Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20010621

Dossier : T-290-99

                                                                                                                   

OTTAWA (ONTARIO), le 21 juin 2001

EN PRÉSENCE DE : Mme le juge Dolores M. Hansen

ENTRE :

                                       EDWIN PEARSON

                                                                                                 demandeur

                                                         et

                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                           défenderesse

ORDONNANCE

VU la requête sollicitant une ordonnance de procéder à l'audition de la requête à présenter le 31 mai 1999 et ajournée sine die avec autorisation à la défenderesse de présenter une requête en radiation de la déclaration;

ET ayant lu les documents déposés et entendu les allégations des parties;

ET pour les motifs d'ordonnance délivrés ce jour;

LA COUR ORDONNE QUE :


1.          La requête de la défenderesse pour obtenir une ordonnance de procéder à l'audition de la requête à présenter le 31 mai 1999 et ajournée sine die est rejetée, la défenderesse étant autorisée à présenter une nouvelle requête en radiation de la déclaration;

2.          La présente action est continuée sous le régime de la gestion des instances;

3.          Les dépens de cette requête suivront l'issue de la cause.

                                                                                   Dolores M. Hansen            

                                                                                                      J.C.F.C.                     

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010621

Dossier : T-290-99

                                                       Référence neutre : 2001 CFPI 692

ENTRE :        

                                       EDWIN PEARSON

                                                                                                 demandeur

                                                         et

                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                           défenderesse

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

[1]                 La présente affaire trouve sa source dans une déclaration présentée à la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada le 24 février 1999. L'examen des questions de fond n'a pas progressé, mais le dossier est devenu très complexe sur le plan de la procédure, fait qui est illustré par les cinquante-six pages d'inscriptions enregistrées.


[2]    Étant donné l'aspect complexe du dossier, je vais reprendre brièvement l'historique de la procédure en ce qu'elle est liée aux questions présentement devant notre Cour, savoir : 1) la requête de la défenderesse pour que la Cour entende sa requête en radiation de la déclaration du demandeur; 2) la requête de la défenderesse pour faire radier la déclaration; et 3) la requête du demandeur pour faire radier la défense de la défenderesse, en tout ou en partie. Je ne traiterai pas des multiples autres questions de procédure soulevées en l'instance.

[3]    À l'époque où la déclaration a été déposée, les tribunaux du Québec étaient toujours saisis de questions directement pertinentes à la réclamation du demandeur dans la présente action. Par conséquent, la défenderesse a répondu à la déclaration en présentant une requête pour en obtenir la radiation, ainsi que pour contester la compétence de la Cour en l'instance, demandant notamment que les procédures soient suspendues jusqu'à ce que les questions soumises aux tribunaux du Québec soient tranchées. Cette requête a été entendue par le protonotaire adjoint Giles le 29 mars 1999 et il a rendu son ordonnance le 12 avril 1999. Cette ordonnance fait partie du groupe d'ordonnances qui se situent au coeur de la question qui m'est soumise. Elle suspend la présente action jusqu'à ce que les procédures devant les tribunaux du Québec soient terminées. L'ordonnance ne mentionne pas spécifiquement la requête de la défenderesse pour obtenir la radiation de la déclaration du demandeur.

[4]    Toutefois, comme cette question est pertinente dans le cadre de la présente requête, la Cour a consulté la transcription de l'audience du 29 mars 1999 devant le protonotaire adjoint Giles. Les passages pertinents de la transcription portent sur les dernières minutes de l'audience, lorsque le protonotaire adjoint annonçait sa décision. Ils se lisent comme suit.

  • [TRADUCTION]

Comme je l'ai dit, je considère que la réclamation vise à obtenir des dommages-intérêts pour le défaut d'avoir produit une preuve au Québec. Il n'y a aucune façon qui permettrait d'évaluer ces dommages-intérêts avant de connaître les résultats définitifs au Québec. Toute nouvelle preuve ou documentation connexe doit être présentée aux tribunaux du Québec, une des options étant la tenue d'un nouveau procès. Il se peut que la Cour d'appel en soit saisie à un moment donné, ou qu'elle décide qu'il est nécessaire de tenir un nouveau procès. Je ne vois pas comment notre Cour peut traiter de quoi que ce soit dans ce dossier avant que la situation au Québec soit réglée d'une façon ou d'une autre.

(page 79, lignes 12 à 26)

...

Comme je l'ai dit, je ne décide pas à cette étape quelle cour devrait être saisie d'une action en dommages-intérêts, je dis simplement qu'on ne peut l'introduire maintenant. Par conséquent, je suspens les procédures en notre Cour jusqu'à ce que les procédures au Québec soient finalement terminées.

(page 80, lignes 23 à 27)

[5]                 Le 20 avril 1999, le demandeur a déposé un avis de requête à présenter le 31 mai 1999, pour obtenir une ordonnance annulant la suspension d'instance prononcée dans l'ordonnance du 12 avril 1999. La défenderesse a aussi déposé un avis de requête, décrit à certains endroits du dossier comme un appel de l'ordonnance du protonotaire adjoint Giles, à présenter le 31 mai 1999; la défenderesse sollicite une ordonnance portant radiation de la déclaration, ainsi que d'autres redressements. Les prétentions écrites de la défenderesse, déposées le 21 mai 1999, contiennent ce qui suit au paragraphe 1 :

  • [TRADUCTION]

1. Le présent appel, interjeté en vertu de l'article 51 des Règles de la Cour fédérale de 1998, porte sur l'ordonnance d'un protonotaire.

[6]                 Cet appel est inscrit au « Tableau des inscriptions enregistrées » , où il est décrit comme constitué de prétentions au dossier de requête. Le dossier de requête a été déposé le 21 mai 1999. Les paragraphes 51(1) et 51(2) des Règles de la Cour fédérale de 1998 régissent les appels des ordonnances des protonotaires; ils sont rédigés comme suit :



51. (1) L'ordonnance du protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge de la Section de première instance.

Signification de l'appel

51(2)

(2) L'avis de la requête visée au paragraphe (1) est :

a) signifié dans les 10 jours suivant la date de l'ordonnance visée par l'appel et au moins quatre jours avant la date prévue pour l'audition de la requête;

b) déposé au moins deux jours avant la date de l'audition de la requête.

51. (1) An order of a prothonotary may be appealed by a motion to a judge of the Trial Division.

Service of appeal

51(2)

(2) Notice of a motion under subsection (1) shall be

(a) served within 10 days after the day on which the order under appeal was made and at least four days before the day fixed for hearing the motion; and

(b) filed not later than two days before the day fixed for the hearing of the motion.


[7]                 Je renvoie à ces questions ainsi qu'aux dispositions pertinentes, étant donné qu'il existe une certaine confusion au dossier quant à savoir si la défenderesse a présenté à nouveau sa requête en radiation à ce moment-là, ou si elle a interjeté appel de l'ordonnance du protonotaire. Le demandeur soutient que si la défenderesse voulait interjeter appel de l'ordonnance du protonotaire adjoint Giles, elle n'a pas respecté les règles puisque sa documentation n'a pas été présentée dans les délais.

[8]                 Nonobstant ces questions en litige, le juge Richard (alors juge en chef adjoint) a entendu l'affaire le 31 mai 1999 et il a remis sa décision sur ces deux questions à une date ultérieure. Le 16 août 1999, il a délivré une ordonnance avec des motifs d'ordonnance. La Cour conclut que nonobstant la confusion quant à la définition de la requête de la défenderesse entendue le 31 mai 1999, la Cour a exercé son pouvoir discrétionnaire en l'entendant et elle l'a donc considérée recevable.


[9]                 L'ordonnance du juge en chef adjoint Richard traite expressément de l'appel du demandeur et ne dit rien des prétentions de la défenderesse. On y trouve ceci :

  • La Cour,

VU l'appel formé par le demandeur contre l'ordonnance rendue le 12 avril 1999 par le protonotaire adjoint Peter A. K. Giles pour suspendre l'action en l'espèce,

Déboute le demandeur de son appel.

[10]            Toutefois, ses motifs d'ordonnance traitent à la fois de la requête du demandeur pour en appeler de l'ordonnance de suspension, ainsi que des prétentions de la défenderesse au sujet de la radiation de la déclaration du demandeur. Les motifs d'ordonnance traitent de ces sujets comme suit :

  • [32] La question ultime àtrancher est la prétention par le demandeur qu'il s'est vu dénier un procès équitable en Cour supérieure du Québec, en violation de l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés, par suite du défaut par la défenderesse de communiquer des documents importants et par la suppression des documents de perquisition, qui étaient importants et nécessaires au jugement équitable sur la culpabilitéou l'innocence.

[33] Le demandeur a soulevécette question pour la première fois dans son procès criminel devant les tribunaux du Québec; il faut qu'elle soit tranchée d'abord par la Cour supérieure et par la Cour d'appel du Québec.

[34] Vu le degréde chevauchement entre cette action et le procès criminel sur un point qui pourrait être résolu dans ce dernier, et étant donnéque la suspension de la procédure civile ne causera aucun préjudice au demandeur, il y a lieu de suspendre l'action soumise ànotre Cour, en attendant l'issue du procès criminel du demandeur devant les tribunaux du Québec.

[11]            Dans les mêmes motifs d'ordonnance, le juge en chef adjoint Richard, après avoir passé en revue l'appel du demandeur et avant de traiter de la jurisprudence portant sur les suspensions, fait état des allégations de la défenderesse comme suit, aux paragraphes 4 et 5 :

  • [4] L'ordonnance du protonotaire adjoint est également contestée par la défenderesse qui conclut àce qui suit :

[Traduction]

ordonnance portant annulation de la disposition de l'ordonnance du protonotaire adjoint Giles, qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée par la Couronne du moyen de l'abus des procédures;

ordonnance portant radiation de la déclaration et rejet de cette action pour cause d'abus des procédures.

[5] La fin de non-recevoir opposée par la défenderesse a été ajournée indéfiniment en attendant l'issue de l'appel du demandeur.

   

[12]            Le 23 novembre 1999, le demandeur a déposé un avis de requête à présenter le 29 novembre 1999, sollicitant une ordonnance mettant fin à la suspension des procédures qui avait été confirmée par le juge en chef adjoint Richard. Le protonotaire Lafrenière a entendu cette requête et il l'a rejetée en ces termes :

  • [Traduction]

La requête est rejetée sans préjudice du droit du demandeur d'introduire une autre requête après la détermination définitive de sa demande d'autorisation et/ou de son appel à la Cour suprême du Canada, ou après l'expiration du délai en cause, selon celle de ces dates qui est la dernière.

[13]            Le 8 décembre 1999, le demandeur a déposé un avis de requête à présenter le 20 décembre 1999, sollicitant une ordonnance annulant toutes les ordonnances de suspension de l'instance, annulant l'ordonnance du protonotaire Lafrenière datée du 29 novembre 1999, et déclarant que le dossier est en état pour procès. Cette requête a été entendue par le juge Teitelbaum.


[14]            À l'audience, le demandeur a assuré le juge Teitelbaum qu'il n'y avait plus aucune procédure devant une Cour de la province de Québec au sujet des questions criminelles, et qu'il n'avait aucune intention de présenter une requête devant la Cour suprême du Canada au sujet de toute décision en matière criminelle dont le juge en chef adjoint avait fait mention. Le juge Teitelbaum a demandé un affidavit au demandeur confirmant ce fait, affidavit qui a été souscrit. Sur cette base, il a ordonné ce qui suit :

  • [6] Comme les procédures qui justifiaient la suspension n'existent plus, j'ordonne la levée de toute suspension accordée précédemment, en vertu du paragraphe 50(3) de la Loi sur la Cour fédérale.

[7] Le défendeur doit signifier et déposer sa défense dans les 45 jours suivant la date de cette ordonnance.

[8] Cette décision est sans préjudice du droit du défendeur de présenter une nouvelle requête en radiation de la déclaration du demandeur, avec 10 jours d'avis.

[15]            Le 25 janvier 2000, le demandeur a déposé un avis de requête à présenter le 31 janvier 2000, abrégeant les délais fixés par le juge Teitelbaum dans son ordonnance du 20 décembre 1999. La question a été entendue et la décision rejetant la requête a été prononcée le 23 février 2000.

[16]            Dans l'intérim, la défenderesse a déposé sa défense le 2 février 2000. Étant par la suite informée que le demandeur avait réintroduit des procédures devant les tribunaux du Québec, la défenderesse a déposé un avis de requête à présenter le 13 mars 2000, sollicitant une ordonnance de suspension pour les mêmes motifs qui avaient justifié la suspension jusqu'alors, que l'on trouve expliqués de façon détaillée dans les motifs d'ordonnance du juge en chef adjoint Richard datés du 16 août 1999.


[17]            Dans une ordonnance datée du 13 mars 2000, le protonotaire Lafrenière a à nouveau suspendu les procédures jusqu'à nouvelle ordonnance de la Cour, et il a déclaré ceci : [Traduction] « La Cour a traité de la question de savoir si cette action doit être suspendue jusqu'à ce que les procédures criminelles devant les tribunaux du Québec et la Cour suprême du Canada soient terminées à quatre occasions. » Le 17 avril 2000, le demandeur a déposé une requête à présenter le 1er mai 2000, sollicitant une ordonnance annulant la suspension. Le juge Muldoon a entendu l'affaire et il a accueilli la requête le 2 mai 2000, annulant ainsi l'ordonnance du protonotaire.

[18]            Le 5 septembre 2000, la défenderesse a déposé une requête à présenter le 18 septembre 2000, sollicitant une ordonnance radiant la déclaration et rejetant l'action. Le demandeur a aussi déposé une requête à présenter le même jour, sollicitant une ordonnance rejetant la requête en radiation de la défenderesse et lui accordant les dépens, en plus de l'autoriser à modifier ses procédures. Le protonotaire Lafrenière a entendu la requête. Dans son ordonnance, prononcée le 20 septembre 2000, on trouve les clauses suivantes qui sont pertinentes :

  • [Traduction]

1. La requête de la défenderesse est rejetée, sans préjudice de son droit de procéder à l'appel pendant de la décision du protonotaire adjoint Peter A.K. Giles, datée du 12 avril 1999, appel qui a été ajourné sine die par le juge Richard (alors juge en chef adjoint) le 16 août 1999.

2. Le demandeur ayant accordé son consentement, sa requête du 5 septembre 2000 est retirée.


[19]            Le 6 octobre 2000, le demandeur a déposé une requête à présenter le 16 octobre 2000, sollicitant une ordonnance radiant la défense de la défenderesse, en tout ou en partie. La défenderesse a sollicité une ordonnance d'ajournement de la requête du demandeur. Lorsque ces requêtes ont été examinées par le protonotaire adjoint Giles, le 16 octobre 2000, il les a ajournées à la séance régulière du 23 octobre 2000. À cette date, les questions ont à nouveau été ajournées sine die. La partie pertinente de cette ordonnance est rédigée comme suit :

  • [Traduction]

Le 19 août 1999, le juge Richard (alors juge en chef adjoint) a rejeté l'appel interjeté par le demandeur d'une ordonnance du protonotaire adjoint Giles, datée du 12 avril 1999, qui ordonnait la suspension de l'action. Dans ses motifs d'ordonnance, le juge Richard fait aussi remarquer que la défenderesse conteste également l'ordonnance du protonotaire adjoint Giles qui rejetait la requête de la Couronne en radiation de l'action au motif d'un abus des procédures, et que la requête en question pour une ordonnance « portant radiation...et rejet » a été ajournée sine die en attendant l'issue de l'appel du demandeur. La défenderesse reconnaît que la requête n'a pas encore été portée au rôle, afin d'être entendue par un juge de la Section de première instance.

Le demandeur soutient que la défenderesse ne peut soulever certains moyens de défense dans sa défense, en application du principe de la chose jugée. La défenderesse soutient que comme l'appel est pendant, on ne peut plaider la fin de non-recevoir au titre de la chose jugée. Selon moi, il ne serait pas approprié d'aborder la requête du demandeur avant qu'on ait tranché « l'appel » de la défenderesse qui vise la décision du protonotaire Giles.

Voici la situation en termes clairs. Au motif que la question était toujours devant les tribunaux du Québec, l'ordonnance du protonotaire adjoint Giles, datée du 12 avril 1999, a accordé à la défenderesse le redressement subsidiaire demandé, savoir la suspension des procédures, plutôt que la requête en radiation de la déclaration du demandeur.

L'ordonnance du 23 octobre 2000 se termine comme suit :

[Traduction]

1. La requête [présentée par le demandeur et sollicitant la radiation de la défense de la défenderesse] est ajournée sine die et elle devra être présentée par l'une ou l'autre des parties après que la requête de la défenderesse déposée le 21 mai 1999 [la requête sollicitant la radiation de la déclaration du demandeur] aura été tranchée.

2. La défenderesse doit s'assurer que sa requête déposée le 21 mai 1999 est à présenter au plus tard le 20 novembre 2000.

[20]            Par conséquent, et nonobstant le fait qu'il y a une autre requête sur une question différente, la défenderesse a déposé sa requête à présenter le 20 novembre 2000, sollicitant une ordonnance de procéder à l'audition de la requête visant la radiation de la déclaration du demandeur, qui devait être présentée à l'origine le 31 mai 1999 et qui avait été ajournée sine die par l'ordonnance du juge en chef adjoint Richard en date du 16 août 1999. Le demandeur a répondu par sa propre requête sollicitant la radiation de la défense de la défenderesse, qui était ajournée depuis le 23 octobre 2000.

[21]            Lorsque ces questions m'ont été soumises le 20 novembre 2000, les requêtes ont été ajournées à une date à fixer par l'administrateur judiciaire au vu du temps nécessaire pour entendre les arguments des parties. J'ai conseillé aux deux parties d'examiner la possibilité que cette affaire soit placée sous le régime de gestion des instances.


[22]            Le 13 décembre 2000, le demandeur a déposé une requête sollicitant une ordonnance annulant l'ordonnance du protonotaire Lafrenière, en date du 20 septembre 2000. Cette dernière ordonnance assurait à la défenderesse que son appel serait entendu, appel qui avait été ajourné sine die par le juge en chef adjoint Richard le 16 août 1999. Le demandeur sollicitait aussi l'annulation de l'ordonnance du protonotaire Lafrenière, en date du 23 octobre 2000, par laquelle la défenderesse conservait son droit de présenter une requête en radiation de la déclaration du demandeur. Le demandeur sollicitait aussi une ordonnance de la Cour ajournant le tout.

[23]            Le 18 décembre 2000, le juge McKeown a rejeté la requête du demandeur, et il a déclaré ceci :

  • [Traduction]

La requête est rejetée. Le demandeur n'a pas établi prima facie qu'il y avait eu fraude. Toutefois, lors de la reprise de l'audition de la requête en radiation de la défenderesse, qui devait être présentée le 31 mai 1999, la question de savoir si l'appel de l'ordonnance du 12 avril 1999 du protonotaire adjoint Giles est conforme devra faire partie des questions que la Cour doit trancher. Il en va de même de la compétence de la Cour à entendre la requête de la défenderesse. Le demandeur aura aussi le droit de déposer les notes du Registraire portant sur l'audience du 31 mai 1999. Il n'y aura pas de dépens.

[24]            Le 29 décembre 2000, le juge en chef adjoint Lutfy a délivré la directive suivante :

  • [Traduction]

Le dossier de requête du demandeur, document 89 [la requête du demandeur en radiation de la défense de la défenderesse, à titre de questions qui doivent être radiées parce que contraires aux Règles], ainsi que le dossier de requête de la défenderesse, document 113 [une ordonnance pour procéder à l'audition de la requête en radiation de la défenderesse, à présenter le 31 mai 1999, et ajournée par la suite sine die par l'ordonnance du juge en chef adjoint Richard], sera entendue par la Cour en la ville de Toronto (Ontario), le mercredi 21 mars 2001, à 9 h 30. Une journée est prévue à cette fin.

[25]            Passons maintenant aux questions présentées à la Cour le 21 mars 2001. Je rappelle ici que la Cour n'a entendu que les prétentions de la défenderesse au sujet de l'ordonnance de procéder à l'audition de sa requête en radiation de la déclaration du demandeur, ainsi que la réponse du demandeur.


[26]            Selon la défenderesse, la requête n'a pas encore été tranchée au fond et elle ne peut l'être avant que les Cours du Québec et la Cour suprême du Canada traitent des questions qui leur sont soumises, vu, comme le faisait remarquer le juge en chef adjoint Richard en ses motifs d'ordonnance, « ...le degré de chevauchement entre cette action et le procès criminel sur un point qui pourrait être résolu dans ce dernier... » .

[27]            Parmi les prétentions principales du demandeur, on trouve celle qui veut que la présente Cour n'ait pas compétence pour accueillir la requête de la défenderesse; que l'ordonnance du 16 août 1999 du juge en chef adjoint Richard, fondée sur l'audience du 31 mai 1999, n'avait pas pour effet d'ajourner sine die la requête de la défenderesse en radiation de la déclaration du demandeur, que la défenderesse n'a jamais interjeté appel de l'ordonnance du 12 avril 1999, ou, si elle l'a fait, qu'elle était hors délai. Le demandeur soutient de toute façon que l'ordonnance du 20 décembre 1999 du juge Teitelbaum vient remplacer ou modifier l'ordonnance du juge en chef adjoint Richard datée du 16 août 1999. Selon le demandeur, la défenderesse ne peut présenter sa requête en radiation de sa déclaration.


[28]            Le protonotaire adjoint Giles, lorsqu'il a accordé la suspension à l'origine, a accordé le redressement subsidiaire réclamé par la demanderesse, qui prenait pas après la requête de la défenderesse pour obtenir une ordonnance de radiation de la déclaration du demandeur. Suite à l'audience du 31 mai 1999, le juge en chef adjoint Richard confirme le choix d'une suspension des procédures dans les circonstances, puisque le demandeur ayant « soulevé cette question pour la première fois dans son procès criminel devant les tribunaux du Québec, il faut qu'elle soit tranchée d'abord par la Cour supérieure et par la Cour d'appel du Québec » .

[29]            Mon examen du dossier, ainsi que de l'ordonnance et des motifs d'ordonnance, fait ressortir le fait que certaines des prétentions du demandeur sont justifiées. Premièrement, le juge en chef adjoint Richard n'indique pas dans son ordonnance du 16 août 1999 que la requête en radiation de la défenderesse est ajournée sine die. Toutefois, l'ordonnance du juge en chef adjoint Richard rejette la requête du demandeur pour obtenir la levée de la suspension, étant donné que, comme il l'explique dans ses motifs d'ordonnance, des questions pertinentes et qui se chevauchent sont toujours pendantes devant les Cours du Québec. À cette étape, il aurait été prématuré et préjudiciable au demandeur que la Cour se prononce sur une requête en radiation de la déclaration pour défaut d'une cause d'action, alors que des questions au coeur même de l'affaire étaient alors examinées par une autre cour. On doit interpréter l'ordonnance du juge en chef adjoint Richard comme exprimant son intention, qu'il explique dans ses motifs d'ordonnance, de remettre l'audition de toute procédure pour trancher le bien-fondé de la déclaration du demandeur à un moment où les Cours du Québec auront terminé leur examen et seront arrivées à une décision. Selon moi, ceci ressort clairement des motifs d'ordonnance du 16 août 1999 du juge en chef adjoint Richard, lorsqu'il déclare, à la page 2 : « La fin de non-recevoir opposée par la défenderesse a été ajournée indéfiniment en attendant l'issue de l'appel du demandeur. »


[30]            L'ordonnance du juge Teitelbaum en date du 20 décembre 1999, qui fait suite à la requête du demandeur pour obtenir la levée de la suspension, explique comme suit sa décision d'accueillir la requête et réitère le droit de la défenderesse de présenter une requête en radiation de la déclaration du demandeur :

  • [4] Le demandeur m'a assuré qu'il n'y avait plus aucune procédure devant une Cour de la province de Québec au sujet des questions criminelles, et qu'il n'avait aucune intention de présenter une requête devant la Cour suprême du Canada au sujet de toute décision en matière criminelle dont le juge en chef adjoint avait fait mention.

[5] J'ai demandé au demandeur de préparer et signer un affidavit confirmant ce fait.

[6] Comme les procédures qui justifiaient la suspension n'existent plus, j'ordonne la levée de toute suspension accordée précédemment, en vertu du paragraphe 50(3) de la Loi sur la Cour fédérale.

[7] Le défendeur doit signifier et déposer sa défense dans les 45 jours de la date de cette ordonnance.

[8] Cette décision est sans préjudice du droit du défendeur de présenter une nouvelle requête en radiation de la déclaration du demandeur, avec 10 jours d'avis.


[31]            Selon le demandeur, cette ordonnance prend le pas sur les ordonnances précédentes portant sur le droit de la défenderesse de présenter sa requête en radiation. Toutefois, selon moi l'ordonnance du juge Teitelbaum ne vient que confirmer le droit de la défenderesse de présenter une requête en radiation de la déclaration du demandeur. Il est pertinent de noter que suite à l'ordonnance du juge Teitelbaum levant la suspension et au dépôt de la défense de la défenderesse, le demandeur a en fait repris ses procédures devant les Cours du Québec au sujet de ses condamnations en matière criminelle. En conséquence, la défenderesse a de nouveau présenté une requête sollicitant une ordonnance de suspension de l'action devant la Cour, requête qui a été accueillie le 13 mars 2000, plutôt que de procéder avec sa requête en radiation, étant donné que les questions qui sont au coeur de la déclaration du demandeur sont présentées à un autre tribunal pour décision.

[32]            Au paragraphe 39 de sa réponse à la requête de la défenderesse, déposée le 20 novembre 2000, le demandeur allègue : [Traduction] « ...que la défenderesse a commis un abus caractérisé des procédures de la présente Cour à de multiples occasions, en remettant sur le tapis des questions qui avaient déjà été rejetées... » lorsqu'elle a présenté sa requête en radiation de la déclaration du demandeur. Au paragraphe 46 du même document, le demandeur déclare ceci : [Traduction] « La défenderesse s'est embourbée dans ses propres procédures écrites et orales et elle ne peut trouver d'issue au vu des ordonnances rendues dans cette action qui lient les parties... » .

[33]            L'observation du demandeur est astucieuse. Toutefois, selon moi les manoeuvres des deux parties qui ont introduit de multiples procédures sont venues compromettre l'administration efficace de la justice, à leur détriment ainsi qu'à celui de notre Cour.


[34]            Nonobstant les arguments nombreux et réfléchis du demandeur quant à la validité de la requête de la défenderesse pour obtenir la radiation de la déclaration, je suis d'avis que dans les circonstances actuelles le fait de trancher la question au vu de ces arguments constituerait le triomphe de la forme sur le fond. La Cour conclut que, nonobstant les arguments du demandeur, le déroulement tortueux et compliqué des événements en l'instance constitue une situation qui est couverte par les « circonstances particulières » dans lesquelles la Cour peut exercer sa compétence en vertu de l'article 55 des Règles, disposition sur laquelle la défenderesse s'appuie en l'instance.

[35]            L'article 55 des Règles porte que la Cour peut, sur requête d'une partie, dispenser de l'observation d'une disposition des Règles. La partie qui présente cette requête doit faire état de circonstances particulières. Selon Chow c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 161 F.T.R. 156, le concept de circonstances particulières à l'article 55 des Règles implique que l'ordonnance rende la justice dans le contexte et qu'il y ait absence de préjudice aux parties.


[36]            Chaque fois qu'une suspension a été accordée en l'instance, c'était au motif que des procédures allant au fond de la déclaration du demandeur étaient soumises au jugement d'autres cours. Selon la Cour, il serait incongru, et même absurde, de suggérer qu'on peut interpréter les ordonnances de la Cour de façon à assurer qu'aucun préjudice n'est causé à la déclaration du demandeur, en suspendant la requête en radiation jusqu'à ce que les questions présentées aux autres cours soient tranchées, mais en même temps qu'on cause un préjudice à la défenderesse en la privant de son droit de contester la validité de la déclaration une fois que la Cour du Québec aura rendu sa décision. Au vu de ce raisonnement, et étant donné la formulation des motifs d'ordonnance du juge en chef adjoint Richard et du raisonnement qu'on y trouve, la présente Cour doit conclure qu'il avait l'intention de protéger le droit de la défenderesse de déposer une requête en radiation de la déclaration du demandeur.

[37]            En fait, la Cour trouve une justification additionnelle d'accueillir la requête de la défenderesse de radier la déclaration du demandeur dans le fait qu'il y a des « circonstances particulières » . Dans Speedo Knitting Mills Pty., Ltd. c. Christina Canada Inc. (1985), 3 C.P.R. (3d) 360, la demanderesse contestait le droit de la défenderesse de déposer une requête et la Cour a déclaré ceci :

  • ...la jurisprudence ne manque pas qui affirme qu'il n'est pas souhaitable qu'il y ait une multiplicité de requêtes...

Dans la décision ontarienne Slan et al. v. Beyak et al., la cour a déclaré à la page 297, après avoir examiné la jurisprudence antérieure :

[Traduction]Ainsi donc, la règle générale applicable à tout le moins dans les cas où il n'existe pas de circonstances exceptionnelles, est la suivante : la partie qui désire contester la plaidoirie de son adversaire ne doit disposer que d'une seule occasion pour le faire.

...

Je souscris au principe général énoncé dans les décisions citées suivant lequel une plaidoirie ne doit pas faire l'objet d'une série de requêtes ... Je crois toutefois qu'il existe en l'espèce des circonstances spéciales suffisantes pour justifier l'audition de la présente requête et pour ne pas la rejeter pour des motifs d'ordre procédural.

[38]            À l'appui de son argument que la défenderesse ne devrait pas être autorisée à déposer sa requête en radiation de la déclaration, le demandeur s'appuie sur Horii c. Canada, [2000] J.C.F. no 1712, où la Cour déclare ceci :


  • J'examinerai maintenant la jurisprudence pertinente qui étaye la règle générale selon laquelle une partie ne devrait avoir qu'une occasion de contester les actes de procédure d'une partie adverse, sauf circonstances exceptionnelles. Cette règle se fonde au moins en partie sur le principe selon lequel un plaideur ne doit pas être contraint de répondre à une série continuelle de requêtes sur des questions semblables. De plus, elle comporte un aspect lié à l'économie des ressources judiciaires : les requêtes doivent servir de moyen de parvenir promptement à l'audition sur le fond d'une affaire et non à quelque autre fin...

[39]            Mais Horii, précité, peut être distingué de l'affaire en l'instance quant à ses faits. La Cour note dans Horii, précité, que : « En outre, on n'a porté à mon attention aucun changement pertinent des circonstances qui pourrait justifier une autre attaque contre les actes de procédure » . Toutefois, il y a en l'instance selon moi un changement pertinent et significatif des circonstances en ce que les Cours du Québec ont terminé leur examen des questions criminelles visant le demandeur qui sont pertinentes ici, et ce depuis que le demandeur a déposé sa déclaration. Cet aspect est significatif étant donné que le juge en chef adjoint Richard déclare ceci, dans ses motifs d'ordonnance du 16 août 1999, au paragraphe 31 :

  • [31] Bien que le redressement recherché dans une action en dommages-intérêts devant notre Cour soit différent du redressement recherché en matière pénale, le demandeur fait valoir essentiellement les mêmes moyens dans l'une et l'autre procédures, et le point litigieux est le même. Comme noté supra, l'action civile est réciproque du moyen de défense du demandeur dans le procès criminel.

[40]            Au vu de ce changement pertinent et significatif des circonstances, et compte tenu du fait que même si l'ordonnance du 16 août 1999 du juge en chef adjoint Richard ne traite pas expressément d'un ajournement sine die de la requête de la défenderesse en radiation de la déclaration du demandeur, à la page 2 de ses motifs d'ordonnance il résume les questions qui lui sont soumises et déclare ce qui suit :

Par avis de requête en date du 20 avril 1999, le demandeur a formé appel contre la décision du protonotaire, concluant à ce qui suit :


[Traduction]

jugement et ordonnance annulant ou levant la suspension d'instance, que M. Peter A. K. Giles, protonotaire adjoint, a prononcée verbalement le 12 avril 1999.

L'ordonnance du protonotaire adjoint est également contestée par la défenderesse qui conclut à ce qui suit :

[Traduction]

ordonnance portant annulation de la disposition de l'ordonnance du protonotaire adjoint Giles, qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée parla Couronne du moyen de l'abus des procédures;

ordonnance portant radiation de la déclaration et rejet de cette action pour cause d'abus des procédures.

La fin de non-recevoir opposée par la défenderesse a été ajournée indéfiniment en attendant l'issue de l'appel du demandeur.

  

[41]            Le juge en chef adjoint Richard a ensuite terminé la page 2 et continué jusqu'à la fin de la page 13 de ses motifs d'ordonnance, en discutant le fond de l'appel de la défenderesse portant sur la suspension des procédures prononcé par le protonotaire adjoint Giles. Il n'ajoute rien au sujet de la requête de la défenderesse et n'en discute pas. Étant donné les motifs d'ordonnance précités et leur contenu au sujet du préjudice qui pourrait être causé au demandeur par un examen prématuré de la position de la défenderesse, la seule conclusion rationnelle que je peux tirer est que la requête est toujours ajournée sine die.

[42]            Bien qu'il ne soit toujours pas clair si la requête qui a été ajournée sine die était un appel de l'ordonnance du 12 avril 1999 du protonotaire adjoint Giles ou une requête en radiation de la déclaration, il est clair que l'ajournement était sine die.


[43]            La Cour est présentement saisie d'une requête visant l'obtention d'une « ordonnance de procéder à l'audition de la requête en radiation de la défenderesse, à présenter le 31 mai 1999 et ajournée sine die jusqu'ici par l'ordonnance du 16 août 1999 du juge en chef adjoint Richard » .

[44]            La défenderesse est autorisée à demander qu'on fixe une date d'audition de la requête qui avait été ajournée sine die. Toutefois, étant donné qu'il s'est passé un certain temps et que les circonstances ont changé, que le dossier n'est plus très frais et que la défenderesse n'a jamais eu l'occasion de plaider la requête au fond, il serait dans l'intérêt de la justice et des parties que la question soit entendue sur un dossier nouvellement constitué.

[45]            Par conséquent, la requête de la défenderesse pour obtenir une ordonnance de procéder à l'audition de la requête à présenter le 31 mai 1999 et ajournée sine die est rejetée, avec autorisation à la défenderesse de présenter une nouvelle requête en radiation de la déclaration. La Cour ordonne aussi que cette action sera continuée dans le cadre du régime de la gestion des instances.


[46]            Les dépens de cette requête suivront l'issue de la cause.

  

                 Dolores M. Hansen            

                                                                                                      J.C.F.C.                     

  

Ottawa (Ontario)

Le 21 juin 2001

    

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

No DU GREFFE :                                T-290-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Edwin Pearson c. Sa Majesté la Reine

   

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 21 mars 2001

MOTIFS D'ORDONNANCE DE Mme LE JUGE HANSEN

EN DATE DU :                                     21 juin 2001

   

ONT COMPARU

M. Edwin Pearson                                                             EN SON PROPRE NOM

Mme Charleen H. Brenzall                                                 POUR LA DÉFENDERESSE

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                  POUR LA DÉFENDERESSE

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.