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Date : 20050112

Dossier : T-636-02

Référence : 2005 CF 24

ENTRE :

                                   ROBERT J. RICHARDS ET SANDRA L. RICHARDS

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HARRINGTON

[1]                Monsieur et madame Richards ont présenté une demande de contrôle judiciaire devant la Cour pour contester une décision ayant trait à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Leur allégation selon laquelle ils se sont vu refuser la communication de renseignements a été rejetée par le juge Lemieux.

[2]                Le juge a dit : _ Pour tous ces motifs, je ne peux conclure que les demandeurs se sont vu refuser la communication de renseignements personnels. Par conséquent, la demande fondée sur l'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels est rejetée. _


[3]                L'ordonnance et les motifs de celle-ci sont silencieux sur la question des dépens.

[4]                Malgré le fait que l'ordonnance ne prévoit rien au sujet des dépens, le ministre a néanmoins déposé son mémoire de frais afin de le faire taxer. Sa demande est fondée sur l'article 52 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P-21, modifiée, qui édicte :

52. (1) Sous réserve du paragraphe (2), les frais et dépens sont laissés à l'appréciation de la Cour et suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal.

(2) Dans les cas où elle estime que l'objet du recours a soulevé un principe important et nouveau quant à la présente loi, la Cour accorde les frais et dépens à la personne qui a exercé le recours devant elle, même si cette personne a été déboutée de son recours.

52. (1) Subject to subsection (2), the costs of and incidental to all proceedings in the Court under this Act shall be in the discretion of the Court and shall follow the event unless the Court orders otherwise.

(2) Where the Court is of the opinion that an application for review under section 41 or 42 has raised an important new principle in relation to this Act, the Court shall order that costs be awarded to the applicant even if the applicant has not been successful in the result.

[5]                Rien dans l'ordonnance ou dans les motifs n'indique qu'un principe important et nouveau quant à la Loi ait été soulevé, ce qui aurait obligé le juge Lemieux à accorder les dépens à M. et à Mme Richards.

[6]                L'officier taxateur a refusé d'accorder les dépens au ministre malgré que celui-ci ait eu gain de cause en l'espèce. Il s'agit d'une révision de cette décision en application de l'article 414 des Règles des Cours fédérales.


LA DÉCISION DE L'OFFICIER TAXATEUR

[7]                Dans des motifs énoncés après une réflexion approfondie, l'officier taxateur a conclu que le paragraphe 52(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels n'avait pas d'incidence réelle sur le pouvoir discrétionnaire dont un juge disposait habituellement en ce qui concerne les dépens. Il était d'avis que le passage _ les frais et dépens [...] suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal _ ne faisait qu'autoriser le juge à accorder les dépens à n'importe quelle partie, qu'elle ait eu gain de cause ou non, ou peut-être même à une tierce partie.

[8]                Il a également renvoyé à l'ouvrage The Law of Costs de Orkin (2e éd., 1998, par. 105.7), où l'auteur dit ce qui suit :

[traduction] De même, si un jugement est prononcé en faveur d'une partie sans qu'une ordonnance traite des dépens, aucune des parties ne peut faire taxer de frais; ainsi, quand une question est réglée dans le cadre d'une requête ou à l'instruction, sans qu'il soit fait mention des dépens, c'est comme si le juge disait qu'il a jugé approprié de ne rendre aucune ordonnance concernant les dépens.


[9]                L'officier taxateur a admis avec franchise que la question lui avait posé quelques difficultés, et qu'il avait finalement _ décidé de ne pas m'aventurer en territoire inconnu. La démarche s'est révélée un exercice difficile dans un domaine fascinant et sans doute nouveau du droit. Il faut convenir que chaque partie a des arguments valides et une chance raisonnable de succès _.

[10]            Il est bien établi que, sous le régime de l'article 414 des Règles, la Cour ne peut intervenir à l'égard de la décision de l'officier taxateur que lorsqu'il y a eu une erreur manifeste de principe ou lorsqu'on peut établir que le montant taxé est à ce point déraisonnable qu'il doit être attribuable à une erreur de principe (Bellemare c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 231).

[11]            J'ai conclu que l'officier taxateur a commis une erreur, et que le mémoire de frais doit lui être renvoyé pour taxation parce que, en droit, l'ordonnance du juge Lemieux est réputée comprendre une ordonnance pour les dépens.

[12]            Le principe fondamental en l'espèce est que l'adjudication des dépens relève d'un pouvoir discrétionnaire. Les paragraphes 400(1) et (2) des Règles édictent :

400. (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer.

(2) Les dépens peuvent être adjugés à la Couronne ou contre elle.

4 400. (1) The Court shall have full discretionary power over the amount and allocation of costs and the determination of by whom they are to be paid.

(2) Costs may be awarded to or against the Crown.

[13]            Si un jugement ne comporte pas d'ordonnance au sujet des dépens, une partie peut demander des directives conformément à l'article 403 des Règles.

[14]            Cependant, la loi ou le règlement habilitant peut contenir des dispositions applicables par défaut en ce qui concerne les dépens. L'article 52 de la Loi sur la protection des renseignements personnels est une disposition de ce genre. Comme le tribunal possède une compétence inhérente pour accorder les dépens à une partie qui n'a pas eu gain de cause, pour les adjuger à une autre partie à l'instance ou pour ordonner à une autre partie à l'instance, et parfois même à un tiers, de les payer, l'article 52 doit être interprété littéralement.

[15]            Une autre disposition applicable par défaut ayant l'effet inverse est l'article 22 des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés. Il prévoit :

22. Sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande d'autorisation, la demande de contrôle judiciaire ou l'appel introduit en application des présentes règles ne donnent pas lieu à des dépens.

22. No costs shall be awarded to or payable by any party in respect of an application for leave, an application for judicial review or an appeal under these Rules unless the Court, for special reasons, so orders.

[16]            En raison de l'existence de cette règle, les ordonnances portant sur les affaires en matière d'immigration et de la protection des réfugiés ne font habituellement pas état des frais de justice. Il n'est pas nécessaire de préciser qu'_ aucune ordonnance ne sera rendue au sujet des dépens _ ou que _ chaque partie supportera ses propres dépens _ parce que les Règles prévoient déjà que ce sera le cas, à moins que la Cour n'en décide autrement.


[17]            Pour ces motifs, la requête est accueillie, et l'affaire est renvoyée à l'officier taxateur pour qu'il procède à la taxation des dépens. Cependant, étant donné l'absence de précédents portant directement sur la question soulevée en l'espèce, aucuns dépens ne sont adjugés relativement à la présente requête.

_ Sean Harrington _

                                                                                                     Juge                          

Ottawa (Ontario)

Le 12 janvier 2005

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-636-02

INTITULÉ :                                                    ROBERT J. RICHARDS ET SANDRA L. RICHARDS

                                                                        c.

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                               LE 12 JANVIER 2005

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Robert J. Richards et

Sandra L. Richards

POUR LEUR PROPRE COMPTE

John J. Ashley

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg,

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR


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