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     Date : 19980901

     Dossier : T-1706-98

OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 1er SEPTEMBRE 1998

EN PRÉSENCE DE Mme LE JUGE McGILLIS

Entre :

     LORNE SAMSON, JOAN SAMSON,

     GRANT HILL, DEBORAH GREY,

     et

     LE PARTI RÉFORMISTE DE L'ALBERTA,

     demandeurs,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

     LE GOUVERNEUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimés.

     O R D O N N A N C E

Pour les motifs prononcés aujourd'hui, la demande d'injonction interlocutoire est rejetée. Les dépens suivront l'issue de la cause.

                                 D. McGillis

                    

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

     Date : 19980901

     Dossier : T-1706-98

Entre :

     LORNE SAMSON, JOAN SAMSON,

     GRANT HILL, DEBORAH GREY,

     et

     LE PARTI RÉFORMISTE DE L'ALBERTA,

     demandeurs,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

     LE GOUVERNEUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimés.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     [Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario)

     le mardi 1er septembre 1998]

LE JUGE McGILLIS

[1]      Les demandeurs recherchent une injonction interlocutoire afin d'empêcher le gouverneur général du Canada de nommer au Sénat une personne ayant les qualités requises originaire de la province de l'Alberta, à moins que cette personne n'ait été élue en vertu des dispositions de la Senatorial Selection Act, R.S.A. ch. S-11.5.

[2]      Pour déterminer si une injonction interlocutoire doit être accordée, le critère suivant, qui a été réaffirmé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R.J.R. - MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, à la page 334, doit être appliqué :

         L'arrêt Metropolitan Stores établit une analyse en trois étapes que les tribunaux doivent appliquer quand ils examinent une demande de suspension d'instance ou d'injonction interlocutoire. Premièrement, une étude préliminaire du fond du litige doit établir qu'il y a une question sérieuse à juger. Deuxièmement, il faut déterminer si le requérant subirait un préjudice irréparable si sa demande était rejetée. Enfin, il faut déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'on accorde ou refuse le redressement en attendant une décision sur le fond.                 

[3]      La question préliminaire à examiner dans la présente demande est de savoir si les demandeurs ont établi qu'il y avait une question sérieuse à juger.

[4]      Les articles 24 et 32 de la Loi constitutionnelle de 1867 confèrent expressément au gouverneur général le pouvoir discrétionnaire absolu de nommer au Sénat des personnes ayant les qualités requises. Ces articles sont rédigés dans les termes suivants :


     24. The Governor General shall from Time to Time, in the Queen's Name, by Instrument under the Great Seal of Canada, summon qualified Persons to the Senate; and subject to the Provisions of this Act, every Person so summoned shall become and be a Member of the Senate and a Senator.

     32. When a Vacancy happens in the Senate by Resignation, Death or otherwise, the Governor General shall by Summons to a fit and qualified Person fill the Vacancy.

     24. Le gouverneur général mandera au Sénat, de temps à autre, au nom de la Reine et par instrument sous le grand sceau du Canada, des personnes ayant les qualités requises et, sous réserve des dispositions de la présente loi, les personnes ainsi mandatées deviendront et seront membres du Sénat et sénateurs.

     32. Quand un siège devient vacant au Sénat par démission ou décès ou pour toute autre cause, le gouverneur général y pourvoit en adressant un mandat à une personne capable et possédant les qualités requises.

[5]      En vertu des dispositions expresses et non équivoques des articles 24 et 32 de la Loi constitutionnelle de 1867, le pouvoir du gouverneur général de nommer des personnes ayant les qualités requises au Sénat est purement discrétionnaire. Autrement dit, aucune restriction procédurale ou autre ne limite l'exercice du pouvoir discrétionnaire du gouverneur général, d'origine constitutionnelle, de nommer ces personnes en vertu des articles 24 et 32. Ce pouvoir ne peut être restreint qu'au moyen d'une modification constitutionnelle des articles 24 et 32, qui serait adoptée conformément à la procédure établie à la Partie V de la Loi constitutionnelle de 1982. Dans les circonstances, la Cour ne peut imposer de restriction procédurale ou autre au pouvoir exprès du gouverneur général de nommer des personnes ayant les qualités requises au Sénat, ou autrement entraver l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire. [Voir également Singh c. Canada ; Leblanc c. Canada (1991), 30 R. (3d) 429 (C.A. Ontario) ; Reference re Appointment of Senators Pursuant to the Constitution Act, 1867 (1991), 78 D.L.R. (4th) 246 (C.A.C.-B.) ; Brown v. The Queen in Right of Alberta, le 28 juillet 1998 (C.B.R. Alberta)]

[6]      Le pouvoir constitutionnel du gouverneur général de nommer des personnes ayant les qualités requises au Sénat est également de nature purement politique. En pratique, le gouverneur général exerce son pouvoir de nomination sur l'avis et la recommandation du gouverneur en conseil. Si le gouverneur en conseil fait une recommandation qui ne tient pas compte des élections imminentes qui doivent se tenir en Alberta en vertu des dispositions de la Senatorial Selection Act provinciale, il le fait à ses propres risques sur le plan politique. Toutefois, il s'agit là d'une décision purement politique devant être prise par des politiciens, sans ingérence ni intervention de la Cour.

[7]      L'avocat des demandeurs s'est fortement appuyé dans ses observations sur différentes déclarations faites par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec (no 25506, le 20 août 1998). À mon avis, rien dans cet arrêt n'appuie la proposition selon laquelle un tribunal peut ignorer les dispositions expresses et non équivoques de la Loi constitutionnelle de 1867. Je note en passant que l'affaire de la sécession du Québec traitait d'une situation dans laquelle il y avait un vide constitutionnel. En l'espèce, des dispositions constitutionnelles expresses et non équivoques régissent le processus de nomination au Sénat.

[8]      L'avocat des demandeurs fait également valoir que la nomination par le gouverneur général de M. Stan Waters de l'Alberta au Sénat en 1990, à la suite de son élection en vertu des dispositions de la Senatorial Selection Act, constitue un " précédent " ou une " convention " qui peut modifier les dispositions expresses de la Loi constitutionnelle de 1867 . Je ne peux accepter cet argument. Le fait que le gouverneur général, agissant sur l'avis et la recommandation du gouverneur en conseil de l'époque, ait une seule fois auparavant nommé au Sénat une personne qui avait été élue en Alberta en vertu de la Senatorial Selection Act ne constitue pas une " convention " qui modifie le libellé exprès de la Loi constitutionnelle de 1867 . Il s'agit simplement d'une décision politique prise par le gouvernement de l'époque à ce moment précis de l'histoire de notre nation.

[9]      À mon avis, la prétention des demandeurs sur cette question est de nature politique et non juridique. Par conséquent, le redressement qu'ils recherchent dans leur demande ne peut être obtenu que de façon politique au moyen d'une modification constitutionnelle. J'ai donc conclu que les demandeurs n'avaient pas établi que le litige soulève une question sérieuse à juger. Dans les circonstances, il n'est pas nécessaire de traiter des deux autres étapes du critère.

[10]      La demande d'injonction interlocutoire est rejetée.

                                 D. McGillis

                    

                                     Juge

OTTAWA

le 1er septembre 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-1706-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Lorne Samson et autres

                     c. Procureur général du Canada et autres

LIEU DE L"AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 1er septembre 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE McGILLIS

EN DATE DU :              1 er septembre 1998

ONT COMPARU :

Eugene Meehan

David Attwater                      POUR LE DEMANDEUR

Graham Garton, c.r.                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lang Michener

Ottawa (Ontario)                      POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                      POUR LE DÉFENDEUR

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