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Date : 20040830

Dossier : T-607-01

Référence : 2004 CF 1185

ENTRE :

                                               METRO-GOLDWYN-MAYER INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                                STARGATE CONNECTIONS INC.

                                                                                                                                      défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE SIMPSON

[1]                Metro-Goldwyn-Mayer Inc. (l'opposante) interjette appel de la décision en date du 29 janvier 2001 (la décision) par laquelle la registraire des marques de commerce a rejeté son opposition et accueilli la demande d'enregistrement no 807,005 présentée le 15 mars 1996 par Stargate Connections Inc. (la requérante) visant la marque de commerce Stargate. L'opposante demande à la Cour de rendre une ordonnance infirmant la décision.


LES FAITS

[2]                Le 26 avril 1994, la prédécesseure en titre de l'opposante a présenté une première demande d'enregistrement de la marque de commerce Stargate. La demande no 752,138, qui est toujours pendante, visait le large éventail de marchandises et de services énumérés au paragraphe 7 des présents motifs, comprenant la production, la distribution et la diffusion d'un long métrage intitulé Stargate (le film). Au mois de septembre 1994, l'opposante a lancé un site Web portant sur le film, et le film lui-même a commencé à être projeté au Canada au mois d'octobre suivant.

[3]                Environ un an plus tard, au mois d'août 1995, la requérante a créé une entreprise de services Internet spécialisée en construction et édition de sites Web, qui fournissait également des services de commercialisation sur Internet.

[4]                Le 20 décembre 1995, l'opposante a produit une deuxième demande d'enregistrement pour la marque Stargate (no 800,728), visant des marchandises supplémentaires. Cette demande également est pendante.


[5]                Le 15 mars 1996, la requérante a produit la demande d'enregistrement no 807,005 sous le régime de l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), relativement à la marque de commerce Stargate (la marque en cause). La demande était fondée sur l'emploi de la marque depuis le mois d'août 1995, et elle visait des « services d'Internet nommément, développement de sites Web, édition de sites Web, nommément : conception de sites Web, aide à la mise en marché sur l'Internet et connexion à l'Internet » (collectivement appelés services Internet).

[6]                Le 4 juillet 1997, l'opposante a déposé son opposition à la demande d'enregistrement de la marque en cause présentée par la requérante.

LES QUATRE MOTIFS D'OPPOSITION (tels qu'ils sont décrits dans la décision de la registraire)

[7]               

Les motifs d'opposition

Le premier motif d'opposition est que la demande ne satisfait pas aux dispositions de l'alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce parce que la requérante n'a pas employé la marque depuis la date du premier emploi alléguée dans la demande en liaison avec les services visés dans la demande. L'opposante n'a présenté aucune preuve à l'appui de ce motif d'opposition et n'a formulé aucune observation à ce sujet dans sa plaidoirie écrite. Je conclus que l'opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de présentation à l'égard de ce motif d'opposition et ce motif d'opposition est donc rejeté.

Le deuxième motif d'opposition est fondé sur l'alinéa 16(1)a) de la Loi, l'opposante alléguant que la requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la marque parce que cette marque crée de la confusion avec la marque STARGATE de l'opposante, antérieurement employée au Canada par l'opposante et son prédécesseur en titre, Le Studio Canal + (U.S.), en liaison avec la production, la distribution et la diffusion d'un long métrage portant le titre Stargate, qui a été présenté dans les cinémas, à la vidéo et à la télévision. L'opposante revendique également l'emploi antérieur de STARGATE au Canada par l'intermédiaire de titulaires de licences à l'égard d'une gamme étendue de marchandises.


Le troisième motif d'opposition repose sur l'alinéa 16(1)b) de la Loi, l'opposante affirmant que la requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement parce que la marque crée de la confusion avec la marque de commerce STARGATE de l'opposante, qui a fait l'objet d'une demande d'enregistrement produite au Canada par le prédécesseur en titre de l'opposante, Le Studio Canal + (U.S.), le 26 avril 1994, revendiquant la priorité en date du 18 avril 1994. La demande d'enregistrement, sous le n º 752,138, qui est toujours pendante, a été produite pour un emploi projeté en liaison avec les marchandises et services suivants :

(1)                    Panoplies de grimage pour l'Halloween et tatouages temporaires; radios, magnétophones, talkies-walkies; économiseurs dcrans, puces audio, jeux LCD modèles de poche, montre-bracelet et de table, télécartes, lunettes de vision nocturne et fonds dcran fixes pour ordinateur, porte-clés, épinglettes, montres et bijoux émaillés, signets, pense-bête, affichettes de porte, bloc-notes, carnets d'adresses, albums de photos, agendas, albums de découpures, cahiers de croquis, cartes de collection, cartes de collection en plastique, posters, cartes postales, calendriers, semainiers, autocollants, ensembles de peinture à numéros, cartes à jouer, magazines, programmes souvenirs, accessoires de fête, nommément serviettes en papier, nappes, assiettes, sous-verres, napperons, tasses, chapeaux, pochettes-surprises, cartes d'invitation, décorations de gâteau en papier et en plastique, cartes de remerciements, plaques de porte, banderoles, papiers cadeaux, pochettes cadeaux, nappes en plastique, tatouages temporaires, pâte à modeler et thermoplastique, et stylos; sacs sport, sacs dcolier et sacs à dos; porte-clés en vinyle, en PVC, en acrylique, aimants en vinyle, boutons couture, cadres de photo, miroirs, masques décoratifs, vaisselle de plastique pour enfants, cartes de collection en plastique; gobelets, flacons, verres, vaisselle pour enfants, pailles, boîtes décoratives, statuettes de collection, boîtes à lunch, contenants d'entreposage des aliments, chandeliers; T-shirts, sweat-shirts, casquettes de baseball, chapeaux, nuisettes, chemises de nuit, pyjamas, sous-vêtements, sous-vêtements pour garçonnets, chemises sans col, chemises de tricot, shorts de tricot, pantalons de tricot et costumes; cartouches de jeux vidéo, cassettes, disques compacts et appareils de jeux vidéo, jouets, nommément petites voitures, figurines et accessoires de jeux d'action, poupées, accessoires de jeux de rôle pour enfants, modules de jeux, marionnettes en peluche, véhicules jouets, puzzles, puzzles à éléments mobiles, puzzles à trois dimensions, tables traçantes, maquettes de vinyle, maquettes de plastique, armes-jouets et ensembles de tir sur cible, ensembles de tir sur cible sonore, ensembles de cibles de tir au fusil, jeux de combinaison, jeux de billard anglais, sacs de frappe, jeux d'arcade de tir, pistolets à eau, pistolets à projectiles, pistolets électroniques, jeux de cartes, tirelires, billards électriques, livres de contes pour enfants CD-ROM interactifs, jouets d'action mécaniques et électroniques, circuits de course à piles ou électriques, jeux de construction, accessoires de fête sous forme de petits jouets, ballons, pinatas et patins à roulettes; briquets.

(2)                    Production, distribution et diffusion d'un long métrage.

Dans le quatrième motif d'opposition, l'opposante fait valoir que la marque de commerce de la requérante n'est pas distinctive, car elle ne distingue pas effectivement les services de la requérante en liaison avec lesquels elle est employée des marchandises et services de l'opposante mentionnés ailleurs dans la déclaration d'opposition, qui sont visés par la demande n º 752,138.


LA DÉCISION DE LA REGISTRAIRE

Les dates pertinentes

[8]                La registraire a déterminé que la date pertinente pour l'examen des deux allégations de confusion était le mois d'août 1995, c'est-à-dire le mois pendant lequel la requérante aurait commencé à employer la marque en cause en liaison avec des services Internet. Toutefois, parce que la date pertinente pour l'examen du motif fondé sur l'absence de caractère distinctif était la date du dépôt de l'opposition, la registraire a évalué le risque de confusion au 4 juillet 1997, date du dépôt de l'opposition, et au mois d'août 1995 (collectivement, les dates pertinentes).

Emploi antérieur

[9]                En se fondant sur l'affidavit souscrit le 26 mai 1998 par le conseiller juridique interne de l'opposante, Michael Moore (l'affidavit Moore), la registraire a conclu que le film avait été présenté au Canada au mois d'octobre 1994, signalant que cet emploi de la marque de commerce Stargate était antérieur à la date de premier emploi de la marque en cause par la requérante, soit le mois d'août 1995. Toutefois, devant l'absence d'autre élément de preuve indiquant que l'opposante avait employé sa marque avant le mois d'août 1995, la registraire a conclu que cette dernière n'avait pas présenté une preuve suffisante de son emploi antérieur et a rejeté ce motif d'opposition, ajoutant, subsidiairement, que même si elle avait tiré une autre conclusion à cet égard, elle aurait quand même rejeté l'opposition parce qu'il n'existait pas de risque de confusion, pour les motifs exposés plus loin.


Confusion/Caractère distinctif

[10]            La registraire a conclu que l'entreprise de la requérante (les services Internet) différait tellement de celle de l'opposante (la production de films et les activités et marchandises connexes) qu'il n'existait pas de probabilité raisonnable de confusion.

[11]            Pour tirer cette conclusion, la registraire a appliqué le critère énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi relativement à la confusion et a pris en considération les facteurs énumérés au paragraphe 6(5), savoir le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues, la période pendant laquelle chaque marque a été en usage, le genre de marchandises, services ou entreprises, la nature du commerce, le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Telle que je comprends la décision de la registraire, celle-ci a estimé que les facteurs de la période d'emploi, du degré de ressemblance et du caractère distinctif inhérent favorisaient l'opposante.


[12]            Selon la registraire, les marques, qui étaient identiques, possédaient le même caractère distinctif inhérent puisque Stargate étant un mot inventé, il n'avait pas de lien inhérent plus étroit avec les marchandises ou services d'une partie qu'avec ceux de l'autre. C'est pour cela qu'elle a jugé que ce facteur favorisait l'opposante. La registraire a également conclu que la marque en cause n'avait pas acquis de notoriété au mois d'août 1995, mais qu'elle en avait acquis une certaine au 4 juillet 1997. Elle a conclu en outre que la marque de l'opposante était connue à chacune des dates, mais que la preuve ne lui permettait pas de déterminer l'étendue de sa notoriété.

[13]            La registraire a estimé que le fait que l'opposante employait sa marque Stargate depuis presqu'un an quand la requérante a commencé à employer la marque en cause, au mois d'août 1995, conférait plus de solidité à la position de l'opposante et que, de la même façon, ce facteur favorisait l'opposante relativement à la date du 4 juillet 1997, car elle employait alors sa marque depuis près de trois ans, alors que la requérante n'avait employé la sienne que pendant deux ans.

[14]            En ce qui concerne la nature des marchandises et services, la registraire a conclu que bien que des marchandises de l'opposante s'employaient avec un ordinateur (économiseurs d'écran, photos numériques, livre d'enfants sur CD-ROM), elles n'étaient pas « reliées particulièrement » aux services Internet de la requérante. Pour la registraire il s'agissait là du facteur le plus important : « les différences entre les entreprises et les services des parties sont si grandes qu'il n'est pas vraisemblable qu'il y ait de la confusion » .

[15]            La registraire n'a pas jugé fondée la crainte de l'opposante qu'à cause de sa formulation large, la demande d'enregistrement de la requérante pourrait viser la fourniture de services de divertissement sur Internet. Cette conclusion reposait sur le libellé de la demande ainsi que sur la preuve se rapportant à l'entreprise réelle de la requérante.


[16]            La registraire a conclu, relativement à la nature du commerce des parties, que les entreprises étaient, en fait, distinctes et que la crainte de l'opposante qu'elles puissent se recouper allait « beaucoup trop loin » .

[17]            La registraire a jugé non pertinentes d'autres circonstances de l'espèce. Premièrement, l'emploi par l'opposante d'une marque de commerce connexe « Stargate SG-1 » à compter du mois de septembre 1997 ne pouvait entrer en ligne de compte puisqu'il était postérieur aux dates pertinentes. Par ailleurs, la preuve de la requérante relative à l'absence de cas concret de confusion au 24 décembre 1998 n'a pas été jugée utile parce que l'absence pouvait s'expliquer par l'emploi géographiquement restreint de la marque en cause. Enfin, la registraire a conclu que l'utilisation de l'expression « technology portal » (portail de technologie) dans le site Web de la requérante n'avait pas de lien avec la question à trancher, savoir « si l'emploi de Stargate en liaison avec les services Internet de la requérante est susceptible de causer de la confusion avec le film et les marchandises connexes Stargate de l'opposante » . L'opposante avait soulevé cet argument parce que le concept de portail tenait une place prépondérante dans le film.

[18]            La registraire a finalement conclu que les entreprises de l'opposante et de la requérante étaient si différentes qu'il risquait peu d'y avoir de confusion.


LA NORME DE CONTRÔLE

[19]            Comme aucun nouvel élément de preuve n'a été soumis lors du présent appel, la norme de contrôle applicable, suivant l'arrêt Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145, de la Cour d'appel fédérale, est celle de la décision raisonnable simpliciter.

L'ARGUMENTATION DE L'OPPOSANTE

[20]            Les différents points de l'argumentation soumise par la défenderesse ont été classés sous les rubriques suivantes :

·            Les dates pertinentes

·            Les erreurs de fait

·            Le critère de la confusion

·            Les autres circonstances de l'espèce

·            Les marques célèbres

1.          Les dates pertinentes


[21]            L'opposante fait valoir que la registraire n'aurait pas dû accepter, relativement à la date de premier emploi déclarée du 15 août 1995, l'affidavit de Bruce Hobbs en date du 24 décembre 1998 soumis en preuve par la requérante, dans lequel celui-ci affirme, en sa qualité de président de la requérante, que l'entreprise a commencé ses activités au mois d'août 1995. Selon l'opposante, la registraire n'aurait pas dû retenir le mois d'août 1995 puisque l'élément de preuve documentaire portant la date la plus ancienne est une facture datant de novembre 1995. Toutefois, comme l'affidavit n'a pas été contredit et que son auteur n'a pas subi l'épreuve du contre-interrogatoire, je conclus qu'il n'était pas déraisonnable pour la registraire d'accepter le témoignage de M. Hobbs.

[22]            L'opposante signale également que le paragraphe 6(5) de la Loi n'énonce aucune restriction fondée sur la date et soutient que le principe établi dans l'arrêt Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.) devrait s'appliquer, savoir que la date pertinente n'est pas la date du premier emploi mais plutôt « la date à laquelle l'affaire est tranchée suivant la preuve produite » . En réponse, la requérante invoque l'article 16 de la Loi, lequel prévoit ce qui suit :



16. (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l'article 30 en vue de l'enregistrement d'une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des marchandises ou services, a droit, sous réserve de l'article 38, d'en obtenir l'enregistrement à l'égard de ces marchandises ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l'a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n'ait créé de la confusion_:

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

b) soit avec une marque de commerce à l'égard de laquelle une demande d'enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

c) soit avec un nom commercial qui avait été antérieurement employé au Canada par une autre personne.                                               [je souligne]

16(2) 16. (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with wares or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those wares or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.

16(2)

[my emphasis]


[23]            La requérante soutient qu'il serait contraire aux principes d'interprétation des lois d'avoir recours à une autre date que la date de premier emploi pour examiner la question de la confusion sous le régime de l'article 16, puisque la disposition donne des directives claires à cet égard. La Cour en convient et signale que dans l'arrêt Park Avenue, précité, la Cour d'appel appliquait l'alinéa 12(1)d) de la Loi et non l'article 16. La date pertinente pour l'examen de cette question sous le régime de l'article 16 est la date de premier emploi (août 1995) et non la date de la décision du registraire, comme le préconise l'opposante.

[24]            L'opposante prétend également que la date à laquelle il convient d'évaluer le caractère distinctif est la date de la décision du registraire. La requérante, quant à elle, soutient qu'il n'y a aucune raison de s'écarter de la règle habituelle, selon laquelle la date applicable est celle de la demande d'enregistrement, car la question a été tranchée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Brasseries Molson, précité. Dans cette affaire, toutefois, le motif d'opposition en cause reposait sur le paragraphe 12(2) et non sur l'article 2, comme en l'espèce.


[25]            À mon avis, la date qu'il convient d'utiliser pour l'examen de l'allégation d'absence de caractère distinctif est la date du dépôt de la déclaration d'opposition (4 juillet 1997). Il s'ensuit que la registraire n'a pas commis d'erreur en employant cette date. Je m'appuie à cet égard sur la décision rendue par le juge McKeown dans l'affaire Bab Holdings Inc. c. Big Apple Ltd., 2002 CFPI 72, où il a dit :

[12] Je dois maintenant examiner la question de la date appropriée pour juger du caractère distinctif. À mon avis, Madame le juge Reed a exposé le problème avec justesse dans American Association of Retired Persons c. Association canadienne des individus retraités/Canadian Association of Retired Persons (1998), 84 C.P.R. (3d) 198 (C.F. 1re inst.) à la p. 207, à partir du paragr. 20 :

[20]... La date pour laquelle l'intimée doit prouver le caractère distinctif est la date de la production de la déclaration d'opposition (le 31 janvier 1992). Il existe un certain flottement dans la jurisprudence au sujet de cette dernière date, mais je crois que la date généralement acceptée est la date de la production de l'opposition....

[21] Dans Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc. (1994), 54 C.P.R. (3d) 418 (C.F. 1re inst.), le juge Denault a remis en question le bien-fondé de la position voulant que le caractère distinctif s'apprécie à la date de la production de l'opposition. Il s'appuyait sur l'arrêt de la Cour d'appel fédérale, Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, aux pages 429-430, et a proposé qu'il devrait plutôt s'apprécier à la date à laquelle le registraire tranche l'opposition.

[22] Toutefois, l'affaire Park Avenue portait sur l'enregistrabilité de la marque, non sur une opposition fondée sur l'absence de caractère distinctif. Le raisonnement était que l'enregistrabilité devait être tranchée à la date de l'enregistrement ou à la date du rejet de l'enregistrement, et non par rapport à quelque date antérieure...

...

[24] La dernière prise de position sur cette question est celle de Madame le juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Les Brasseries Molson c. John Labatt Ltée (1998) 148 F.T.R. 281, [1998] F.C.J. No. 929 (QuickLaw). Aux paragraphes 50-56, elle résume l'état du droit et prend la position que le caractère distinctif doit s'apprécier à la date de la production de l'opposition, en notant que la Cour d'appel fédérale n'a pas modifié ce principe dans l'affaire Park Avenue Furniture.

[13] Puisqu'il ne s'agit pas d'une demande fondée sur le paragraphe 12(2), la date prévue par cette disposition n'est pas celle qui sert à l'évaluation du caractère distinctif. Qui plus est, même si certaines des affaires énonçant que la date à considérer est celle de la production de la déclaration d'opposition l'ont fait dans des remarques incidentes, je suis convaincu que, selon la règle de droit, la date pertinente est la date de production de la déclaration d'opposition.

[26]            L'opposante ajoute que le registraire peut exceptionnellement prendre en considération des éléments de preuve postérieurs à la date du dépôt de la déclaration d'opposition, lorsqu'ils expliquent des éléments de preuve plus anciens ou se rapportent aux suites d'une situation préexistante. Selon l'opposante, c'est ce qu'a fait la registraire lorsqu'elle a examiné la preuve relative au site Web de la requérante, datée du mois de décembre 1998, mais elle a cependant écarté sans explication des éléments de preuve semblables soumis par l'opposante. Je ne puis examiner ce point car l'exposé des faits et du droit de l'opposante ne donne pas de précision sur les éléments de preuve qui, selon elle, ont été irrégulièrement écartés par la registraire.

2.          Les prétendues erreurs de droit

[27]            L'opposante soutient que la registraire a eu tort d'affirmer qu'il n'existait pas d'élément de preuve concernant ltendue de la diffusion à la télévision et les recettes correspondantes alors que l'affidavit Moore renfermait des précisions sur ce point. Je ne puis donner raison à l'opposante car, ce que la registraire a effectivement dit, c'est qu'il n'y avait pas de preuve de ltendue de la diffusion et des recettes correspondantes à la date pertinente du 4 juillet 1997. M. Moore avait déclaré que la diffusion du film et la télévision payante avaient généré des recettes d'environ 300 000 $ et 68 000 $, respectivement, entre juin 1997 et le 26 mai 1998, mais il n'y avait aucune preuve portant précisément sur la situation au 4 juillet 1997.

[28]            À mon avis, la registraire n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a conclu que ces chiffres ne constituaient pas une preuve pertinente relativement au motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(1)a), étant donné que la date pertinente pour l'examen de ce motif était août 1995. Relativement au motif de l'absence de caractère distinctif, la registraire n'a pas commis d'erreur manifeste en concluant que les chiffres totaux correspondant à la période allant de juin 1997 au 26 mai 1998 n'étaient pas utiles car seulement les chiffres du premier mois étaient antérieurs au 4 juillet 1997.

[29]            L'opposante allègue ensuite que la registraire a commis une autre erreur en ne concluant pas du volume et de la durée des licences qu'il [traduction] « devait y avoir eu des ventes substantielles » . Même si l'opposante a déposé en preuve de nombreuses ententes d'octroi de licences, toutes ces licences autorisent la vente aux États-Unis, au Canada et, quelquefois, dans d'autres pays, de sorte que la registraire avait tout à fait raison d'affirmer qu'il n'y avait pas de preuve des ventes réalisées au Canada. La registraire a également conclu, sur le fondement des licences, qu' « elle [la marque de l'opposante] était connue à chaque époque pertinente, mais il est impossible de préciser dans quelle mesure » .

[30]            À mon avis, la registraire n'a pas commis d'erreur en tirant ces conclusions, car la preuve de l'opposante n'était pas assez précise pour lui permettre de déterminer quel avait été le volume de ventes au Canada aux dates pertinentes.

[31]            Selon l'opposante, l'omission de la registraire de conclure que [traduction] « le site Web [du film] avait dû connaître beaucoup d'achalandage en 1994, à l'apogée de la campagne de publicité initiale du film » constituait une erreur. Une telle conclusion aurait confirmé l'argument de l'opposante relatif à l'emploi antérieur de sa marque mais, selon moi, on ne saurait affirmer que la registraire a commis une erreur en ne la tirant pas. Premièrement, l'opposante n'a pas fait la preuve du nombre de « visiteurs » du site Web. Deuxièmement, les sites Web de ce genre venaient de faire leur apparition dans le monde de la publicité des films; la preuve démontre qu'il s'agissait du premier film à avoir un site Web. Dans ces conditions, il n'est pas certain que le site ait été très visité.

3.          Le critère de la confusion


[32]            L'opposante, si elle reconnaît que la registraire a formulé correctement le critère applicable en matière de confusion, fait valoir que cette dernière, puisqu'elle avait conclu que trois des cinq facteurs favorisaient l'opposante, a accueilli la demande d'enregistrement sans motiver convenablement sa décision. L'opposante soutient, plus particulièrement, que la registraire n'aurait pas dû restreindre son examen de la question de la mesure dans laquelle les marques étaient devenues connues aux deux dates pertinentes. Comme j'ai déjà conclu que la registraire n'a pas eu tort de restreindre ainsi son examen, cet argument doit être écarté. J'ajouterais que l'appréciation des cinq facteurs applicables ne se limite pas à une question d'arithmétique; le poids accordé à chacun intervient également. En l'espèce, la registraire a clairement estimé que les différences existant entre les entreprises et les marchandises des parties l'emportaient sur les facteurs plus faibles qui favorisaient l'opposante.

[33]            L'opposante affirme que la registraire a commis une erreur en ne tenant pas compte de la crainte de l'opposante que la requérante puisse dans le futur fournir des services de divertissement sur Internet. Cependant, je ne suis pas convaincue que la conclusion de la registraire que l'énoncé des services de la requérante ne se prêtait pas à l'interprétation selon laquelle il incluait les services de divertissement sur Internet était manifestement erronée.

[34]            L'opposante prétend également que, dans son examen de la nature des marchandises et services, la registraire a erronément pris en considération la preuve de l'emploi des marques plutôt que de s'en tenir aux énoncés de chaque partie, et qu'elle a conclu à tort que l'arrêt McDonald's Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.) établissait le principe que la preuve de l'emploi actuel est pertinente pour l'interprétation de l'énoncé des marchandises et services, ce qui fait qu'elle a erronément fait fond sur [traduction] « l'allégation générale [de la requérante] ... signalant les différences dans les services offerts par les parties » et qu'elle n'a tenu [traduction] « aucun compte de la preuve [de l'opposante] concernant les secteurs où il y avait ou pouvait y avoir chevauchement dans les marchandises et services » . Toutefois, l'interprétation que l'opposante propose de l'arrêt McDonald ne me paraît pas convaincante, car le juge Hugessen, rendant jugement pour la Cour d'appel, y a déclaré ce qui suit :


[. . .] nous estimons que la preuve d'emploi réel, nécessairement postérieure à la date de la demande, était néanmoins pertinente. Cet emploi démontre que la promesse que renfermait la demande a été remplie. Ainsi que l'a dit le juge Strayer dans la décision McDonald's, précitée :

Même si l'avocat des opposantes a prétendu qu'une bonne partie de la preuve relative à la nature de l'entreprise de la requérante dans le passé n'était pas pertinente quant au risque de confusion avec une marque de commerce projetée, j'estime que cette preuve était, pour l'essentiel, pertinente en ce qui a trait à deux facteurs, savoir le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce des deux parties [à la p. 212]                                                                                                                                                                                                              [Non souligné dans l'original.]

La question de l'emploi actuel a aussi été examinée dans la décision Compulife Software Inc. c. Compu Office Software Inc., 2001 CFPI 559. Citant l'arrêt McDonald, le juge Muldoon a affirmé, au paragraphe 26 : « . . . Pour évaluer les risques de confusion, le tribunal doit examiner comment les marques de commerce sont utilisées dans le cours des activités des entreprises » .

4.          Les autres circonstances de l'espèce

[35]            L'opposante a également qualifié d'erreur le refus de la registraire d'examiner les autres circonstances qui, selon l'opposante, démontraient l'existence d'un lien entre le site Web de la requérante et le film de l'opposante. Certaines de ces circonstances se sont produites après les dates pertinentes. Vu ma conclusion que la registraire a bien déterminé les dates pertinentes, il s'ensuit qu'elle avait raison d'estimer que ces circonstances n'étaient pas pertinentes.


[36]            L'opposante prétend que l'expression « technology portal » (portail de technologie) employée dans le site Web de la requérante indique l'existence d'un lien avec le film, dans lequel les portails jouent un rôle important. Cette expression, combinée à l'image du labyrinthe figurant également dans le site Web, créerait clairement un lien avec le film, selon l'opposante. Relativement à cet élément de preuve, il faut déterminer si la registraire a eu raison de limiter son analyse à la seule question « de savoir si l'emploi de STARGATE en liaison avec les services Internet de la requérante est susceptible de causer de la confusion avec le film et les marchandises connexes STARGATE de l'opposante » .

[37]            Cet argument de l'opposante s'appuie sur l'affidavit d'Arturo Brion, souscrit le 27 mai 1998, selon lequel l'expression « technology portal » (portail de technologie) n'est pas répandue dans le domaine de l'informatique ou des services Internet et suggère un lien avec le « portail » du film. J'estime toutefois que la registraire a bien circonscrit la question qu'elle avait à trancher et que, par conséquent, elle était justifiée d'écarter la preuve relative au « portail » et à l'existence possible d'un lien entre le labyrinthe du générique du film et celui du site Web de la requérante. En effet, même si l'opposante pouvait démontrer ces faits, elle ne serait pas plus avancée dans la preuve du risque de confusion entre les marques de commerce.

5.          Les marques célèbres

[38]            La registraire ayant conclu qu'aux dates pertinentes Stargate n'était pas une marque célèbre, il n'était pas nécessaire qu'elle examine subsidiairement la jurisprudence relative à ces marques. Par conséquent, je ne suis pas disposée à examiner les motifs d'appel se rapportant à son analyse subsidiaire sur cette question; ils ne sont pas pertinents.


CONCLUSION

Pour ces motifs, la Cour rendra une ordonnance rejetant l'appel.

             « Sandra J. Simpson »          

JUGE

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.


             COUR FÉDÉRALE

          AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :    T-607-01

INTITULÉ : METRO-GOLDWYN-MAYER INC. c. STARGATE

CONNECTIONS INC.

                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                  OTTAWA

DATE DE L'AUDIENCE :                7 AOÛT 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE LA JUGE SIMPSON

EN DATE DU :                                   30 AOÛT 2004

COMPARUTIONS :

CHANTAL BERTOŠA                                    POUR LA DEMANDERESSE

VICTORIA CARRINGTON

GENE FRASER                                               POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SHAPIRO, COHEN                                         POUR LA DEMANDERESSE

OTTAWA (ONTARIO)

BURKE, TOMCHENKO & FRASER             POUR LA DÉFENDERESSE

COQUITLAM (COLOMBIE-BRITANNIQUE)


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