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Date : 20001221

Dossier : T-1317-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 21 DÉCEMBRE 2000

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE J.E. DUBÉ

ENTRE :

                                                      MARSTAR CANADA INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                          défendeurs

                                                                   JUGEMENT

LE JUGE DUBÉ

L'appel est accueilli, avec dépens.

                                                                                                                                                                                                    

                                                                                                                                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20001221

Dossier : T-1317-98

ENTRE :

                                                      MARSTAR CANADA INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                          défendeurs

                                                        MOTIFS DE JUGEMENT

LE JUGE DUBÉ

[1]         Dans la présente action simplifiée, la demanderesse (Marstar), une compagnie d'import export dont le siège social est à Hawkesbury ouest en Ontario, interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le ministre) du 27 mars 1998, par laquelle il ordonnait la saisie des marchandises importées de Marstar sans prévoir de conditions de main levée.


1. Les faits

[2]         Les marchandises en question sont de petits accessoires qui faisaient partie d'une cargaison d'armes à feu et d'accessoires de collection, importés au Canada en provenance de la République fédérale de Yougoslavie. Ces marchandises ont été déchargées au port de Halifax le 30 octobre 1997. La cargaison totale consistait approximativement de 14 tonnes métriques de marchandises emballées et dans des conteneurs, comprenant des nécessaires de nettoyage de fusils, des pièces de rechange et divers autres accessoires. Les marchandises saisies représentent une toute petite partie de la cargaison. Il s'agit de petits outils tombés de vieux sacs en jute, qui étaient restés au fond de plusieurs caisses d'emballage. Ces outils servent à nettoyer des mitrailleuses et ils datent de la Seconde Guerre mondiale.

[3]         Ces outils de nettoyage n'étaient pas identifiés de façon individuelle, tombant sous la description générale de « pièces et accessoires » portée aux documents d'importation, y compris le connaissement, la facture des fournisseurs et les listes de contenu. Les sacs de jute avaient été placés dans 149 caisses de bois, chargées dans des conteneurs. À l'occasion du transport ou du déchargement en vue de l'inspection, 31 petites pièces ont été trouvées au fond de plusieurs caisses. Les Douanes ont autorisé la libération de la cargaison, mais les petits outils (qui ne valent guère plus de 200 $) ont été saisis par les agents des Douanes.


[4]         Dès qu'il a pris connaissance de la saisie, le président de Marstar, M. John F. St-Amour, a écrit au surintendant des Douanes à Halifax. Dans sa lettre, datée du 11 décembre 1997, il informait ce dernier que les pièces saisies étaient portées aux listes de contenu comme [traduction] « des sacs d'outils en jute avec des outils » , et qu'on les trouvait décrits de la même façon dans la facture. Il joignait à sa lettre des photographies du contenu d'un sac d'outils typique et demandait respectueusement qu'on réexamine la saisie et qu'on l'autorise à importer ces objets dans le cours normal des choses.

[5]         Le 20 janvier 1998, M. Jean-Marc Dupuis, fonctionnaire à la direction générale des Appels, a accusé réception de cette lettre et confirmé que les marchandises avaient été saisies parce qu'elles n'avaient [traduction] « pas été déclarées » à la douane. Suite à un nouvel échange de lettres, Marstar s'est vu signifier une décision qui portait que les marchandises n'avaient pas été déclarées.

[6]         Toutefois, dans le Résumé de l'affaire que l'on trouve dans les documents produits au cours des interrogatoires préalables, on trouve la déclaration suivante de M. Dupuis : [traduction] « Dans son rapport que nous avons reçu le 20 février 1998, l'agent pour les armes à feu explique que ces marchandises sont prohibées et qu'elles n'ont pas été rendues inutilisables » . Plus loin dans le résumé, il conclut que : [traduction] « Étant donné que l'importation des marchandises saisies est prohibée, je recommande qu'elles ne soient par rendues à leur propriétaire » .


[7]         Au paragraphe 6 de sa défense, le ministre soutient [traduction] « que les inspecteurs des Douanes ont ouvert les caisses et trouvé les marchandises suivantes qui n'avaient pas été déclarées, contrairement à l'article 12 de la Loi sur les douanes » . Au paragraphe 7, il ajoute que les marchandises en cause sont des pièces de mitrailleuses lourdes [traduction] « qui n'ont pas été modifiées pour les rendre inutilisables. Les pièces de mitrailleuses sont des marchandises prohibées et, par conséquent, on ne peut les importer au Canada en vertu de l'article 114 du Tarif des douanes » . La défense n'a pas été modifiée, mais à l'audience l'avocate des défendeurs s'est confinée à la défense du ministre portant que les marchandises n'avaient pas été déclarées.

2. Analyse

[8]         Personne ne conteste que Marstar a toutes les autorisations et permis requis pour importer et exporter des armes à feu, ce qu'elle fait depuis à peu près 18 ans. Pour être plus précis, le 10 novembre 1997, M. St-Amour a avisé le ministère des Affaires extérieures qu'il se proposait d'importer, dans le cadre ordinaire de ses affaires, les mitrailleuses et pièces en question. Cette cargaison importante a été libérée par les douanes, à l'exception des 31 petites pièces servant au nettoyage qui étaient tombées au fond des caisses. Il est clairement absurde de décrire ces pièces de nettoyage en elles-mêmes comme des « marchandises prohibées » .

[9]         Quant à l'autre motif, savoir le « défaut de déclarer » , il me semble que les agents des Douanes ne peuvent s'attendre à ce qu'un importateur décrive dans les moindres détails toutes les petites pièces que l'on trouve dans des sacs de jute faisant partie d'une cargaison de quelque 14 tonnes métriques de marchandises emballées et chargées dans des conteneurs. On les avait décrites de façon générale et exacte dans les documents d'importation comme étant des pièces et accessoires d'armes de collection. Il est clair qu'elles n'étaient pas dissimulées. Il ne s'agit pas ici de perles et de diamants de contrebande qu'on aurait cachés minutieusement à travers la marchandise. Il ne s'agit donc ni de marchandises prohibées, ni de marchandises non déclarées.


[10]       Je me range à l'interprétation de l'article 135 de la Loi sur les douanes[1] par mon collègue le juge MacKay, dans ACL Canada Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national)[2] :

L'article 135 de la Loi sur les douanes n'énonce pas de façon détaillée les exigences applicables à l'appel qu'il prévoit à l'encontre de la décision du ministre ni ne précise la nature de celui-ci, et ces questions n'ont fait l'objet d'aucun débat en l'instance. Selon l'interprétation que j'en fais, cette disposition prévoit la tenue d'un procès de novo, au sens où la Cour n'est pas obligée de s'en tenir à l'examen de la preuve dont disposait le ministre. Par contre, tout comme dans le cas d'appel d'autres décisions administratives ou de décisions rendues par des organismes quasi-judiciaires créés législativement, la Cour n'interviendra pas à la légère et devra être convaincue que le ministre ou ses mandataires n'ont pas observé un principe de justice naturelle ou qu'ils ont outrepassé les pouvoirs que leur confère la loi ou, encore, que leur décision repose sur une erreur de droit ou sur une conclusion de fait arbitraire, entachée de mauvaise foi ou tirée sans égard à la preuve présentée pour modifier la décision.

[11]       En l'instance, le ministre ou ses fonctionnaires ont fondé leur décision sur une conclusion de fait tirée sans égard à la preuve présentée au ministre. Par conséquent, l'appel est accueilli avec dépens.

OTTAWA (Ontario)

Le 21 décembre 2000

                                                                                                                                             

                                                                                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                T-1317-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :                MARSTAR CANADA INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE - MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                     OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 20 DÉCEMBRE 2000

MOTIFS DE JUGEMENT DE M. LE JUGE DUBÉ

EN DATE DU :                                     21 DÉCEMBRE 2000

ONT COMPARU

M. Gerald E. Langlois c.r.                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Mme Catherine Moore                                                                POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

LANGLOIS/GAUTHIER

Hawkesbury (Ontario)                                                   POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                            POUR LES DÉFENDEURS



     [1]       L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.), telle que modifiée.

     [2]       (1993), non publié, aux p. 12 et 13.

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