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Date : 20190510


Dossier : IMM‑3876‑18

Référence : 2019 CF 641

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 mai 2019

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

GURMEET SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Le demandeur, Gurmeet Singh, est un citoyen de l’Inde qui a demandé la résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada (la CECF). Aux termes de l’alinéa 124a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), un demandeur doit vivre avec son répondant pour être admissible au titre de cette catégorie.

[2]  Après avoir interrogé le demandeur et son épouse, un agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (l’agent) a appris qu’ils avaient présenté de faux éléments de preuve concernant leur adresse domiciliaire. Le 10 juillet 2018, l’agent a rejeté la demande du demandeur pour divers motifs, dont le défaut d’établir la cohabitation.

[3]  Le 10 août 2018, le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire à la Cour. Je rejette la présente demande pour les motifs qui suivent.

II.  Contexte

[4]  Citoyen de l’Inde, le demandeur, Gurmeet Singh, est entré au Canada muni d’un permis d’études. Le 3 juillet 2015, il a rencontré Balwinder Kaur Dhanota, une résidente permanente canadienne (la répondante). Un mois plus tard, ils se sont fiancés et, le 31 octobre 2015, ils se sont mariés.

[5]  Le 6 février 2017, Mme Dhanota a présenté une demande de parrainage visant le demandeur au titre de la CECF. Elle y a joint des documents tels qu’une preuve de leur mariage, des relevés de compte bancaire conjoint et des factures.

[6]  L’agent a examiné la demande, puis a fixé une date d’entrevue avec le demandeur et son épouse afin de s’assurer que le couple répondait aux exigences de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR) et du Règlement. Par exemple, selon l’alinéa 124a) du Règlement, le demandeur et son épouse doivent vivre ensemble pour être admissibles au titre de la CECF :

Qualité

124 Fait partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada l’étranger qui remplit les conditions suivantes :

a) il est l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vit avec ce répondant au Canada;

b) il détient le statut de résident temporaire au Canada;

c) une demande de parrainage a été déposée à son égard.

Member

124 A foreign national is a member of the spouse or common‑law partner in Canada class if they

(a) are the spouse or common‑law partner of a sponsor and cohabit with that sponsor in Canada;

(b) have temporary resident status in Canada; and

(c) are the subject of a sponsorship application.

[7]  L’entrevue a eu lieu le 3 juillet 2018. Le demandeur et son épouse ont apporté plus d’éléments de preuve, dont une déclaration de leur propriétaire, Muhammad Ashraf, datée du 28 juin 2018. Cette déclaration confirme que le demandeur vit dans un logement en particulier situé sur le boulevard Dearbourne, à Brampton, en Ontario, depuis le 1er novembre 2015. 

[8]  Lors de l’entrevue, l’agent a interrogé séparément le demandeur et son épouse. Lorsqu’il leur a demandé où ils habitaient, les deux ont répondu qu’ils habitaient ensemble sur le boulevard Dearbourne, dans un logement partagé avec le propriétaire. Cette adresse correspondait à celle figurant sur les documents présentés par le demandeur et son épouse, notamment la déclaration du propriétaire, diverses factures, des documents d’assurance et la plupart des avis de cotisation.

[9]  Il y avait cependant quelques divergences. Par exemple, l’avis de cotisation de la répondante pour 2016 indiquait une adresse domiciliaire différente à Brampton. De plus, la répondante ne connaissait pas le nom du propriétaire, même si elle affirmait qu’ils partageaient son logement personnel. Et bien que le demandeur ait déposé une preuve voulant que la fille du propriétaire rende visite à ce dernier et reste à coucher, son épouse n’était pas au courant.

[10]  Selon les notes de l’agent, d’autres divergences existent également. Par exemple, l’épouse du demandeur a déclaré que ce dernier lui avait donné une bague en argent sertie d’un diamant pour sa fête, alors que le demandeur a dit qu’il lui avait offert un collier en argent pour sa fête, puis une bague sertie d’un diamant plus tard. Le demandeur et son épouse ont également donné des raisons différentes pour expliquer pourquoi ils n’utilisent pas la buanderie située dans leur immeuble. De plus, lorsqu’on leur a demandé combien de personnes avaient assisté à leur mariage, ils ont donné des réponses différentes. L’agent a également noté qu’ils avaient donné des versions différentes de ce qu’ils avaient fait la veille de l’entrevue.

[11]  Le 6 juillet 2018, l’agent a communiqué avec le propriétaire qui avait signé la déclaration. Ce dernier a révélé à l’agent que le demandeur était déménagé après son mariage. De plus, bien que le demandeur et son épouse aient dit qu’ils partageaient le logement avec le propriétaire, l’agent a appris que le propriétaire n’habitait pas à cette adresse. Lorsque l’agent a demandé au propriétaire pourquoi il avait signé la déclaration, ce dernier a répondu qu’[traduction] « il parle peu anglais et qu’il n’a fait que signer ce que le [demandeur] lui avait demandé de signer ». L’agent a ensuite communiqué avec le demandeur, qui a admis qu’il n’habite plus sur le boulevard Dearbourne, mais qu’il vit maintenant avec son frère ailleurs à Brampton. Selon les notes de l’agent, lorsqu’il a demandé au demandeur pourquoi il n’avait pas donné sa réelle adresse domiciliaire, le demandeur a affirmé qu’il utilise encore l’adresse du boulevard Dearbourne comme adresse postale.

[12]  Dans une lettre datée du 10 juillet 2018, l’agent a écrit au demandeur, lui indiquant qu’il refusait sa demande parce qu’il ne satisfaisait pas aux exigences de la CECF. L’agent a conclu que le mariage n’était pas authentique et il n’était pas convaincu que le mariage ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR. Il a également conclu que les doutes quant à la crédibilité découlaient de la documentation présentée et des réponses données aux questions. Le 10 août 2018, le demandeur a sollicité un contrôle judiciaire de cette décision. 

III.  Question en litige et norme de contrôle

[13]  Les décisions concernant la question de savoir si le mariage d’un demandeur est authentique et répond aux exigences de l’article 124 du Règlement sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 502, au paragraphe 15). La question dont je suis saisi est de savoir si l’agent a conclu de façon raisonnable que le demandeur et sa répondante ne vivent pas ensemble et qu’ils ne satisfont donc pas aux exigences de l’alinéa 124a) du Règlement. 

IV.  Analyse

[14]  Le demandeur soutient que cette décision est déraisonnable parce qu’elle ne tient pas compte de ses réponses cohérentes à l’entrevue et qu’elle n’explique pas pourquoi ses éléments de preuve à l’appui ne réfutaient pas les divergences (Akinmayowa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 171, au paragraphe 24; Momi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 50, aux paragraphes 10‑12; Williams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 707, aux paragraphes 17‑18, 36, 42‑43, 46). Le demandeur fait valoir que la Cour devrait inférer que l’agent n’a pas tenu compte de ses éléments de preuve et qu’elle a conclu par le passé que de simplement mentionner que des éléments de preuve ont été produits constituait une erreur susceptible de contrôle (Cepeda‑Gutierrez c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 157 FTR 35 (CF 1re inst); Kalsi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 442, au paragraphe 21; Ma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1283, aux paragraphes 10‑13).  

[15]  Le défendeur fait valoir que les agents ne sont pas tenus d’examiner tous les éléments de preuve et affirme que l’agent en question n’a commis aucune erreur en n’examinant pas, en l’espèce, les éléments de preuve indiquant que le mariage n’est pas authentique (Lai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 370, au paragraphe 19). Le défendeur soutient que les divergences étaient majeures et portaient notamment sur le nombre de personnes présentes à leur mariage, la question de savoir si les bras de la répondante portaient des cicatrices ainsi que l’information concernant leur adresse domiciliaire. 

[16]  Je suis d’accord avec le défendeur. Il existe une présomption selon laquelle le décideur a examiné l’ensemble de la preuve (Sidhu c Canada (Citizenship and Immigration), [2000] ACF no 741 (CF 1re inst), au paragraphe 15). En l’espèce, après avoir examiné les éléments de preuve, l’agent n’était toujours pas convaincu que l’exigence de cohabitation prévue à l’alinéa 124a) du Règlement était satisfaite. Il s’agit d’une conclusion déterminante.

[17]  Les motifs révèlent que la preuve dont disposait l’agent comportait la preuve objective suivante, produite pour prouver la cohabitation :

  • - Déclaration de Muhammad Ashraf confirmant que Gurmeet Singh, l’époux de Balwinder Kaur Dhanota, réside à l’adresse [du boulevard Dearbourne] depuis le 1er novembre 2015.

  • - Avis de cotisation et avis du crédit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée du [demandeur] et de la [répondante] pour 2015, où figure l’adresse [du boulevard Dearbourne]. Cependant, l’adresse indiquée sur l’avis de cotisation de la [répondante] pour 2016 correspond à [une autre adresse à Brampton], en Ontario.

  • - Demande de crédit de la [répondante], relevé et contrat de vente conditionnel, factures de cellulaire et de téléphone, avis de paiement de l’Industrielle Alliance indiquant l’adresse actuelle déclarée de la [répondante] et du [demandeur].

  • - Documents attestant la propriété de l’automobile et l’assurance automobile du [demandeur] indiquant l’adresse actuelle déclarée de la [répondante] et du [demandeur].

[18]  Parmi les autres éléments de preuve se trouvent des déclarations du demandeur et de son épouse affirmant qu’ils résident avec le propriétaire dans un logement situé sur le boulevard Dearbourne. Le demandeur soutient que ses éléments de preuve cohérents n’ont pas été examinés. Cependant, la preuve montre aussi que le demandeur a admis qu’il a produit une fausse déclaration faite par son propriétaire et que son épouse et lui n’habitent pas sur le boulevard Dearbourne. Comme la preuve objective visait à établir que le demandeur et son épouse vivaient ensemble sur le boulevard Dearbourne, il est clair que la preuve déposée par le demandeur ne peut établir le fait qu’elle tendait à prouver. Par conséquent, l’agent a conclu de façon raisonnable que le demandeur et son épouse n’avaient pas satisfait à l’exigence de cohabitation. 

[19]  Une preuve falsifiée de cohabitation – qui constitue une exigence prévue à l’alinéa 124a) du Règlement – ne peut être considérée comme une divergence accessoire ou mineure. On ne peut pas dire non plus que l’agent a examiné à la loupe cette preuve lorsque le demandeur a admis qu’il avait produit une fausse preuve de cohabitation. La décision de l’agent répond aux exigences relatives au caractère raisonnable énoncées dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9. Je rejetterai donc la présente demande de contrôle judiciaire.

V.  Questions à certifier

[20]  La Cour a demandé aux avocats des deux parties s’il y avait des questions à certifier. Chacun a affirmé qu’il n’y avait pas de questions à certifier, ce à quoi je souscris.

VI.  Conclusion

[21]  La décision est raisonnable et ne justifie pas l’intervention de la Cour. La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑3876‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 31e jour de mai 2019.

Sophie Reid‑Triantafyllos, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3876‑18

 

INTITULÉ 

GURMEET SINGH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 MARS 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 10 MAI 2019

 

COMPARUTIONS :

Aris Daghighian

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nimanthika Kaneira

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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