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Date : 20000830


Dossier : T-681-99

Entre :

     MARCEL FOURNIER


Demandeur


-et-



LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


Défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX


INTRODUCTION

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire faite en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, de la décision rendue par Pierre Baillie, président du comité d'appel de la Commission de la fonction publique (la "Commission"), le 12 mars 1999 suite à un appel fait en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33 (ci-après: la Loi).
[2]      L'appel interjeté par Marcel Fournier porte sur la nomination après reclassification de leur postes (passant du niveau TI-06 au niveau TI-07) de quatre gérants de district de Mesures Canada au Québec, c'est-à-dire Messers. Watters, Thibault, Martineau et Lauzon (ci après "les gérants"); lesdites reclassifications de ces postes étant rétroactives au 19 juin 1995.
[3]      L'enjeu principal de l'appel est une question de droit, à savoir la compétence du comité d'appel d'examiner si le principe du mérite a été respecté en 1995 et en 1996 lors de l'affectation des quatre gérants à leurs postes.

LES FAITS

[4]      En juin 1995, le Ministère de l'Industrie Canada procéda à une réorganisation administrative à l'échelle nationale de deux directions du dit ministère, soit celle des Poids et Mesures ("P & M") et de l'Électricité et Gaz ("É & G"). Cette réorganisation prévoyait la création, au Québec, de quatre postes de gérant de district.
[5]      Avant cette fusion, la direction P & M avait quatre postes de gérant de district au Québec, tous classifiés au niveau TI-06, dont les titulaires étaient messieurs Thibault, Watters et Lauzon. La direction É & G au Québec en avait un nombre semblable; M. Martineau comblait le poste de gérant de district de Montréal.
[6]      Après la fusion, ces gérants furent assignés, le 19 juin 1995, au poste de Gérant de district, Région du Québec, dans la nouvelle division fusionnée au même niveau de classification qu'ils jouissaient auparavant lorsqu'ils ne s'occupaient que de la gérance de P & M ou celle de l'É & G c'est-à-dire au niveau TI-06. Donc, le 19 juin 1995, les gérants devinrent titulaires de ces postes et ce sans, semble-t-il, que n'intervienne la Commission pour s'assurer du mérite des nominations soit par moyen de concours ou d'énoncé de qualités.
[7]      Le 18 janvier 1996, une mesure administrative fut prise par le gérant général, Région du Québec, M. André Lagüe, prenant la forme d'une nouvelle numérotation identifiant chacun des gérants comme gérant de district à l'intérieur de la direction métrologie légale de Mesures Canada.
[8]      En novembre 1997, le ministère procéda à la reclassification des postes des gérants de district à l'échelle nationale. Un comité de classification fut établi et ce dernier produisit un rapport le 26 novembre 1997 qui recommanda une reclassification au niveau TI-07 des postes de gérant créés lors de la fusion de 1995. Le comité écrivait ceci:
At the time of integration MC [Measures Canada] wanted to move fast and minimize further change so the former work descriptions for the DM of W & M [District Managers of Weights & Measures] and the DM of E & G [District Managers of Electricity and Gas] were hurriedly thrown together and submitted for classification as new positions. These did not describe significant change (i.e. did not reflect the full integration and so were classified at the existing TI-06 level). The DMs deployed into them were promised the position would be reviewed within a year. It took somewhat longer but the proposal before the committee today is the result of that process.
[9]      La reclassification ayant été approuvée, M. André Lagüe procéda en février 1998 à l'évaluation des compétences des quatre gérants de district en fonction depuis 1995 et ce, sans concours mais d'après un énoncé de qualités fait en vertu de l'article 10(2) de la Loi.
[10]      Le 9 février 1998, M. Lagüe, membre unique du jury de sélection, attesta que les quatre gérants rencontraient toutes les exigences de l'énoncé de qualités ayant, le 22 janvier 1998, certifié une fiche de mesure de classification et de poste pour chacun des gérants.
[11]      Le 9 février 1998, le ministère afficha un droit d'appel suite aux nominations des quatre gérants à leur poste reclassifié. Le 20 février 1998, M. Fournier, le demandeur aux présentes, en appela des nominations (soit le processus de sélection 1998 - DUS-MTL-WC-05) et ce, tel que l'autorise l'article 21 de la Loi.
[12]      M. Fournier déposa devant le comité d'appel ses allégations écrites. Il prétend qu'en juin 1995 de nouveaux postes furent créés et que les quatre gérants en sont devenus titulaires sans que le principe du mérite eut été respecté. Je reproduis les allégations pertinentes de M. Fournier à ce sujet:
35.      La réorganisation administrative fait en sorte que chacun des candidats reçus seront responsable d'une activité différente pour
     laquelle ils avaient été évalués.
36.      Les activités en question sont:
     (i)      Le département des poids et mesures.
     (ii)      Le département d'électricité-gaz.
37.      Le cheminement de carrière est différent pour chacune des activités.
38.      La formation est différente pour chacune des activités.
39.      Le travail de chacune des activités est différent.
40.      Chacune des activités a une clientèle distincte.
41.      Les outils de travail, instruments de travail, méthodes de travail sont différents.
42.      L'énoncé qualité est différent pour un gestionnaire de premier niveau au département des poids et mesures à celui d'un gestionnaire de premier niveau de l'électricité et gaz.
43.      Le cheminement de plan carrière de chacune des activités est différent.
44.      Avant juin 1995, les candidats reçus sont des gestionnaires de premier niveau d'une des activités seulement.
45.      Les candidats reçus n'ont pas l'expérience de travail des deux activités.
46.      Les candidats reçus n'ont jamais participé à un concours pour le poste combiné de gérant de district des "poids et mesures" et "d'électricité-gaz".
[13]      Le ministère répondit aux allégations écrites de M. Fournier et indiqua ce qui suit à la page 188 du dossier:
Suite à l'amalgamation des activités, une révision des fonctions de gérant de district TI-06 a été faite. Il ne s'agissait pas de nouveaux postes mais bien de mesures administratives nécessaires pour refléter la nouvelle description de tâches. À cet effet, je vous présente les lettres démontrant que les postes ont changé de numérotation mais qu'ils ont toujours été les postes d'attache des titulaires soit messieurs Lauzon, Martineau, Thibault et Watters.
[14]      Le ministère, en réponse à l'allégation numéro 46 de M. Fournier répondit ceci:
Pour répondre à l'allégation 46, nous confirmons qu'il n'y a pas eu de concours puisque les candidats étaient titulaires de ces postes.
[15]      En conclusion, le ministère dit avoir démontré "[Q]ue messieurs Lauzon, Martineau, Thibault et Watters étaient les titulaires des postes au 19 juin 1995".

DÉCISION DU COMITÉ D'APPEL

     La question et les objections préliminaires

[16]      Je note que lors du processus d'appel, des conférences téléphoniques ont été tenues le 7 avril et le 28 mai 1998 et que suite à ces dernières, le demandeur a formulé une objection préliminaire visant essentiellement à obtenir la récusation de M. Baillie au poste de président du comité d'appel et ce, essentiellement pour avoir agi d'une façon partiale lors de ces dites conférences. Le demandeur ayant abandonné ce point devant moi, je ne vois donc pas l'utilité d'en traiter.
[17]      Par ailleurs, le demandeur formula également une question préliminaire visant à contester l'interprétation faite par le président du comité d'appel de l'objet même de l'appel. En effet, le président refusa catégoriquement de traiter de la question des nominations effectuées en juin 1995, suite à la réorganisation administrative et ce, au motif que malgré le fait qu'aucun droit d'appel ne fut affiché à cette époque et qu'il fut admis, par la suite, qu'il s'agissait effectivement de nouveaux postes, ces nominations ont été faites au vu et au su de tous sans qu'aucune plainte ne soit formulée. Ainsi, il concluait qu'il était désormais trop tard pour soulever cette question et accepta les explications suivantes, formulées par le défendeur, quant aux raisons ayant justifié les nominations faites en 1995:
D'après les explications du ministère et selon toutes les circonstances de l'espèce, il est raisonnable pour le ministère de choisir l'avenue de nomination sans concours selon 10(2) de la Loi. Il a été admis que les postes de gérant de district sont des postes nouveaux depuis juin 1995. Le fait de reclassifier ces postes de TI-06 à TI-07 n'en modifie pas substantiellement les caractéristiques. Selon les explications du gestionnaire les titulaires de ces postes continuent et continueront d'être responsables des mêmes activités car les postes nécessitent les mêmes qualités. Le ministère n'avait donc pas à tenir un concours restreint pour combler ces postes

     Les questions au fond

[18]      Pour ce qui est des questions formant la substance du présent appel, il appert que le demandeur a soulevé deux arguments importants, à savoir: (1) le fait que les candidats ayant reçu des propositions de nominations ne possédaient pas l'expérience requise quant à l'inspection et les essais d'une variété d'instruments de mesure et de contrôle dans le cadre d'un programme d'inspection de Mesures Canada et ce, tel que le requérait l'énoncé de qualités et (2) le fait que cette reclassification des candidats découle directement d'une modification de leur description de tâches qui a été effectuée lors de la réorganisation administrative survenue en juin 1995 et que déjà, à cette époque, les candidats ayant été assignés aux nouveaux postes de gérant de district ne remplissaient pas les exigences requises.
[19]      Refusant toujours de traiter de la création des nouveaux postes en juin 1995, le comité d'appel s'est limité à observer si les candidats ayant reçu des propositions de nominations pour la reclassification de leurs postes remplissaient les exigences fixées par la Commission elle-même, telle que l'autorise le paragraphe 10(2) de la Loi. Pour une meilleure compréhension, je reproduis les quelques paragraphes constituant l'essence de la décision:
Dans le présent cas, le ministère a bel et bien démontré que les candidats Watters, Martineau et Thibault possédaient l'expérience requise ou qui aurait pu être requise selon la nouvelle description du facteur "expérience". Cependant, il n'a pas fait la démonstration que le candidat Lauzon possédait l'expérience recherchée, d'après l'énoncé de qualités établi pour les fins de cette sélection. Je me dois donc d'accueillir l'appel à l'encontre de la nomination proposée de monsieur Lauzon pour ce motif. Toutefois, je recommanderais à la Commission de réviser la situation en autorisant le gestionnaire à élaborer un nouvel énoncé de qualités pour le poste de monsieur Lauzon et en lui ordonnant d'évaluer à nouveau ce candidat. La Commission pourrait fort bien être d'avis que l'expérience telle que libellée au niveau TI-06 était convenable car cette expérience a été décrite de la sorte en 1997. Il fut établi que les fonctions des postes à combler n'ont pas varié depuis lors.
Ceci étant dit, je n'ai trouvé aucun autre motif d'accueillir l'appel. De fait, je suis d'avis que l'appelant n'a pas démontré que les nominations de messieurs Watters, Martineau et Thibault, suite à la reclassification de leurs postes, contrevenaient au principe du mérite. Le gestionnaire a su expliquer d'une manière qui m'a convaincu qu'il connaissait le travail accompli par ces personnes depuis de nombreuses années et qu'il avait constaté que ces candidats possédaient toutes les qualités recherchées. Pour ce qui est de l'appelant, il n'a pas établi qu'il avait un droit d'appel à l'encontre des nominations à de nouveaux postes qui sont survenues en juin 1995. De toute évidence, il savait que des nouvelles fonctions avaient été ajoutées aux fonctions des postes de gérant de district et n'a pas porté plainte en temps opportun.
Pour ce qui est d'un droit d'appel que l'appelant réclame par rapport aux nominations qui seraient intervenues en 1996, j'estime que le fait d'attribuer de nouveaux numéros à ces postes ne constitue pas une preuve que de nouvelles nominations soient intervenues. De fait, suite à une réorganisation ou à toute autre contrainte administrative, il peut arriver que les numéros des postes de toute une organisation soient modifiés. Cela n'a pas pour effet de changer la nature des postes de l'organisation pour autant et cela démontre nullement qu'il y a eu création de nouveaux postes. Le titulaire d'un poste dont seul le numéro change ne perd pas son lien avec ce poste. Il ne s'agit pas d'une nomination et le droit d'appel en vertu de l'article 21 de la Loi ne peut être exercé alors.
[mes soulignés]
[20]      Divers arguments furent soulevés par le demandeur lors du dépôt de la présente demande de contrôle judiciaire, arguments que je vais considérer dans les paragraphes qui suivent.

ANALYSE

[21]      Après analyse de l'ensemble du dossier et audition des parties, je considère qu'une seule question se doit d'être observée afin de déterminer s'il y a bel et bien eu une erreur commise par le comité d'appel justifiant l'intervention de cette Cour:
         Le comité d'appel a-t-il commis une erreur révisable en refusant de considérer dans son analyse des propositions de nominations faites en février 1998 suite à une reclassification des dits postes, la nature des postes créés lors de la réorganisation administrative du mois de juin 1995 ainsi que la manière dont les gérants en devinrent titulaires?
[22]      La norme de contrôle applicable en de telles circonstances est élaborée au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7 qui se lit comme suit:

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas_:

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

(4) The Trial Division may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

(f) acted in any other way that was contrary to law.

[23]      Le contrôle judiciaire recherché par le demandeur soulève essentiellement une question de droit quant aux exigences relatives à l'application du principe du mérite. Dans un tel cas, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, voir à cet effet l'arrêt Boucher c. Canada (P.G.), [2000] F.C.J. No.86 (C.A.F.).
[24]      L'article 10 de la Loi rappelle que toutes nominations à des postes dans la fonction publique doivent se faire sur la base d'une sélection fondée sur le mérite:

10. (1) Les nominations internes ou externes à des postes de la fonction publique se font sur la base d'une sélection fondée sur le mérite, selon ce que détermine la Commission, et à la demande de l'administrateur général intéressé, soit par concours, soit par tout autre mode de sélection du personnel fondé sur le mérite des candidats que la Commission estime le mieux adapté aux intérêts de la fonction publique.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), la sélection au mérite peut, dans les circonstances déterminées par règlement de la Commission, être fondée sur des normes de compétence fixées par celle-ci plutôt que sur un examen comparatif des candidats.


10. (1) Appointments to or from within the Public Service shall be based on selection according to merit, as determined by the Commission, and shall be made by the Commission, at the request of the deputy head concerned, by competition or by such other process of personnel selection designed to establish the merit of candidates as the Commission considers is in the best interests of the Public Service.

(2) For the purposes of subsection (1), selection according to merit may, in the circumstances prescribed by the regulations of the Commission, be based on the competence of a person being considered for appointment as measured by such standard of competence as the Commission may establish, rather than as measured against the competence of other persons.

[25]      Le défendeur soumet que les nominations proposées ont été faites en vertu du paragraphe 10(2) de la Loi où il est permis d'effectuer une sélection fondée sur le mérite en fonction de normes de compétence ou d'énoncé de qualités fixés par la Commission et en vertu du sous-alinéa 4(2)b)ii) du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique, DORS/93-286 qui se lit comme suit:

4(2) La sélection visée au paragraphe 10(2) de la Loi peut se faire dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes :

a) la promotion d'un fonctionnaire dans le cadre d'un programme d'apprentissage ou de formation professionnelle;

b) la nomination d'un fonctionnaire à son poste après reclassification lorsque, selon le cas :

(i) la reclassification résulte d'une vérification ou d'un grief en matière de classification,

(ii) le poste fait partie d'un groupe de postes occupés semblables, des mêmes groupe et niveau professionnels, au sein du même secteur de l'organisation qui ont tous été reclassés aux mêmes groupe et niveau professionnels,

(iii) il n'y a aucun autre poste occupé semblable, des mêmes groupe et niveau professionnels, au sein du même secteur de l'organisation;

4.(2) A selection referred to in subsection 10(2) of the Act may be made in any of the following circumstances, namely,

(a) where an employee is to be promoted within an apprenticeship or occupational training program;

(b) where an employee is to be appointed to the employee's reclassified position and

(i) the position has been reclassified as a result of a classification audit or grievance,

(ii) the position is one of a group of similar occupied positions of the same occupational group and level in the same part of an organization that have all been reclassified to the same occupational group and level, or

(iii) there are no other similar occupied positions in the same occupational group and level within the same part of the organization;

[26]      Le droit d'appel de ces nominations est prévu à l'article 21 de la Loi:

21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

(1.1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à une sélection interne effectuée autrement que par concours, toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Commission, après avoir reçu avis de la décision du comité visé aux paragraphes (1) ou (1.1), doit en fonction de celle-ci_:

a) si la nomination a eu lieu, la confirmer ou la révoquer;

b) si la nomination n'a pas eu lieu, y procéder ou non.

(2.1) En cas de révocation de la nomination, la Commission peut nommer la personne visée à un poste qu'elle juge en rapport avec ses qualifications.

(3) La Commission peut prendre toute mesure qu'elle juge indiquée pour remédier à toute irrégularité signalée par le comité relativement à la procédure de sélection.

(4) Une nomination, effective ou imminente, consécutive à une mesure visée au paragraphe (3) ne peut faire l'objet d'un appel conformément aux paragraphes (1) ou (1.1) qu'au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite.

(5) L'article 10 et le droit d'appel prévu au présent article ne s'appliquent pas dans le cas où la nomination est faite en vertu des paragraphes 29(1.1) ou (3), 30(1) ou (2) ou 39(3) ou des règlements d'application de l'alinéa 35(2)a), ou en vertu du paragraphe 11(2.01) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

21. (1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.

(1.1) Where a person is appointed or about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made from within the Public Service by a process of personnel selection, other than a competition, any person who, at the time of the selection, meets the criteria established pursuant to subsection 13(1) for the process may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.

(2) Subject to subsection (3), the Commission, on being notified of the decision of a board established under subsection (1) or (1.1), shall, in accordance with the decision,

(a) if the appointment has been made, confirm or revoke the appointment; or

(b) if the appointment has not been made, make or not make the appointment.

(2.1) Where the appointment of a person is revoked pursuant to subsection (2), the Commission may appoint that person to a position within the Public Service that in the opinion of the Commission is commensurate with the qualifications of that person.

(3) Where a board established under subsection (1) or (1.1) determines that there was a defect in the process for the selection of a person for appointment under this Act, the Commission may take such measures as it considers necessary to remedy the defect.

(4) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act as a result of measures taken under subsection (3), an appeal may be taken under subsection (1) or (1.1) against that appointment only on the ground that the measures so taken did not result in a selection for appointment according to merit.

(5) Section 10 and the rights of appeal provided by this section do not apply to appointments made under subsection 29(1.1) or (3), 30(1) or (2) or 39(3) of this Act or subsection 11(2.01) of the Financial Administration Act or any regulations made under paragraph 35(2)(a) of this Act.

[27]      Récemment, la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Buttar v. Canada (Attorney General) (2000), 186 D.L.R. (4th) 101, observait la juridiction du comité d'appel dans les circonstances où une nomination avait été effectuée sans concours mais suivant des normes de compétence fixée par la Commission. Sous la plume du juge Sharlow, la Cour d'appel fédérale fait les commentaires suivants quant à l'article 10 de la Loi et au droit d'appel s'y rattachant:
[para3] Il a longtemps été établi que « [l]a sélection selon le principe du mérite constitue l'objectif principal de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique et le critère essentiel d'appréciation de l'exercice des pouvoirs conférés par la Loi » (le juge Le Dain, dans l'arrêt Bambrough c. Commission de la fonction publique, [1976] 2 C.F. 109 (C.A.F.), à la page 115). Il s'agit de l'extrait le plus cité de ce qu'on connaît aujourd'hui comme étant le « principe du mérite » .
[para4] Le paragraphe 10(2) a été adopté en 1993 (L.C. 1999, ch. 54, art. 9), en même temps qu'un certain nombre de modifications apportées à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. La jurisprudence relative aux nominations antérieures à 1993 énonce surtout des principes généraux relatifs aux nominations effectuées à la suite d'un concours. Vu le changement de contexte, la prudence est de mise à l'égard de l'application de ces décisions aux nominations effectuées en vertu du paragraphe 10(2). Cela étant, notre Cour a déclaré que les modifications apportées en 1993 à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique n'affectaient nullement le principe du mérite. La nomination effectuée en vertu du paragraphe 10(2) constitue l'application subsidiaire du principe du mérite, non pas l'exception à celui-ci. Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Laidlaw (1998), 237 N.R. 1 (C.A.F.), le principe du mérite qui sous-tend le processus de sélection prévu au paragraphe 10(2) a été décrit comme étant le « principe du mérite individuel » , par opposition au « principe du mérite relatif » , qui régit les nominations effectuées à la suite de concours aux termes du paragraphe 10(1).
[para5] L'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique prévoit qu'il peut être interjeté appel des nominations. L'article 21 vise le respect du principe de la sélection fondée sur le mérite: Charest c. Canada (Procureur général), [1973] C.F. 1217 (C.A.F.)" Même si ce principe a été énoncé initialement dans le cadre d'un appel interjeté d'une nomination effectuée à la suite d'un concours, il est applicable aux appels prévus à l'article 21.
[28]      En conclusion, la Cour d'appel fédérale détermine que le comité d'appel a le pouvoir d'observer si l'application des normes de compétences fixées par la Commission ont été effectuées en conformité avec le principe du mérite:
[para23] Cependant, le problème vient du fait que le comité d'appel ait cru qu'il y avait une restriction à sa compétence l'empêchant même d'envisager la possibilité que les normes de sélection aient pu être appliquées de manière irrégulière. L'avocat du procureur général a convenu que, dans le cadre d'un processus de sélection de la nature de celle qui a été entreprise en l'espèce, le défaut d'appliquer les normes de manière uniforme contrevenait au principe du mérite. Le comité d'appel a par conséquent omis d'accomplir son mandat, qui consiste à protéger l'intégrité de l'application du principe du mérite. Bien qu'on ait affirmé qu'un appelant ne peut réclamer davantage que l'intégrité de l'application du principe du mérite, il est tout aussi vrai que celui-ci ne devrait pas avoir à se contenter de moins.      [mes soulignés]

[29]      Cet arrêt de la Cour d'appel fédérale est fort important puisqu'il rappelle le mandat premier du comité d'appel, soit celui de s'assurer que la ou les nominations ont été effectuées sur le principe du mérite a bel et bien été respecté. Par ailleurs, il ressort également de cet arrêt que le comité d'appel possède une large juridiction en ce qui a trait à l'observance du principe du mérite et ce, afin de veiller à l'intégrité de ce dernier.
[30]      Cet arrêt cite, par ailleurs, un autre arrêt fort important de la Cour d'appel fédérale celui de Laidlaw et al. v. Canada (Attorney General) (1998), 237 N.R. 1 (version anglaise) dans lequel, le juge Décary rappelle l'importance, pour la bonne application du principe du mérite, de prendre en considération la nature des postes en question, soit s'ils constituent de nouveaux postes ou non:
En l'espèce, la preuve indique que la Commission, en supposant qu'elle avait le droit de choisir entre le mode prévu au paragraphe 10(1) ou celui prévu au paragraphe 10(2), avait décidé de choisir le mode prévu au paragraphe 10(2) lorsque les postes reclassifiés n'étaient pas nouveaux. Les appelants n'ont pas profité de ce mode de sélection uniquement parce que, de l'avis de Revenu Canada, leurs postes étaient nouveaux. Une fois que le comité d'appel a déterminé - et cette conclusion a été confirmée par le juge des requêtes - que les postes n'étaient pas nouveaux, le postulat en vertu duquel la Commission a exclu les appelants de ce mode s'est avéré faux et leur exclusion ne pouvait plus être justifiée étant donné qu'elle se fondait sur une considération erronée. En outre, la Commission ne devrait pas être autorisée, une fois qu'elle a choisi de procéder en vertu du paragraphe 4(2), à traiter différemment des employés qui se trouvent dans une situation semblable. Dans les circonstances, il n'est pas nécessaire de renvoyer la question au comité d'appel puisque celui-ci est parvenu à la bonne conclusion et qu'il ne pourrait rien faire de plus que de parvenir à la même conclusion pour d'autres motifs.
L'avocat de l'intimé fait valoir que le comité d'appel n'avait pas le pouvoir de déterminer si les postes en question étaient nouveaux. L'intimé avait fait valoir le contraire devant le comité d'appel. Il avait raison alors et il a tort maintenant. Il est bien établi en droit, depuis la décision de la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général) c. Brault, [1987] 2 R.C.S. 489 et dans Doré c. Canada, [1987] 2 R.C.S. 503, que pour déterminer si le principe du mérite a été bien appliqué - et cela s'applique au principe du mérite individuel autant qu'au principe du mérite relatif - un comité d'appel doit examiner ce qu'" [un] ministère a objectivement fait et non ce qu'il a, en droit, eu l'intention de faire ou l'interprétation qu'il en avait [...] " (Doré, précité, page 510, le juge Le Dain).
[mes soulignés]
[31]      Je constate que le comité d'appel refusa d'appliquer les principes énoncés par la Cour d'appel fédérale dans Laidlaw, précité, au motif que les faits de cette cause sont dissemblables à ceux aux présentes. Or, je note que dans les faits de l'arrêt Laidlaw, il était également question de nominations faites en vertu du paragraphe 10(2) de la Loi et du sous-alinéa 4(2)b)ii) du Règlement tel que c'est le cas au présent dossier.
[32]      Suivant l'arrêt Laidlaw, précité, je crois qu'il est essentiel à l'application du principe du mérite de s'assurer que les nominations faites à l'origine, avant que les postes en cause ne fassent l'objet d'une reclassification en vertu du paragraphe 4(2) du Règlement, ont été faites en conformité des exigences prévues à l'article 10 de la Loi, soit suite à un concours ou suite à l'application d'un énoncé de qualités.
[33]      En effet, dans l'arrêt Doré c. Canada, [1987] 2 R.C.S. 503, la Cour suprême du Canada, sous la plume du juge Le Dain, rappelait que nulle personne ayant été irrégulièrement affectée à un poste dans le fonction publique fédérale ne saurait profiter de cet avantage indu à l'occasion d'un processus de sélection subséquent:
La dernière question soulevée dans le présent pourvoi est de savoir si l'affectation temporaire de la mise en cause au poste de surveillant à l'accueil et aux renseignements, en attendant la classification du poste, était une nomination à ce poste au sens de l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. À l'égard de cette question, je suis d'avis que, bien que l'administration doive être en mesure d'affecter temporairement un fonctionnaire à de nouvelles fonctions sans donner lieu à l'application du principe du mérite et au droit d'appel, cet accommodement ne devrait plus pouvoir être utilisé lorsque, comme en l'espèce, on permet que la durée de l'affectation soit considérable et indéterminée au point que le titulaire du poste est présumé détenir un net avantage dans tout processus de sélection subséquent. À mon avis, l'affectation de la mise en cause au poste de surveillant à l'accueil et aux renseignements à plein temps pendant environ neuf mois avait acquis ce caractère au moment où l'appel de l'appelante a été entendu par le comité d'appel en novembre 1984. Par conséquent, je suis d'avis qu'il y a eu une nomination de la mise en cause à un poste au sens de l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique et comme, de l'aveu même du Ministère, la nomination n'était pas fondée sur la sélection établie au mérite, comme l'exige l'art. 10 de la Loi, le comité d'appel a eu raison de révoquer la nomination.

[34]      De ce qui précède, simple m'est de conclure qu'aucun organisme fédéral ne peut contourner l'exigence de s'assurer de l'application du principe du mérite en procédant à la nomination d'un fonctionnaire après reclassification de son poste et ce, tel que prévoit le paragraphe 4(2) du Règlement, lorsque ce dernier avait été irrégulièrement nommé au dit poste faisant l'objet de la reclassification.
[35]      Dans le présent cas, je ne crois pas que le fait qu'il y ait trois années séparant les nominations officieuses à ces postes nouvellement constitués et les propositions de nomination suite à une reclassification de ces nouveaux postes, soit une raison suffisante pour empêcher le comité d'appel d'apprécier la nature des postes convoités en 1995 et la façon dont les gérants en devinrent titulaires et ce, d'autant plus qu'il est choquant de constater qu'aucun droit d'appel ne fut affiché à l'époque afin de permettre à d'autres candidats potentiels de s'objecter à ces nominations apparemment illégales.
[36]      Ces remarques sont d'autant plus pertinentes qu'en l'espèce, le Ministère d'Industrie Canada a formellement reconnu qu'il y avait bel et bien eu création de nouveaux postes lors de la réorganisation administrative de 1995 et ce, après l'avoir nié catégoriquement auparavant.
[37]      Tel que le rappelle la Cour d'appel fédérale dans Buttar, précité, le mandat premier du comité d'appel est de s'assurer que le principe du mérité est respecté. Or, dans le présent cas, je n'ai aucun doute à conclure qu'à la lumière de l'arrêt Laidlaw, précité, il était essentiel pour la bonne évaluation des nominations faites, de remonter à la création même de ces postes puisque la création et la reclassification de ces derniers sont parties intégrantes du même processus et de vérifier si les nominations, effectuées à ce moment, ont respecté le principe du mérite. Cette prémisse est d'ailleurs appuyée par le fait qu'il fut reconnu par le défendeur lui-même qu'il s'agissait bien de nouveaux postes et que la reclassification de ces derniers ne modifiait pas substantiellement leurs caractéristiques et qu'elle était rétroactive au mois de juin 1995.

CONCLUSION

[38]      En les circonstances, je conclus que le comité d'appel a commis une erreur révisable en ce qu'il a omis d'exercer sa juridiction lors de l'évaluation des candidatures aux postes convoités en refusant de prendre en compte la nature même des nouveaux postes créés en juin 1995 et d'examiner comment les gérants en sont devenus titulaires. La décision du comité d'appel est donc cassée et le dossier est retourné devant un comité d'appel différemment constitué pour reconsidération en conformité avec les présents motifs.

[39]      J'accorde les frais au demandeur.

    

    

     J U G E

OTTAWA (ONTARIO)

le 30 août 2000

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