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Date : 20190513


Dossier : IMM‑4212‑18

Référence : 2019 CF 661

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 mai 2019

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

ENAS ODEESH

VIDONIA TERESITA DANIEL

demanderesses

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse principale, Enas Odeesh, et sa fille mineure, Vidonia Teresita Daniel, sont citoyennes australiennes. Elles sont arrivées au Canada au début d’avril 2012 et ont demandé l’asile à la fin de juin 2012. La Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté leurs demandes d’asile dans une décision datée du 3 août 2018, parce qu’elles n’ont pas réfuté la présomption de l’existence de la protection de l’État en Australie pour les victimes de violence familiale et de violence faite aux enfants.

[2]  En l’espèce, les demanderesses sollicitent le contrôle judiciaire de la décision de la SPR au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Elles demandent à la Cour d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire à un autre commissaire de la SPR pour nouvel examen.

I.  Le contexte

[3]  Mme Odeesh a déclaré devant la SPR qu’elle avait consenti à un mariage arrangé avec un Australien, Daniel Waleed Shlimun, parce qu’au moment de la proposition de mariage, elle vivait en Syrie avec sa famille chrétienne iraquienne à titre de réfugiée du Haut‑Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Après leur mariage, son époux l’a parrainée et elle est arrivée en Australie en août 2007.

[4]  Pendant la première année de leur mariage, l’époux de Mme Odeesh l’a bien traitée, mais il a commencé à boire, à fumer, à jouer et à la menacer en la poussant et en la frappant. Comme son époux ne la laissait pas quitter l’appartement, elle ne pouvait pas aller à l’école ni apprendre l’anglais.

[5]  Mme Odeesh affirme que son époux a eu une relation extraconjugale avec une autre femme en janvier 2009 et qu’il l’a quittée à la mi‑septembre 2010. Elle vivait de l’aide sociale puisque son époux ne lui versait aucun soutien financier. Même après leur séparation, il se présentait à l’appartement de Mme Odeesh sans préavis et était très violent envers elle et sa fille. Finalement, son époux a obtenu une ordonnance de divorce en juillet 2012.

[6]  Comme Mme Odeesh avait de la famille au Canada et aucun soutien en Australie, elle a décidé de venir au Canada. Elle et sa fille sont arrivées au Canada le 8 avril 2012. Depuis leur arrivée au Canada, son ex‑époux n’a établi aucun contact avec elles.

[7]  Au cours de l’audience devant la SPR, le représentant des demanderesses a soutenu que si Mme Odeesh était renvoyée en Australie, elle devra dépendre de l’aide sociale parce qu’elle n’a aucun autre moyen de subsistance en Australie (alors qu’au Canada, les demanderesses ont une famille nombreuse), et les services sociaux australiens rechercheront M. Shlimun afin qu’il verse une pension alimentaire à sa fille, l’informant ainsi de la présence des demanderesses en Australie.

II.  La décision de la SPR

[8]  La SPR a indiqué au début de ses motifs qu’elle avait examiné attentivement les directives intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe lorsqu’elle a évalué le bien‑fondé des demandes d’asile. Elle a également constaté que Mme Odeesh avait répondu directement et clairement à toutes les questions et qu’elle était un témoin crédible et digne de foi sur la question de la violence familiale.

[9]  La SPR a constaté en outre que, dans son témoignage, Mme Odeesh a indiqué qu’elle n’a pas nécessité de soins médicaux à la suite des altercations physiques qu’elle a vécues, qu’elle n’a jamais communiqué avec la police par crainte de représailles et qu’elle est venue en quête de protection au Canada, où ses parents et ses frères et sœurs résident. La SPR a fait remarquer que la fille de Mme Odeesh n’a pas de relation avec son père et que son ex‑époux n’a établi aucun contact avec elles depuis leur arrivée au Canada. La SPR a également fait remarquer qu’aucune preuve médicale, aucun rapport de police, aucun affidavit de membres de la famille et d’amis, ni aucune évaluation psychologique n’avaient été fournis à l’appui des demandes d’asile des demanderesses.

[10]  Après avoir constaté que Mme Odeesh et sa fille craignent psychologiquement de retourner en Australie et croient que leur vie serait en danger à leur retour, la SPR a déclaré qu’il existe une présomption selon laquelle, sauf dans le cas d’un effondrement complet de l’appareil étatique, l’État est capable de protéger ses citoyens. Selon la SPR, pour réfuter cette présomption relative à la protection de l’État, le demandeur d’asile doit produire une preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État à protéger ses citoyens.

[11]  La SPR s’est ensuite tournée vers des ressources objectives pour évaluer la légitimité d’une demande d’asile fondée sur le fait d’être victime de violence familiale et de violence faite aux enfants en Australie. En particulier, la SPR a cité de longs passages du rapport sur les droits de la personne de l’Australie 2017 rédigé par le Département d’État des États‑Unis (Australia 2017 Human Rights Report).

[12]  La SPR a constaté que ce rapport indique que l’Australie est une [traduction« démocratie constitutionnelle dirigée par un gouvernement parlementaire fédéral librement élu [...] où les autorités civiles exercent un contrôle effectif sur les forces de sécurité ». Après avoir examiné les parties du rapport portant sur les victimes de violence familiale et de violence faite aux enfants, la SPR a conclu ce qui suit :

[16]  Il ressort clairement de la preuve objective à la disposition du tribunal que les victimes de violence conjugale et les enfants maltraités disposent d’une protection de l’État efficace et d’un soutien communautaire financé par le gouvernement de l’Australie. Le tribunal accorde plus de poids à la preuve documentaire provenant de sources fiables et dignes de confiance qu’au témoignage de vive voix de la demandeure d’asile. Les éléments de preuve documentaire n’ont aucun intérêt direct dans l’issue de la présente demande d’asile. Par conséquent, les demandeures d’asile n’ont pas réfuté la présomption selon laquelle il existe une protection de l’État pour les victimes de violence conjugale et les enfants maltraités. De plus, le témoignage de vive voix de la demandeure d’asile principale a clairement démontré que son ex époux n’a eu aucun contact avec elles et n’a manifesté aucun intérêt à l’égard d’elle‑même ou de sa fille depuis leur arrivée au Canada en avril 2012. Aucun élément de preuve crédible n’établit que l’ex époux poursuivrait les demandeures d’asile si elles retournaient aujourd’hui dans leur pays de nationalité, l’Australie.

[13]  La SPR donc a conclu que les demanderesses n’étaient pas des réfugiées au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

III.  Les observations des parties

A.  Les demanderesses

[14]  Les demanderesses affirment que la SPR n’a pas tenu compte de l’information contenue dans le cartable national de documentation [CND] sur l’Australie, qui contredit sa conclusion quant à la protection de l’État pour les personnes victimes de violence familiale. Les demanderesses affirment que même si un demandeur ne s’adresse pas à l’État pour obtenir une protection, la présomption de la protection de l’État peut être réfutée par la preuve présentée à la SPR et, en l’espèce, il était raisonnable pour Mme Odeesh de ne pas demander la protection de l’État.

[15]  De l’avis des demanderesses, la SPR a fourni des motifs insuffisants au sujet de la protection de l’État, ce qui rend la décision inintelligible et déraisonnable. Selon les demanderesses, bien que la SPR ait jugé que Mme Odeesh était crédible et n’ait pas mis en doute le fait qu’elle était victime de violence familiale et qu’elle ne pouvait pas communiquer avec la police en raison de sa crainte de représailles, il n’était pas raisonnable pour la SPR de lui reprocher de ne pas avoir fourni des documents supplémentaires. Selon les demanderesses, la présomption de véracité est ainsi minée.

B.  Le défendeur

[16]  Le défendeur affirme que le document qui se trouve aux pages 48 à 50 du dossier des demanderesses ne peut pas être examiné par la Cour puisqu’il n’a pas été déposé devant la SPR. Selon le défendeur, il est bien établi en droit que la preuve qui n’a pas été présentée devant le décideur ne peut être admise à moins d’exceptions limitées auxquelles les demanderesses ne satisfont pas.

[17]  Le défendeur constate que l’ex‑époux de Mme Odeesh n’a manifesté aucun intérêt pour les demanderesses depuis avril 2012 et qu’il n’existait aucune preuve crédible établissant qu’il les poursuivrait si elles retournaient en Australie. De l’avis du défendeur, la conclusion de la SPR selon laquelle la crainte de persécution des demanderesses n’est pas fondée était raisonnable, et le fait que la SPR a fait remarquer qu’aucun document à l’appui n’a été soumis était simplement une remarque.

[18]  Selon le défendeur, les demanderesses ne se sont pas acquittées du fardeau qui leur incombait de prouver que l’Australie n’était pas en mesure de les protéger, et elles n’ont pas présenté de preuve d’une protection insuffisante de l’État. Le défendeur affirme qu’il est loisible à la SPR de préférer s’appuyer sur les documents contenus dans le CND plutôt que sur le témoignage de Mme Odeesh, et qu’elle n’a pas fait fi des éléments de preuve importants concernant la violence familiale. De l’avis du défendeur, les preuves objectives montrent que les victimes de violence familiale ont accès à un soutien communautaire financé par le gouvernement australien. Une conclusion raisonnable de protection de l’État est, selon le défendeur, suffisante pour trancher une demande de contrôle judiciaire.

IV.  L’analyse

[19]  La principale question soulevée par la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si l’analyse de la protection de l’État effectuée par la SPR était raisonnable.

[20]  Le défendeur a raison au sujet du document aux pages 48 à 50 du dossier des demanderesses. La Cour n’a pas tenu compte des renseignements contenus dans ce document pour rendre son jugement.

A.  La norme de contrôle judiciaire applicable

[21]  L’évaluation effectuée par la SPR du dossier de la preuve quant à la protection de l’État est une question mixte de fait et de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Kina c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 284, au paragraphe 24).

[22]  La norme de la décision raisonnable commande à la Cour, lorsqu’elle examine une décision administrative, de s’attarder « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47). Ces critères sont respectés si « les motifs […] permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16).

B.  La décision de la SPR était‑elle raisonnable?

[23]  Le critère permettant de déterminer si un État est incapable de protéger ses citoyens est bien établi (Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, aux paragraphes 52 à 59). Il comporte deux volets : (1) le demandeur d’asile doit éprouver une crainte subjective d’être persécuté et (2) cette crainte doit être objectivement justifiée. Le demandeur doit confirmer d’une façon claire et convaincante l’incapacité de l’État d’assurer sa protection, en l’absence d’un aveu en ce sens par l’État dont il est le ressortissant. Sauf dans le cas d’un effondrement complet de l’appareil étatique, il y a lieu de présumer que l’État est capable de protéger ses citoyens.

[24]  La principale question dans les cas de protection de l’État consiste à déterminer si les éléments de preuve dont le décideur est saisi démontrent que la protection de l’État sur le terrain dont peut se prévaloir le demandeur d’asile est suffisante. En d’autres mots, « si l’on examine la preuve dans son ensemble, y compris la preuve au sujet de la capacité de l’État de protéger ses citoyens, le demandeur a‑t‑il montré qu’il existe un risque raisonnable qu’il soit exposé à de la persécution dans son pays d’origine? » (Moczo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 734, au paragraphe 10). Autrement dit, les éléments de preuve portant sur les ressources de l’État dont peut se prévaloir un demandeur d’asile démontrent‑ils qu’il n’existe probablement pas de risque raisonnable de persécution s’il retournait dans son pays d’origine?

[25]  Voici ce que la Cour d’appel fédérale a déclaré, dans l’arrêt Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c Flores Carrillo, 2008 CAF 94, au paragraphe 38 :

[...] Le réfugié qui invoque l’insuffisance ou l’inexistence de la protection de l’État supporte la charge de présentation de produire des éléments de preuve en ce sens et la charge ultime de convaincre le juge des faits que cette prétention est fondée. La norme de preuve applicable est celle de la prépondérance des probabilités, sans qu’il soit exigé un degré plus élevé de probabilité que celui que commande habituellement cette norme. Quant à la qualité de la preuve nécessaire pour réfuter la présomption de la protection de l’État, cette présomption se réfute par une preuve claire et convaincante de l’insuffisance ou de l’inexistence de ladite protection.

[26]  Le degré de démocratie du pays d’origine d’un demandeur d’asile peut être tel que ce dernier doive démontrer, en l’absence de circonstances exceptionnelles, que toutes les protections possibles ont été épuisées. Par exemple, dans l’arrêt Hinzman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 171 [Hinzman], la Cour d’appel fédérale a fait observer ceci :

[57]  Les arrêts Kadenko et Satiacum ensemble montrent que, dans le cas de démocraties bien établies, il incombe au demandeur de prouver qu’il a épuisé tous les recours dont il pouvait disposer et celui‑ci ne sera exempté de son obligation de solliciter la protection de son pays qu’en certaines circonstances exceptionnelles [renvois omis] […] le demandeur d’asile provenant d’un pays démocratique devra s’acquitter d’un lourd fardeau pour démontrer qu’il n’était pas tenu d’épuiser tous les recours dont il pouvait disposer dans son pays avant de demander l’asile […] les États‑Unis sont une démocratie ayant adopté un ensemble complet de mesures garantissant que les personnes s’objectant au service militaire font l’objet d’un traitement juste [...] les appelants n’ont pas produit suffisamment de preuve pour satisfaire à ce critère exigeant.

[27]  En l’espèce, il n’est pas contesté que la présomption de la protection de l’État s’applique à l’Australie qui, comme l’a souligné la SPR, est une démocratie constitutionnelle dirigée par un gouvernement parlementaire fédéral librement élu, où les autorités civiles exercent un contrôle effectif sur les forces de sécurité. Pour réfuter cette présomption, Mme Odeesh devait prouver qu’elle avait épuisé tous les recours raisonnables pour obtenir la protection de l’État ou qu’il aurait été objectivement déraisonnable pour elle de le faire (Hinzman, au paragraphe 46). Autrement dit, une réticence subjective à faire intervenir l’État ne suffit pas à réfuter la présomption de protection de l’État (Ruszo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1004, au paragraphe 33).

[28]  La jurisprudence exige que la perception subjective de Mme Odeesh soit examinée à la lumière des conditions générales qui prévalent dans le pays. Comme l’a déclaré la Cour dans l’affaire Aurelien c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 707 :

[9]  Un demandeur n’a pas à établir qu’il a sollicité la protection de l’État si les éléments de preuve montrent que celle‑ci ne pouvait pas raisonnablement être assurée. L’agent doit examiner si la recherche de la protection de l’État constituait une solution raisonnable pour la demanderesse, dans sa situation. La Cour suprême du Canada a énoncé de manière précise les considérations qu’il faut prendre en compte lorsque les circonstances pertinentes comprennent la violence familiale, notamment les effets psychologiques des agressions sur la victime. La question, telle qu’elle est posée dans R c Lavallee, [1990] 1 RCS 852, est celle de savoir ce que la demanderesse « a raisonnablement cru, compte tenu de sa situation et de ses expériences antérieures ». Le critère est donc subjectif et objectif.

[29]  En l’espèce, Mme Odeesh a déclaré qu’elle n’était jamais certaine du moment où son mari passerait, qu’elle ne parlait qu’un anglais élémentaire et qu’elle ne pensait pas que composer le 911 l’aiderait parce que la police venait puis partait, et ne pouvait donc pas la protéger en tout temps. Elle n’a pas mis à l’épreuve la protection de l’État, mais elle devait raisonnablement s’en prévaloir. Elle n’a pas démontré, à l’aide de preuves claires et convaincantes, qu’elle ne serait pas protégée vu sa situation particulière. Dans ces circonstances, il était raisonnable pour la SPR de conclure que les demanderesses n’avaient pas réfuté la présomption de l’existence de la protection de l’État en Australie en ce qui concerne les victimes de violence familiale et de violence faite aux enfants.

[30]  L’affaire qui nous occupe est différente de Pearson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 981, dans laquelle la Cour a annulé la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire parce que l’agent d’immigration n’avait pas examiné si, malgré l’existence, d’une façon générale, d’une protection adéquate de l’État, la demanderesse avait été incapable d’obtenir une protection dans sa situation. La Cour a affirmé ce qui suit :

[37]  De façon générale, l’Australie offre une protection adéquate aux femmes victimes de violence conjugale. Cependant, à mon avis, la preuve révèle en l’espèce quant aux circonstances spéciales propres à la demanderesse – notamment, le comportement extrême de son ancien conjoint et son mépris absolu des lois – que la protection de l’État disponible lui a systématiquement fait défaut à long terme. Quoique bien intentionnées, les interventions policières et juridiques persistantes n’ont pas réussi à contenir cet homme et à protéger la demanderesse de celui‑ci. La seule véritable protection opposable à son comportement est la situation géographique.

[38]  La police australienne a répondu de façon répétée aux 30 ou 40 appels à l’aide que la demanderesse lui a lancés. La protection offerte par l’État n’a cependant été efficace qu’à court terme parce que l’ancien conjoint de la demanderesse a refusé de se plier aux mesures prises par l’État comme les ordonnances d’interdiction de communiquer. La protection de l’État n’a pas à être parfaite pour être adéquate [renvoi omis], mais dans son appréciation des facteurs de risques et des difficultés en l’espèce, l’Agente a omis de prendre en compte la situation réelle et, quoi qu’il en soit du système de protection de l’État en place en Australie, de déterminer si la situation de la demanderesse était à ce point inhabituelle qu’elle était exposée à un niveau de risque élevé en dépit des efforts déployés par l’État pour assurer sa protection. En d’autres termes, les motifs ne s’appuient que sur l’existence d’une protection de l’État adéquate destinée aux femmes et omettent de prendre en compte les circonstances concrètes de la demanderesse ainsi que les risques réels auxquels elle était exposée vu la détermination affichée par son ancien conjoint de lui faire du tort en dépit des efforts déployés par l’État.

[31]  La protection de l’État et la possibilité d’y avoir recours doivent être évaluées au cas par cas (Perez Mendoza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 119, au paragraphe 33(3); Murati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1324, au paragraphe 39; et Taho c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 718, au paragraphe 44).

[32]  En l’espèce, il était raisonnable pour la SPR, à la lumière des éléments de preuve dont elle disposait, de conclure qu’il n’existait aucune preuve fiable ou convaincante indiquant que les demanderesses seraient exclues des mesures de protection destinées aux victimes de violence familiale en Australie.

V.  Conclusion

[33]  La SPR disposait d’éléments de preuve à l’appui de sa conclusion selon laquelle il existe une protection de l’État, et les demanderesses n’ont pas réfuté la présomption au moyen de leurs propres éléments de preuve.

[34]  Les motifs qui ont amené la SPR à rejeter les demandes d’asile des demanderesses sont intelligibles, transparents et justifiables, et sa décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La demande de contrôle judiciaire des demanderesses est donc rejetée.

[35]  Aucune des parties n’a proposé de question grave de portée générale à certifier en vertu de l’alinéa 74d) de la LIPR, et aucune question de ce genre n’est donc certifiée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4212‑18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 14e jour de juin 2019.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4212‑18

 

INTITULÉ :

ENAS ODEESH, VIDONIA TERESITA DANIEL c LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 mars 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATES DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

Le 13 mai 2019

 

COMPARUTIONS :

John A. Salam

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Norah Dorcine

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Grice & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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