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Date: 20000914


Dossier : T-290-99

Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2000

Devant :      Monsieur le juge Muldoon

ENTRE :


EDWIN PEARSON


demandeur


et


SA MAJESTÉ LA REINE


défenderesse



ORDONNANCE

     Le demandeur ayant présenté une requête, qui a été entendue le 1er mai 2000, en vue d'obtenir une ordonnance infirmant l'ordonnance par laquelle, le 13 mars 2000, le protonotaire Lafrenière avait suspendu les procédures dans la présente action et avait adjugé à la défenderesse un montant de 500 $ au titre des dépens et cette cour ayant infirmé, le 2 mai 2000, l'ordonnance du protonotaire sans adjuger les dépens;

     Le demandeur ayant présenté une requête visant à faire instruire l'affaire in forma pauperis, cette requête ayant également été entendue le 1er mai 2000, et le demandeur ayant déposé un affidavit daté du 14 avril 2000 (document 56, onglet 6, dossier de la requête du demandeur), la Cour ayant reporté sa décision et les allégations du demandeur et de l'avocat de la défenderesse ayant été entendues;

     CETTE COUR ORDONNE que le demandeur soit autorisé, et le demandeur est par les présentes autorisé, à faire instruire l'affaire in forma pauperis, droit qui est reconnu en common law et qui, malgré l'absence de règles précises, signifie en l'espèce ce qui suit :


  1. )      la règle 55 est invoquée de façon que la Cour accorde une dispense à l'égard de toutes les règles telles que la règle 19 ainsi que les tarifs A et B, par lesquels des frais pourraient être exigés du demandeur;
  2. b)      cependant, aucune disposition des présentes ne peut être considérée comme exonérant le demandeur de toute responsabilité qu'il pourrait avoir envers la défenderesse à l'égard des dépens que le juge présidant l'instruction ou le protonotaire pourrait par la suite imposer à celui-ci par suite de la mauvaise conduite reconnue de l'affaire, le cas échéant, ou à l'égard des montants accordés au demandeur aux fins de l'indemnisation des personnes qui auront été citées en vue de témoigner ou de produire, à sa demande, des documents;
  3. c)      les dépens et frais payables dans le présent litige seront déboursés par le demandeur, au besoin, conformément au pouvoir discrétionnaire habituel de la Cour.

                 F. C. MULDOON

             __________________________

                 Juge


Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.




Date: 20000914


Dossier : T-290-99

ENTRE :


EDWIN PEARSON


demandeur


et


SA MAJESTÉ LA REINE


défenderesse



MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Muldoon

[1]      Le requérant, Edwin Pearson, vit dans l'indigence depuis plusieurs années et, en fait, il affirme qu'à l'heure actuelle, il subvient à ses besoins uniquement à l'aide de sa pension de vieillesse. Toutefois, cela ne l'a pas empêché de solliciter un redressement dans une action intentée contre la défenderesse par suite de mesures prises par les employés de cette dernière dans le cadre de la poursuite de certaines accusations portées contre lui. Malheureusement, le requérant n'a pas les moyens de payer les divers frais judiciaires et droits payables au greffe ainsi que certains coûts qui ont été adjugés contre lui. Les présents motifs se rapportent à une requête que le demandeur a présentée dans l'action principale en vue d'obtenir une ordonnance l'autorisant à faire entendre l'affaire in forma pauperis.

[2]      Le requérant, M. Pearson, affirme qu'on devrait l'autoriser à faire entendre l'affaire in forma pauperis même si les Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, ne prévoient pas la chose de la même façon que la règle relative aux lacunes lui permet de se prévaloir des règles de procédure civile de l'Ontario. M. Pearson soutient également qu'il a un droit d'accès à cette cour conformément à la common law ainsi qu'aux articles 2 et 24 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) (la Charte).

[3]      La défenderesse soutient que le demandeur ne peut pas bénéficier d'une instruction in forma pauperis; elle cite la décision rendue par Monsieur le juge Walsh dans l'affaire Magrath c. la Commission nationale des libérations conditionnelles du Canada, [1979] 2 C.F. 757 (1re inst.) (ci-après la décision Magrath). Il importe de noter que cette décision a été suivie par cette cour dans l'affaire Brough c. Canada (T-2842-90, T-389-91, 29 juillet 1994) (C.F. 1re inst.) et plus récemment par la Cour supérieure de l'Ontario dans l'affaire Polewsky v. Home Hardware Stores Ltd. (dossier de la Cour des petites créances de St. Thomas no 99-234, dossier de la Cour des petites créances de London no 1273-97 et dossiers de la Cour des petites créances de Sarnia nos 7055-98 et 7190-98, 12 octobre 1999).

[4]      En ce qui concerne le premier argument du requérant, aucune disposition des Règles de procédure civile, R.R.O. 1990, règlement 194, n'a été citée d'une façon précise et l'on n'a pas trouvé non plus de disposition permettant la tenue d'un procès in forma pauperis en Ontario. De plus, comme M. Pearson l'a admis, et comme il a été souligné dans la décision Magrath, la Loi sur la Cour fédérale et les règles ne renferment aucune disposition qui puisse autoriser la tenue d'une instruction in forma pauperis. Néanmoins, cette cour note la règle 55 des Règles de la Cour fédérale (1998), qui prévoit ce qui suit :


55. In special circumstances, on motion, the Court may dispense with compliance with any of these Rules.

55. Dans des circonstances particulières, la Cour peut, sur requête, dispenser de l'observation d'une disposition des présentes règles.

Cette règle montre clairement que, s'il n'est pas possible d'autoriser une audition in forma pauperis, cette cour peut néanmoins dispenser de l'observation des règles relatives aux frais.

[5]      La jurisprudence portant sur la règle 55 est peu abondante. Toutefois, fort heureusement, au fil des ans, le protonotaire Hargrave a fait des remarques sur son application et sur l'application de la règle 6 des anciennes Règles de la Cour fédérale, C.R.C. 1978, ch. 663. La remarque ci-après reproduite qu'il a faite dans la décision Chow c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 161 F.T.R. 156 est un résumé exact des considérations pertinentes aux fins de l'application de la règle :

     La condition expresse est qu'il y ait des circonstances particulières. Mais ces circonstances particulières impliquent d'une part la justice et, d'autre part, l'absence de préjudice.

     Il est également bon d'ajouter que la conduite des personnes qui demandent une dispense en vertu de la règle 55 sera nécessairement examinée à fond : Pfizer Canada Inc. c. Nu-Pharm Inc. (1996), 65 C.P.R. (3d) 493) (C.F. 1re inst.). En outre, toute application de la règle 55 doit être conforme aux principes généraux adoptés dans les Règles de la Cour fédérale (1998), lesquels sont résumés dans la règle 3 :


3. These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits.

3. Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

[6]      Il ressort clairement de l'examen des questions pertinentes qu'il pourrait être opportun d'appliquer la règle 55 des Règles de la Cour fédérale (1998) dans la requête dont la Cour est ici saisie. L'obligation d'observer les règles qui exigent que la partie requérante paie les frais prévus par le tarif A à l'égard de la présente requête, de l'action principale et de toute procédure accessoire à cette action fera donc l'objet d'une dispense. Il importe de noter que dans l'arrêt Moss c. Canada, (1999) 249 N.R. 126, la Cour d'appel a confirmé l'application par un juge de la Cour canadienne de l'impôt d'une règle semblable à la règle 55, figurant dans les Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) DORS/90-688.

[7]      Quant aux arguments fondés sur la Charte que le requérant a invoqués, il faut conclure que la jurisprudence se rapportant aux articles 2 et 24 ne peut pas aider à garantir au requérant l'accès à cette cour ou une réduction de ses dépens, et ce, parce que l'article 2 garantit uniquement les libertés fondamentales de la personne, alors que l'article 24 reconnaît simplement qu'une personne peut assurer l'exercice de ses droits devant un tribunal compétent. À cela vient s'ajouter le fait que M. Pearson n'a pas signifié d'avis, conformément à l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale, en vue de faire savoir qu'il invoquerait des arguments d'ordre constitutionnel, ce qui pourrait empêcher cette cour de le dispenser des exigences relatives aux frais si elle le jugeait bon. Il convient probablement d'invoquer en l'espèce la règle 55 en évitant en pratique l'article 57, qui n'a pas à être appliqué en l'espèce.

[8]      Il semble donc que l'approche adoptée par la Cour à l'égard de la situation du demandeur n'entraîne pas nécessairement l'application, expresse ou autre, de l'article 57. La Cour a écouté avec attention le demandeur et l'avocat de la défenderesse; elle ne peut pas strictement affirmer que « la validité, l'applicabilité ou l'effet, sur le plan constitutionnel [d'une loi fédérale ou provinciale ou d'un texte d'application], est en cause devant la Cour » . La loi prévoit ensuite que « [l]es lois fédérales ou provinciales ou leurs textes d'application [...] ne peuvent être déclarés invalides, inapplicables ou sans effet, à moins que le procureur général du Canada et ceux des provinces n'aient été avisés conformément au paragraphe (2) » . Lorsque la question de droit qui se pose met en cause un manque ou une lacune existant dans une loi fédérale ou dans un règlement, le plaideur doit-il invoquer le paragraphe 57(1)? En somme, lorsque la loi et le règlement ne traitent pas d'une question ou d'une disposition de droit, devrait-on ou peut-on légitimement contester la loi et le règlement parce qu'il ne traite pas d'une proposition de droit?

[9]      Longtemps avant la promulgation de la Charte, la doctrine de la primauté du droit faisait clairement partie de la common law qui avait été adoptée au Canada, du moins dans les ressorts de common law. Cela étant, la Cour fédérale du Canada connaît bien la common law, et notamment la doctrine de la primauté du droit, car elle a été créée et maintenue en tant que « [t]ribunal de droit, d'equity et d'amirauté du Canada, [...] maintenu à titre de tribunal additionnel propre à améliorer l'application du droit canadien [et] continu[ant] d'être une cour supérieure d'archives ayant compétence en matière civile et pénale » (article 3 de la Loi sur la Cour fédérale).

[10]      L'historique de la doctrine de la primauté du droit est vénérable et important; il est particulièrement bien relaté par le professeur A.V. Dicey, dans l'ouvrage intitulé : Introduction to the Study of the Law of the Constitution, qui a d'abord été publié par MacMillan & Co., Ltd. en 1885, la neuvième édition, dont l'appendice a été rédigé par E.C.S. Wade, M.A., LL.D., ayant été publiée en 1952. Cela représente un intervalle d'environ 67 ans. Dans la préface de l'édition de 1928 de Dicey, le professeur Wade, qui a fait preuve d'une certaine clairvoyance, a dit ce qui suit :

     [TRADUCTION]
     À coup sûr, la primauté du droit, la doctrine sur laquelle on [Dicey] se fonde le plus donne à entendre que la constitution vise à protéger les droits individuels (p. xii).
Dicey lui-même a résumé comme suit la doctrine de la primauté du droit :
     [TRADUCTION]
     La « primauté du droit » qui constitue un principe fondamental de la constitution a trois sens ou peut être envisagée sous trois points de vue différents.
     Elle a pour premier sens la suprématie ou la prédominance absolue du droit ordinaire par opposition au pouvoir arbitraire et elle exclut l'existence de l'arbitraire, de prérogatives ou même l'exercice par le gouvernement d'un pouvoir discrétionnaire étendu. Les citoyens anglais sont gouvernés par le droit et par le droit seul; un individu peut être puni pour avoir contrevenu au droit, mais il ne peut être puni pour un autre motif.
     Un autre sens est celui d'égalité devant la loi ou d'assujettissement égal de toutes les classes au droit commun du pays appliqué par les tribunaux ordinaires; la « primauté du droit » , dans ce sens, exclut l'idée d'une exemption de fonctionnaires ou d'autres personnes du devoir d'obéissance à la loi auquel sont assujettis les autres citoyens, ou de la compétence des tribunaux ordinaires... Le concept qui sous-tend le « droit administratif » connu dans les pays étrangers est que les différends auxquels sont parties le gouvernement ou ses préposés ne relèvent pas de la compétence des tribunaux civils et doivent être tranchés par des organismes spéciaux plus ou moins officiels. Ce concept est complètement inconnu en droit anglais et il est, en fait, fondamentalement incompatible avec nos traditions et nos coutumes.
     Enfin, la « primauté du droit » peut être utilisée comme formule en vue d'indiquer qu'en ce qui nous concerne, le droit constitutionnel, les règles qui, dans les pays étrangers, font naturellement partie d'un code constitutionnel, ne sont pas la source, mais plutôt la conséquence des droits garantis aux particuliers, tels qu'ils sont définis et reconnus par les tribunaux, c'est-à-dire en bref que les principes du droit privé ont été, en ce qui nous concerne, élargis par l'action des tribunaux et du Parlement de façon à déterminer la position de la Couronne et de ses préposés; la constitution résulte donc des lois ordinaires du pays.
     Toutefois, les propositions générales, en ce qui concerne la nature de la doctrine de la primauté du droit, ne nous amènent pas loin. Si nous voulons comprendre ce que veut réellement dire ce principe, sous ses différents aspects et tel qu'il a évolué, nous devons essayer de découvrir l'influence qu'il a eue sur certaines des principales dispositions de la constitution. La meilleure façon de le faire consiste à examiner avec soin la manière dont le droit anglais traite des questions suivantes, sur lesquelles nous reviendrons dans les chapitres suivants, à savoir, [...] De plus, la véritable nature de la doctrine de la primauté du droit, telle qu'elle existe en Angleterre, sera illustrée par opposition au droit administratif qui s'applique dans de nombreux pays du continent. Nous parlerons de ces questions à tour de rôle. Toutefois, ce traité ne vise pas, comme le lecteur devrait se le rappeler, à fournir des renseignements détaillés complets, par exemple en ce qui concerne les lois sur l'habeas corpus ou d'autres textes législatifs protégeant la liberté de la personne, mais il vise simplement à montrer que ces titres de compétence importants du droit constitutionnel, que nous avons énumérés, ces « articles » de la constitution comme on pourrait les appeler, sont régis par la suprématie des lois du pays, dans toutes les institutions anglaises, et servent à illustrer cette suprématie1 . Si, à un moment donné, le droit constitutionnel devait être codifié, chacune des questions que j'ai mentionnées serait traitée dans les dispositions du code. Un grand nombre de ces questions sont de fait traitées dans les constitutions écrites des pays étrangers, et notamment dans les articles de la constitution belge qui, comme il en a déjà été fait mention, résume d'une façon admirable les principales maximes du droit constitutionnel anglais. À titre d'illustration, il sera donc souvent approprié de nous fonder sur l'article de la constitution belge, ou peut-être d'une autre constitution, portant sur la question, par exemple le droit à la liberté personnelle, et de nous demander jusqu'à quel point le principe incorporé dans pareille constitution est reconnu dans le droit anglais et, s'il est ainsi reconnu, de déterminer les moyens par lesquels il est maintenu ou appliqué par nos tribunaux. Le droit constitutionnel est mal compris parce que nous le comparons rarement aux dispositions constitutionnelles d'autres pays. Ici, comme ailleurs, la comparaison est essentielle.
     ______________________________________________________________________________
     1 En Angleterre, la règle de l'égalité devant la loi est maintenant exposée à un nouveau danger. Comme l'a dit sir F. Pollock : [TRADUCTION] « Le législateur a jugé bon, au moyen de la Trade Disputes Act, 1906, de conférer des immunités exceptionnelles tant aux employeurs qu'aux travailleurs, et dans une certaine mesure, à certaines personnes agissant dans leur intérêt. De toute évidence, la science juridique n'a rien à voir avec cette opération empirique violente sur le corps politique, et nous pouvons uniquement nous fonder sur des ressorts étrangers pour un examen judiciaire plus approfondi des problèmes que nos tribunaux tentaient (avec un certain succès, comme on le soutient) de résoudre sur la base des principes de justice légale. » -- Pollock, Law of Torts (8e éd., 1908, p. v).

[11]      Les règles et la loi qui s'appliquent à cette cour ne font pas mention de procédures in forma pauperis, c'est-à-dire de procédures engagées « dans la forme du pauvre » . Il ne semble donc y avoir aucune forme prescrite d'affidavit permettant au demandeur in forma pauperis de prouver à cette cour qu'il doit être autorisé à agir « dans la forme du pauvre » . Le demandeur a déposé pareil affidavit (onglet 6 du dossier de la requête), lequel est ainsi libellé :

     [TRADUCTION]
     Je, Edwin Pearson, résidant à [...] (Ontario) [...] déclare sous serment ce qui suit :
     1.      Le présent affidavit vise à étayer la requête que j'ai présentée en vue de solliciter l'autorisation de faire entendre l'affaire in forma pauperis dans le dossier no T-290-99.
     2.      Je suis demandeur dans l'action susmentionnée.
    
     3.      À l'heure actuelle, je n'exerce dans une entreprise aucun emploi qui me donnerait une rémunération.
     4.      J'ai 67 ans.
     5.      Je touche une pension de vieillesse et un supplément de l'Ontario, d'un montant mensuel total de moins de 1 000 $.
     6.      Je n'ai pas d'argent dans un compte de chèques ou dans un compte d'épargne, au Canada ou à l'étranger.
     7.      Je ne possède pas de biens immobiliers, d'actions, d'obligations, de billets, de voiture ou d'autres biens de valeur au Canada ou à l'étranger.
     8.      Mon fils aîné, qui n'est pas marié, loue le logement dans lequel je réside et paie la majeure partie du loyer y afférent.
     9.      Je ne touche pas de revenu d'entreprise, ni de loyers, d'intérêts, de dividendes, de rentes, de prestations d'assurance-vie, et je n'ai hérité d'aucun bien.
     10.      Si l'on ne m'autorise pas à faire entendre l'affaire in forma pauperis, je serai privé des droits d'accès aux tribunaux compétents qui me sont reconnus à l'article 2 et au paragraphe 24(1) de la Charte.
     Tous les faits allégués dans les présentes sont exacts.
     À CES MOTIFS, JE SIGNE :          « Edwin Pearson »
     Fait sous serment devant moi le 14 avril 2000,
     à Toronto (Ontario)
     Commissaire à l'assermentation, Municipalité régionale
     de Hamilton-Wentworth
     (Signé par Sheila Ann Idoine, commissaire)

[12]      Cet affidavit aurait d'une façon utile pu faire l'objet d'un contre-interrogatoire, mais nous ne disposons plus du temps nécessaire pour procéder à pareil contre-interrogatoire.

[13]      La doctrine de la primauté du droit fait partie du droit, du moins dans les ressorts du Canada où s'applique la common law, et elle en faisait partie bien avant l'adoption de la Charte, comme le démontrent en partie les écrits du professeur Dicey. Il en va de fait de même pour le précepte y afférent -- l'égalité des droits parmi tous ceux qui réclament la paix offerte par le souverain, soit en fait tous les habitants, citoyens et autres. Ce qui en droit est réservé aux pauvres gens -- l'introduction de poursuites judiciaires in forma pauperis -- est un droit de la personne qui peut donc être revendiqué par le présent demandeur, même sur la base de la simple preuve qu'il a fournie, aux fins de l'introduction de poursuites judiciaires in forma pauperis. S'il existait des règles précises à l'égard de pareilles poursuites, elles exigeraient peut-être que le demandeur démontre que les poursuites sont raisonnablement justifiées, mais pareille exigence ne devrait pas être très stricte car elle ferait artificiellement obstacle à l'égalité d'accès aux tribunaux ordinaires du pays et empêcherait en partie l'application de la doctrine de la primauté du droit elle-même. Il y aura fort probablement toujours des règles permettant la radiation de poursuites non fondées, destinées à remédier à pareille situation.

[14]      Étant donné que le demandeur sollicite l'égalité des droits, il est clair qu'il ne cherche pas à remettre en question la validité, l'applicabilité ou l'effet d'une loi fédérale ou provinciale, sur le plan constitutionnel, mais qu'il cherche plutôt à convaincre cette cour, conformément à la règle 55, de le dispenser de l'observation de toutes les règles l'obligeant à payer les droits de dépôt et autres frais judiciaires conformément aux règles, et non de façon à éviter l'application d'une règle.

[15]      Quelle est la circonstance particulière liée au recours à la règle 55? Il est clair que l'absence d'une règle de procédure in forma pauperis viole en soi la doctrine de la primauté du droit, qui fait partie intégrante de la common law, ce qui constitue à coup sûr une circonstance particulière au sens de la règle 55. Les règles et lois qui visent à aider les pauvres ne prévoient pas le cas d'un plaideur vivant dans l'aisance ou d'une personne jouissant d'une certaine notoriété ou même d'un certain prestige social : elles visent plutôt à s'appliquer aux pauvres, aux personnes qui n'ont pas d'influence et aux personnes que les gens imbus d'eux-mêmes considèrent comme n'ayant tout simplement pas d'importance.

[16]      Il s'agit d'une question d'actualité, même si cette cour n'a pas à prendre connaissance de cet aspect de la question. Dans les journaux, on a récemment relaté qu'un avocat de la Colombie-Britannique avait effectué une randonnée en bicyclette en vue d'aider les pauvres et qu'il déplorait le fait que le système juridique n'assurait pas un accès équitable. Il est encore plus important de noter la recommandation que Madame le juge en chef du Canada a faite aux avocats, à savoir exiger des honoraires raisonnables, ce qui, comme elle l'a clairement dit, permettrait à un plus grand nombre de gens d'avoir accès au système judiciaire. La chose serait tout à fait conforme à la doctrine de la primauté du droit.

[17]      La doctrine de la primauté du droit est un élément important de la common law, sur laquelle repose la compétence de cette cour, comme il en est fait mention à l'article 3 de la Loi sur la Cour fédérale. Compte tenu des remarques susmentionnées, cette cour applique la règle 55 et dispense le demandeur de l'application de toutes les règles telles que la règle 19 et les tarifs A et B, mais rien dans les présents motifs ne doit être considéré comme exonérant le demandeur de toute responsabilité qu'il pourrait avoir envers la défenderesse à l'égard des dépens que le juge présidant l'instruction, le juge responsable de la gestion de l'instance ou le protonotaire pourra par la suite imposer à celui-ci par suite de la mauvaise conduite reconnue de l'affaire, le cas échéant, ou à l'égard des montants qui auront été accordés au demandeur en vue de permettre l'indemnisation des personnes qui auront à sa demande été citées comme témoins.


                 F. C. MULDOON

             __________________________

                 Juge

Ottawa (Ontario),

Le 14 septembre 2000.

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      T-290-90

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Edwin Pearson c. Sa Majesté la Reine
LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 1er mai 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Muldoon en date du 14 septembre 2000


ONT COMPARU :

Edwin Pearson          POUR LE DEMANDEUR
J. André Chamberlain          POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Edwin Pearson          POUR LE DEMANDEUR

Burlington (Ontario)

Morris Rosenberg          POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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