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Date : 20000413


Dossier : T-257-98

OTTAWA (Ontario), le 13 avril 2000

EN PRÉSENCE du juge Rouleau

         AFFAIRE INTÉRESSANT un appel fondé sur l?article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, et interjeté à l?égard d?une décision en date du 15 décembre 1997 par laquelle le registraire a rejeté l?opposition d?Apotex Inc. à une demande de marque de commerce canadienne no 722,545 au sujet de la marque WHITE TABLET DESIGN de Monsanto Canada Inc. (déposée au nom de Searle Canada Inc.)

ENTRE :

     APOTEX INC.,

     appelante,

ET :

     MONSANTO CANADA, INC.et

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés.

     JUGEMENT

     L? appel est accueilli avec dépens en faveur de l?appelante.

                         P. ROULEAU                                  JUGE

Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.






Date : 20000413


Dossier : T-257-98


         AFFAIRE INTÉRESSANT un appel fondé sur l?article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, et interjeté à l?égard d?une décision en date du 15 décembre 1997 par laquelle le registraire a rejeté l?opposition d?Apotex Inc. à une demande de marque de commerce canadienne no 722,545 au sujet de la marque WHITE TABLET DESIGN de Monsanto Canada Inc. (déposée au nom de Searle Canada Inc.)

ENTRE :

     APOTEX INC.,

     appelante,

ET :

     MONSANTO CANADA, INC.et

     LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés.




MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROULEAU


[1]          Il s?agit d?un appel à l?égard d?une décision en date du 15 décembre 1997 par laquelle le registraire des marques de commerce a rejeté l?opposition de l?appelante à la demande de marque de commerce canadienne no722,545 que l?intimée Monsanto Canada, Inc. a déposée le 11 février 1993. La demande visait à faire enregistrer une marque de commerce composée de ce qui suit :

     [TRADUCTION] 1. La marque de commerce figure sur le dessin ci-joint et se compose de la couleur blanche appliquée sur l?ensemble de la surface visible du comprimé. La représentation du comprimé figurant dans le dessin en pointillé ne fait pas partie de la marque de commerce.





















[2]          La demande était fondée sur l?emploi au Canada par Searle Canada Inc. depuis le 25 août 1986 ou avant en liaison avec des préparations pharmaceutiques, en l?occurrence, des comprimés contenant 200 mg de misoprostol, l?ingrédient actif. La demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce le 13 octobre 1993. Le 13 décembre 1993, Apotex a déposé une déclaration d?opposition afin de contester la demande pour les motifs suivants :

     [TRADUCTION]
     a ) la demande n?est pas conforme à l?article 30 de la Loi sur les marques de commercepour les raisons suivantes :
         (i) la marque de commerce revendiquée n?est pas une marque de commerce;
         (ii) la marque de commerce revendiquée n?a pas été employée en liaison avec les marchandises mentionnées dans la demande depuis la date alléguée;
         (iii) la demande ne renferme aucune représentation exacte de la marque de commerce revendiquée.
     b ) la requérante n?est pas la personne ayant droit à l?enregistrement de la marque de commerce conformément au paragraphe 16(1) de la Loi parce que, à la date du premier emploi, cette marque était semblable à d?autres marques de commerce au point de prêter à confusion avec celles-ci, notamment des comprimés blancs qui avaient préalablement été employés au Canada par l?opposante;
     c ) la marque de commerce proposée n?est pas distinctive pour la requérante, parce qu?elle ne permet pas de distinguer les marchandises de celle-ci de celles de tierces parties. En tout temps pertinent, les comprimés blancs ont été couramment employés dans l?industrie et utilisés par des tiers et le sont encore, de sorte qu?il est impossible de distinguer les marchandises de la requérante de celles des tiers.

[3]          Dans une contre-déclaration datée du 3 mai 1994, Searle Canada Inc. a nié les motifs d?opposition. Dans la demande modifiée qui a été déposée par la suite le 8 septembre 1995, les marchandises visées par la demande approuvée et annoncée, soit des comprimés de 200 mg de misoprostol, ont été remplacées par des comprimés de 200 mcg de misoprostol. En 1994, Monsanto Canada, Inc. a acquis les éléments d?actif de Searle Canada Inc. et la demande d?enregistrement de la marque de commerce proposée a été transférée au nom de l?intimée le 28 avril 1995.

[4]          Dans une décision en date du 15 décembre 1997, le registraire des marques de commerce a rejeté l?opposition d?Apotex pour les motifs qui suivent :

     [TRADUCTION] Il appert de la preuve que la requérante a toujours vendu son produit de 200 microgrammes de misoprostol sous la marque de commerce CYTOTEC sous forme de comprimé hexagonal blanc. Le comprimé comporte des deux côtés un trait au centre; sur l?un des côtés, le mot SEARLE est gravé au-dessus du trait, ainsi que les chiffres 1461 sous celui-ci. L?opposante soutient que les ventes des comprimés de la requérante sous cette forme ne constituent pas un emploi de la marque de commerce demandée, en raison de l?ajout du mot SEARLE et des chiffres. Cependant, étant donné que l?indice SEARLE et les chiffres 1461 ne sont gravés que très légèrement sur un côté du comprimé et sont à peine lisibles, il semble probable que la forme blanche du comprimé serait perçue comme la caractéristique dominante. Par conséquent, le public percevrait à première vue le comprimé uniquement comme un comprimé de forme blanche...

     . . .

     L ?opposante a fait valoir que le dessin n?est pas conforme à l?alinéa 30h), parce que la requérante a effectivement éliminé toute restriction touchant la forme à l?égard de sa marque en incluant la déclaration portant que le comprimé figurant dans le dessin en pointillé ne fait pas partie de celle-ci. De l?avis de l?opposante, cette déclaration signifie que la requérante revendique la couleur blanche ?en soi ?à titre de marque de commerce distincte du comprimé lui-même.
     Bien que la déclaration mentionnée par l?opposante soit plutôt ambiguë et prête à confusion, la partie initiale de la description de la marque de commerce que renferme la demande restreint clairement la marque à l?ensemble de la surface visible du comprimé. La déclaration à laquelle l?opposante fait allusion semble simplement indiquer que la requérante ne revendique pas le comprimé à titre de marque de commerce, mais uniquement la forme du comprimé, car elle définit les limites de la revendication à la couleur blanche. À l?audience, le représentant de la requérante a mentionné que la déclaration signifie simplement que la requérante ne revendique aucun droit sur le comprimé hexagonal en soi. Toutefois, compte tenu de son caractère ambigu, cette déclaration n?aurait pas dû faire partie de la description de la marque, bien qu?elle n?ait apparemment été incluse que pour respecter une exigence en matière de pratique de la Division de l?examen...

     . . .

     La demande de la requérante porte uniquement sur le médicament spécifique misoprostol sous une forme posologique spécifique et il semble que personne ne vende ce médicament sous quelque forme que ce soit et encore moins sous forme d?un comprimé hexagonal blanc. De plus, l?affidavit de Clarke fait état de ventes importantes du comprimé de la requérante pendant plusieurs années. Enfin, la requérante a distribué du matériel publicitaire dans lequel la couleur et la forme de ce comprimé sont mises en valeur. Par conséquent, conformément à la décision rendue dans l?affaire Burroughs Wellcome Inc., la preuve donne à penser que la marque de commerce de la requérante permet de distinguer le produit spécifique de celle-ci d?autres produits pharmaceutiques. Contrairement à la situation examinée dans l?affaire Novopharm Ltd. c. Searle Canada Inc.(1995), 60 C.P.R. (3d) 400, p. 404 (C.O.M.C.), la preuve ne permet pas de dire que d?autres fabricants de produits pharmaceutiques vendent des médicaments sous la forme du comprimé de la requérante pour le traitement de problèmes identiques ou semblables à ceux pour lesquels le médicament de la requérante est prescrit.

     . . .

     Dans la présente affaire, quel que soit le monopole dont la requérante jouit, ce monopole concerne le médicament misoprostol et non la forme du comprimé. La forme hexagonale n?a pas été dictée par les enseignements d?un brevet ou par des exigences fonctionnelles. La preuve indique que le comprimé de la requérante aurait pu être produit sous plusieurs formes différentes.

[5]          Apotex interjette maintenant appel de cette décision au motif que le registraire a commis une erreur lorsqu?il a rejeté l?opposition, étant donné que la demande de marque de commerce de l?intimée ne respectait pas les exigences de la Loi sur les marques de commerce, qu?il a commis une erreur en omettant d?appliquer les critères de la Loi qui concernent l?enregistrement d?une caractéristique distinctive après avoir conclu que la marque de commerce revendiquée comprend la forme du comprimé et qu?il a commis une erreur en concluant que la couleur et la forme du comprimé étaient des caractéristiques distinctives.

[6]          Après avoir examiné avec soin les observations écrites et passé en revue les arguments plaidés à l?audience devant moi, je suis convaincu que l?appel de la décision du registraire devrait être accueilli.

[7]          D ?abord, l?alinéa 30h) de la Loi sur les marques de commerceénonce qu?une demande de marque de commerce doit contenir un dessin de la marque de commerce et le nombre de représentations exactes de la marque qui est prescrit. Il incombe à la partie qui demande l?enregistrement d?une marque de prouver qu?elle respecte cette exigence. Le dessin présenté doit être une représentation significative de la marque de la partie requérante dans le contexte de la description écrite figurant dans la demande et doit permettre de déterminer les limites tridimensionnelles du comprimé sur lequel la couleur est appliquée. Ces exigences législatives sont fondées sur le principe selon lequel l?enregistrement d?une marque de commerce constitue un monopole et que la portée de cet enregistrement doit donc être précise. Comme l?a dit la Cour dans l?affaire Calumet Manufacturing Ltd. c. Mennen Inc. (1991), 40 C.P.R. (3d) 76, p. 87 :

     C'est la marque ainsi illustrée dans le dessin et qui peut être reproduite grâce à un certificat d'enregistrement qui informe alors les tiers du droit de propriété que possède le propriétaire ou l'usager inscrit à l'égard de la marque de commerce et qui constitue le fondement de preuve dans une action en contrefaçon ou en radiation. Aussi utiles que des photographies et des échantillons d'une marque de commerce, y compris d'un signe distinctif, puissent être dans une demande d'enregistrement pour s'assurer que le dessin constitue une représentation raisonnable de la marque de commerce revendiquée, elles ne font pas partie, à mon avis, de la marque de commerce aux fins de l'enregistrement et pour toute autre fin visée par la Loi.

[8]          Dans la présente affaire, je conviens avec Apotex que la demande de marque de commerce de l?intimée prête à confusion et est ambiguë et qu?elle découle de la présence de pointillés, qui ont été niés, et de traits continus qui n?ont pas été niés, dans les représentations des comprimés. Même si la requérante nie la forme hexagonale du comprimé dans la demande, le registraire des marques de commerce n?a pas tenu compte de cette dénégation dans sa décision et n?indique pas non plus quelle est la partie de la forme du comprimé qui était revendiquée à titre de marque de commerce et la partie qui était niée. En fait, le registraire semble avoir présumé dans sa décision que la marque de commerce portait sur la couleur et la forme du comprimé, même si Monsanto précise dans sa demande qu?elle ne revendique aucun droit afférent aux comprimés hexagonaux. Cependant, dans sa réponse à l?avis d?appel et dans le cadre de la preuve présentée, l?intimée s?est fondée subséquemment sur la forme hexagonale du comprimé et sur la couleur à titre d?éléments visés par la marque de commerce. Par conséquent, je suis loin d?être convaincu que la demande de marque de commerce de Monsanto respecte les exigences de la Loi sur les marques de commerce.

[9]          En tout état de cause, j?estime que la question principale à trancher en l?espèce est celle de savoir si la marque de commerce examinée est distinctive.

[10]          Le mot ?distinctive ?est défini comme suit à l?article 2 de la Loi sur les marques de commerce :

     ?distinctive ?Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

[11]          Dans Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd.(1985), 7 C.P.R. (3d) 254, p. 270, la Cour a statué qu?il est nécessaire d?établir trois conditions pour prouver le caractère distinctif :

     ... 1) la marque doit être reliée à un produit (ou marchandise); (2) le ? propriétaire ?doit utiliser ce lien entre la marque et son produit, en plus de fabriquer et de vendre ce produit; 3) ce lien permet au propriétaire de la marque de distinguer son produit de celui d'autres fabricants.

[12]          La question de savoir si une marque de commerce respecte ces trois exigences est une question de fait à trancher en examinant toutes les circonstances de l?affaire. À cette fin, le principal facteur à prendre en compte est le message que la marque de commerce transmet au public. Ce principe a été énoncé par le juge Strayer, alors juge de première instance de la Cour, dans Royal Doulton Tableware Ltd. c. Cassidy? s Ltd., [1986] 1 C.F. 357, p. 370-371 :

     Il convient de remarquer qu?une marque de commerce distinctive est une marque qui relie, par exemple, des marchandises à un vendeur de manière à distinguer ses marchandises de celles des autres vendeurs. Elle n? est pas distinctive si elle distingue simplement le dessin d? une marchandise du dessin d? une autre marchandise même si un initié peut savoir que ces deux sortes de marchandises sont respectivement vendues par deux différents vendeurs. Une telle conception du caractère distinctif va à l? encontre de l? un des objets essentiels des marques de commerce qui vise à assurer à l? acheteur que les produits viennent d? une source bien précise dans laquelle il a confiance.
     . . .
     En dernière analyse, ces arrêts établissent que l? élément essentiel est l? image donnée au public.

                             (non souligné à l?original)


[13]          Il incombe donc à la partie qui demande l?enregistrement d?une marque de commerce de démontrer qu?elle a choisi un dessin particulier à titre de caractéristique distinctive de son produit et que celui-ci est devenu connu et a acquis une renommée dans l?esprit des consommateurs en raison de cette caractéristique. À moins que la partie requérante ne soit en mesure de présenter des éléments de preuve établissant ce fait, elle n?aura pas droit à l?enregistrement de la marque en question. Dans l?arrêt Oxfofr Pendaflex Canada Ltd. c. Korr Marketing Ltd.(1982), 64 C.P.R. (2d) (C.S.C.), le juge Estey a formulé les remarques suivantes à la page 7 :

     Quant à la question qui se pose directement en l?espèce, on peut se laisser guider jusqu?à un certain point par l?observation du lord juge Russell dans l?arrêt Roche Products Ltd. et al v. Berk Pharmaceuticals Ltd., [1973] R.P.C. 473, à la p. 482 :
         [TRADUCTION] Or, ici comme dans toutes les autres affaires de passing-off, la question fondamentale est de savoir si, directement ou indirectement, la façon dont le défendeur présente ses marchandises aux consommateurs visés a pour effet de susciter dans leur esprit l?impression qu?il s?agit des marchandises du demandeur. Dans une affaire de présentation, il ne suffit pas de dire tout simplement que les marchandises du défendeur ressemblent beaucoup à celles du demandeur. Il faut établir que les consommateurs, en raison de la présentation des marchandises du demandeur, en sont venus à les considérer comme ayant une source ou origine commerciale unique, que ce soit sur le plan de la fabrication ou sur celui de la mise en marché, peu importe qu? ils en connaissent ou pas le nom.
     Il faut remarquer que dans la première partie de l?observation du lord juge Russell, il semble nécessaire que le public acheteur ait l?impression que les marchandises du défendeur sont les marchandises du demandeur. La deuxième partie de l?alinéa établit clairement, toutefois, qu?il est tout simplement nécessaire que l?acheteur croie que tous les comprimés (dans cette affaire-là), en raison de leur forme, de leur taille et du genre de marque, ont une ?origine commerciale unique ?.

                             (non souligné à l?original)

[14]          Dans la présente affaire, étant donné que la marque de commerce proposée se compose de la couleur et de la forme des marchandises, Monsanto doit prouver que l??apparence ?du comprimé est reconnue par le public comme une caractéristique distinctive de ses produits. Par conséquent, il incombe à l?intimée de prouver que la couleur blanche appliquée sur un comprimé de forme hexagonale a pour effet de distinguer le comprimé en question des autres comprimés blancs de forme hexagonale vendus au Canada. À cet égard, il ne suffit pas pour l?intimée de prouver que les Canadiens savent que le misoprostol est vendu sous forme de comprimé blanc ou sous forme de comprimé blanc hexagonal. Elle doit plutôt prouver que les médecins, les pharmaciens ou les patients peuvent utiliser et utilisent effectivement la marque de commerce proposée pour décider de prescrire ou de demander le produit misoprostol de Monsanto ou de s?abstenir de le faire. Dans l?arrêt Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., précité, le juge Evans a formulé les remarques suivantes :

     Tout d?abord, il y a lieu d?indiquer que, tant au cours de la procédure d?opposition tenue devant le registraire que dans le cadre de la procédure d?appel qui se déroule devant la présente Cour, le fardeau d?établir le caractère distinctif de la marque incombe à la requérante. Ainsi, Bayer doit établir selon la prépondérance de la preuve qu?en 1992, lorsque Novopharm a déposé son opposition à la demande, les consommateurs ordinaires associaient les comprimés de 10 mg à libération progressive ADALAT ronds et rose antique avec Bayer ou avec un seul fournisseur ou fabricant. . .
     Deuxièmement, pour répondre à cette question, les ? consommateurs ordinaires ?dont il faut tenir compte sont non seulement les médecins et les pharmaciens, mais aussi les ? consommateurs ultimes ?, c?est-à-dire les patients pour lesquels les comprimés ADALAT sont prescrits et à qui ils sont fournis, même si ceux-ci ne peuvent se procurer de la nifédipine que sur ordonnance médicale : voir l?arrêt Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Limited, [1992] 3 R.C.S. 120.
     Dans l?arrêt Ciba-Geigy, la Cour a statué que les éléments du délit de passing-off(ou commercialisation trompeuse) s?appliquaient aux produits pharmaceutiques comme à tout autre produit. Par conséquent, il convenait d?examiner si l?? apparence ?des produits de la demanderesse avait acquis un caractère distinctif susceptible d?amener les patients à identifier cette ? apparence ?à une seule source, de sorte qu?ils risquent de croire à tort que le produit de quelqu?un d?autre, d?apparence similaire, émane de la même source que ceux de la demanderesse.

     . . .

     Troisièmement, bien que j?accepte qu?en droit, la couleur, la forme et la taille d?un produit peuvent, ensemble, constituer une marque de commerce, la marque résultante risque généralement d?être faible : voir la décision Smith Kline & French Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerces(1987), 9 F.T.R. 129, à la page 131 (C.F. 1re inst.).
     En l?espèce, comme les petits comprimés ronds et roses sont courants sur le marché des produits pharmaceutiques, Bayer doit s?acquitter d?un lourd fardeau pour établir, selon la prépondérance des probabilités, qu?en 1992, ces propriétés avaient une notoriété propre, de sorte que les consommateurs ordinaires associaient ces comprimés avec une seule source... Le fait qu?à l?époque du dépôt de l?opposition de Novopharm, ADALAT était le seul comprimé de nifédipine à libération progressive sur le marché n?est pas suffisant en soi pour établir une notoriété propre.
     Quatrièmement, il n?est pas fatal à une demande que les consommateurs puissent aussi avoir recours à d?autres moyens que la marque pour identifier le produit avec une seule source. Ainsi, bien que les pharmaciens se fient principalement au nom de marque et à d?autres indices d?identification apparaissant sur les bouteilles et l?emballage contenant le produit, ou à l?inscription sur les comprimés, laquelle ne fait pas partie de la marque, s?il ressort, selon certains éléments de preuve, qu?ils reconnaissent aussi, d?une manière significative, le produit par son apparence (à l?exception des marques inscrites sur le comprimé, parce qu?elles ne font pas partie de la marque), cette preuve peut suffire à établir le caractère distinctif de la marque.

[15]          Lorsque j?applique ces principes à la preuve dont je suis actuellement saisi, je ne puis conclure que la couleur et la forme du comprimé de misoprostol de 200 mcg de Monsanto sont des caractéristiques distinctives du produit. Le misoprostol est un médicament servant à protéger le système gastro-intestinal des patients souffrant d?arthrite contre les effets des médicaments utilisés pour le traitement de cette maladie. En d?autres termes, il est utilisé pour empêcher la formation d?ulcères gastriques et duodénaux. Il appert nettement de la preuve que tant à la date de l?opposition qu?avant celle-ci, les fabricants avaient distribué et vendu des centaines de comprimés pharmaceutiques blancs, dont plusieurs sont utilisés pour le traitement de troubles observés en même temps que les ulcères d?estomac ou associés à ceux-ci. De plus, il y a six autres comprimés sur le marché qui sont blancs, en l?occurrence les comprimés Inderide et Silindac. Sans les mentions ? Searle 1461 ?, qui ne sont pas revendiquées dans la marque de commerce en question, il ne serait pas possible d?identifier et de distinguer les comprimés de misoprostol blancs de forme hexagonale de Monsanto des autres comprimés blancs de forme hexagonale sur le marché. L?intimée n?a présenté aucun élément de preuve indiquant selon la probabilité la plus forte qu?un nombre important de consommateurs associent l?apparence de son produit à une seule source. Par conséquent, elle n?a pas réussi à prouver le caractère distinctif qu?une marque de commerce doit comporter pour être valable.

[16]          À mon avis, le registraire n?a pas appliqué les principes de droit reconnus à l?égard de la question du caractère distinctif. En fait, il ne semble guère avoir tenu compte des principes de droit établis par la jurisprudence. De la même façon, ses conclusions de fait ne peuvent qu?être jugées abusives, étant donné qu?il n?y avait tout simplement aucun élément de preuve lui permettant de conclure que le produit de l?intimée avait acquis une renommée dans l?esprit du public consommateur en raison de son apparence.

[17]          Par ces motifs, l?appel est accueilli avec dépens en faveur de l?appelante.

                             P. Rouleau

                                     Juge


OTTAWA (Ontario)

Le 13 avril 2000


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.



     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              T-257-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      APOTEX INC. c. MONSANTO CANADA INC. et LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :          17 JANVIER 2000


MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE ROULEAU

EN DATE DU :              13 AVRIL 2000



ONT COMPARU :

Me CAROL HITCHMAN                      POUR LA REQUÉRANTE
Mes DIANE CORNISH et CHRISTINE HICKS          POUR L?INTIMÉE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

HITCHMAN & SPRIGINGS

TORONTO (ONTARIO)

M5H 2A4                              POUR LA REQUÉRANTE

OSLER, HOSKIN & HARCOURT

OTTAWA (ONTARIO)

K1P 6L2                              POUR L?INTIMÉE

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