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Date : 20041126

Dossier : T-636-02

Référence : 2004 CF 1663

ENTRE :

ROBERT J. RICHARDS

et SANDRA L. RICHARDS

                                                                                                                                      demandeurs

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                           défendeur

                                              TAXATION DES DÉPENS - MOTIFS

FRANÇOIS PILON

Officier taxateur

[1]         La demande de contrôle judiciaire a été rejetée le 12 décembre 2003; l'ordonnance de la Cour prévoit :

Pour tous ces motifs, je ne peux conclure que les demandeurs se sont vu refuser la communication de renseignements personnels. Par conséquent, la demande fondée sur l'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels est rejetée.


[2]         Cette ordonnance définitive ne fait pas mention des dépens, même si les parties avaient toutes les deux demandéles dépens dans leurs exposés respectifs des faits et du droit. Le 21 septembre 2004, l'avocat du défendeur a déposé son mémoire de frais et demandé la taxation des dépens selon les dispositions du paragraphe 52(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels qui dispose :

52(1) Sous réserve du paragraphe (2), les frais et dépens sont laissés à l'appréciation de la Cour et suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal.

[3]         M. John Ashley, avocat du défendeur, souligne la dernière partie du paragraphe 52(1), « les frais et dépens... suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal » . Il soutient que, comme l'ordonnance du 12 décembre 2003 ne fait pas mention des dépens, les dépens devraient être accordés au défendeur, comme il le demande en vertu du paragraphe 52(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[4]         En réponse, les demandeurs présentent les arguments que nous résumons comme suit. Il s'appuient eux aussi sur le paragraphe 52(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais soulignent de leur côté les mots « les frais et dépens sont laissés à l'appréciation de la Cour » . À leur avis, les officiers taxateurs n'ont pas le pouvoir de taxer les dépens en l'absence d'une ordonnance spécifique de la Cour à cette fin. Ils font valoir qu'il existe un principe bien établi selon lequel les dépens relèvent du pouvoir discrétionnaire de la Cour et que, dans le cas oùune ordonnance est muette sur les dépens, cela signifie que la Cour n'exerce pas de manière expresse le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 400(1) des Règles.

[5]         Les demandeurs appuient également leur prétention sur des décisions de l'officier taxateur Stinson, qui établissent que les pleins pouvoirs discrétionnaires sur l'attribution des dépens sont une prérogative de la Cour, et non des officiers taxateurs. Ils citent également un extrait pertinent de l'ouvrage d'Orkin, The Law of Costs (2e éd.) 1998, au paragraphe 105.7 :


[traduction] De la même manière, si un jugement est rendu en faveur d'une partie sans ordonnance au sujet des dépens, aucune partie ne peut faire taxer les dépens; aussi quand une affaire est décidée par voie de requête ou lors de l'instruction sans mention des dépens, c'est comme si le juge avait dit qu'il estimait approprié de ne rendre aucune ordonnance au sujet des dépens.

[6]         Cherchant à régler cette question juridique de manière satisfaisante et juste, j'ai décidé de jouer l'avocat du diable. J'ai cherché en vain de la jurisprudence et de la doctrine sur l'interprétation des lois à l'appui de la position du défendeur et, à la fin, j'ai décidé de ne pas m'aventurer en territoire inconnu. La démarche s'est révélée un exercice difficile dans un domaine fascinant et sans doute nouveau du droit. Il faut convenir que chaque partie a des arguments valides et une chance raisonnable de succès.

[7]         Toutefois, dans les circonstances particulières de l'espèce, je me rangerai à la position des demandeurs. Les officiers taxateurs ne peuvent pas se substituer à la Cour en ce qui concerne le pouvoir d'accorder les dépens, nonobstant les dispositions du paragraphe 52(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je suis d'avis que l'expression « les frais et dépens sont laissés à l'appréciation de la Cour » , dans le contexte de la loi visée, implique l'exercice clair et manifeste du pouvoir discrétionnaire du juge. En outre, je comprends que la formulation « les frais et dépens [...] suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal » confère effectivement au juge le pouvoir d'attribuer les dépens à l'une ou l'autre partie, qu'elle ait ou n'ait pas gain de cause dans l'affaire faisant l'objet du contrôle, voire même à une tierce partie.

[8]         Avec égards, j'estime que les dispositions du paragraphe 52(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, prises dans leur ensemble, forment une codification logique et cohérente de l'attribution des dépens dans le cadre de la Loi. Je trouve un appui à cette proposition dans le principe de la présomption de cohérence exprimé dans Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e édition, à la page 168. Ce principe est le suivant :


[traduction] Principe directeur. Les dispositions d'une loi sont présumées fonctionner ensemble, tant logiquement que téléologiquement, comme les diverses parties d'un tout. Les parties sont présumées s'assembler logiquement pour former un cadre rationnel, intrinsèquement cohérent; et parce que le cadre a une fin, les parties sont également présumées s'appliquer ensemble d'une façon dynamique, chacune contribuant quelque chose aux fins de la réalisation du but visé. Cette présomption est le fondement de l'analyse des régimes législatifs, qui est souvent le type d'analyse le plus convaincant. La présomption de cohérence est également une présomption à l'encontre de l'existence d'un conflit interne. L'ensemble des lois adoptées par l'assemblée législative est présumé ne pas apporter de contradictions ou d'incohérences, chaque disposition étant capable de s'appliquer sans entrer en conflit avec une autre.

[9]         Enfin, j'ai trouvé une indication supplémentaire dans la formulation du paragraphe 52(1). « ... les frais et dépens sont laissés à l'appréciation de la Cour et (non soulignédans l'original) suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal » . L'emploi grammatical de la conjonction « et » sert généralement à joindre, unir et associer. Dans mon esprit, cette conjonction sert à unir plutôt qu diviser.

[10]       La question de droit ayant été tranchée en faveur des demandeurs, la demande du défendeur visant la taxation de ses dépens est par conséquent rejetée.

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Le 26 novembre 2004

François Pilon

Officier taxateur

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-636-02

INTITULÉ :                                           Robert J. Richards

et Sandra L. Richards

demandeurs

-et-

Le ministre du Revenu national

défendeur

TAXATION DES DÉPENS PAR ÉCRIT SANS COMPARUTION EN PERSONNE DES PARTIES

LIEU DE LA TAXATION:                   Halifax (Nouvelle-Écosse)

TAXATION DES DÉPENS -

MOTIFS :                                             François Pilon, officier taxateur

DATE DES MOTIFS :                       Le 26 novembre 2004

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général

Ottawa (Ontario)                                                                                 Pour le défendeur


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