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Date : 20190430


Dossier : IMM‑2350‑18

Référence : 2019 CF 548

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 avril 2019

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

XIA LI

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, Xia Li, est une citoyenne chinoise âgée de 30 ans. Elle est arrivée au Canada en 2013 et a demandé l’asile, disant craindre d’être persécutée du fait de ses croyances chrétiennes. Après le rejet de sa deuxième demande d’examen des risques avant renvoi [ERAR], l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] lui a donné l’ordre de se présenter pour son renvoi du Canada, fixé au 23 mai 2018. Huit jours avant le renvoi prévu, la demanderesse a présenté à l’ASFC une demande de report de renvoi.

[2]  Par décision en date du 18 mai 2018, un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs de l’ASFC [l’agent] a rejeté la demande de report de renvoi de la demanderesse. À la suite de ce refus, celle-ci a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire concernant la décision de l’agent, conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. Le 23 mai 2018, elle a également demandé et obtenu de notre Cour un sursis à l’exécution de son renvoi du Canada jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue sur sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Dans la présente demande de contrôle judiciaire, la demanderesse sollicite une ordonnance qui, non seulement annule la décision de l’agent, mais aussi qui sursoit à l’exécution de son renvoi du Canada, et ce, pour une période que la Cour jugera appropriée dans les circonstances de l’espèce.

I.  Le contexte

[3]  En janvier 2014, la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a fait droit à la demande de statut de réfugié sur place de la demanderesse, concluant que celle-ci était réellement une adepte du christianisme au Canada et que, parce qu’elle pratiquait sa religion au Canada, elle risquait d’être poursuivie si elle était renvoyée en Chine. Le ministre a toutefois porté la décision en appel devant la Section d’appel des réfugiés [SAR], qui, en juin 2014, l’a infirmée. La demanderesse a demandé l’autorisation de soumettre la décision défavorable de la SAR à un contrôle judiciaire, mais notre Cour a rejeté sa demande d’autorisation en juillet 2015.

[4]  La demanderesse a donné naissance à son fils, Aaron Li, en avril 2015. Le père biologique d’Aaron ne l’élève pas ou ne subvient pas à ses besoins, et il n’est pas en contact avec la demanderesse. Aaron est gardé par sa mère et, quand celle‑ci travaille, par des membres de sa congrégation religieuse.

[5]  En octobre 2015, la demanderesse a demandé le statut de résidente permanente depuis le Canada pour des motifs d’ordre humanitaire [CH]. Cette demande a été rejetée en décembre 2016. Elle a demandé un ERAR en mai 2016, mais cette demande a été rejetée en novembre 2016. Le ministre a consenti à ce que les demandes CH et d’ERAR de la demanderesse soient réexaminées en mai 2017, mais, après réexamen, les deux demandes ont été rejetées en août 2017. Plus tard au mois d’août, l’ASFC a déterminé que la demanderesse était prête pour son renvoi et il lui a donné l’ordre de se présenter à un entretien préalable à son renvoi le 19 septembre 2017.

[6]  En 2017, la demanderesse a rencontré l’homme qui est aujourd’hui son époux, Lei Li, un citoyen canadien, et ils se sont mariés le 29 janvier 2018. Quelques jours avant son mariage, elle a découvert qu’elle était enceinte et, trois jours plus tard, il a été établi qu’elle avait fait une fausse couche.

[7]  Le 19 mars 2018, l’époux de la demanderesse a présenté une demande de parrainage de conjoint afin de pouvoir parrainer cette dernière à titre de résidente permanente. Quelques jours plus tard, une psychologue a diagnostiqué que la demanderesse souffrait d’un trouble dépressif majeur, à épisode isolé, grave, avec trouble d’anxiété. Environ un mois plus tard, l’ASFC a donné ordre à la demanderesse de se présenter en vue de son renvoi. L’ASFC a rejeté sa demande de report de renvoi par décision en date du 18 mai 2018. C’est sur la décision de l’ASFC que porte la présente demande de contrôle judiciaire.

II.  La décision de l’agent

[8]  L’agent a fait remarquer au début de sa décision qu’un agent d’exécution de la loi a peu de latitude pour ce qui est d’accorder un report et que, si une telle mesure est prise, celle-ci ne doit pas empêcher d’exécuter la mesure de renvoi dans les plus brefs délais.

[9]  L’agent a pris acte de la demande de report de renvoi que la demanderesse avait présentée sur le fondement de la demande de parrainage de conjoint en instance. Il a signalé que cette demande n’avait été présentée que peu de temps avant qu’on donne à la demanderesse l’ordre de se présenter en vue de son renvoi, et qu’on avait commencé en septembre 2017 à prendre les dispositions relatives au renvoi. De l’avis de l’agent, la demande de parrainage n’avait pas été présentée dans les délais prescrits, et rien ne prouvait qu’une décision sur cette demande serait rendue sous peu. Il a ajouté qu’il n’y avait aucune preuve que la demanderesse ne pouvait pas être parrainée depuis l’étranger.

[10]  L’agent a fait référence à une politique de Citoyenneté et Immigration Canada qui permet à certaines personnes visées par le processus de parrainage de conjoint de bénéficier d’un report de renvoi administratif temporaire, précisant qu’elle ne s’appliquait qu’aux personnes qui en font la demande avant qu’on les considère comme prêtes à être renvoyées. Dans le cas de la demanderesse, l’agent a fait remarquer qu’on avait considéré à la fin du mois d’août 2017 qu’elle était prête à être renvoyée.

[11]  L’agent a indiqué de plus que les risques auxquels est exposée la demanderesse avaient été évalués par la SPR, par la SAR ainsi que dans le cadre du processus d’ERAR, et qu’elle avait bénéficié d’un examen complet de sa demande CH. Il a ensuite pris en considération l’intérêt supérieur de l’enfant de la demanderesse et a déclaré :

[traduction]

J’ai pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant concerné [...] J’ai également examiné les lettres et les photographies qui ont été soumises à notre bureau. Je suis réceptif, attentif et sensible à la situation de l’enfant. Je signale que le père de ce dernier a abandonné Mme Xia Li et son fils et que l’enfant a maintenant un beau-père, qui agit comme figure paternelle. J’ai également tenu compte du fait que Mme Xia Li a de la difficulté à élever son enfant et qu’elle compte sur des membres de son église pour prendre soin de lui. [...] La preuve qu’Aaron Li devra renoncer à sa citoyenneté canadienne ou qu’il n’obtiendra pas de certificat de résidence quand il arrivera en Chine n’était pas suffisante. De plus, je signale qu’Aaron Li voyagera avec sa mère, qui connaît la langue, la culture et les coutumes chinoises. Je signale aussi que l’enfant bénéficiera de l’amour et du soutien de sa mère, ce qui atténuera sa période d’adaptation. De plus, je note qu’Aaron est encore très jeune et qu’il y a donc des chances qu’il s’adapte plus facilement et naturellement à sa nouvelle situation. Compte tenu de tout ce qui précède, je ne crois pas que le conseil ait fourni une preuve suffisante pour justifier un report de renvoi du Canada.

[12]  L’agent a également examiné les problèmes liés aux politiques chinoises en matière de stérilisation des mères célibataires, aux paiements d’aide sociale et à la violation des politiques de planification familiale, signalant que[traduction] « plusieurs des déclarations qui ont été faites sont de nature conjecturale » et que [traduction] « certains des articles présentés datent d’un certain temps et ne représentent pas l’état actuel des choses en Chine ». L’agent a fait remarquer que rien ne prouvait que la demanderesse serait séparée de son époux pendant un temps indéterminé.

[13]  L’agent a ensuite abordé la question de la santé mentale de la demanderesse :

[traduction]

Je suis conscient que Mme Xia Li a peut-être des problèmes d’ordre psychologique, qu’on a diagnostiqué qu’elle souffrait de dépression et d’anxiété et qu’elle aimerait rester au Canada, mais la preuve [...] que son état l’empêcherait de voyager par avion est insuffisante. Mme Pilowsky déclare : « Elle continue d’avoir des idées suicidaires, mais elle maintient que l’amour de son fils l’empêche de donner suite à ses idées ». J’en conclus que, bien qu’elle ait des problèmes psychologiques, Mme Xia Li est capable, dans sa situation, de fonctionner de manière indépendante et de prendre soin de son enfant. La preuve [...] que Mme Xia Li ne serait pas en mesure de prendre soin de son enfant en Chine ou qu’elle ne sera pas capable de surmonter ses problèmes psychologiques dans ce pays est insuffisante.

[14]  L’agent a terminé en disant qu’il n’y avait pas assez d’éléments de preuve démontrant que la demanderesse, si elle était renvoyée en Chine, éprouverait des difficultés injustifiées ou excessives.

III.  Questions préliminaires

[15]  La demanderesse a présenté un document dont ne disposait pas l’agent et qui ne figure pas dans le dossier certifié du tribunal [DCT], c’est-à-dire une réponse à une demande d’information de juillet 2017 au sujet du traitement des enfants [traduction] « illégitimes » ou [traduction] « noirs » nés en dehors du cadre de la politique de planification familiale de la Chine. Je conviens avec le défendeur que cet élément ne doit pas être pris en compte dans le cadre de l’examen de la décision de l’agent, et j’en ai fait abstraction pour rendre ma décision.

[16]  Il y a aussi quelques lacunes dans le dossier de la demanderesse, comme une copie incomplète de la décision faisant l’objet du présent contrôle, des pièces mal étiquetées, aucune copie de la demande de report et des copies incomplètes des décisions d’ERAR. Cependant, ces lacunes sont mineures et n’empêchent pas la Cour de contrôler la décision de l’agent parce que le DCT est complet; cela étant, il n’y a aucun manquement à l’équité procédurale envers le défendeur.

IV.  Analyse

[17]  La principale question qui requiert l’attention de la Cour consiste à savoir si la décision de l’agent de ne pas reporter le renvoi de la demanderesse est raisonnable.

[18]  La décision d’un agent d’exécution de la loi quant à l’opportunité de reporter le renvoi d’une personne du Canada commande la retenue et est assujettie à la norme de la décision raisonnable (Baron c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2009 CAF 81, au paragraphe 25 [Baron]; Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130, au paragraphe 43 [Lewis]).

[19]  La norme de la décision raisonnable commande à la Cour, lorsqu’elle examine une décision administrative, de s’attarder « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47). Ces critères sont respectés si les motifs « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16).

A.  La portée du pouvoir discrétionnaire d’un agent de renvoi

[20]  Le pouvoir discrétionnaire dont jouit un agent d’exécution de la loi pour ce qui est de reporter un renvoi est restreint. Comme l’a dit la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Baron : « [i]l est de jurisprudence constante que le pouvoir discrétionnaire dont disposent les agents d’exécution en matière de report d’une mesure de renvoi est limité » (au paragraphe 49). Dans cet arrêt, le juge Nadon a cité la décision Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 3 CF 682, au paragraphe 48 [Wang], où la Cour a dit, dans le cas du report d’une mesure de renvoi, qu’il convient de « réserver l'exercice de ce pouvoir aux affaires où il y a des demandes ou procédures pendantes et où le défaut de différer ferait que la vie du demandeur serait menacée, ou qu'il serait exposé à des sanctions excessives ou à un traitement inhumain, alors qu'un report pourrait faire que la mesure devienne de nul effet » (voir aussi Lewis, au paragraphe 54).

(1)  La demande CH en instance

[21]  Un agent d’exécution de la loi a peu de marge pour ce qui est d’examiner les motifs CH qui sont soulevés dans le contexte d’une demande de report d’une mesure de renvoi. Tant notre Cour que la Cour d’appel fédérale ont dit qu’« en l'absence de considérations particulières » une demande de résidence permanente fondée sur des motifs CH qui est en instance ne fait pas obstacle à l’exécution d’une mesure de renvoi valide, à moins d’une menace à la sécurité personnelle (Baron, au paragraphe 50; Wang, au paragraphe 45; Lewis, aux paragraphes 56 et 57; Arrechavala de Roman c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CF 478, au paragraphe 25; et Simoes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 187 FTR 219, au paragraphe 12 [Simoes]).

[22]  Dans l’arrêt Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Shpati, 2011 CAF 286, au paragraphe 45, la Cour d’appel a déclaré que les agents d’exécution de la loi « disposent de peu de latitude et les reports sont censés être temporaires. Les agents d’exécution ne sont pas censés se prononcer sur les demandes d’ERAR ou de CH ou rendre de nouvelles décisions à ce sujet ». Dans la décision Munar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1180, au paragraphe 36 [Munar], la Cour a fait observer que les agents d’exécution de la loi ne sont pas tenus de procéder à un examen approfondi et complet des circonstances d’ordre humanitaire que l’on considère comme faisant partie d’une évaluation CH, car « [c]eci constituerait non seulement une ‘demande préalable’ CH, comme le dit le juge Nadon dans l’affaire Simoes, mais il y aurait double emploi jusqu’à un certain point avec la vraie évaluation CH ».

[23]  Plus récemment, dans la décision Newman c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 888 [Newman], la Cour a déclaré :

[19] [...] peu importe que la demande CH d’un candidat attire la sympathie ou la nature impérieuse des facteurs sous-jacents, les agents de l’ASFC ne sont pas tenus d’enquêter sur les facteurs CH présentés par un demandeur, car le devoir de ces agents n’est pas d’agir en tant que tribunal de dernière minute des demandes CH. L’obligation de mener une évaluation des facteurs CH incombe à un agent responsable de trancher les demandes CH. Il est bien établi qu’un agent de renvoi n’est pas tenu de mener une enquête préliminaire ou une mini analyse CH et d’évaluer le bien-fondé d’une demande CH [Renvois omis].

[24]  Compte tenu de ce qui précède, on peut dire qu’une demande CH en instance ne peut justifier le report d’un renvoi que s’il existe des « considérations spéciales » ou une menace à la sécurité personnelle. Comme l’a fait remarquer la Cour dans la décision Newman, les « considérations spéciales » sont d’une portée plus large qu’une menace pour la sécurité personnelle, mais elles ne comprennent pas « la force ou la nature impérieuse de la demande CH sous-jacente » (au paragraphe 29); « [c]es considérations doivent donc être examinées en tenant compte de la latitude restreinte accordée aux agents d’exécution quant aux demandes de report du renvoi. [...] [E]lles doivent transcender le seul fondement de la demande CH, sinon toutes les demandes CH feraient l’objet de ‘considérations spéciales’ » (au paragraphe 30).

(2)  L’intérêt supérieur de l’enfant

[25]  La mesure dans laquelle un agent d’exécution de la loi doit s’intéresser à l’intérêt supérieur d’un enfant est restreinte. Dans l’arrêt Baron, le juge Nadon a déclaré : « l’agent chargé du renvoi n’est pas tenu d’effectuer un examen approfondi de l’intérêt supérieur des enfants avant d’exécuter la mesure de renvoi » (au paragraphe 57). Dans la décision Munar, le juge de Montigny a conclu que « l’obligation de l’agent de renvoi d’examiner l’intérêt des enfants nés au Canada se situe du côté d’un examen moins élaboré » (au paragraphe 38). Contrairement à l’agent d’immigration, qui est tenu de soupeser l’intérêt supérieur à long terme de l’enfant dans le contexte d’une demande CH, l’agent d’exécution de la loi ne doit s’intéresser qu’à l’intérêt supérieur à court terme de l’enfant. Il doit par exemple se demander s’il y a lieu de « surseoir au renvoi jusqu’à ce que l’enfant ait terminé son année scolaire, si l’enfant doit quitter avec l’un de ses parents » (au paragraphe 40).

[26]  Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Varga, 2006 CAF 394, au paragraphe 16, le juge Evans a écrit : « [c]ompte tenu du peu de latitude dont jouit l’agent de renvoi pour l’accomplissement de ses tâches, son obligation, le cas échéant, de prendre en considération l’intérêt des enfants touchés est minime, contrairement à l’examen complet qui doit être mené dans le cadre d’une demande CH présentée en vertu du paragraphe 25(1) ».

[27]  Plus récemment, dans la décision Kampemana c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 1060, au paragraphe 34, [Kampemana], la Cour a confirmé que, bien que l’agent d’exécution de la loi soit « tenu de considérer l’intérêt immédiat et à court terme des enfants et d’en traiter équitablement et avec sensibilité », il « n’est pas tenu d’effectuer un examen approfondi de l’intérêt supérieur des enfants avant d’exécuter la mesure de renvoi ». Dans le même ordre d’idées, dans l’arrêt Lewis, la Cour d’appel a conclu que « la jurisprudence actuelle permet à l’agent d’exécution d’examiner l’intérêt supérieur à court terme des enfants lorsque leurs parents font l’objet d’un renvoi du Canada, mais il ne peut se livrer à une véritable analyse des motifs d’ordre humanitaire quand il s’agit de déterminer l’intérêt supérieur à long terme de ces enfants » (au paragraphe 61).

[28]  La jurisprudence a établi que les agents d’exécution de la loi sont tenus de prendre en compte l’intérêt supérieur à court terme d’un enfant de manière équitable et avec sensibilité (Joarder c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 230, au paragraphe 3; Kampemana, au paragraphe 34). Il est également évident que, « si l’intérêt supérieur des enfants est certainement un facteur dont il faut tenir compte dans le contexte d’une mesure de renvoi, il ne s’agit toutefois pas d’un facteur déterminant » (Pangallo c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2014 CF 229, au paragraphe 25).

(3)  La demande de parrainage de conjoint en instance

[29]  Un agent de renvoi ne peut reporter un renvoi simplement parce qu’une demande de parrainage de conjoint est en instance. Ainsi que l’a déclaré la Cour dans la décision Forde c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 1029 :

[38]  [...] dans l’arrêt Lewis [...] la Cour a fait remarquer que « c’est seulement lorsqu’une demande CH présentée en temps utile est toujours en suspens en raison d’un retard dans le traitement que le report peut être justifié » [non souligné dans l’original]: Lewis, précité, au paragraphe 81; Baron, précité, au paragraphe 49. Dans l’arrêt Lewis, la Cour a expliqué que, s’il en était autrement, une personne visée par une mesure de renvoi pourrait retarder son renvoi du Canada en présentant une demande CH peu de temps avant une mesure de renvoi prévue, créant ainsi « une échappatoire importante » dans le régime de la LIPR : Lewis, précité, au paragraphe 80.

[39]  La même logique s’appliquerait aux demandes de parrainage de conjoint en attente.

[40]  Permettre à une personne d’éviter le renvoi du Canada par le dépôt d’une demande de parrainage de conjoint ou d’une demande CH peu de temps avant le renvoi prévu, ou même bien longtemps après avoir été avisée qu’elle fait l’objet d’un renvoi, serait contraire aux principes énoncés dans l’arrêt Lewis et dans la jurisprudence qui est y est citée. Selon cette jurisprudence, l’agent de renvoi n’a pas le droit de reporter le renvoi lorsqu’il est peu probable qu’une décision concernant une demande en instance soit imminente : [Renvois omis]. De plus, l’agent de renvoi n’a pas le pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi à une date indéterminée : [Renvois omis]. Plutôt, les « considérations spéciales » qui peuvent justifier le report doivent être associées à la contestation de l’imminence du renvoi et ne peuvent être plus que temporaires de nature : [Renvois omis]. Dans ce contexte, le mot « temporaire » ne peut être interprété comme incluant un report d’une période indéterminée ou prolongée.

B.  La décision de l’agent est-elle raisonnable?

[30]  En l’espèce, il était raisonnable que l’agent ne reporte pas le renvoi de la demanderesse simplement à cause d’une demande de parrainage de conjoint en instance. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a reçu la demande le 19 mars 2018. L’ASFC a donné l’ordre à la demanderesse de se présenter en vue de son renvoi environ sept semaines plus tard, soit le 2 mai 2018. L’agent a fait remarquer qu’on avait commencé en septembre 2017 à prendre les dispositions relatives au renvoi et que rien ne tendait à démontrer qu’une décision sur la demande de parrainage serait rendue sous peu. Dans ces circonstances, l’agent a décidé avec raison de ne pas reporter le renvoi pour ce motif.

[31]  Il était toutefois déraisonnable de la part de l’agent de ne pas tenir compte du fait que le renvoi lui-même causerait à la demanderesse d’autres problèmes psychologiques. Il n’a pas tenu compte de ce que ça pouvait représenter pour elle.

[32]  La psychologue a conclu que la demanderesse était devenue [traduction] « fragile psychologiquement ». Dans son rapport daté du 23 mars 2018, elle a émis l’opinion que si la demanderesse était renvoyée en Chine :

[traduction]

[...] son état psychologique se détériorerait. L’obliger à confronter son pays d’origine serait dévastateur [et] l’absence de soutien ou de protection de membres de la famille contribuerait à aggraver sa détérioration.

[...] L’état psychologique de Mme Li [...] fait ressortir le risque d’une détérioration psychologique, advenant qu’on ordonne son retour en Chine.

[...] si on permettait à Mme Li de rester au Canada, [...] elle sera en mesure de poursuivre finalement son rétablissement. [...]

[33]  À mon avis, l’agent a mal interprété la preuve concernant la santé mentale de la demanderesse. Il a reconnu que cette dernière [traduction] « a peut-être des problèmes psychologiques », mais il a néanmoins déclaré que [traduction] « la preuve [...] que son état l’empêcherait de voyager par avion est insuffisante ». La preuve psychologique ne traitait pas de la capacité de la demanderesse de voyager par avion, mais plutôt du préjudice qu’elle subirait si on ne lui accordait pas un report de renvoi. La conclusion de l’agent à cet égard est déraisonnable, car elle témoigne d’une mauvaise interprétation du fait que le renvoi lui-même causerait à la demanderesse d’autres problèmes psychologiques.

[34]  L’évaluation que l’agent a faite de la preuve psychologique est à ce point déraisonnable que la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse sera accueillie.

C.  Devrait‑il y avoir un verdict imposé?

[35]  En plus d’une ordonnance annulant la décision de l’agent, la demanderesse a demandé une ordonnance sursoyant à son renvoi du Canada pour une période que la Cour estimera appropriée dans les circonstances de l’espèce. Cette dernière demande est de la nature d’un « verdict imposé ».

[36]  Le pouvoir qu’a la Cour de rendre ce qui est assimilable à une décision imposée découle du libellé de l’alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F‑7, qui dispose que la Cour peut, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, « annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, [...] toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral ». [Non souligné dans l’original.]

[37]  Il est généralement admis que la Cour doit faire preuve d’une grande retenue quand elle donne des instructions qui sont assimilables à une décision imposée car cela amène à se demander si elle n’accomplit pas indirectement ce qu’elle n’est pas autorisée à faire directement – c’est‑à‑dire, substituer sa propre décision à celle du décideur administratif en obligeant ce dernier à arriver à une conclusion précise (Turanskaya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] ACF no 1776, au paragraphe 6 (conf. par [1997] ACF no 254).

[38]  Même si, lorsqu’elle infirme la décision d’un tribunal administratif, la Cour peut donner des instructions de la nature d’un verdict imposé, « il s'agit d'un pouvoir exceptionnel ne devant être exercé que dans les cas les plus clairs [...] Ce pouvoir doit rarement être exercé dans les cas où la question en litige est de nature essentiellement factuelle [...] » Rafuse c Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2002 CAF 31, au paragraphe 14.

[39]  Plus récemment, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Yansane, 2017 CAF 48 :

[18]  [...] Il ne faut jamais perdre de vue que de telles directives ou instructions dérogent à la logique du contrôle judiciaire, et que leur utilisation abusive et injustifiée irait à l’encontre de la volonté du législateur de confier à des organismes administratifs spécialisés le soin de se prononcer sur des questions qui requièrent souvent une expertise que ne possèdent pas les tribunaux de droit commun. Il en va ainsi tout particulièrement en ce qui concerne l’admissibilité et l’appréciation des preuves, qui se trouve au cœur même du mandat confié aux décideurs administratifs.

[40]  Dans l’arrêt Giguère c Chambre des notaires du Québec, 2004 CSC 1, la Cour suprême du Canada a fait observer :

66  Une cour de justice ne peut substituer sa décision à celle d’un décideur administratif à la légère ou de manière arbitraire, sans justification sérieuse. Ainsi, un tribunal judiciaire peut statuer sur le fond si le renvoi au tribunal administratif s’avère inutile : [renvois omis]. C’est aussi le cas lorsque, une fois l’illégalité corrigée, le décideur administratif est sans compétence, faute d’assise juridique [...] Il en va de même lorsque, suivant les circonstances et la preuve au dossier, une seule interprétation ou solution est envisageable, c’est‑à‑dire que toute autre interprétation ou solution serait déraisonnable [renvois omis].

[41]  Malgré ces observations, il est bien établi dans la jurisprudence qu’il y a des cas où la Cour peut donner des instructions qui sont assimilables à un verdict imposé. Par exemple, la Cour d’appel fédérale a fait remarquer dans l’arrêt Turanskaya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] ACF no 254 :

6   Les « instructions » que l'alinéa 18.1(3)b) habilite la Section de première instance à donner varieront selon les circonstances de la cause. Si, par exemple, il subsiste des questions de fait à trancher, il conviendrait qu'elle renvoie l'affaire pour nouvelle instruction par le même tribunal ou par un tribunal de composition différente, selon les circonstances de la cause. [...]

[42]  Dans la décision Ali c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 3 CF 73 [Ali], la juge Reed a signalé que, dans l’arrêt Punniamoorthy c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1994] ACF no 104, la Cour d’appel fédérale s’est posée diverses questions dans le cadre de l’examen d’une demande visant à rendre un jugement assorti d’instructions :

19  Voici le genre de questions que la Cour d’appel s’est posées : les preuves versées aux débats sont-elles si nettement concluantes que la seule conclusion qui puisse en être tirée serait que le demandeur de statut est effectivement un réfugié au sens de la Convention; la seule question à trancher est-elle une pure question de droit, concluante aux fins de la cause; la question de droit ainsi posée est-elle fondée sur des faits qui sont admis et sur des preuves incontestées; l’affaire dépend-elle d’une question de fait sur laquelle la preuve est partagée?

[43]  Dans la décision Xie c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 75 FTR 125 [Xie], le juge Rothstein a émis l’opinion suivante :

[traduction]

17  [...] Il ne ressort nullement de l’interprétation du paragraphe 18.1(3) que la Cour est compétente pour remplacer la décision du tribunal qui fait l’objet du contrôle judiciaire par son opinion et pour rendre la décision que le tribunal aurait dû rendre. Si le législateur avait voulu que la Cour substitue sa décision à celle de la Commission ou du tribunal dont la décision fait l’objet d’un contrôle judiciaire, il l’aurait facilement indiqué dans la Loi. [...] Étant donné que ces termes ne sont pas inscrits dans la Loi relativement au contrôle judiciaire de la Cour fédérale, je suis d’avis que la Cour n’est pas compétente pour substituer sa décision à celle du tribunal dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

18  Bien que la Cour ne soit pas compétente pour renvoyer une affaire afin qu’elle soit examinée de nouveau conformément aux directives qu’elle juge à‑propos, il me semble que la Cour ne devrait donner à un tribunal des directives de la nature d’un verdict commandé que lorsque l’affaire est simple et que la décision de la Cour relativement au contrôle judiciaire réglerait l’affaire dont le tribunal est saisi. Bien que, en règle générale, de tels cas se produiront certainement, la Cour devrait laisser aux tribunaux, avec leur expertise dans les questions à l’égard desquelles ils sont compétents, le droit de prendre des décisions sur le fond d’après les éléments de preuve qui leur ont été présentés.

[44]  Les décisions Ali et Xie ne sont pas contradictoires, mais les deux ne mettent pas l’accent sur les mêmes points. Dans Ali, la Cour dit qu’il convient de rendre une décision imposée quand (de l’avis de la Cour) la preuve au dossier est si nettement concluante qu’il n’y a qu’un seul résultat ou une seule issue possible, tandis que dans Xie, la Cour explique que, puisque c’est au tribunal que la loi confère le pouvoir de prendre la décision, la Cour ne devrait lui donner des instructions de la nature d’un verdict imposé que dans les cas où l’affaire est simple et où la décision que rendrait la Cour lors du contrôle judiciaire réglerait l’affaire dont le tribunal est saisi.

[45]  Notre Cour s’est montrée hésitante à rendre une décision imposée lorsque des questions de fait sont importantes pour la décision à rendre et qu’il y a une ambiguïté dans la preuve (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 757, au paragraphe 53; Xin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1339, au paragraphe 6; McIlvenna c Banque de Nouvelle-Écosse (Banque Scotia), 2017 CF 699, au paragraphe 62; et Asslafi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 586, au paragraphe 27).

[46]  Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Tennant, 2018 CAF 132 [Tennant], le juge Stratas a rejeté une requête présentée par le défendeur en vue de faire retirer un avis d’appel du dossier de la Cour et de clore ce dernier parce qu’aucune question n’avait été certifiée en vertu de l’alinéa 22.2d) de la Loi sur la citoyenneté, LRC (1985), c C‑29. Ce faisant, il a mis en doute le pouvoir de rendre un verdict imposé :

[28]  [...] il est question dans les motifs de la Cour fédérale de ce qui s’appelle un « verdict imposé » – une mesure de réparation qui n’est pas prévue à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. La Cour fédérale entendait peut-être rendre une ordonnance de mandamus, qui fait partie des mesures énumérées : [Renvois omis]. Or une ordonnance de mandamus (qui oblige un décideur administratif à prendre des mesures concrètes) est uniquement rendue lorsque certaines conditions préalables relativement rares sont réunies : [renvois omis]. De plus, dans le cas d’une ordonnance de mandamus, c’est le ministre qui prend la mesure administrative requise, et non la Cour.

[29]  La formation chargée d’instruire l’appel aura à trancher ces questions et toutes les autres questions qui auraient une incidence sur la validité du jugement de la Cour fédérale.

[47]  L’appel dans l’affaire Tennant a été entendu le 13 février 2019, mais la décision n’a pas encore été rendue.

[48]  Bien que des verdicts imposés aient été rendus dans diverses affaires en matière d’immigration – dont : une demande de citoyenneté (Fisher-Tennant c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 151, aux paragraphes 34 et 35), une demande CH (Kargbo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 469, aux paragraphes 24 à 27) et une demande de visa de résident temporaire (Rudder c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 689, au paragraphe 37) – la présente affaire ne justifie pas une telle mesure.

[49]  La requête de la demanderesse en vue d’obtenir une ordonnance sursoyant à l’exécution de son renvoi du Canada pour une période que fixera la Cour ne met pas jeu des circonstances exceptionnelles ou impérieuses. La présente affaire n’en est pas une où la preuve incontestée qui figure au dossier est à ce point concluante qu’il n’y a qu’une seule conclusion ou issue possible. Le renvoi de l’affaire à un autre agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs ne serait pas futile, car il se peut qu’un agent différent évalue la demande de report de renvoi de la demanderesse autrement que l’agent l’a fait en l’espèce; la demande pourrait être accueillie après réexamen. Je refuse donc de rendre une ordonnance sursoyant au renvoi de la demanderesse du Canada.

V.  Conclusion

[50]  La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est accueillie. L’agent a évalué de manière déraisonnable la preuve psychologique selon laquelle le renvoi lui-même causerait à la demanderesse d’autres problèmes psychologiques.

[51]  Ni l’une ni l’autre des parties n’a soulevé une question grave de portée générale, et aucune question de cette nature n’est donc certifiée.

[52]  Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le défendeur approprié est le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en vertu du paragraphe 4(2) de la LIPR. Compte tenu de son ordonnance du 23 mai 2018, la Cour réitère que l’intitulé de la cause est modifié de façon à désigner comme défendeur le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, plutôt que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑2350‑18

LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est accueillie; la décision de l’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs, datée du 18 mai 2018 est infirmée; l’affaire est renvoyée pour réexamen par un autre agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs, conformément aux motifs du présent jugement; et aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 15e jour de juillet 2019.

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2350‑18

 

INTITULÉ :

XIA LI c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 JANVIER 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 AVRIL 2019

 

COMPARUTIONS :

Anna Shabotynsky

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Veronica Cham

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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