be removed from Canada within a reasonable time; and
     b) the person's release would not be injurious to national security or to the safety of persons.

40.1 (9) Sur présentation de la demande visée au paragraphe (8), le juge en chef ou son délégué ordonne, aux conditions qu'il estime indiquées, que l'intéressé soit mis en liberté s'il estime que :

     a) d'une part, il ne sera pas renvoyé du Canada dans un délai raisonnable;
     b) d'autre part, sa mise en liberté ne porterait pas atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes.

[7]      Dans le cadre de sa demande, le demandeur a aussi déposé un avis de question constitutionnelle pour contester la validité constitutionnelle des alinéas a) et b) du paragraphe 40.1(9) de la Loi, par ce motif qu'ils portent atteinte au droit à la liberté qu'il tient de l'article 7 de la Charte des droits et libertés (la Charte).

[8]      Ayant été le juge délégué depuis le début de l'affaire en 1993, j'ai été appelé à entendre cette demande en novembre 1998, date à laquelle le demandeur a demandé que je me récuse. Rejetant cette requête11, j'ai procédé à l'audition de la demande de remise en liberté.

[9]      En premier lieu, il y a eu conformément à l'alinéa 40.1(10)a) une audience à huis clos, et un résumé des éléments d'information disponibles a été communiqué au demandeur en application de l'alinéa 40.1(10)b). En bref, les défendeurs indiquent dans ce résumé que puisqu'il a été jugé qu'il y a raisonnablement lieu de croire que le demandeur fait partie du ministère iranien du renseignement et de la sécurité (MRS), organisme qui commandite ou entreprend une vaste gamme d'activités terroristes, dont l'assassinat de dissidents politiques à travers le monde, et étant donné la menace que le MRS représente pour la sécurité des gens au Canada et ailleurs, il y a lieu de croire que le demandeur, en raison de sa formation et de son expérience antérieures, est toujours en mesure d'entreprendre ou d'aider le MRS à entreprendre des opérations de reconnaissance et d'assassinat. Le Service est d'avis que quand bien même il accepterait les conditions imposées pour sa remise en liberté, il ne les respecterait pas.

[10]      En deuxième lieu, le demandeur s'est vu donner raisonnablement la possibilité de se faire entendre conformément à l'alinéa 40.1(10)c). Au cours de l'audience publique qui a duré deux jours à Toronto en janvier 1999, il a cité plusieurs témoins, dont des agents de correction en service à l'établissement Don à Toronto, un employeur possible dans l'import-export, domaine dans lequel le demandeur n'a aucune expérience, et un militaire en retraite qui offre de l'héberger s'il est remis en liberté. Le demandeur témoigne lui-même qu'il est peu probable que le gouvernement iranien le réactive après la publicité donnée à son cas. Il affirme encore qu'il n'a eu aucun contact avec les autorités iraniennes depuis sa détention et que si celles-ci se mettaient en rapport avec lui, il n'y donnerait pas suite et alerterait le SCRS. Il témoigne aussi qu'il a emprunté 3 000 $ pour son cautionnement et enfin, qu'il se conformerait aux conditions imposées par la Cour.

[11]      Le défendeur a cité deux témoins. Un agent d'exécution de Citoyenneté et Immigration Canada témoigne que la ministre entend toujours renvoyer le demandeur une fois tous les obstacles juridiques aplanis et que cela pourra se faire dans les 24 à 48 heures. Le sous-directeur général des opérations au bureau régional de Toronto du SCRS réitère les appréhensions de ce dernier pour la sécurité du public au Canada, du fait que le demandeur a des connaissances étendues dans le maniement des armes, qu'il avait des liens avec un assassin connu et qu'il pourra toujours être réactivé par le gouvernement iranien. Sa disparition possible serait aussi un sujet de préoccupation.

[12]      En troisième lieu, à la suite de l'audience publique, une seconde audience à huis clos a eu lieu le 22 janvier 1999 à Ottawa. Comme dans tous les cas de ce genre, les éléments d'information produits à cette audience ne peuvent être divulgués ni commentés, car ce serait porter atteinte à la sécurité nationale ou à celle des gens.

La validité constitutionnelle du paragraphe 40.1(9)

[13]      Comme indiqué supra, le demandeur conteste la validité constitutionnelle des deux alinéas a) et b) du paragraphe 40.1(9) de la Loi, disant qu'ils portent atteinte au droit à la liberté qu'il tient de l'article 7 de la Charte. Cependant, dès la clôture de l'audition des témoins à l'audience publique, il a abandonné son attaque contre l'alinéa a) et ne conteste plus maintenant que l'alinéa b). Spécifiquement, il soutient que l'invocation du critère de " sécurité nationale " pour détenir les gens va à l'encontre de l'article 7 de la Charte puisque pareil critère autorise la détention en termes vagues et imprécis. Le manque de précision peut être invoqué au regard de l'article 7 puisque les principes de justice fondamentale posent que les lois ne peuvent pas être trop vagues.

[14]      À mon avis, ce n'est pas tant la sécurité nationale qui est en jeu en l'espèce que la sécurité des gens au Canada. C'est ce qui se dégage du résumé signifié au demandeur ainsi que des témoignages rendus lors de la seconde audience à huis clos. Par exemple, dans le résumé, le Service passe en revue la menace que fait planer le MRS sur les dissidents iraniens à l'étranger et conclut que le demandeur représente cette menace pour les dissidents au Canada en raison de sa formation et de ses activités antérieures :


La menace que le MRS représente pour la sécurité de personnes au Canada et/ou à l'étranger.

     [TRADUCTION]

     7. Le gouvernement de l'Iran garde le pouvoir par la répression et l'intimidation sur une grande échelle. Le pouvoir judiciaire du pays est soumis à l'influence du gouvernement et de la religion. Plusieurs organismes partagent la responsabilité de la sécurité intérieure, dont le MRS et les Gardes de la révolution, force militaire mise en place après la révolution. Liquidations et exécutions sommaires sont systématiques. Amnistie Internationale (AI) rapporte qu'au moins 110 personnes ont été exécutées en 1996, et 137 exécutions ont été signalées jusqu'en novembre (1997). Les exilés et les observateurs de la situation des droits de la personne font savoir que nombre de ceux soi-disant exécutés pour crimes de droit commun, notamment pour trafic de drogues, étaient en fait des dissidents politiques. Les enquêtes sur les assassinats de dissidents politiques à l'étranger se sont poursuivies en 1997.         

     "

     8. Les opérations de recherche des individus à liquider, entreprises d'ordre du ministère du Renseignement et de la Sécurité (MRS) sont ordonnées par fatwas qui sont des décrets religieux autorisés par un conseil judiciaire supérieur appelé Comité des opérations spéciales. Selon une dépêche de presse, ce comité s'est réuni en avril 1997 à Téhéran pour se pencher sur l'" imminence " du danger, appelant les partisans du régime à se préparer à lancer une campagne de terrorisme sans précédent à travers le monde. Toujours selon cette dépêche, il s'agissait là de la réunion terroriste la plus importante qui eût eu lieu à Téhéran depuis des mois. Par suite, certaines capitales occidentales et arabes ont été averties que des événements graves se préparaient et pourraient dégénérer en guerre ouverte qui pourrait s'étendre en Europe et même jusqu'aux États-Unis.         

     "

     12. Après plus de cinq années de détention, le Service estime que AHANI demeure une menace pour la sécurité nationale et la sécurité des gens. Il a été formé à organiser des assassinats et est versé dans les opérations de liquidation physique. Il a une formation en maniement et transport des armes, et en techniques de contre-surveillance, et a prouvé par le passé qu'il pourrait être réactivé par un simple coup de téléphone. Dans le contexte de la menace que représente le MRS pour les dissidents iraniens au Canada et ailleurs, le Service est convaincu que Mansour AHANI est toujours en mesure d'entreprendre ou d'aider le MRS à entreprendre des opérations de reconnaissance et d'assassinat.         

                                 [non souligné dans l'original]

[15]      Étant donné l'argument que la détention du demandeur se justifie par le souci de protéger la sécurité des gens au Canada, il ne sert à rien d'examiner, dans le contexte de la demande en instance, si le critère de " sécurité nationale " est vague au point d'être anticonstitutionnel.

Réexamen de la détention

[16]      Passons maintenant à la question de la remise en liberté : il échet d'examiner tout d'abord deux points de droit avant de tirer quelque conclusion que ce soit à la lumière des preuves, savoir a) qui est tenu à la charge de la preuve en cas de demande introduite sous le régime des paragraphes (8) et (9) de l'article 40.1, et b) quelle est la norme de preuve applicable.

         a) La charge de la preuve

[17]      Selon le demandeur, c'est aux ministres concernés qu'il incombe de prouver qu'il ne relève pas des cas de remise en liberté prévus au paragraphe 40.1(9). Il est vrai que cette disposition ne dit pas expressément qui est tenu à la charge de la preuve, mais les ministres doivent l'assumer puisqu'il y a atteinte au droit du demandeur à la liberté.

[18]      À mon avis, il ressort d'une simple lecture rapide des paragraphes (7), (8) et (9) de l'article 40.1 de la Loi que c'est au demandeur qu'il incombe de prouver qu'il ne sera pas renvoyé dans un délai raisonnable et que sa remise en liberté ne porterait pas atteinte à la sécurité nationale ou à celle des gens. En premier lieu, le droit de demander la remise en liberté que prévoit le paragraphe 40.1(8) appartient indubitablement à " la personne retenue en vertu du paragraphe (7) ". Donc le demandeur est celui qui a le droit de demander sa propre remise en liberté et c'est donc à lui qu'il incombe de prouver qu'elle satisfait aux critères légaux.

[19]      En second lieu, je conviens que le paragraphe 40.1(9) ne dit pas expressément qui est tenu à la charge de la preuve, mais il ressort d'une simple interprétation de cette disposition que c'est le demandeur qui y est tenu puisque, aux termes de ce paragraphe, la personne retenue peut être remise en liberté si le juge estime qu'elle ne sera pas renvoyée dans un délai raisonnable, et que sa mise en liberté ne porterait pas atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes. Si le législateur avait voulu faire assumer aux défendeurs la charge de la preuve, l'obligation serait exprimée sous forme positive et non négative. Cette phrase eût-elle été : " " s'il estime que : a ) d'une part il sera renvoyé du Canada dans un délai raisonnable; b) d'autre part, que sa mise en liberté porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes ", la charge de la preuve incomberait certainement aux ministres concernés. Puisqu'il n'en est rien, je conclus qu'il incombe à l'évidence au demandeur de prouver que sa remise en liberté est conforme aux critères légaux.

         b) La norme de preuve

[20]      L'avocate du demandeur soutient que dans l'appréciation des preuves, il y a lieu pour le juge délégué d'appliquer la norme civile de la preuve, et non celle, moins rigoureuse, du caractère raisonnable applicable aux décisions visées à l'alinéa 40.1(4)b). La décision de remise en liberté est tout autre que la décision rendue en application de cette dernière disposition. Le juge délégué doit examiner le degré de probabilité d'une atteinte véritable à la sécurité nationale ou à la sécurité des gens, et ne doit pas se contenter de juger qu'il y a raisonnablement lieu de croire à un risque.

[21]      À mon avis, le juge ne doit pas ordonner la remise en liberté s'il conclut qu'il y a raisonnablement lieu de croire que le demandeur ne satisfait pas aux critères prévus par la loi. Par application de l'alinéa 40.1(7)a) de la Loi, l'attestation précédemment examinée par la Cour établit de façon concluante que le demandeur est une personne dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle a commis ou commettra des actes de terrorisme, ou qu'elle est ou a été membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre ou s'est livrée à des actes de terrorisme. Sur requête de ce genre, le juge n'a pas à juger de nouveau l'affaire au fond. Selon l'esprit de la Loi, il s'agit du premier élément que doit examiner le juge en chef ou le juge délégué dans l'instruction d'une demande de remise en liberté. Il faut se rappeler que la conclusion que le demandeur appartenait à la catégorie des personnes non admissibles, n'était pas subordonnée à une norme de preuve rigoureuse. La Cour n'avait pas besoin d'être convaincue que l'intéressé se livrait effectivement aux actes de terrorisme; il lui suffisait de conclure qu'il y avait raisonnablement lieu de croire que celui-ci a commis ou commettra des actes de terrorisme, ou qu'il est ou a été membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre ou s'est livrée à des actes de terrorisme.

[22]      D'ailleurs, étant donné que l'instruction de la demande de remise en liberté n'est pas un jugement au fond sur le statut du demandeur, mais juste sur le point de savoir s'il y a lieu de le remettre en liberté sous conditions tant qu'il satisfait aux deux critères prévus aux alinéas a) et b) du paragraphe 40.1(9), non seulement le juge a un rôle limité, mais encore il doit se conformer à la décision antérieure sur le caractère raisonnable de l'attestation, qui établit de façon concluante que l'intéressé est une menace pour le Canada.

         c) Conclusions

[23]      Au regard du premier critère prévu à l'alinéa 40.1(9)a), je conclus que le renvoi du demandeur pourrait se faire et se fera dans un délai raisonnable s'il ne fait pas usage des recours redondants et interminables, dont il est seul responsable. En fait, il ressort des preuves produites que si le renvoi n'a pas été fait dans les 120 jours, la faute n'en est pas imputable à la ministre, mais aux mesures désespérées prises par le demandeur pour se soustraire à l'expulsion. Ces preuves montrent aussi que la ministre est toujours prête à le renvoyer et le fera en l'espace de quelques jours, une fois les obstacles juridiques aplanis.

[24]      Étant donné que le demandeur ne satisfait pas au premier critère, il n'est pas nécessaire d'examiner s'il satisfait au second, puisque les deux conditions doivent être remplies avant que la Cour ne puisse ordonner la remise en liberté12. Je tiens cependant à ajouter que le témoignage du demandeur ne m'a pas convaincu que sa remise en liberté sous conditions ne menacerait pas la sécurité des gens au Canada. En fait, les preuves administrées par la défenderesse m'ont convaincu qu'il y a raisonnablement lieu de croire que sa remise en liberté porterait effectivement atteinte à la sécurité des gens, en particulier des dissidents iraniens, au Canada.

[25]      Par ces motifs, le demandeur est débouté de sa demande de remise en liberté.

     Signé : Pierre Denault

     _____________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 15 mars 1999

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              DES-4-93
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Mansour Ahani c. La ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le solliciteur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      18 et 19 janvier 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE DENAULT

LE :                      15 mars 1999

ONT COMPARU :

Barbara Jackman                  pour le demandeur

Marie Chen

Robert F. Batt                  pour la défenderesse

Marthe Beaulieu

Donald A. MacIntosh

Bridget O'Leary

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman & Associates              pour le demandeur

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                  pour la défenderesse

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. I-2.

2      [1995] 3 C.F. 669 (1re inst.).

3      (1996), 201 N.R. 233 (C.A.F.).

4      [1997] 2 R.C.S. v.

5      (17 avril 1998), DES-4-93 (C.F. 1re inst.).

6      Le demandeur s'est vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention, le 1er avril 1992, par la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et, de ce fait, ne pouvait être expulsé sauf conclusion tirée par le ministre, en application de l'alinéa 53(1)b) de la Loi, qu'il constituait un danger pour la sécurité du Canada.

7      Dans le dossier IMM-4204-98, le demandeur a demandé l'autorisation d'agir en contrôle judiciaire contre la décision prise par la ministre en application de l'alinéa 53(1)b). Sa requête en sursis à l'exécution de l'ordonnance a été rejetée le 21 août 1998 par le juge Rothstein.

8      En Cour de l'Ontario (Division générale), le demandeur a invoqué des motifs constitutionnels pour conclure à jugement déclaratoire.

9      L'action est enregistrée sous le numéro T-1767-98.

10      (28 septembre 1998), T-1767-98 (C.F. 1re inst.), décision du juge Campbell. L'appel contre l'ordonnance provisoire est en instance devant la Cour d'appel fédérale.

11      (27 novembre 1998), DES-4-93 (C.F. 1re inst.).

12      Ce qui conforte aussi ma conclusion qu'il est inutile de se pencher sur la validité constitutionnelle du critère de " sécurité nationale ".

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