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                                                                                                                                               IMM-1316-97

ENTRE

                                                               ANGELA CHESTERS,

                                                                                                                                               demanderesse,

                                                                                   et

                                    SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

REPRÉSENTÉE PAR

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                                  défenderesse.

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE ADJOINT GILES

            Dans la présente action, la demanderesse a sollicité des déclarations et des dommages-intérêts contre la Couronne et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Le sous-procureur général a demandé, au moyen de la requête dont je suis ici saisi, la radiation de la déclaration au complet ou, subsidiairement, la radiation des parties de la déclaration (paragraphe 49) dans lesquelles on demande des déclarations et la suspension du reste de l'action (soit la partie dans laquelle des dommages-intérêts sont sollicités) tant qu'une décision finale ne sera pas rendue à la suite de la présentation régulière d'une demande de contrôle judiciaire.

            Le sous-procureur général soutient que le recours contre l'office fédéral doit être exercé au moyen de la présentation d'une demande de contrôle judiciaire, étant donné qu'en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, on ne peut obtenir un jugement déclaratoire dans une action. La demanderesse soutient qu'étant donné que l'office n'avait pas compétence pour statuer que la disposition législative était inopérante pour le motif qu'elle enfreignait la Charte, cette cour ne peut pas rendre pareil jugement dans le cadre du contrôle judiciaire de la décision de l'office.

            De plus, le sous-procureur général soutient qu'en général, on n'accorde pas de dommages-intérêts en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte si les mesures reprochées ont été prises avant que les dispositions législatives visant à les autoriser soient annulées en vertu de l'article 52. La demanderesse soutient que c'est peut-être généralement le cas, mais qu'il s'agit probablement ici d'un cas spécial et que la question de savoir s'il s'agit d'un cas spécial devrait être réglée à l'audience.

            Je tiens à faire remarquer qu'à mon avis, deux ou trois catégories de déclarations sont en cause dans la demande de réparation, dont les parties pertinentes se lisent comme suit :

            [TRADUCTION]

            a)          une déclaration portant que le sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, dans sa forme modifiée, est incompatible avec l'article 7 et le paragraphe 15(1) de la Charte et que cette disposition est donc inopérante conformément au paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 et ne peut pas être sauvegardée en vertu de l'article premier de la Charte;

            b)          une déclaration portant que le refus de la défenderesse de faire droit à la demande de résidence permanente pour le motif qu'elle n'est pas admissible en vertu du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration constitue une violation des droits que lui reconnaissent l'article 7 et le paragraphe 15(1) de la Charte;

            c)          une déclaration portant qu'elle a droit au statut de résidente permanente au Canada;

            d)          s'il est conclu que le sous-alinéa 19(1)a)(ii) est inopérant en vertu du paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 et que la déclaration d'invalidité est suspendue de façon à permettre à la défenderesse de modifier les dispositions contestées, une exemption constitutionnelle de l'application du sous-alinéa 19(1)a)(ii);

L'alinéa a) du paragraphe 49 de la demande de réparation porte sur la validité de la disposition législative et ne se rapporte qu'indirectement, le cas échéant, à la décision de l'office. L'alinéa b) se rapporte à la décision par laquelle l'office a nié à la demanderesse ses présumés droits, ce qui pourrait à juste titre faire l'objet d'un contrôle judiciaire. L'alinéa c) se rapporte à une décision que l'office pourrait rendre, mais je me demande si cette cour a compétence pour faire la déclaration demandée. À mon avis, l'alinéa d) dépend de l'alinéa a) et devrait être maintenu ou radié selon que l'alinéa a) est maintenu ou radié.

            En ce qui concerne les déclarations comme celle dont il est question à l'alinéa a), je remarque qu'elles auraient pour effet de rendre inopérante une disposition législative. À première vue, l'alinéa a) ne vise pas un office fédéral. Il faut faire une distinction entre ce genre de déclaration et la déclaration visée à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, ne serait-ce que parce que le pouvoir central n'est pas autorisé à conférer une compétence exclusive à la Cour fédérale, puisque les tribunaux provinciaux ont également le droit de déclarer une disposition législative inconstitutionnelle ou de conclure qu'elle viole la Charte. De plus, pareille déclaration ne se rapporte pas à première vue à la contestation d'une décision d'un office fédéral, mais plutôt d'une disposition législative fédérale. Je conclus qu'une déclaration de ce genre peut être demandée dans une action. Comme il en a ci-dessus été fait mention, l'alinéa b) se rapporte à la contestation de la décision d'un office et la déclaration ne devrait à bon droit être demandée que dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

            À mon avis, les alinéas b) et c) de la demande de réparation doivent être radiés. Les alinéas a) et d) peuvent à juste titre être maintenus dans une action visant à faire déclarer la disposition législative inopérante et à obtenir des dommages-intérêts (l' « action en dommages-intérêts » ). Je souscris aux arguments de l'avocate de la demanderesse, qui affirme que la question de savoir de si des dommages-intérêts peuvent être accordés à l'égard de mesures prises avant qu'une disposition législative soit jugée inconstitutionnelle est une question qui relève du juge présidant l'audience. Je ne radierai pas l'action en dommage-intérêts. Je n'ai pas l'intention de suspendre l'action en dommages-intérêts parce que, à mon avis, la demanderesse peut poursuivre l'action qu'elle a intentée en vue de faire déclarer la disposition législative inopérante et peut-être en vue d'obtenir des dommages-intérêts, et ce, que la décision de l'office soit infirmée ou non. Quoi qu'il en soit, si la disposition législative est annulée, je me demande s'il est plus facile pour la demanderesse de venir au Canada en contestant la décision qu'en présentant une nouvelle demande à un office qui serait au courant de toute décision de cette cour annulant la disposition législative en question.

ORDONNANCE

            Les alinéas b) et c) du paragraphe 49 de la déclaration sont radiés. La demanderesse pourra dans un délai de trois (3) semaines déposer, conformément aux motifs susmentionnés, une déclaration modifiée dans laquelle les modifications pertinentes auront été faites. La défenderesse pourra déposer une défense dans les trente (30) jours qui suivront la signification de la déclaration modifiée.

            Les frais de cette requête suivront l'issue de l'affaire.

                                                                                                                                        « Peter A.K. Giles »      

                                                                                                                                        Protonotaire adjoint

Toronto (Ontario)

Le 9 juillet 1997

Traduction certifiée conforme                                                                                                                                                                        

                                                                                                                                C. Delon, LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                               AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 IMM-1316-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :             ANGELA CHESTERS

                                                                ET

                                                                SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION.

Affaire examinée à Toronto (Ontario) en vertu de l'article 324 des Règles.

MOTIFS ET DISPOSITIF

DE L'ORDONNANCE :                     du protonotaire adjoint Giles en date du 9 juillet 1997

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

            Sharon Ffolkes Abrahams ARCH                                    pour la demanderesse

            40, boulevard Orchard View

            bureau 255

            Toronto (Ontario)

            M4R 1B9

            George Thomson                                                              pour la défenderesse

            Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

No du greffe : IMM-1316-96

Entre

ANGELA CHESTERS

requérante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

intimée.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

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