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     Date : 19990111

     Dossier : T-1533-96

OTTAWA (ONTARIO) LE LUNDI 11 JANVIER 1999

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE ROTHSTEIN

Entre :

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     demandeur,

     - et -

     GERALD JOSEPH CLEARY,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Le défendeur a droit à des dépens de 2 000 $, comprenant les débours.

                         Marshall Rothstein

                                     J U G E

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19990111

     Dossier : T-1533-96

Entre :

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     demandeur,

     - et -

     GERALD JOSEPH CLEARY,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     [Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario),

     le mercredi 9 décembre 1998 et révisés]

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      Dans la présente procédure de contrôle judiciaire, la question est de savoir si un arbitre nommé en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que le défendeur, un employé civil du ministère de la Défense nationale, dont le poste a été classé au niveau EG-05, a droit à une rémunération d'intérim au taux de rémunération d'un major dans les Forces armées parce qu'il remplissait une grande partie des fonctions d'un major pendant une certaine période.

[2]      Les parties conviennent avec moi que la norme de contrôle de la décision d'un arbitre en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est le caractère manifestement déraisonnable. Autrement dit, l'erreur doit être manifeste. Voir l'arrêt Barry c. Canada (Conseil du Trésor) (1997), 221 N.R. 237, aux pages 239 et 240 (C.A.F.).

[3]      On a demandé au défendeur d'accomplir, à titre intérimaire, les fonctions de major, à l'exception des fonctions militaires, ce qu'il a fait. Par conséquent, le MDN l'a reclassé au niveau EG-06. Il a été rémunéré au taux le plus bas prévu pour un employé de niveau EG-06. Le défendeur a déposé un grief, faisant valoir qu'il avait droit au taux de rémunération de major, mais qu'il était disposé à accepter le taux de rémunération le plus élevé prévu pour un employé de niveau EG-06, même si au taux le plus élevé prévu pour ce niveau, sa rémunération serait inférieure à celle d'un major. Toutefois, il a dit qu'il serait satisfait de ce taux de rémunération.

[4]      L'arbitre a accepté la position du défendeur :

         [TRADUCTION]                 
             En l'espèce, le plaignant a accompli, à titre intérimaire, les fonctions d'un poste qui était classé au rang de major et la convention collective cadre prévoit que M. Cleary a droit à une rémunération d'intérim comme s'il avait été nommé à ce niveau de classification plus élevé.                 
             Par conséquent, le grief de M. Cleary est accueilli et j'ordonne à l'employeur de le rémunérer, comme il l'a demandé, au taux maximal prévu pour le niveau EG-06 pour la durée de son affectation temporaire.                 

[5]      Le procureur général du Canada, demandeur, prétend que l'arbitre a commis une erreur en essayant de traiter le rang de major dans les Forces armées comme un niveau de classification applicable au défendeur, qui est un civil. La convention qui régit l'emploi du défendeur est une convention collective cadre entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la fonction publique du Canada qui a été signée le 17 mai 1989. La disposition sur laquelle s'est appuyé le défendeur devant l'arbitre est la clause M-27.07 qui dispose comme suit :


a) When an employee is required by the Employer to substantially perform the duties of a higher classification level in an acting capacity and performs those duties for at least the period specified in b) below, the employee shall be paid acting pay calculated from the date on which he or she commenced to act as if he or she had been appointed to that higher classification level for the period in which he or she acts.

a) Lorsque l'employé-e est tenu par l'employeur d'exécuter à titre intérimaire une grande partie des fonctions d'un employé-e d'un niveau de classification supérieur et qu'il exécute ces fonctions pendant au moins la période indiquée à l'alinéa b) ci-dessous, il touche, pendant la période d'intérim, une rémunération d'intérim calculée à compter de la date à laquelle il commence à remplir ces fonctions, comme s'il avait été nommé à ce niveau supérieur.

[6]      La clause M-27.07 a été interprétée par un arbitre ainsi que par la Section de première instance et la Division d'appel de la Cour fédérale dans une cause assez semblable à l'espèce ; Julie Francoeur, une employée civile, à qui on avait demandé de remplir les fonctions devant être exercées par un caporal de la GRC, a fait valoir dans un grief qu'elle devait être rémunérée au taux du caporal de la GRC. L'arbitre a rejeté le grief de Mme Francoeur au motif que la version française de la clause M-27.07 restreignait les classifications aux niveaux reconnus dans la convention collective seulement. (Francoeur c. Canada (Procureur général), le 20 janvier 1995, dossier de la CRTFP 166-2-25922.)

[7]      Devant la Section de première instance de la Cour fédérale, le juge Richard (tel était alors son titre) a accueilli la demande de contrôle judiciaire portant sur la décision de l'arbitre : (1996), 112 F.T.R. 113. Il a conclu que la version anglaise de la clause M-27.07 était plus fidèle à l'esprit de la convention collective et qu'elle avantageait l'employé, même lorsque les fonctions que l'employé remplissait ne relevaient pas de la même unité de négociation que celle de l'employé.

[8]      La Cour d'appel fédérale a renversé la décision du juge Richard en se fondant sur le fait que la décision de l'arbitre n'était pas déraisonnable et donc que l'intervention de la Cour fédérale, dans une procédure de contrôle judiciaire, n'était pas justifiée : (1997), A.C.F. nE 758 (Q.L.), A-224-967, le 3 juin 1997. Le juge Marceau a déclaré ceci :

             Nous croyons, au contraire, que choisir, comme a fait l'arbitre, la version la plus limitative - une règle de base en matière d'interprétation de deux versions officielles dissemblables que l'interprète ne saurait écarter sans motif grave puisque cela le conduit à ignorer une limitation expresse de la disposition - et sanctionner, ce faisant, l'idée que les questions de rémunération des employés de l'unité de négociation se règlent en fonction de la classification hiérarchique des postes réservés à ces seuls employés, n'est certes pas déraisonnable.                 

[9]      En l'espèce, la question est de savoir si la clause M-27.07 permet de reconnaître un niveau de classification plus élevé en dehors de la hiérarchie des classifications prévues dans la convention collective applicable au défendeur. Autrement dit, le défendeur peut-il être classé au même rang qu'un major ? L'arbitre semble avoir interprété la clause M-27.07 de cette manière, et en agissant ainsi, il semble s'être appuyé sur la décision du juge Richard de la Section de première instance de la Cour fédérale, la décision de la Cour d'appel fédérale n'ayant pas encore été publié à ce moment. Le demandeur prétend qu'en raison de cette décision ultérieure de la Cour d'appel fédérale, la décision de l'arbitre est manifestement déraisonnable et que la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie.

[10]      J'ai de la difficulté à accepter la notion que les classifications dont il est question à la clause M-27.07 englobent la reconnaissance des classifications en dehors de la convention collective. En fait, il me semble que la différence apparente entre les versions anglaise et française de la clause M-27.07 serait conciliable si l'interprétation du mot " classification " dans la clause était restreinte aux niveaux reconnus par la convention collective. Par conséquent, je pense que l'arbitre n'a peut-être pas eu raison de se prononcer comme il l'a fait.

[11]      Toutefois, l'interprétation de la clause M-27.07 a fait l'objet d'opinions contradictoires dans l'arrêt Francoeur. Bien que la Cour d'appel fédérale semble d'avis qu'une interprétation plus limitative de la clause M-27.07 n'est " certes pas déraisonnable ", je ne crois pas que cette décision tranche définitivement la question. La Cour d'appel a essentiellement décidé que la Section de première instance a eu tort de modifier la décision de l'arbitre parce que, de l'avis de la Cour d'appel, la décision de l'arbitre n'était pas déraisonnable.

[12]      En l'espèce, la convention collective dans son entier n'a pas été versée au dossier. En particulier, je n'ai rien d'autre que la clause M-27.07 pour m'aider à interpréter le mot " classification " tel qu'il est utilisé dans cette disposition et, surtout, pour déterminer si elle empêche de prendre en compte les classifications à l'extérieur de la convention collective. Comme je l'ai déjà dit, il me semble que seules les classifications reconnues par la convention collective peuvent être prises en compte. Toutefois, en l'absence de tout autre élément de preuve, je ne suis pas disposé à conclure que la décision de l'arbitre était manifestement déraisonnable.

[13]      La demande de contrôle judiciaire est refusée. Le défendeur a droit à des frais de 2 000 $, comprenant les débours.

                        

                                     J U G E

OTTAWA (ONTARIO)

LE 11 JANVIER 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :                  T-1533-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Le procureur général du Canada

                             c.

                         Gerald Joseph Cleary
LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          le 7 décembre 1998
MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      le juge Rothstein
DATE :                      le 11 janvier 1999

ONT COMPARU :

Christopher Rupar                  pour le demandeur
Andrew Raven                  pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosemberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                  pour le demandeur

Raven, Allen, Cameron & Ballantyne

Avocats et procureurs

Ottawa (Ontario)                  pour le défendeur
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