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Date : 19991229


Dossier : T-34-99



Entre :

     GABRIEL AZOUZ

     Applicant

     - and -


     THE ATTORNEY GENERAL OF CANADA

     Respondent




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE LEMIEUX :



A.      INTRODUCTION


[1]      Il s'agit d'un appel selon l'article 51 des Règles de la Cour fédérale, 1998, ("les Règles") d'une décision du protonotaire Richard Morneau en date du 10 novembre 1999 qui se lit:






     ORDONNANCE
     La présente requête est remise sine die.
     Dans l'intervalle, les parties devront se conformer à l'échéancier suivant:

1.      Le ou avant le 17 novembre 1999, le demandeur devra vérifier l'état de santé actuel de l'affiant M. El-Outaibi;
2.      Dans la mesure où selon les informations reçues par le demandeur l'état de santé de l'affiant ne lui permettrait pas de se déplacer, le demandeur devra signifier et déposer le ou avant le 25 novembre 1999 un affidavit d'un médecin à ce sujet;
3.      La défenderesse pourra alors, le ou avant le 20 décembre 1999, contre-interroger le médecin ayant signé l'affidavit et ce, par vidéo-conférence dont les frais, de même que ceux d'un interprète le cas échéant, devront être assumés par le demandeur;
4.      La défenderesse pourra, le ou avant le 14 janvier 2000, signifier et déposer un affidavit d'un médecin en contre-expertise du témoignage du médecin de l'affiant. Si un tel affidavit est déposé par la défenderesse, le demandeur pourra contre-interroger l'affiant le ou avant le 31 janvier 2000.

[2]      Les parties conviennent que l'ordonnance du protonotaire est discrétionnaire et que le juge saisi de l'appel ne doit pas intervenir sauf si l'ordonnance est "entachée d'erreur flagrante en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits". Ce principe est énoncé dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.F.A.).


B.      CONTEXTE

[3]      Le 8 janvier 1999, Gabriel Azouz recherche par contrôle judiciaire l'annulation d'une demande de renseignements adressée par Revenu Canada au U.S. Internal Revenue Service. Il n'est obligé de déposer les affidavits qu'il entend utiliser à l'appui de sa demande qu'au mois d'août 1999, suite aux objections faites par l'intimé à la demande de transmission de documents selon la Règle 317.

[4]      Un de ces affidavits est celui de Monsieur El-Outaibi, un résident de l'Arabie Saoudite. Son affidavit porte sur l'incorporation de Jubail Motors Establishment for Commercial Engines, une société établie selon les lois de l'Arabie Saoudite, la participation de Gabriel Azouz dans cette société et sur le compte bancaire de celle-ci à New York envisagé par la demande de renseignements.

[5]      L'intimé veut exercer son droit de contre-interrogatoire de M. El-Outaibi par vive voix. Le demandeur dépose une requête le 22 octobre 1999 afin d'obtenir une ordonnance de la cour que ce contre-interrogatoire soit fait par écrit. À l'appui de cette requête est l'affidavit de Nicole Bertrand, assistante judiciaire du cabinet d'avocats du demandeur, auquel est annexé à la pièce R-3 un rapport médical du docteur Ashoor qui se lit:

61 years old male, Saudi patient, presented with loss of weight and appetite with lower abdominal pain.
He is currently under bed rest and full investigations.
It is not advisable that he should travel at present.

[6]      L'intimé s'oppose à l'ordonnance recherchée. D'une part, elle prétend qu'il a le droit de vérifier si dans les faits M. El-Outaibi est incapable d'être contre-interroger par vive voix; il soumet que cette vérification est impossible puisque l'affidavit annexant le rapport du docteur Ashoor n'est pas du docteur lui-même. D'autre part, l'intimé conteste la juridiction de la cour d'émettre une telle ordonnance. Le protonotaire Morneau tranche en partie le débat par son ordonnance du 10 novembre 1999.

C.      ANALYSE

[7]      À mon avis, l'appréciation des circonstances de la requête du demandeur et des principes élémentaires en matière de procédure sont les éléments clés à la compréhension de l'ordonnance du protonotaire Morneau: l'affidavit de Nicole Bertrand n'est pas conforme à la Règle 81; l'intimé a droit de contre-interroger le docteur Ashoor; l'ordonnance recherchée par le demandeur, c'est-à-dire le contre-interrogatoire de M. El-Outaibi par écrit est une exception au droit de l'intimé de contre-interroger celui-ci par vive voix; le motif invoqué par le demandeur pour satisfaire l'exception est une raison médicale. De plus, le contenu de l'affidavit de M. El-Outaibi est important sur le fond.

[8]      La non-conformité de l'affidavit de Nicole Bertrand justifiait le rejet de la requête du demandeur que le contre-interrogatoire de M. El-Outaibi soit par écrit. Par souci de justice, le protonotaire ajourne cette requête et rend une ordonnance respectueuse des droits des parties.

[9]      Le demandeur prétend devant moi que le protonotaire a erré en droit en exigeant le dépôt de l'affidavit du docteur Ashoor, son contre-interrogatoire par téléconférence et aux frais du demandeur. Il me cite une jurisprudence abondante et plaide que je dois avoir recours à la Règle 4.

[10]      Les prétentions du demandeur n'ont aucun mérite et la jurisprudence citée n'est pas pertinente. En l'espèce il s'agit d'une requête interlocutoire qui n'engage pas un débat entre médecins-experts sur le fond ni comment une preuve médicale doit être présentée ou contestée. La perspective de la requête est de savoir si oui ou non l'exception recherchée par le demandeur est justifiée. Pour trancher la requête, abstraction faite de la question de juridiction, l'élément essentiel est l'incapacité de M. El-Outaibi. L'ordonnance du protonotaire vise précisément cet objectif: l'établissement des faits nécessaires.

[11]      La Règle 90(2) autorise le protonotaire d'ordonner que les frais de téléconférence et d'interprète soient payables par le demandeur; la Règle 84 autorise aussi une contre-expertise par affidavit. Dans les circonstances, l'exercice du pouvoir discrétionnaire du protonotaire n'est clairement pas erroné et il n'y a aucune matière qui justifierait l'intervention de cette cour.

[12]      Pour ces motifs l'appel est rejeté avec dépens.


     "François Lemieux"

    

     J u g e

Ottawa (Ontario)

le 29 décembre 1999



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