Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040227

Dossier : T-490-02

Référence : 2004 CF 296

Ottawa, Ontario, ce 27ième jour de février 2004

Présent :          L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                                                    MARIE-CLAIRE PAULIN-KAÏRÉ

                                                                                                                                         Demanderesse

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉLA REINE

                                                                                                                                            Défenderesse

et

COMMISSAIRE AUX LANGUES OFFICIELLES DU CANADA

Intervenante

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 La demanderesse dépose une requête en vertu des règles 223, 228, 240 et 244 des Règles de la Cour Fédéral (ci-après « Règles » ) demandant une ordonnance enjoignant la défenderesse à modifier son affidavit de documents dans le but d'y inclure certains documents et en vertu des Règles 240 et 244 d'obliger la défenderesse à fournir de l'information suite à un contre-interrogatoire d'une représentante de celle-ci, le tout conformément à la Règle 369.

[2]                 La demanderesse est d'opinion que les documents recherchés sont pertinents pour les fins du litige tandis que la défenderesse prétend le contraire.


CERTAINS FAITS

[3]                 Le 26 avril 2000, la demanderesse a été arrêtée pour excès de vitesse par un agent de la Gendarmerie Royale du Canada (ci-après « GRC » ) sur l'autoroute transcanadienne dans la région de Woodstock au Nouveau-Brunswick. Malgré sa demande, la GRC n'a pas fourni les services en langue française.

[4]                 La GRC, une institution fédérale, assure les services policiers à la province officiellement bilingue du Nouveau-Brunswick par l'entremise d'une entente contractuelle avec le gouvernement provincial.

LE FOND DU LITIGE

[5]                 La demanderesse prétend que les faits à la base du litige permettent d'obtenir une déclaration que toutes les institutions du gouvernement et Parlement du Canada (ci-après           

« institutions » ) sont soumises à l'article 16.1 et au paragraphe 20(2) de la Charte Canadienne des droits et libertés (ci-après « Charte » ) lorsqu'elles agissent dans la province du Nouveau-Brunswick ainsi qu'une ordonnance faisant en sorte que la minorité linguistique francophone de cette province a en conséquence le droit de recevoir des services en français lorsqu'elle fait affaire avec ces institutions sans tenir compte de la question de « demande importante » ou autres formes de limitation de ces droits.

[6]                 Selon la défenderesse, les faits à la base du litige font que la question à trancher dans cette affaire est de déterminer les obligations imposées à la GRC en vertu des articles et paragraphes 16.1, 16(1), 20(1) et 20(2) de la Charte et la Loi sur les langues officielles, L.R. (1985), c.31 (L.L.O.) ainsi que le règlement sur les langues officielles - communications avec le public et prestation des services (ci-après « règlement » ) lorsqu'elle assure les services policiers au Nouveau-Brunswick en vertu du contrat avec cette province.

LA QUESTION

[7]                 Le présent litige implique-t-il toutes les institutions du gouvernement et parlement du Canada opérant au Nouveau-Brunswick ou encore n'implique-t-il que la GRC? En répondant par l'affirmative, il va de soi que la pertinence des documents sera bien différente que si le litige est limité à la GRC.

ANALYSE

[8]                 Les faits du présent dossier démontrent que la GRC pour agir à titre de force de police dans la province du Nouveau-Brunswick le fait par l'entremise d'un contrat avec le gouvernement de la province. Dans cette situation particulière, la GRC n'a pas nécessairement les mêmes obligations qu'une autre institution du gouvernement et parlement du Canada qui agit dans cette province sans un tel contrat.

[9]                 De plus, les institutions du gouvernement et parlement du Canada opérant au Nouveau-Brunswick sont nombreuses et ont des tâches et obligations à assurer qui sont différentes. Il m'apparaît difficile dans ce litige de pouvoir généraliser et mettre en preuve les particularités des différentes institutions agissant au Nouveau-Brunswick de façon à permettre une décision éclairée.

[10]            À la lumière de ces commentaires, j'ajoute que la pertinence d'un document s'évalue en tenant compte des procédures, c'est-à-dire de la déclaration et de la défense ainsi que de l'interprétation raisonnable qu'on en fait (voir SmithKline Beecham Animal Health Inc. c. Canada [2002] A.C.F. no 837). À cet effet, j'ai analysé les deux documents ainsi que la comparaison faite par les avocats de la défenderesse dans son mémoire au paragraphe 9.

[11]            Cette étude des procédures et l'analyse m'amène à constater que les faits allégués ne concernent que la GRC avec la particularité que celle-ci, afin d'opérer comme force policière, le fait en vertu d'un contrat avec le gouvernement de la province du Nouveau-Brunswick.

[12]            Ayant à l'esprit les commentaires présentés ci-haut, je reprends chacune des demandes de la demanderesse et je commente:


a)          Tout document en la possession du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada relativement à la mise en oeuvre de la réglementation de la Loi sur les langues officielles du Canada dans la province du Nouveau-Brunswick. Dans l'alternative, toute correspondance entre le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et la Gendarmerie Royale du Canada (la « GRC » ) relativement à la mise en oeuvre de la réglementation de la Loi sur les langues officielles du Canada dans la province du Nouveau-Brunswick ;

Commentaire:    Les faits découlant de ce dossier ne concernent que la GRC seulement. Il n'y a aucun faits se référant à d'autres institutions du gouvernement et du Parlement du Canada. Cette demande (y incluant l'alternative) m'apparaît très vaste et n'est pas directement reliée aux faits allégués dans les plaidoiries. Je suis incapable d'identifier une certaine pertinence concernant un ou des documents.

b)          toute correspondance entre Marc Laplaine ou Joseph Ricciardi et André Bérubé ou Gloria Doiron concernant l'interprétation et la mise en oeuvre de la réglementation de la Loi sur les langues officielles du Canada dans la province du Nouveau-Brunswick;

Commentaire:    Cette demande m'apparaît très vaste et n'est pas directement reliée aux faits allégués dans les plaidoiries. Je suis incapable d'identifier la pertinence d'un document en particulier.

c)          Toute correspondance traitant de la langue de service après la signature du contrat entre la GRC et le gouvernement du Nouveau-Brunswick concernant les services policiers;

Commentaire:    Cette demande m'apparaît pertinente car elle se rattache aux faits du dossier et pourrait être utile au demandeur. Je note qu'on demande la correspondance pour la période faisant suite à la signature du contrat et qu'on limite la correspondance à celle de la langue de service.


d)          Toute correspondance traitant de la langue de service lors des négociations contractuelles entre la GRC et le gouvernement du Nouveau-Brunswick concernant les services policiers offerts par la GRC dans cette province;

Commentaire:    Cette demande est non-pertinente au présent litige. Un contrat a été signé par les parties et établit les obligations des parties. L'échange de correspondance avant le contrat n'est pas pertinent car c'est le contrat qui prévaut.

e)          Toute correspondance ou document traitant des mesures prises par le détachement de la GRC à Woodstock, au Nouveau-Brunswick, pour mettre en oeuvre le paragraphe 2(b) de la Loi sur les langues officielles du Canada afin      d' « appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et, d'une façon générale, de favoriser au sein de la société canadienne la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais » ;

Commentaire:    Cette demande m'apparaît reliée aux procédures des parties ainsi qu'aux faits du dossier et me semble pertinente.

[13]            En résumé, je réponds par la négative aux demandes a), b) et d); par l'affirmative aux demandes c), e).

[14]            En plus, la demanderesse demande en vertu des Règles 240 et 244 d'obliger la défenderesse à fournir l'information suivante:


Déterminer s'il y a eu des discussions et/ou échanges de correspondance entre le directeur des langues officielles de la GRC, M. André Bérubé, et Mme Carmelle Girouard, coordinatrice des langues officielles pour la GRC au Nouveau-Brunswick, quant au rapport de la Commissaire aux langues officielles du Canada relativement au cas présent. Déterminer si des représentants de la GRC ont eu des discussions externes relativement au rapport en question, l'identité des contacts externes ainsi que la nature de ces discussions?

[15]            Lors de l'interrogatoire au préalable de Mme Gloria Doiron, conseillère en politiques pour la GRC, l'avocat de la défenderesse s'est objecté pour raison de pertinence, à ce que Mme Doiron réponde aux questions concernant le rapport de la Commissaire aux langues officielles et les décisions qui avaient eu lieu autour de celui-ci. Ce rapport concerne les faits du présent dossier.

[16]            Il est reconnu par la jurisprudence que lors d'un interrogatoire au préalable, l'approche est moins formaliste que lors d'un procès et que l'objectif est de permettre aux parties de s'enquérir de l'existence de faits et d'en évaluer la pertinence. Toutefois, il faut que ce soit relié aux faits relatés dans les procédures. Tel que soumis par la demanderesse et indiqué par le juge MacKay dans l'affaire Sydney Steel Corp. C. Omisalj (Le), [1992] 2 C.F. 193:

Les avocats des parties conviennent que le critère relatif au bien-fondé d'une question posée dans le cadre d'un interrogatoire préalable est moins rigoureux que le critère relatif à l'admissibilité de la preuve au procès, et que le critère qu'il convient d'appliquer est de savoir si les renseignements sollicités par une question peuvent être pertinents aux points qui, au stade de l'interrogatoire préalable, sont litigieux dans les actes de procédure déposées par les parties.


[17]            La demande faite lors de l'interrogatoire au préalable concernant les discussions ou échanges de correspondance ayant comme sujet le rapport de la Commissaire aux langues officielles entre M. A. Bérubé et Mme C. Girouard et entre des représentants de la GRC et des gens à l'extérieur de la GRC en autant que limité au Secrétariat du Conseil du Trésor, m'apparaît pertinent étant donné qu'il s'agit d'un rapport ayant à la base les mêmes faits que le présent dossier. De plus, le Secrétariat du Conseil du Trésor joue un rôle important quant à l'application des obligations découlant de la L.L.O. et de ses règlements et il est admis en preuve que la GRC a contacté le Secrétariat au sujet du présent dossier.

[18]            J'autorise donc la demande de fournir l'information écrite mais je limite les discussions externes à celles entre le Secrétariat du Conseil du Trésor et la GRC.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE:

-           Pour tous ces motifs, la requête demandant une ordonnance enjoignant la défenderesse à modifier son affidavit de documents pour y ajouter certains documents est accordée en partie et la défenderesse doit inclure à l'affidavit de documents, les documents découlant des demandes c) et e). Quant à la demande de fournir de l'information écrite concernant les discussions et correspondance ayant comme sujet le Rapport de la Commissaire aux langues officielles, celle-ci est autorisée, mais la consultation avec des gens à l'extérieur de la GRC est limitée à celle entre la GRC et le Secrétariat du Conseil du Trésor.

-            Dépens à suivre.

                "Simon Noël"                      

Juge


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                 T-490-02

INTITULÉ :              Marie-Claire Paulin-Kaïré c. Sa Majesté La Reine

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL

DATE DES MOTIFS :                                     LE 27 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

                                     Me Michel Doucet

POUR LA DEMANDERESSE

Me G. Robert Basque, c.r.

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Patterson, Palmer

Moncton, N.-B.

POUR LA DEMANDERESSE

Forbes, Roth, Basque

Moncton, N.-B.

POUR LA DÉFENDERESSE


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.