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     Date: 19990811

     Dossier: IMM-2003-98

Ottawa (Ontario), le 11 août 1999

DEVANT : MADAME LE JUGE SHARLOW

ENTRE


MOHAMED ISMAIL MOHAMED et

AUGUSTINE UNITED CHURCH,


demandeurs,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.


     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.




     " Karen R. Sharlow "

     Juge

Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.




     Date: 19990806

     Dossier: IMM-2003-98


ENTRE


MOHAMED ISMAIL MOHAMED et

AUGUSTINE UNITED CHURCH,


demandeurs,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.



MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SHARLOW


[1]      Le demandeur Mohamed Ismail Mohamed est d'origine somalienne; il est né en Éthiopie. Il s'est enfui de l'Éthiopie en 1989 pour se rendre en Allemagne. En 1994, il a demandé à être admis au Canada à titre de résident permanent pour le motif qu'il est un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller. Sa demande était parrainée par l'Augustine United Church.

[2]      M. Mohamed a eu une entrevue avec un agent des visas à Bonn le 19 juillet 1994; sa demande a été rejetée. La demande qu'il a présentée en vue d'obtenir le contrôle judiciaire de cette décision a été accueillie avec l'autorisation du ministre le 17 décembre 1996. En janvier 1998, un agent des visas différent a eu une entrevue avec M. Mohamed à Bonn aux fins du réexamen de sa demande, qui a de nouveau été rejetée. M. Mohamed sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision.

Suffisance des motifs

[3]      L'avocat de M. Mohamed a soutenu que les motifs de la décision ne sont pas expliqués dans la lettre de refus et qu'ils n'ont pas été précisés dans les notes, dans l'affidavit ou dans le contre-interrogatoire y afférent. Je suis d'accord pour dire que les motifs de l'agent des visas pourraient être plus clairs. Toutefois, il est possible de les identifier.

Questions que l'agent des visas était tenu de trancher

[4]      Les questions que l'agent des visas était tenu de trancher découlent de l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration, qui interdit l'admission des personnes qui, soit ne se conforment pas aux conditions de la Loi et à ses règlements, soit ne peuvent le faire. Cela comprendrait les conditions d'admission applicables à la demande de M. Mohamed.

[5]      Les exigences relatives à l'admission qui s'appliquent à M. Mohamed sont énoncées à l'article 7 du Règlement. La décision de l'agent des visas était axée sur deux exigences, soit en premier lieu la question de savoir si M. Mohamed était visé par la définition de " réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller "1 et en second lieu, la question de savoir si M. Mohamed et les personnes à sa charge qui l'accompagnent pourraient réussir leur installation au Canada, compte tenu de leur niveau de scolarité, de leurs antécédents de travail, de leurs compétences et d'autres facteurs énumérés2.

Première exigence : " réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller "3

[6]      Afin de déterminer si M. Mohamed était visé par la définition de " réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller ", l'agent des visas était tenu de se demander si M. Mohamed était visé par la définition de " réfugié au sens de la Convention " figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et, dans l'affirmative, s'il existait une possibilité d'en arriver à une " solution durable " dans un délai raisonnable. L'expression " solution durable " est définie comme suit au paragraphe 2(1) du Règlement :

À l'égard d'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller, s'entend :
a) soit de son rapatriement volontaire vers le pays de sa citoyenneté ou de sa résidence habituelle;
b) soit de sa réinstallation dans le pays de sa citoyenneté ou de sa résidence habituelle, dans un pays voisin ou dans le pays d'accueil;
c) soit d'une offre de réinstallation émanant d'un pays autre que le Canada.

[7]      L'agent des visas a conclu que M. Mohamed n'était pas un réfugié au sens de la Convention parce que, même s'il avait une crainte fondée d'être persécuté en Éthiopie, il n'éprouvait pas pareille crainte à l'égard de la Somalie, qui est son pays de nationalité, et il veut et peut se réclamer de la protection de ce pays. Il a également conclu qu'il existait une possibilité de " solution durable ".

[8]      L'avocat du demandeur a soulevé plusieurs arguments à l'égard de cet aspect de la décision de l'agent des visas. Il suffit d'examiner un seul argument.

[9]      L'agent des visas a tiré la conclusion préliminaire selon laquelle M. Mohamed est citoyen somalien. Le seul élément de preuve qui étaye cette conclusion est qu'un passeport somalien avait été délivré à M. Mohamed en 1994 en Allemagne et qu'il a été renouvelé en 1998.

[10]      Il n'est pas contesté qu'il n'y a pas de gouvernement qui fonctionne en Somalie et qu'il n'y en avait pas lorsque l'agent des visas a interrogé M. Mohamed. Pendant le contre-interrogatoire, l'agent des visas a admis qu'à l'entrevue, M. Mohamed avait dit qu'il n'y avait pas de gouvernement qui fonctionnait en Somalie. L'agent des visas a également admis qu'il ne se rappelle pas avoir examiné à l'entrevue la question de savoir si le passeport de M. Mohamed indiquait de fait sa citoyenneté. Je conclus que l'agent des visas a simplement supposé que l'existence du passeport était déterminante.

[11]      L'avocate du ministre a soutenu que selon le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, l'existence de ce passeport donnait lieu à une présomption réfutable selon laquelle la Somalie est le pays de nationalité et que l'agent des visas avait donc le droit de le supposer. Je ne suis pas d'accord. Même si je supposais que l'agent des visas a le droit de se fonder sur ce guide, il a commis une erreur en ne s'arrêtant pas à la question de savoir si le fait qu'il n'y avait pas de gouvernement qui fonctionnait en Somalie permet de réfuter la présomption de nationalité qui découle de l'existence du passeport somalien. C'est pourquoi la conclusion de l'agent des visas selon laquelle M. Mohamed n'est pas visé par la définition de " réfugié au sens de la Convention " ne peut pas tenir.

[12]      Avant de parler de la décision que l'agent des visas a prise à l'égard de la deuxième exigence, à savoir la possibilité de réussir son installation au Canada, je ferai des remarques au sujet d'un nouvel argument qui a été soulevé pour la première fois lors de l'audition de cette demande au sujet du passeport somalien.

[13]      L'avocat de M. Mohamed a mentionné le paragraphe 46.04(3) de la Loi sur l'immigration, la définition de " réfugié au sens de la Convention se trouvant au Canada sans pièces d'identité " figurant au paragraphe 2(1) du Règlement , l'article 11.402 du Règlement et l'annexe XX du Règlement. Sans vouloir trop simplifier les choses, il semble que par suite de ces dispositions, un réfugié au sens de la Convention au Canada qui est citoyen somalien n'est pas tenu de fournir un passeport somalien ou un autre document somalien officiel à titre de pièce d'identité. L'avocat de M. Mohamed a soutenu que l'agent des visas aurait dû tenir compte de ces dispositions pour montrer que le passeport somalien de M. Mohamed n'était pas en cours de validité.

[14]      Dans les observations qu'elle a déposées après l'audience, l'avocate du ministre a soutenu qu'il n'y a rien dans ces dispositions qui étaye la conclusion selon laquelle les passeports somaliens ne sont pas valides. Je suis d'accord avec elle pour dire que ces dispositions ne traitent pas de la question de la validité.

[15]      Toutefois, l'avocate du ministre a répondu en mentionnant le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation qui a été publié dans la Partie II de la Gazette du Canada du 22 janvier 1997, au moment de la création de la catégorie des " réfugiés au sens de la Convention se trouvant au Canada sans pièces d'identité ". Certains énoncés figurant dans ce document laissent entendre qu'au moment de l'entrevue, personne n'était reconnu comme ayant le pouvoir de délivrer un passeport somalien.

[16]      Les observations qui ont été déposées à l'égard de cet argument additionnel ne me permettent pas d'en arriver à une conclusion générale au sujet de la validité des passeports somaliens, ou encore de la validité du passeport somalien délivré à M. Mohamed en 1994 ou du renouvellement accordé en 1998. Toutefois, je n'ai pas à statuer sur cette question. Il suffit de dire que ces dispositions et leur historique législatif confirment ma conclusion, à savoir que l'agent des visas a commis une erreur en ne tenant pas compte de la question de savoir s'il convenait dans ce cas-ci de se fonder uniquement sur une présomption réfutable à l'égard des passeports en tant que preuve de la nationalité de M. Mohamed.

Deuxième exigence : possibilité de réussir son installation au Canada

[17]      L'agent des visas n'était pas convaincu que M. Mohamed avait les compétences ou l'expérience nécessaires pour s'établir au Canada. Le dossier montre qu'en tirant sa conclusion sur ce point, l'agent des visas a examiné les facteurs énumérés.

[18]      Il est soutenu au nom de M. Mohamed que cette partie de la décision de l'agent des visas est liée d'une façon inextricable à la conclusion selon laquelle M. Mohamed n'est pas visé par la définition de " réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller " et que la conclusion inexacte que l'agent des visas a tirée sur ce point l'a inévitablement amené à tirer une conclusion inexacte à l'égard de l'autre.

[19]      Il est soutenu en particulier qu'une fois que l'agent des visas a décidé que M. Mohamed n'était pas visé par cette définition, il n'a pas tenu compte de l'appui disponible dans le cadre du programme d'aide conjointe. S'il avait été tenu compte de cet appui, cela aurait influé d'une façon favorable sur la façon dont l'agent des visas a apprécié les chances de succès de M. Mohamed au Canada.

[20]      Dans son affidavit, l'agent des visas dit qu'il a expressément tenu compte de la possibilité pour M. Mohamed de réussir son installation au Canada une fois que la période d'aide serait écoulée, en parlant apparemment de l'aide fournie par les parrains de M. Mohamed. L'avocate du ministre soutient que la possibilité de réussir son installation est une exigence indépendante de la condition selon laquelle il faut être visé par la définition de " réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller ". Elle souligne également que l'aide fournie au moyen du parrainage aurait permis d'aider M. Mohamed pendant un certain temps seulement et que l'aide conjointe, si elle est disponible, couvre cette période.

[21]      Compte tenu du dossier, je ne puis conclure que la conclusion défavorable qui a été tirée au sujet du statut de réfugié de M. Mohamed a induit l'agent des visas en erreur en ce qui concerne les chances qu'avait M. Mohamed de subvenir à ses besoins au Canada.

[22]      Conclusion

[23]      En vertu du règlement qui énonce les exigences relatives à l'admission au Canada en ce qui concerne le réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller, l'appréciation défavorable que l'agent des visas a effectuée au sujet de la possibilité qu'avait M. Mohamed de réussir son installation au Canada suffit à elle seule pour justifier le rejet de la demande d'admission de M. Mohamed. Étant donné que je n'ai pu constater l'existence d'aucune erreur à l'égard de la conclusion que l'agent des visas a tirée sur ce point, rien ne me permet d'annuler la décision qu'il a prise de rejeter la demande d'admission de M. Mohamed. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[24]      Normalement, dans une demande de ce genre, les dépens suivraient l'issue de la cause. Toutefois, étant donné que le demandeur est en chômage et qu'il touche des prestations d'assistance sociale, je ne rendrai pas d'ordonnance au sujet des dépens.

[25]      Aucune ordonnance officielle ne sera rendue tant que des observations écrites n'auront pas été présentées au sujet de la certification d'une question. Toute observation présentée par l'avocat de M. Mohamed doit être signifiée et déposée au plus tard le 16 août 1999. Toute réponse présentée par l'avocate du ministre doit être signifiée et déposée au plus tard le 23 août 1999.

     " Karen R. Sharlow "

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 6 août 1999.


Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-2003-98

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MOHAMED ISMAIL MOHAMED ET AL. c.
     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :      WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 29 juillet 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Sharlow en date du 6 août 1999


ONT COMPARU :

David Matas          POUR LES DEMANDEURS

Tracey Harwood-Jones          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Matas          POUR LES DEMANDEURS

Winnipeg (Manitoba)

Morris Rosenberg          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

du Canada

__________________

     1 Al. 7(1)b) du Règlement.

     2 Al. 7(1)c) du Règlement.

     3 Paragraphe 2(1) du Règlement.

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