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Date: 19991210

Dossier : T-1057-96

OTTAWA (Ontario), le vendredi 10 décembre 1999

DEVANT :      MADAME LE JUGE B. REED

ENTRE :

AMBROSE MAURICE, MERVIN MAURICE et

THE METIS SOCIETY OF SASKATCHEWAN

SAPWAGAMIK LOCAL 176 INC.

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

représentée par le

MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN,

et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

ORDONNANCE

                        Un avis de requête ayant été déposé le 23 novembre 1999 pour le compte de Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, du ministre de la Défense nationale et du procureur général du Canada, en vue de l'obtention :

1.d'une ordonnance portant que la Metis Society of Saskatchewan Sapwagamik Local 176 Inc. (la Société) est mise hors de cause;

2.          des dépens de la requête;

3.de toute autre réparation que cette cour peut juger juste d'accorder.

ET pour les motifs prononcés en ce jour :

IL EST PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ CE QUI SUIT :

1.L'ordonnance sollicitée au premier paragraphe ci-dessus est accordée, sous réserve du droit de la Société de demander à agir comme intervenante, laquelle demande peut inclure une demande visant à l'obtention du droit d'appel, et sous réserve du droit de la Société de demander, à une date ultérieure, à être constituée partie demanderesse à titre de représentante;

2.Les dépens suivront l'issue de la cause;

3.La demande visant à l'obtention du statut d'intervenante que la Société déclare vouloir présenter sera entendue à 9 h 30 ou peu de temps après que les avocats auront été entendus, le 9 février 2000, à Edmonton; la Société signifiera et déposera son dossier de requête, pour cette audience, au plus tard le 21 janvier 2000, et les défendeurs signifieront et déposeront leur dossier en réponse au plus tard le 28 janvier 2000.

                         « B. Reed »

                              Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


Date: 19991210

Dossier : T-1057-96

ENTRE :

AMBROSE MAURICE, MERVIN MAURICE et

THE METIS SOCIETY OF SASCKATHEWAN

SAPWAGAMIK LOCAL 176 INC.

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

représentée par le

MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN,

et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED :

[1]         Les défendeurs présentent une requête en vue de faire radier la Metis Society of Saskatchewan Sapwagamik Local 176 Inc. (la Société) comme demanderesse.

[2]         La Société est une société qui a la capacité de poursuivre et d'être poursuivie. Ses membres résident dans la collectivité de Sapwagamik ou aux environs, dans le nord de la Saskatchewan. Les demandeurs Ambrose et Mervin Maurice résident près de la collectivité de Sapwagamik. Ils sont respectivement président et vice-président de la Société.

[3]         Cette action, qui a été intentée par Ambrose et Mervin Maurice, découle du refus des défendeurs de verser à ceux-ci une indemnité égale à la somme qui a été versée aux autres peuples autochtones (à savoir, les Indiens de Canoe Lake et de Cold Lake). L'indemnité en question a été payée par suite de la création du polygone de tir aérien de Primrose Lake et du déplacement de personnes qui avaient antérieurement utilisé le terrain aux fins de la chasse, de la pêche et de l'exploitation forestière.

[4]         Les membres de la Société considèrent l'affaire comme un cas type, dont le résultat pourrait influer sur la capacité éventuelle d'obtenir eux-mêmes une indemnité. Si Ambrose et Mervin Maurice ont gain de cause, il existerait un précédent qui permettra peut-être à d'autres personnes de demander avec succès une indemnité additionnelle.

[5]         La Société a été constituée demanderesse, avec Ambrose et Mervin Maurice, au début de l'instance. Le même avocat représente les trois demandeurs. Les demandeurs individuels ne s'opposent pas à ce que la Société soit partie à l'instance. De fait, ils préfèrent qu'il en soit ainsi.

[6]         Dans la déclaration, la Société est désignée comme représentant les intérêts des Métis qui résident dans la collectivité de Sapwagamik ou aux environs, dans le nord de la Saskatchewan. La réparation demandée se rapporte aux obligations constitutionnelles, fiduciaires, légales, en common law et en equity que les défendeurs ont envers les demandeurs. Partant, la réparation demandée vise uniquement les demandeurs individuels. Il n'existe pas d'obligations envers la Société en soi, en sa qualité de société, bien qu'il puisse en exister à l'égard de ses membres.

[7]         En réponse à une demande que les défendeurs ont faite en vue d'obtenir des précisions au sujet de l'identité des membres de la Société, les demandeurs ont expliqué que ces renseignements n'avaient rien à voir avec le présent litige, parce que la Société n'a pas engagé les poursuites en sa qualité de représentante. Il a été déclaré que la Société avait qualité pour agir dans l'intérêt public.

[8]         Les exigences relatives à la qualité pour agir dans l'intérêt public sont énoncées dans l'arrêt Conseil canadien des Églises c. Canada (MEI), [1992] 1 R.C.S. 236. Dans cet arrêt, Monsieur le juge Cory a établi trois critères : (1) l'action soulève une question de droit sérieuse; (2) la personne qui cherche à engager les poursuites a un intérêt juridique véritable à l'égard du règlement de la question; 93) la personne qui agit dans l'intérêt public est autorisée à engager des poursuites parce qu'il n'existe aucune autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour. Il est certain que la Société satisfait aux deux premières exigences. Toutefois, le troisième élément ne s'applique pas en l'espèce. Une action a été intentée par des plaideurs individuels, Ambrose et Mervin Maurice.

[9]         Le concept de la qualité pour agir dans l'intérêt public a son origine dans des arrêts tels que les arrêts Thorson c. Canada (Procureur général), [1975] 1 R.C.S. 138, Nova Scotia (Board of Censors) c. McNeil, [1976] 2 R.C.S. 265, Canada (Ministre de la Justice) c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575 et a donné lieu à des explications supplémentaires dans les arrêts Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607 et Conseil canadien des Églises, supra. Il visait au départ à permettre à des particuliers d'engager des poursuites en vue d'empêcher une action gouvernementale illégale, ou l'application de dispositions législatives non valides, même si les plaideurs ne pouvaient pas démontrer qu'ils avaient un droit privé auquel il était porté atteinte, ou qu'ils subissaient eux-mêmes un préjudice particulier, différent de celui du public en général.

[10]       L'avocat des demandeurs soutient que pareille qualité pour agir peut maintenant également exister lorsqu'un particulier a déjà intenté une action. Il cite la décision rendue dans l'affaire Benoit c. Canada (1994), 81 F.T.R. 100, où le juge en chef adjoint Jerome dit qu'en pareil cas, au lieu de se demander si un particulier peut engager des poursuites, la Cour doit se demander si la « participation [de la personne en cause], à titre de codemanderesse, aiderait la Cour à trancher de manière définitive la question qui lui a déjà été soumise » .

[11]       L'avocat des demandeurs soutient que le critère énoncé dans la décision Benoit est satisfait en l'espèce parce qu'on peut s'attendre à ce que la Société ait au moins deux rôles de soutien, à savoir : (1) s'assurer, à titre de demanderesse auxiliaire, que le litige n'aboutisse pas à rien par suite d'un décès, d'une maladie ou de quelque autre événement fortuit qui empêcherait Ambrose et Mervin Maurice de poursuivre le litige; (2) veiller à ce que l'on avance tous les arguments et tous les points de vue que les membres touchés de la Société jugent pertinents. L'avocat des demandeurs a également souligné qu'il serait avantageux pour l'administration de la justice que la collectivité concernée participe au litige.

[12]       J'hésite à me fonder sur la décision Benoit comme décision faisant autorité à l'égard de la thèse selon laquelle la portée de la notion de qualité pour agir dans l'intérêt public a été étendue comme on l'allègue. Cette décision n'est pas entièrement claire. Il est d'abord fait mention des trois critères nécessaires pour qu'il y ait qualité pour agir dans l'intérêt du public. On trouve ensuite la remarque que l'avocat a citée pour soutenir que la portée de la notion de qualité pour agir dans l'intérêt public a été étendue. Toutefois, le juge en chef adjoint Jerome cite ensuite l'alinéa 1716(2)b) des Règles de la Cour fédérale. Cette disposition traite de la constitution de parties dont la présence est nécessaire. Le juge en chef adjoint a ensuite décidé qu'il était nécessaire dans ce cas-là de constituer comme parties les organisations qui demandaient à être constituées codemanderesses, et ce, malgré l'opposition du demandeur.

[13]       L'alinéa 1716(2)b) correspond à la règle 104(1)b) des Règles actuelles. Le paragraphe 104(1) se lit comme suit :

104. (1) At any time, the Court may

(a) order that a person who is not a proper or necessary party shall cease to be a party; or

104. (1) La Cour peut, à tout moment, ordonner :

a) qu'une personne constituée erronément comme partie ou une partie dont la présence n'est pas nécessaire au règlement des questions en litige soit mise hors de cause;

(b) order that a person who ought to have been joined as a party or whose presence before the Court is necessary to ensure that all matters in dispute in the proceeding may be effectually and completely determined be added as a party, but no person shall be added as a plaintiff or applicant without his or her consent, signified in writing or in such other manner as the Cour may order.

b) que soit constituée comme partie à l'instance toute personne qui aurait dû l'être ou dont la présence devant la Cour est nécessaire pour assurer une instruction complète et le règlement des questions en litige dans l'instance; toutefois, nul ne peut être constitué codemandeur sans son consentement, lequel est notifié par écrit ou de telle autre manière que la Cour ordonne.

[14]       La question de savoir qui est une partie dont la présence est nécessaire a été examinée dans l'arrêt Parker c. Stevens, [1998] 4 C.F. 125 (C.A.F.), à la page 137. La Cour a cité la décision Amon c. Raphael Truck & Sons Ltd., [1956] 1 Q.B. 357, à la page 380 :

[TRADUCTION] La personne qu'il faut constituer partie doit être une personne dont la présence est nécessaire en tant que partie. Qu'est-ce qui fait qu'une personne est une partie nécessaire? Ce n'est pas, bien sûr, uniquement le fait qu'elle a des éléments de preuve pertinents à apporter à l'égard de certaines des questions en litige; elle ne serait alors qu'un témoin nécessaire. Ce n'est pas uniquement le fait qu'elle a un intérêt à ce que soit trouvée une solution adéquate à quelque question en litige, qu'elle a préparé des arguments pertinents et qu'elle craint que les parties actuelles ne les présentent pas adéquatement. Autrement, dans des affaires d'interprétation d'une clause contractuelle courante, de nombreuses parties pourraient exiger d'être entendues, et si la Cour avait le pouvoir d'admettre certaines personnes, il n'existe aucun principe discrétionnaire en vertu duquel certaines personnes pourraient être admissibles et d'autres non. La Cour pourrait souvent conclure qu'il serait utile ou souhaitable d'entendre certaines de ces personnes pour s'assurer de trouver la réponse adéquate, mais personne ne semble suggérer qu'il soit nécessaire de les entendre à cette fin. La seule raison qui puisse rendre nécessaire la constitution d'une personne comme partie à une action est la volonté que cette personne soit liée par l'issue de l'action; la question à trancher doit donc être une question en litige qui ne peut être tranchée adéquatement et complètement sans que cette personne ne soit une partie.

[15]       On ne peut pas dire que la Société est une partie dont la présence est nécessaire au présent litige. La Société pourrait plutôt demander à être constituée demanderesse à titre de représentante, ou elle pourrait demander à agir comme intervenante. La décision rendue dans l'affaire Liebmann c. Canada (Ministre de la Défense nationale) [1994] A.C.F. no 1256, est un exemple d'un cas dans lequel le statut d'intervenant a été accordé, alors que la qualité pour agir dans l'intérêt public ne l'a pas été.

[16]       La requête des défendeurs est accueillie, sous réserve du droit de la Société de demander à prendre part à l'instance en sa qualité de représentante, à une date ultérieure, en particulier si les demandeurs individuels existants ne peuvent pas poursuivre le litige, ou à demander à agir comme intervenante.

                                                                                                          « B. Reed »                                                                                 __________________________

                                                                                                                  Juge

OTTAWA (ONTARIO),

le 10 décembre 1999.

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 T-1057-96

                                                           

INTITULÉ DE LA CAUSE :Ambrose Maurice et autres c. Sa Majesté la Reine du chef du Canada et autres

LIEU DE L'AUDIENCE :Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le mercredi 8 décembre 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE de Madame le juge Reed en date du 10 décembre 1999

ONT COMPARU :

Dale Gibson

Rangi Jeerakathil                                               POUR LES DEMANDEURS

Patrick Hodgkinson

Brenda Kaminski                                               POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dale Gibson et associés

Edmonton (Alberta)                                           POUR LES DEMANDEURS

Morris Rosenberg                                              POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada                   

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