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Date : 20000914

Dossier : IMM-5727-98

                                                                       

ENTRE :                                                                                                        

                                                           BOJAN POPIC

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

[1]         Bojan Popic, un Serbe de Bosnie vivant en Allemagne, a présenté une demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des immigrants indépendants. Sa demande a été refusée compte tenu de la décision de l'agent des visas selon laquelle il était non admissible en application du sous-alinéa 19(2)b)(ii) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.


[2]         Conformément à l'ordonnance de punition par voie sommaire reçue du bureau des procureurs de l'Allemagne, le demandeur avait trois déclarations de culpabilité pour :

[TRADUCTION] Avoir obtenu un moyen de transport clandestinement avec l'intention de ne pas acquitter les frais applicables, ce qui constitue une infraction punissable aux termes des articles 265 et 248 du code pénal.

[3] L'agent des visas a conclu que, comme cette infraction équivalait à une infraction aux termes du paragraphe 393(3) du Code criminel, le demandeur était non admissible parce qu'il était une « personn[e] [...] dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'ell[e] [a] été déclaré[e] coupabl[e] à l'étranger d'au moins deux infractions qui ne découlent pas des mêmes faits et qui, si elles étaient commises au Canada, constitueraient des infractions punissables par procédure sommaire aux termes d'une loi fédérale » .

[4]         Le paragraphe 393(3) du Code criminel se lit comme suit:


393(3) Every one who, by any false pretence or fraud, unlawfully obtains transportation by land, water or air is guilty of an offence punishable on summary conviction.

R.S., c. C-34, s. 351.

393(3) Est coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, par un faux semblant ou une fraude, obtient illégalement le transport par voie de terre, par eau ou par la voie des airs.

S.R., ch. C-34, art. 351.



[5]         Le demandeur prétend que les infractions à l'égard desquelles il a été déclaré coupable équivalent à des infractions à des règlements municipaux et non à des

infractions au Code criminel.

[6]         La question en l'espèce est de savoir si l'agent des visas a commis une erreur de droit en concluant que les déclarations de culpabilité du demandeur en Allemagne équivalent à des déclarations de culpabilité aux termes du paragraphe 393(3) du Code criminel.

[7]         Dans l'arrêt Hill c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1987), 73 N.R. 315, à la page 320, le juge Urie a déclaré :   

... l'équivalence peut être établie de trois manières : tout d'abord, en comparant le libellé précis des dispositions de chacune des lois par un examen documentaire et, s'il s'en trouve de disponible, par le témoignage d'un expert ou d'experts du droit étranger pour dégager, à partir de cette preuve, les éléments essentiels des infractions respectives; en second lieu, par l'examen de la preuve présentée devant l'arbitre, aussi bien orale que documentaire, afin d'établir si elle démontrait de façon suffisante que les éléments essentiels de l'infraction au Canada avaient été établis dans le cadre des procédures étrangères, que les mêmes termes soient ou non utilisés pour énoncer ces éléments dans les actes introductifs d'instance ou dans les dispositions légales; en troisième lieu, au moyen d'une combinaison de cette première et de cette seconde démarche.


[8]         En l'espèce, il n'y avait aucune preuve orale ou documentaire quant aux circonstances des infractions pour aider l'agent des visas dans son analyse. En conséquence, la conclusion d'équivalence de l'agent des visas se limitait à la première des trois options.

[9]         L'agent des visas a sollicité l'aide d'un analyste principal à Ottawa. Se fondant sur la présomption selon laquelle l'infraction allemande était de « se déplacer sans payer » , l'analyste principal a conclu que l'élément de non-paiement dans l'infraction allemande équivalait au terme « illégalement » contenu dans la disposition du Code criminel; toutefois, il n'était pas sûr au juste si l'obtention du transport par un « faux semblant » ou une « fraude » avait un équivalent dans l'infraction allemande, qui constituait un élément essentiel de celle-ci.

[10]             Devant cette analyse incomplète, l'agent des visas a conclu :

[TRADUCTION] ... À mon avis, le demandeur, comme tous les résidants de l'Allemagne, sait qu'il doit payer pour utiliser le transport en commun. En outre, le fait d'être attrapé trois fois est assez exceptionnel. En un an d'utilisation du transport en commun, je n'ai jamais été contrôlé. Je pense que le demandeur aurait dû savoir qu'il devait payer et qu'il a décidé de ne pas le faire. Selon moi, les infractions, si elles étaient commises au Canada, seraient punissables aux termes de l'article 393 du CCC ...


[11]       En général, les éléments essentiels d'une infraction sont l'actus reus et la mens rea, qui doivent être prouvés pour qu'une conclusion de culpabilité soit tirée. À mon avis, l'agent des visas a commis une erreur en introduisant dans l'analyse les considérations mentionnées précédemment, qui ne sont pas pertinentes quant à une conclusion sur les éléments essentiels d'une infraction.

[12]       Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision en date du 15 septembre 1998 est annulée et l'affaire est renvoyée afin qu'un autre agent des visas procède à un nouvel examen.

[13]             Les parties n'avaient aucune question à soumettre aux fins de certification.

                                                                         « Dolores M. Hansen »           

                                                                                               J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                           IMM-5727-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Bojan Popic c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 6 avril 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE HANSEN

DATE DES MOTIFS :                                   Le 14 septembre 2000

ONT COMPARU:

Mme Mary Lam                                                                        POUR LE DEMANDEUR

M. James Brender                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

M. Cecil Rotenberg, c.r.                                                            POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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