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Date : 20000724


Dossier : IMM-431-00



ENTRE :


QIONGYU HU



demandeur


et



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


défendeur



MOTIFS D'ORDONNANCE


M. JOHN A. HARGRAVE,

PROTONOTAIRE


[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire contre la décision d'un agent des visas qui, en traitant une demande de résidence permanente, a, semble-t-il, mal apprécié l'importance qu'il convenait d'accorder à l'éducation formelle que M. Qiongyu Hu a reçue. Les présents motifs font suite à une requête par laquelle le défendeur cherche à obtenir une deuxième prorogation du délai applicable au dépôt d'un affidavit que l'agent des visas en cause n'a pas encore signé.

[2]      Il est clair que Citoyenneté et Immigration ne prend pas l'affaire au sérieux ou encore qu'il ne traite pas l'affaire de façon compétente. Tous les intervenants au dossier perdent leur temps. La requête est donc rejetée.

[3]      Plus particulièrement, la Cour a d'abord été saisie du cas de M. Qiongyu Hu dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire qui avait été déposée dans l'instance no IMM-2995-99. Dans cette instance, le défendeur avait consenti à la demande : il paraissait clair que l'agent des visas qui avait traité la demande de résidence permanente de M. Qiongyu Hu avait mal apprécié l'éducation de ce dernier.

[4]      En ce qui concerne ce consentement, ayant à l'esprit la mise en garde de M. le juge Rothstein (tel était alors son titre) dans Sheng Xie c. MEI (1994), 75 F.T.R. 125, à la p. 130, j'ai expressément refusé de donner des directives au nouvel agent des visas sur la façon dont il devait traiter la demande, notamment sur l'importance qu'il devait accorder à un diplôme obtenu dans une discipline liée à la traduction :

[TRADUCTION] Pour ce qui est d'une directive au nouvel agent des visas, je ne suis pas convaincu que le demandeur a droit à un résultat en particulier, car la question de savoir si un diplôme de baccalauréat de l'institut des langues étrangères de Sichuan, dont la composante majeure est le français et qui comporte des cours de traduction, lecture intensive, dictée, grammaire, et d'expression et compréhension, constitue un diplôme dans une discipline liée à un diplôme de baccalauréat en traduction sera fort probablement une question mixte de fait et de droit. Cependant, il est clair qu'il ne devrait pas être nécessaire en l'espèce que la Cour explique au nouvel agent des visas comment faire son travail. En faisant des recommandations, la Cour reconnaît implicitement que le nouvel agent des visas considérera et appliquera le concept qu'un diplôme de baccalauréat avec une composante majeure d'études linguistiques et des cours portant clairement sur la profession de traducteur ou d'interprète peut constituer un diplôme dans une discipline connexe au sens du no 5125 de la Classification nationale des professions de même que le concept selon lequel on doit accorder une signification à l'idée que contient la Classification nationale des professions pour ce qui est d'un diplôme dans une discipline connexe.

Je souhaitais que l'agent des visas s'inspire de mes remarques, malgré le fait qu'elles ne constituaient pas une directive, ou du moins qu'il ne commette pas la même erreur en appréciant et appliquant le concept, que définit la Classification nationale des professions, d'un diplôme dans une discipline connexe. Ma décision n'a pas, semble-t-il, été portée à l'attention de l'agent des visas.

[5]      Dans l'intervalle, M. le juge Muldoon a dit clairement, dans la décision Yue Wu Dai c. M.C.I., une décision non publiée datée du 19 avril 1999 qui a été rendue dans le dossier no IMM-749-99 et qui portait sur l'appréciation d'un diplôme semblable à un diplôme en traduction, que la personne qui avait réussi des cours pertinents, notamment en « traduction anglaise, composition anglaise, traduction, interprétation, journaux de langue anglaise, affaires courantes, anglais oral, compréhension orale, grammaire anglaise, lecture avancée en anglais... » , avait, de fait, un diplôme dans une discipline liée à la traduction. Monsieur le juge Muldoon a renvoyé l'affaire à l'agent des visas en lui donnant des directives qui équivalaient à un verdict imposé. Les cours que M. Yue Wu Dai avait suivis dans cette affaire et qui avaient été considérés comme satisfaisants sont essentiellement les mêmes cours que ceux que M. Qiongyu Hu a suivis en l'espèce, mais qui, cette fois-ci, n'ont pas été jugés satisfaisants.

[6]      Quoi qu'il en soit, lorsque la deuxième demande de résidence permanente de M. Qiongyu Hu a été soumise à un nouvel agent des visas, cet agent a, semble-t-il, commis la même erreur en appréciant le concept de l'équivalence des diplômes. Cette erreur répétée a donné lieu, dans la seconde demande, à la présente demande de contrôle judiciaire, qui porte le no IMM-431-00.

[7]      Comme c'était cas dans le cadre de la première instance, l'avocat du défendeur a reconnu que le deuxième agent des visas a lui aussi commis une erreur en présentant une requête cherchant à obtenir que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que la demande soit présentée de nouveau, cette fois à un troisième agent des visas. Monsieur le juge Campbell a refusé d'accueillir cette requête sans exposer de motifs autres que l'absence de consentement.

[8]      La décision de M. le juge Campbell était de nature pratique et raisonnable étant donné que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration avait déjà, semble-t-il, commis deux fois la même erreur. On ne doit pas faire subir une nouvelle fois le processus, que, à mon avis, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ne prend pas au sérieux ou encore mène de façon incompétente, à M. Qiongyu Hu en tant que demandeur, surtout étant donné qu'il ne vit pas près d'un centre où il pourrait facilement se présenter pour une troisième appréciation.

[9]      Cela nous amène à la présente requête visant à obtenir une deuxième prorogation du délai applicable au dépôt de l'affidavit du défendeur. Il semble qu'en ce qui concerne la première prorogation, on a plutôt tardé à préparer l'affidavit de l'agent des visas, car l'avocat s'est aperçu à la dernière minute que ce dernier était en vacances.

[10]      Les demandes de prorogation de délai sont assujetties à des règles de droit qui ont déjà été établies, notamment dans l'arrêt Grewal c. M.E.I. (1986), 63 N.R. 106 (C.A.F.) du juge en chef Thurlow. À la page 110, il a souligné la considération qui sous-tend la prorogation d'un délai, soit que justice soit faite entre les parties :

Il me semble toutefois qu'en étudiant une demande comme celle-ci, on doit tout d'abord se demander si, dans les circonstances mises en preuve, la prorogation de délai est nécessaire pour que justice soit faite entre les parties.

Il existe d'autres critères, établis dans les décisions Grewal, précitée, Moreno c. M.C.I. (1996), 110 F.T.R. 57, et Valyenegro c. Canada (1994), 88 F.T.R. 196, selon lesquels la personne qui demande une prorogation de délai doit justifier le retard, établir que sa cause est défendable, démontrer qu'elle subira un préjudice si elle n'obtient pas la prorogation, et établir que le défendeur ne subira pas de préjudice si la prorogation est accordée.

[11]      En l'espèce, le défendeur soutient, parmi les autres motifs qu'il fait valoir pour étayer sa requête, que [TRADUCTION] « le défendeur a une cause défendable en ce sens que les questions juridiques qu'il soulève sont traitées dans la jurisprudence de notre Cour; ... » . Cet argument n'est pas étayé, mais il aurait dû l'être, car ce type d'argument exige une explication, sauf dans les cas manifestes. En outre, dans la présente affaire, le défendeur a de fait admis que sa cause n'était pas défendable lorsqu'il a demandé que son dossier soit renvoyé à un troisième agent des visas pour voir s'il obtiendrait cette fois-ci une décision favorable.

[12]      Il se peut que le défendeur ait eu, depuis le début, l'intention de produire les affidavits nécessaires, et il a de fait justifié une partie du retard, mais non l'ensemble de ce dernier. Enfin, je n'estime pas que le défendeur subira un quelconque préjudice si on lui refuse l'occasion de produire un affidavit pour étayer une cause qui n'est pas défendable; cependant, le demandeur, M. Qiongyu Hu, subirait un affront et un préjudice supplémentaires dans le cas où un affidavit inutile serait déposé par suite d'une décision accueillant la demande, dans la mesure où cela lui ferait perdre temps et argent, ce qui, dans les circonstances particulières de l'espèce, constitue un préjudice.

[13]      Tout cela revient à l'avis du juge en chef Thurlow qu'en étudiant une demande de prorogation de délai comme celle-ci, on doit tout d'abord se demander si la prorogation de délai est nécessaire pour que justice soit faite entre les parties. En l'espèce, au contraire, justice ne serait pas faite à l'égard de M. Qiongyu Hu si la demande de prorogation de délai était accueillie.

[14]      La demande de prorogation est rejetée, les dépens relatifs à la présente requête devant être payés à M. Qiongyu sur-le-champ.


« John A. Hargrave »

                                         protonotaire


Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 24 juillet 2000






Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :                  IMM-431-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :              QIONGYU HU

                         c.

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                         ET DE L'IMMIGRATION


REQUÊTE TRAITÉE SUR DOCUMENTS CONFORMÉMENT À LA RÈGLE 369

EN DATE DU :                  24 juillet 2000


OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

Dennis Tanack                          POUR LE DEMANDEUR

Mark Sheardown                          POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

Dennis Tanack

Vancouver (C.-B.)                          POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                  POUR LE DÉFENDEUR

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