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Date : 20190514


Dossier : T-1255-16

Référence : 2019 CF 669

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 mai 2019

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

CHIRADEEP DUTTA GUPTA

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le présent jugement fait suite à la requête de la défenderesse en jugement sommaire présentée sous le régime de l’article 213 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (Règles des Cours fédérales).

[2]  Le 28 juillet 2016, le demandeur, M. Chiradeep Gupta, a signifié et déposé une action en dommages‑intérêts contre les défendeurs, Sa Majesté la Reine et le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (le ministre). La demande du demandeur est fondée sur des allégations de faute lourde, de complot et d’atteinte à ses droits fondamentaux par des représentants du ministre et de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) dans leur traitement de sa demande de citoyenneté canadienne entre 2010 et 2015.

[3]  La défenderesse fait valoir que la Cour devrait rendre un jugement sommaire en application de l’article 215 des Règles des Cours fédérales pour les motifs suivants : (1) l’action du demandeur est prescrite aux termes de la Loi de 2002 sur la prescription des actions de l’Ontario, LO 2002, c 24, annexe B, (Loi sur la prescription des actions de l’Ontario), parce que la procédure a été entamée plus de deux ans après la découverte des faits qui ont donné naissance à la réclamation, et (2) l’action du demandeur ne soulève pas de véritable question litigieuse.

[4]  Pour les motifs énoncés ci‑dessous, j’ai conclu que la réclamation du demandeur ne soulève aucune véritable question litigieuse. La requête de la défenderesse en jugement sommaire sera donc accueillie.

I.  Changement des défendeurs désignés et de l’intitulé

[5]  Conformément à l’article 76 des Règles des Cours fédérales, la défenderesse demande à juste titre que le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté soit retiré comme défendeur en l’espèce et que l’intitulé soit modifié en conséquence. Je fais droit à cette demande et je modifie l’intitulé en conséquence.

II.  Contexte factuel

[6]  Le demandeur est un citoyen de l’Inde. Il est devenu résident permanent du Canada en décembre 2002. Le demandeur a présenté une demande de citoyenneté canadienne le 29 décembre 2008 et a subi un examen pour l’obtention de la citoyenneté en novembre 2009. Le 30 avril 2010, sa demande de citoyenneté canadienne a été approuvée par un juge de la citoyenneté. Le demandeur devait prêter son serment de citoyenneté à l’occasion d’une cérémonie à Etobicoke, en Ontario, le 10 septembre 2010.

[7]  Dans sa déclaration, le demandeur affirme qu’il est retourné aux États‑Unis pour régler certaines affaires le 12 juillet 2010. Il a été arrêté aux États‑Unis le 16 juillet 2010 et a été inculpé de fraude contre le régime d’assurance de soins médicaux.

[8]  Le 7 septembre 2010, une agente du Federal Bureau of Investigation (FBI) des États‑Unis, Mme Katrina Amos, a communiqué avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) (alors Citoyenneté et Immigration Canada ou CIC) pour l’informer des accusations portées contre le demandeur ainsi que de la crainte du FBI que le demandeur se rende au Canada s’il est libéré sous caution et qu’il ne retourne pas aux États‑Unis pour y subir son procès. Le 9 septembre 2010, le demandeur a été autorisé par un juge d’une cour de district des États‑Unis au Michigan à se rendre au Canada pour une unique journée, le 10 septembre 2010, afin d’assister à sa cérémonie de la citoyenneté. Le même jour, Mme Amos a avisé Mme Heather Primeau, d’IRCC, du voyage du demandeur au Canada.

[9]  Le 9 septembre 2010, des fonctionnaires d’IRCC ont porté la situation du demandeur à l’attention de Mme Maha Suleiman, l’agente de la citoyenneté du bureau d’IRCC à Etobicoke qui était chargée du dossier du demandeur.

[10]  Le 10 septembre 2010, lors de la cérémonie de prestation du serment ou juste avant, le demandeur a été avisé par Mme Suleiman que son serment de citoyenneté était retardé jusqu’à ce que de plus amples renseignements soient recueillis au sujet de sa résidence au Canada et de la procédure criminelle intentée contre lui aux États‑Unis. Le demandeur et la défenderesse ne s’entendent pas sur la question de savoir si le demandeur a été expulsé de la salle où se déroulait la cérémonie alors que la cérémonie débutait, ce qui lui aurait causé de l’humiliation, ou s’il a été abordé en privé par Mme Suleiman juste avant la cérémonie.

[11]  Le 16 septembre 2010, le demandeur a écrit à IRCC pour indiquer que ses accusations criminelles allaient être réglées rapidement et qu’il mettrait IRCC au courant du résultat de l’instance. Il a demandé que sa prestation du serment de citoyenneté soit repoussée jusqu’à ce que les accusations portées contre soient réglées. Le demandeur a également fourni sa nouvelle adresse à Toronto.

[12]  Le 18 octobre 2010, Mme Caroline Lemieux, agente de révision de cas d’IRCC, a recommandé à Mme Suleiman que le dossier du demandeur soit renvoyé à l’ASFC pour un examen de la recevabilité de la demande en raison des accusations criminelles portées aux États‑Unis et qu’une lettre soit envoyée au demandeur pour l’informer des préoccupations d’IRCC quant à sa résidence. En raison d’une restructuration des opérations d’IRCC, aucune mesure n’a été prise par suite de ces recommandations. En novembre 2010, le dossier du demandeur a été transféré d’Etobicoke à Mississauga, ce qui a entraîné des retards dans la procédure d’examen. Le 8 avril 2011, le dossier du demandeur a été confié à Mme Livia Cardamone, agente de la citoyenneté d’IRCC.

[13]  Le 26 octobre 2012, le demandeur a été déclaré coupable de fraude contre le régime d’assurance de soins médicaux et de blanchiment d’argent aux États‑Unis.

[14]  Le 7 juin 2013, Mme Cardamone a tenté de prendre contact avec le demandeur au sujet de l’issue de ses accusations criminelles. Les parties ne s’entendent pas sur l’allégation du demandeur selon laquelle il l’aurait rappelée et lui aurait laissé un message. Quoi qu’il en soit, Mme Cardamone et le demandeur ne se sont pas parlé.

[15]  Le 24 janvier 2014, le demandeur a été condamné aux États‑Unis à une peine d’emprisonnement de dix ans et a reçu l’ordre de restituer 10 millions de dollars (US). Juste avant la date à laquelle il devait se présenter pour être incarcéré, le demandeur a été arrêté alors qu’il tentait de monter à bord d’un vol en partance pour l’Inde. Il a plaidé coupable à un chef d’outrage au tribunal et a été condamné à deux années additionnelles d’emprisonnement qui devaient être purgées consécutivement à sa peine initiale. Le demandeur a commencé à purger sa peine d’emprisonnement le 4 février 2015. Il a interjeté appel de sa déclaration de culpabilité et de sa peine en invoquant une aide inefficace de la part de son conseiller juridique, mais, le 14 mars 2018, la cour d’appel du sixième circuit des États‑Unis a rejeté la requête en annulation, en levée ou en correction de la peine présentée par le demandeur.

[16]  Au début de 2015, le Centre de traitement des données d’IRCC à Mississauga a effectué une révision des dossiers de citoyenneté en cours. Le 9 avril 2015, Mme Laura Miggiani, une agente de la citoyenneté d’IRCC, a communiqué avec Mme Anne Raposo, de l’ASFC, pour l’informer qu’IRCC avait découvert que le demandeur avait été déclaré coupable et condamné à purger dix ans en prison aux États‑Unis. Mme Miggiani a demandé si l’ASFC avait l’intention de prendre des mesures d’exécution contre le demandeur en raison de l’irrecevabilité de sa demande pour cause de criminalité. Le même jour, Mme Cardamone a demandé à une collègue de prendre les dispositions nécessaires pour que le demandeur puisse prêter son serment de citoyenneté et de tenir pour acquis qu’il abandonnerait sa demande s’il ne se présentait pas à la cérémonie. La cérémonie devait avoir lieu le 27 avril 2015.

[17]  Toujours le 9 avril 2015, Mme Raposo a informé IRCC que l’ASFC prévoyait prendre des mesures d’exécution en raison de la criminalité du demandeur. L’ASFC a demandé que la demande de citoyenneté du demandeur soit mise en attente. Le 14 avril 2015, Mme Raposo a avisé IRCC qu’aucune autre mesure ne serait prise contre le demandeur avant 2023, année de sa libération de prison, et qu’il y aurait une inscription dans son dossier.

[18]  Le ou vers le 13 avril 2015, le demandeur a été convoqué, au moyen d’un avis de convocation envoyé à sa dernière adresse connue au dossier, soit son adresse à Toronto, à une cérémonie de la citoyenneté qui devait avoir lieu à Mississauga, en Ontario, le 27 avril 2015. Le demandeur ne s’est pas présenté à la cérémonie de prestation du serment. L’avis de convocation d’IRCC a été renvoyé à l’expéditeur le 5 mai 2015.

[19]  Le 9 juin 2015, une lettre d’abandon de la demande de citoyenneté a été envoyée au demandeur. Cette lettre a elle aussi été retournée à son expéditeur.

[20]  Le 11 juin 2015, la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29 (Loi sur la citoyenneté) a été modifiée de manière à élargir l’interdiction d’octroyer la citoyenneté pour qu’elle s’applique aux personnes qui ont été déclarées coupables à l’étranger d’une infraction qui, si elle avait été commise au Canada, aurait constitué un acte criminel prévu par une loi fédérale ou qui purgent une peine à l’étranger pour une infraction de cette nature.

[21]  Le 5 août 2015, l’avocat du demandeur a écrit à IRCC pour indiquer que celui‑ci avait omis de mettre à jour ses coordonnées. Il a demandé que le dossier du demandeur soit rouvert et que sa cérémonie de citoyenneté soit fixée à une nouvelle date après sa remise en liberté. La lettre indiquait que l’omission de la part du demandeur de se présenter à la cérémonie avait échappé à son contrôle. Le 10 septembre 2015, l’avocat du demandeur a demandé qu’on l’informe de ce qui avait été fait pour faire suite à sa lettre.

[22]  Le 27 octobre 2015, le contenu du dossier de citoyenneté du demandeur lui a été divulgué en réponse à une demande d’accès à l’information (DAI). Parmi les documents remis au demandeur se trouvaient les courriels échangés entre les fonctionnaires d’IRCC et ceux de l’ASFC sur lesquels sa demande est maintenant fondée.

III.  Historique du litige

[23]  Le 28 juillet 2016, le demandeur a déposé une action en dommages‑intérêts contre Sa Majesté la Reine et le ministre. Le demandeur cherche à obtenir des dommages‑intérêts moraux de 30 000 $ par année depuis 2010 ainsi que des dommages‑intérêts exemplaires de 50 000 $ pour la perte de ses droits de citoyenneté et la violation de ses droits fondamentaux. En gros, le demandeur fait reposer son action sur les assertions suivantes :

[traduction] 1. Faute lourde d’IRCC : Le demandeur allègue de façon répétée qu’un juge de la citoyenneté lui a attribué la citoyenneté canadienne le 30 avril 2010 et que, depuis les mesures prises par les fonctionnaires d’IRCC le 10 septembre 2010 pour lui refuser la possibilité de prêter le serment de citoyenneté, les fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC complotent pour le priver de ses droits de citoyenneté afin d’aider le procureur des États‑Unis, Wyatt Pratt, dans sa cabale personnelle contre le demandeur. Ce faisant, les fonctionnaires n’ont pas respecté les lois et les règlements canadiens, étant donné que sa criminalité aux États‑Unis n’était pas un motif pour le priver de ses droits de citoyenneté. Le demandeur affirme que cette conduite s’est poursuivie jusqu’en juin 2015, lorsque Mmes Cardamone et Raposo ont décidé de le convoquer à une cérémonie de prestation de serment pendant qu’il était incarcéré aux États‑Unis et, donc, alors qu’il était incapable d’y assister. Le demandeur fait valoir que ces actes ne sont pas le fait d’un seul employé, mais qu’ils étaient planifiés et mis en œuvre à l’unisson par de nombreux agents et superviseurs qui ont intentionnellement fait fi de ses droits de citoyenneté cristallisés et qui lui ont menti à de nombreuses reprises.

2. Violation des droits fondamentaux du demandeur : Le demandeur allègue que les actes des fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC ont violé son droit à l’égalité garanti par l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi sur le Canada de 1982 (Royaume‑Uni), 1982, c 11 (Charte) et, plus généralement, à la protection de tous les droits garantis aux citoyens canadiens en vertu de la Charte.

3. Dommages‑intérêts : Le demandeur allègue que la défenderesse lui a causé des préjudices moraux impossibles à quantifier en raison du stress émotionnel permanent découlant du fait qu’il sait qu’il n’a pas été traité de façon légitime par les fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC et qu’il a perdu son espoir légitime d’obtenir la citoyenneté. Il allègue que ces actes lui ont occasionné la perte irrécupérable de ses droits de citoyenneté, étant donné qu’il est incarcéré aux États‑Unis et qu’il est incapable de purger sa peine dans une prison canadienne. À l’appui de sa demande de dommages‑intérêts, le demandeur mentionne également les mauvaises expériences qu’il a vécues en tant qu’étranger incarcéré dans une prison aux États‑Unis.

[24]  Le 26 septembre 2016, la défenderesse a déposé sa défense. Elle rejette l’interprétation que fait le demandeur des actes des fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC lorsqu’il les qualifie de complot ou de machination contre lui, et fait valoir ce qui suit :

1.  Arguments factuels : La défenderesse rejette les allégations du demandeur selon lesquelles on a demandé à Mme Suleiman d’empêcher le demandeur de prêter son serment de citoyenneté à la suite d’échanges avec Mme Amos du FBI. La défenderesse nie également que Mme Suleiman ait mal informé le demandeur au sujet du motif de la remise de sa cérémonie de prestation de serment. La défenderesse affirme que Mme Suleiman a informé le demandeur que sa cérémonie serait retardée, compte tenu du fait que ses accusations de fraude aux États‑Unis soulevaient des préoccupations au sujet de sa résidence au Canada pendant la période pertinente. En réplique à l’allégation du demandeur selon laquelle les fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC avaient fait fi de la loi et avaient attendu cinq ans jusqu’à ce qu’il ne puisse plus retourner au Canada pour annuler ses droits, la défenderesse affirme que le ministre a différé, plutôt que refusé, l’attribution de la citoyenneté au demandeur et que le ministre n’avait aucune obligation légale ni positive d’administrer le serment de citoyenneté à l’intérieur d’une période prescrite.

2.  Prescription : La défenderesse fait valoir que les faits pertinents qui constituent le fondement de la demande de dommages‑intérêts du demandeur contre le ministre se sont produits à Etobicoke, en Ontario, le 10 septembre 2010, lorsqu’on l’a empêché de prêter serment. En vertu de l’article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, c C‑50 (Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif), et du paragraphe 39(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 (Loi sur les Cours fédérales), étant donné que la réclamation du demandeur a pris naissance en Ontario, ce sont les règles de droit provinciales en matière de prescription qui s’appliquent en l’espèce. En vertu de l’article 4 de la Loi sur la prescription des actions de l’Ontario, le délai de prescription applicable est de deux ans. Étant donné que les faits sur lesquels est fondée l’action du demandeur ont été découverts plus de deux ans avant que l’action soit intentée, la réclamation est prescrite.

3. Conduite d’IRCC : La défenderesse insiste sur le fait que le juge de la citoyenneté ne pouvait pas attribuer la citoyenneté au demandeur. Ce pouvoir était réservé au ministre en vertu du paragraphe 14(2) de la Loi sur la citoyenneté en vigueur à l’époque. Pour devenir citoyen canadien, le demandeur était tenu de prêter le serment de citoyenneté à l’occasion d’une cérémonie de la citoyenneté, conformément aux paragraphes 19(1) et (2) du Règlement sur la citoyenneté, DORS/93‑246. La défenderesse précise que la citoyenneté canadienne est un privilège, et non un droit fondamental, et que les préoccupations d’IRCC au sujet de sa résidence au Canada pendant la période pertinente étaient légitimes, compte tenu des renseignements provenant du FBI au sujet des accusations de fraude portées contre le demandeur aux États‑Unis. Mme Suleiman avait le pouvoir de retarder la cérémonie de prestation de serment du demandeur et la preuve ne fait ressortir aucun objectif inapproprié ou complot.

4.  Dommages‑intérêts allégués : La défenderesse fait valoir que le demandeur n’a subi aucun dommage ni préjudice en raison des actes d’IRCC. La preuve n’appuie pas l’allégation selon laquelle les fonctionnaires d’IRCC ont agi de mauvaise foi ou de façon malicieuse. Les fonctionnaires n’engagent pas leur responsabilité lorsqu’ils exercent leurs fonctions de bonne foi dans le cadre de leur emploi. De plus, il n’existe aucune preuve de violation des droits constitutionnels du demandeur qui lui aurait permis de recouvrer des dommages‑intérêts en vertu de la Charte.

[25]  Le 28 juin 2017, la défenderesse a interrogé le demandeur à l’établissement correctionnel fédéral de Milan, au Michigan.

[26]  Le 27 octobre 2017, le demandeur a fait signifier à la défenderesse deux questionnaires d’interrogatoire (un pour IRCC et l’autre pour l’ASFC). Le 17 novembre 2017, l’ASFC s’est opposée à son interrogatoire par le demandeur, parce que l’action ne comportait aucune allégation de délit civil, d’acte répréhensible ou de préjudice attribuable à l’ASFC. La défenderesse a fourni les réponses d’IRCC au questionnaire d’interrogatoire le 17 décembre 2017 et les réponses de l’ASFC le 11 octobre 2018.

[27]  Les avocats des parties ont tenu des discussions en vue d’un règlement au début de juillet 2018. Le 18 juillet 2018, le demandeur a déposé une demande de conférence préparatoire au procès. Peu après, le 23 juillet 2018, les défendeurs ont informé la Cour et le demandeur qu’ils allaient présenter une requête en jugement sommaire.

IV.  Requête en jugement sommaire

[28]  La défenderesse a déposé la présente requête en jugement sommaire le 15 octobre 2018.

[29]  La défenderesse fait valoir que la Cour devrait prononcer un jugement sommaire en application de l’article 215 des Règles des Cours fédérales pour les motifs suivants :

1.  L’action du demandeur est prescrite en vertu de la Loi sur la prescription des actions de l’Ontario en raison du fait que la procédure a été intentée plus de deux ans après que les faits sous‑jacents à la demande eurent été découverts;

2.  L’action du demandeur ne soulève aucune véritable question litigieuse, étant donné que le demandeur :

a)  n’invoque pas la common law en matière de délit civil en Ontario, soit le droit applicable régissant l’action;

b)  n’invoque ni n’établit aucune des causes d’action alléguées;

c)  n’invoque et n’établit pas adéquatement l’existence de préjudice.

V.  Question préliminaire – Demande du demandeur de radier certains affidavits

[30]  À l’appui de sa requête en jugement sommaire, la défenderesse a produit les affidavits suivants :

  • - Wayne F. Pratt, procureur adjoint des États‑Unis pour la division Est du Michigan et chef de l’unité de répression des fraudes contre le régime d’assurance de soins médicaux;

  • - Heather Primeau, directrice générale, Réseau centralisé, IRCC (anciennement directrice principale, Division de l’examen des cas, IRCC);

  • - Rosemarie Redden, analyste principale des programmes et de la politique, Direction générale de l’orientation sur les risques pour l’intégrité, IRCC (anciennement gestionnaire, Unité de l’examen des cas de citoyenneté, IRCC);

  • - Diane Desrosiers, gestionnaire d’unité, ambassade du Canada en Turquie (anciennement directrice, Unité de l’immigration, IRCC);

  • - Maha Suleiman, agente de la citoyenneté, IRCC;

  • - Livia Cardamone, ancienne agente de la citoyenneté, IRCC;

  • - Anne Raposo, superviseure de l’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs, ASFC;

  • - Carmela Manni, adjointe juridique, ministère de la Justice du Canada.

[31]  Le demandeur fait valoir que les affidavits de M. Pratt, Mme Primeau, Mme Redden et Mme Desrosiers devraient tous être radiés. En ce qui concerne l’affidavit de M. Pratt, le demandeur affirme qu’il n’est d’aucune utilité pour l’instruction de la requête, étant donné que M. Pratt déclare qu’il n’est intervenu dans aucun des dossiers du demandeur ni dans l’enquête et la poursuite dont le demandeur a fait l’objet aux États‑Unis. Le demandeur soutient que M. Pratt n’a pas une connaissance personnelle des événements, contrairement à ce qu’exige le paragraphe 81(1) des Règles des Cours fédérales. Dans le même ordre d’idées, le demandeur fait valoir que les affidavits de Mme Primeau, Mme Redden et Mme Desrosiers devraient aussi être radiés parce qu’ils ne reposent pas sur la connaissance personnelle des déclarantes.

[32]  Le demandeur invoque le paragraphe 81(1) des Règles qui prévoit ce qui suit :

81 (1) Les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle, sauf s’ils sont présentés à l’appui d’une requête – autre qu’une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire – auquel cas ils peuvent contenir des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits, avec motifs à l’appui.

81(1) Content of Affidavits – Affidavits shall be confined to facts within the deponent’s personal knowledge except on motions, other than motions for summary judgment or summary trial, in which statements as to the deponent’s belief, with the grounds for it, may be included.

[33]  Lors de l’instruction de la présente requête, j’ai indiqué que je ne ferais pas droit à la demande de radier les affidavits formulée par le demandeur. Mes motifs sont les suivants :

[34]  La demande du demandeur visant à faire radier les affidavits repose sur une compréhension erronée des conditions du paragraphe 81(1) des Règles, qui exige qu’un déclarant limite le contenu de son affidavit aux faits dont il a une connaissance personnelle. Dans l’affidavit de M. Pratt, celui‑ci relate le déroulement de l’enquête, de la poursuite et de la déclaration de culpabilité du demandeur pour fraude contre le régime d’assurance de soins médicaux aux États‑Unis. Il décrit également son intervention limitée dans le processus. M. Pratt affirme catégoriquement que l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait pris contact avec Mme Amos est une fabulation, comme les allégations du demandeur voulant que M. Pratt ait participé au processus de négociation du plaidoyer. M. Pratt a eu une connaissance personnelle de toutes ces questions et celles‑ci sont directement pertinentes quant aux assertions du demandeur concernant la cabale personnelle alléguée de M. Pratt et sa participation à un complot contre lui, qui représentent une des pierres angulaires de la réclamation du demandeur.

[35]  Pour leur part, Mme Primeau, Mme Redden et Mme Desrosiers expliquent la présence de leur nom dans l’une des chaînes de courriels critiques sur lesquelles le demandeur se fonde pour invoquer l’existence d’un complot à IRCC. Même si Mme Primeau affirme qu’elle ne se souvient pas précisément du cas du demandeur, cette admission ne touche pas l’admissibilité ni la pertinence de son affidavit, étant donné qu’elle repose sur sa connaissance personnelle et qu’elle est pertinente quant aux allégations formulées par le demandeur. Mme Primeau décrit son rôle à IRCC au moment pertinent et la façon dont elle aurait réagi à l’information du FBI concernant un problème possible de citoyenneté canadienne. Elle explique également pourquoi elle a fait parvenir une copie de sa correspondance à Mme Desrosiers et Mme Redden. La même analyse s’applique aux affidavits de Mmes Desrosiers et Redden, qui contiennent des explications similaires.

VI.  Contexte législatif

[36]  Le texte intégral des dispositions pertinentes de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29, dans leur libellé de 2010 (Loi sur la citoyenneté de 2010), et des Règles des Cours fédérales concernant les requêtes en jugement sommaire se trouvent à l’annexe A du présent jugement. Je fais également mention de dispositions particulières de la Loi sur la citoyenneté de 2010 et des Règles des Cours fédérales au besoin dans mon analyse de la requête.

[37]  Même si j’ai conclu qu’il n’est pas nécessaire de statuer sur les arguments de la défenderesse qui ont trait au délai de prescription applicable à la réclamation du demandeur (voir les paragraphes 44 à 46 du présent jugement), j’ai inclus le libellé des mesures législatives fédérales et provinciales applicables à cette question à l’annexe A par souci de commodité.

VII.  Analyse

A.  Le droit applicable aux requêtes en jugement sommaire

[38]  Avant de me pencher sur le fond de la requête de la défenderesse, je vais brièvement passer en revue le droit qui régit les requêtes en jugement sommaire en Cour fédérale. Le jugement sommaire a pour objet de permettre à la Cour de disposer sommairement d’affaires qui ne devraient pas se rendre à procès en raison du fait qu’elles ne soulèvent aucune véritable question litigieuse. Dans l’arrêt Hryniak c Mauldin, 2014 CSC 7 (Hryniak), la Cour suprême du Canada s’est penchée sur les valeurs qui sous‑tendent la procédure du jugement sommaire. Même si l’arrêt Hryniak concernait l’interprétation des Règles de procédure civile de l’Ontario, RRO 1990, Règl. 194 (dont le libellé est différent de celui des Règles des Cours fédérales portant sur le jugement sommaire), les principes énoncés par la Cour suprême sont d’application générale et nous rappellent que les mêmes objectifs, qui consistent à épargner les ressources judiciaires et à améliorer l’accès à la justice, tout en assurant qu’une action donne lieu à une décision adéquate, sous‑tendent les Règles des Cours fédérales applicables (Hryniak, au paragraphe 35; voir aussi Manitoba c Canada, 2015 CAF 57, au paragraphe 11).

[39]  Les articles 213 à 215 des Règles des Cours fédérales régissent les requêtes en jugement sommaire devant la Cour. L’application de ces règles a été étudiée de façon exhaustive par la juge MacTavish dans la décision Milano Pizza c 6034799 Canada Inc., 2018 CF 1112, aux paragraphes 24 à 41 (Milano Pizza). En vertu du paragraphe 215(1) des Règles, la Cour rend un jugement sommaire si le juge est convaincu « qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou une défense ». La Cour suprême a décrit les situations dans lesquelles un juge peut rendre une décision de cette nature dans le passage suivant (Hryniak, au paragraphe 49) :

[49]  Il n’existe pas de véritable question litigieuse nécessitant la tenue d’un procès lorsque le juge est en mesure de statuer justement et équitablement au fond sur une requête en jugement sommaire. Ce sera le cas lorsque la procédure de jugement sommaire (1) permet au juge de tirer les conclusions de fait nécessaires, (2) lui permet d’appliquer les règles de droit aux faits et (3) constitue un moyen proportionné, plus expéditif et moins coûteux d’arriver à un résultat juste.

[40]  Le critère applicable à une requête en jugement sommaire ne consiste pas à savoir si une partie n’a aucune chance d’obtenir gain de cause au procès, mais plutôt à établir si le succès de la demande est tellement douteux que celle‑ci ne mérite pas d’être examinée par le juge des faits dans le cadre d’un éventuel procès (Milano Pizza, au paragraphe 33; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Campbell, 2014 CF 40, au paragraphe 14). Il incombe à la partie qui demande un jugement sommaire de satisfaire au critère. Toutefois, l’article 214 des Règles des Cours fédérales exige que la partie intimée énonce des faits précis dans sa réponse à la requête et produise des éléments de preuve démontrant l’existence d’une véritable question litigieuse (Milano Pizza, aux paragraphes 34 et 35). Autrement dit, la partie intimée doit présenter ses meilleurs arguments (Première Nation Samson c Canada, 2015 CF 836, au paragraphe 94 (Première Nation Samson); conf. 2016 CAF 223, aux paragraphes 21 et 24).

[41]  Il est bien établi que les affaires soulevant des préoccupations importantes quant à la crédibilité des témoins ne doivent pas être décidées sur une requête en jugement sommaire. Comme l’a dit la juge Mactavish (Milano Pizza, au paragraphe 37) :

[37]  Il est en effet de jurisprudence constante que le tribunal saisi d’une requête en jugement sommaire ne doit pas se prononcer sur les questions de crédibilité. En règle générale, le juge qui entend et observe le témoignage principal et le contre‑interrogatoire des témoins est mieux à même d’apprécier leur crédibilité et de tirer des inférences que le juge qui doit uniquement se fonder sur des affidavits et des éléments de preuve documentaires : TPG Technology Consulting Ltd. c Canada, 2013 CAF 183, au paragraphe 3, [2013] ACF no 836.

[42]  Le fait que les questions sérieuses de crédibilité devraient uniquement être décidées au procès n’empêche pas d’accueillir une requête en jugement sommaire lorsque la preuve est contradictoire devant le juge des requêtes. Le juge doit plutôt déterminer si la question qui lui est soumise en est une de crédibilité.

[43]  En dernier lieu, je suis consciente du fait que je dois agir avec prudence dans mon examen de la requête en jugement sommaire de la défenderesse, car faire droit à la requête déciderait du sort de l’action du demandeur sans lui avoir donné la possibilité de produire sa preuve dans le cadre d’un procès en bonne et due forme. Un jugement sommaire ne doit être accordé que dans les cas les plus évidents, lorsque la Cour est convaincue qu’il n’est pas nécessaire de tenir un procès sur la ou les questions soulevées (Première Nation Samson, au paragraphe 96).

B.  Délai de prescription applicable

[44]  La défenderesse fait valoir à juste titre que la Cour peut prononcer un jugement sommaire sur la base d’un délai de prescription expiré (Warner c Canada, 2019 CF 329, au paragraphe 18; voir aussi Riva Stahl GmbH c Combined Atlantic Carriers GmbH, [1999] ACF no 762, 243 NR 183). La défenderesse réitère sa thèse selon laquelle la réclamation du demandeur est prescrite en tout ou en partie, parce que l’incident qui est à l’origine de celle‑ci s’est produit à Etobicoke, en Ontario, le 10 septembre 2010, lorsqu’on l’a empêché de prêter le serment de citoyenneté. Toutes les conséquences qui en ont découlé étaient susceptibles d’être découvertes sur-le-champ ou raisonnablement. La défenderesse affirme que par le jeu combiné de l’article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, du paragraphe 39(1) de la Loi sur les Cours fédérales et des articles 4 et 5 de la Loi sur la prescription des actions de l’Ontario, le délai de prescription de la réclamation du demandeur est de deux ans. Le demandeur a donc déposé sa déclaration près de quatre ans après l’expiration du délai de prescription applicable.

[45]  Le demandeur n’est pas d’accord avec la défenderesse sur l’analyse que celle‑ci fait du délai de prescription applicable à sa réclamation et fait valoir que celle‑ci a pris naissance ailleurs que dans une province et que le délai de prescription applicable est de six ans après la naissance de sa cause d’action (article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif et paragraphe 39(2) de la Loi sur les Cours fédérales). Le demandeur soutient que sa réclamation n’a pas pris naissance dans une province, étant donné que sa demande de citoyenneté a d’abord été étudiée en Nouvelle‑Écosse avant d’être envoyée en Ontario, où il résidait. Il invoque également la communication entre une fonctionnaire d’IRCC au Canada et Mme Amos, l’agente du FBI à l’ambassade des États‑Unis au Canada, et il la qualifie d’action internationale qui a donné lieu à une série de mesures de la part de fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC.

[46]  Pour les motifs énoncés dans la prochaine partie du présent jugement, je suis convaincue que l’action du demandeur ne soulève pas de véritable question litigieuse et que la requête de la défenderesse devrait être accueillie. À mon avis, il s’agit d’un cas évident qui justifierait le prononcé d’un jugement sommaire en faveur de la défenderesse. Par conséquent, je ne me pencherai pas sur la question de savoir si la réclamation du demandeur est également  prescrite.

C.  Aucune véritable question litigieuse

[47]  Voici comment j’ai structuré mon analyse dans la présente partie de mon jugement :

  • (1) Résumé des thèses des parties

  • (2) Dispositions applicables de la Loi sur la citoyenneté de 2010

  • (3) Établissement du fondement de la réclamation du demandeur

  • (4) La preuve

  • (5) Délits civils de faute dans l’exercice d’une charge publique et de complot : analyse à la lumière de la preuve

  • (6) Dommages‑intérêts

  • (7) Arguments fondés sur la Charte

(1)  Résumé des thèses des parties

[48]  La défenderesse fait valoir qu’en alléguant un complot et une faute de la part de fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC qui lui auraient refusé la citoyenneté canadienne, le demandeur déforme des faits clairs ainsi que deux chaînes de courriels administratifs datant de 2010 et 2015. La défenderesse soutient que le demandeur a omis de préciser dans sa déclaration un délit civil qui serait susceptible d’action, ce qui l’a forcée à deviner l’objet du litige. De l’avis de la défenderesse, les seuls actes susceptibles d’action qui peuvent être glanés dans la déclaration sont une faute d’exécution délictuelle dans l’exercice d’une charge publique et un complot couvrant la période de septembre 2010 à juin 2015. La défenderesse affirme également que le demandeur a omis d’invoquer ou de prouver adéquatement l’existence d’un préjudice indemnisable et ajoute qu’il n’a présenté [traduction« aucun fait probant à l’appui d’une demande de dommages‑intérêts et qu’il s’en est tenu à des assertions de la nature de conclusions selon lesquelles il existe un préjudice ». Par conséquent, il n’y a aucune véritable question litigieuse en ce qui concerne les réclamations fondées sur une faute susceptible d’action et un préjudice indemnisable.

[49]  Le demandeur allègue que sa réclamation est fondée sur les décisions, les actes et les omissions intentionnels de fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC qui visaient à l’empêcher de prêter son serment de citoyenneté le 10 septembre 2010, le tout à l’incitation d’un agent du FBI. Dans sa plaidoirie, le demandeur a affirmé que sa réclamation était fondée sur un acte fautif dans l’exécution d’une charge publique, étant donné qu’il avait le droit de prêter le serment de citoyenneté et qu’il en a été illégalement et délibérément empêché. Il soutient que des questions graves de crédibilité sont en jeu en l’espèce et qu’elles justifient la tenue d’un procès en bonne et due forme. Dans ses observations écrites et orales au sujet de la présente requête, le demandeur a soulevé la question de la négligence de la part de fonctionnaires et il a fait valoir que les modifications apportées le 11 juin 2015 à la Loi sur la citoyenneté ne touchaient pas ses droits de citoyenneté acquis. En ce qui concerne les dommages‑intérêts, il allègue que différents préjudices se sont manifestés en 2010, 2013 et 2015, la plupart l’ayant été à son insu ou ayant été découverts beaucoup plus tard. En dernier lieu, le demandeur affirme qu’en qualité de citoyen canadien de plein droit, il avait le droit de bénéficier des droits et des garanties prévus aux articles 6, 7 et 15 de la Charte. Il ajoute qu’il existe une véritable question litigieuse et que la requête ne devrait pas être accueillie.

(2)  Dispositions applicables de la Loi sur la citoyenneté de 2010

[50]  Le paragraphe 5(1) et l’article 17 de la Loi sur la citoyenneté de 2010 sont cruciaux pour bien analyser les actes d’IRCC en 2010; en voici le libellé :

Attribution de la citoyenneté

Grant of citizenship

5 (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

5 (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

a) en fait la demande;

(a) makes application for citizenship;

b) est âgée d’au moins dix‑huit ans;

(b) is eighteen years of age or over;

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) un demi‑jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

d) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

Suspension de la procédure d’examen

Suspension of processing of application

17 S’il estime ne pas avoir tous les renseignements nécessaires pour lui permettre d’établir si le demandeur remplit les conditions prévues par la présente loi et ses règlements, le ministre peut suspendre la procédure d’examen de la demande pendant la période nécessaire — qui ne peut dépasser six mois suivant la date de la suspension — pour obtenir les renseignements qui manquent.

17 Where a person has made an application under this Act and the Minister is of the opinion that there is insufficient information to ascertain whether that person meets the requirements of this Act and the regulations with respect to the application, the Minister may suspend the processing of the application for the period, not to exceed six months immediately following the day on which the processing is suspended, required by the Minister to obtain the necessary information.

[51]  Le demandeur affirme dans sa déclaration que la citoyenneté lui a été attribuée le 30 avril 2010 par le juge de la citoyenneté. Cela est inexact. Le juge de la citoyenneté avait pour rôle d’examiner si la demande de citoyenneté du demandeur satisfaisait aux exigences de la Loi sur la citoyenneté de 2010, d’approuver ou de rejeter la demande et d’aviser le ministre en conséquence (paragraphes 14(1) et (2) de la Loi sur la citoyenneté de 2010). Le droit d’attribuer la citoyenneté au demandeur était réservé au ministre (article 5 de la Loi sur la citoyenneté de 2010).

[52]  Dans ses observations sur la présente requête, le demandeur soutient que les fonctionnaires d’IRCC, en l’occurrence Mme Suleiman, n’avaient pas le droit de l’empêcher de prêter le serment de citoyenneté le 10 septembre 2010. Cela aussi est inexact. Le ministre était en droit de suspendre la procédure d’examen de la demande du demandeur pendant une période de six mois s’il estimait ne pas avoir tous les renseignements nécessaires pour lui permettre d’établir si le demandeur remplissait les conditions prévues par la loi et ses règlements (article 17 de la Loi sur la citoyenneté de 2010). Agissant à titre de représentante du ministre, Mme Suleiman avait le pouvoir de suspendre la procédure d’examen de la demande du demandeur en l’empêchant de prêter serment pour permettre à IRCC de recueillir davantage de renseignements.

[53]  Le demandeur remet en question le bien‑fondé des actes de Mme Suleiman à cet égard et je reviendrai sur cette question. Toutefois, les arguments du demandeur selon lesquels Mme Suleiman a outrepassé son pouvoir et [traduction« le ministre avait seulement une obligation », celle de lui attribuer la citoyenneté canadienne, ne correspondent pas au droit.

(3)  Établissement du fondement de la réclamation du demandeur

[54]  Le demandeur est tenu d’énoncer les éléments constitutifs de chacun des moyens de droit ou de fait soulevé (Al Omani c Canada, 2017 CF 786, au paragraphe 23 (Al Omani)). Les questions de savoir « qui, quand, où, comment et quoi » qui donneraient naissance à la responsabilité alléguée de la défenderesse doivent être énoncées. En l’espèce, la déclaration du demandeur ne fait mention d’aucun délit civil en particulier susceptible d’action. Sa réclamation repose sur une allégation de faute lourde de la part de fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC qui auraient comploté avec les autorités des États‑Unis, à savoir M. Pratt et Mme Amos, pour le priver de la citoyenneté canadienne. Comme l’a affirmé la défenderesse et l’a reconnu le demandeur dans sa plaidoirie, il aurait été préférable de formuler la réclamation du demandeur comme une réclamation contre la défenderesse fondée sur une faute dans l’exercice d’une charge publique commise par des fonctionnaires nommés d’IRCC et de l’ASFC. Je vais également me pencher sur le délit civil de complot, étant donné que le demandeur reprend dans tous ses documents écrits le thème de la machination de longue durée contre lui.

[55]  Le délit civil de faute dans l’exercice d’une charge publique est un délit civil intentionnel. Dans l’arrêt Succession Odhavji c Woodhouse, 2003 CSC 69, au paragraphe 23 (Succession Odhavji), la Cour suprême a énoncé les deux éléments constitutifs de ce délit civil :

Il existe à mon avis deux éléments communs. Premièrement, le fonctionnaire public doit avoir agi en cette qualité de manière illégitime et délibérée. Deuxièmement, le fonctionnaire public doit avoir été conscient du caractère non seulement illégitime de sa conduite, mais aussi de la probabilité de préjudice à l’égard du demandeur.

[56]  Le raisonnement de la Cour suprême dans l’arrêt Succession Odhavji a été suivi à maintes reprises par la Cour, qui a insisté sur le fait que la question essentielle à trancher n’est pas de savoir si le fonctionnaire a exercé illégalement un pouvoir qu’il possédait, mais bien si la faute alléguée du fonctionnaire était délibérée et illégitime (Succession Odhavji, au paragraphe 24; voir aussi Brazeau c Canada (Procureur général), 2015 CF 151, au paragraphe 43).

[57]  Comme l’a déclaré le juge Roy de notre Cour au paragraphe 85 de la décision Al Omani, le délit de complot peut être établi sur les deux fondements suivants : (i) le demandeur peut alléguer un complot visant à lui nuire si au moins deux personnes s’entendent et s’associent pour recourir à des moyens légaux ou illégaux dans le but prédominant de nuire au demandeur, qui subit effectivement un préjudice; ou bien, (ii) le demandeur peut alléguer un complot reposant sur des actes illégaux si au moins deux personnes s’entendent et s’associent pour adopter une conduite illégale dirigée contre lui, dont ils auraient dû savoir qu’elle serait vraisemblablement préjudiciable audit demandeur, qui subit effectivement un préjudice.

[58]  Dans ses observations écrites et orales en réponse à la présente requête, le demandeur allègue la négligence ou l’abus de procédure comme fondement de sa réclamation. Toutefois, il n’a pas plaidé sa cause sur ce fondement dans sa déclaration. Le demandeur a sans équivoque allégué que des fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC ont pris des mesures délibérées pendant une période de cinq ans pour le priver de la citoyenneté. Pour contester la présente requête, il ne lui est pas loisible de tenter de modifier le fondement de sa demande.

[59]  De plus et toujours en réponse à la requête de la défenderesse, le demandeur fait valoir que ses droits de citoyenneté n’ont pas été entachés par sa criminalité aux États‑Unis en raison des dispositions transitoires qui ont été promulguées avec les modifications apportées à la Loi sur la citoyenneté en juin 2015. Il s’agit aussi d’un nouvel argument qui ne peut pas être soulevé pour la première fois dans le cadre de la présente requête. Même si les arguments du demandeur sont bien fondés, et je ne me prononce pas à ce sujet, je ferais seulement remarquer qu’il a en fait retiré un élément essentiel de ses arguments à l’appui de sa demande initiale.

(4)  La preuve

[60]  La preuve sur laquelle le demandeur fait reposer ses allégations d’action fautive et de complot consiste principalement en deux chaînes de courriels qui ont été échangés entre Mme Amos, du FBI, et des fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC.

[61]  La première chaîne de courriels peut être résumée comme suit :

Le 7 septembre 2010 : Michael Watts (directeur, Division de la politique internationale et de la coordination, IRCC) répond à un courriel (non inclus) de Katrina Amos (agente du FBI à l’ambassade des États‑Unis) et lui indique que la personne la lui appropriée avec laquelle prendre contact était Heather Primeau (directrice principale, Division du réexamen des cas, IRCC).

Le 7 septembre 2010 : Mme Amos envoie un courriel à Mme Primeau et lui indique qu’elle possède certains renseignements à faire parvenir à CIC (maintenant IRCC) concernant une personne qui demandait la citoyenneté au Canada et aux États‑Unis. Voici ce qu’affirmait Mme Amos :

[traduction] Toutefois, l’individu a été inculpé et été arrêté pour fraude contre le régime d’assurance de soins médicaux aux États‑Unis. Il est très probable qu’il se rende au Canada s’il est libéré sous caution et qu’il ne revienne pas subir son procès.

Mme Amos ajoute qu’elle allait faire parvenir l’information par lettre à IRCC.

Le 7 septembre 2010 : Mme Primeau fait parvenir un courriel à Mme Amos (avec copies conformes à Chantale Larocque, Rosemarie Redden et Diane Desrosiers) lui indiquant que Mme Amos pouvait lui adresser la lettre.

Le 9 septembre 2010 : Mme Amos envoie un courriel à Mme Primeau (copies conformes aux mêmes personnes) pour lui indiquer ce qui suit :

[traduction] Voici l’information concernant Chiradeep GUPTA qui, je crois, se rend au Canada aujourd’hui. Je crois [qu’il] est prévu qu’il prête le serment de citoyenneté demain (voir le document ci‑joint). Il est également censé retourner au Michigan au plus tard à 16 h demain après‑midi.

Merci pour votre aide, Katrina.

Le 9 septembre 2010 : Diane Desrosiers communique par courriel avec Blair Fraser (avec copie conforme à Mme Primeau) pour lui transmettre le courriel de Mme Amos et lui demander de s’en occuper sur-le-champ.

Le 9 septembre 2010 : Blair Fraser (bureau central de la gestion des cas, IRCC) envoie un courriel à Maha Suleiman pour lui transmettre les courriels précédents et lui indiquer ce qui suit :

[traduction]

Maha,

Pour donner suite à notre conversation téléphonique, veuillez prendre connaissance des pièces jointes concernant le demandeur. Il y a de bonnes chances qu’il ait résidé aux États‑Unis. Étant donné que sa demande a été approuvée et accueillie, il faudrait peut‑être retarder sa cérémonie. Peut‑être désirerez‑vous prendre contact avec l’ASFC au sujet du demandeur s’il est établi qu’il fait l’objet d’accusations aux États‑Unis.

Le 15 septembre 2010 : Mme Suleiman envoie le courriel suivant à Mme Redden :

[traduction]

Bonjour Rosemarie,

Je vais transférer ce dossier à la DGRC [Direction générale du règlement des cas] à votre attention.

Comme vous pouvez le constater à la lecture du premier courriel de Blair Fraser, le demandeur fait face à des accusations de fraude aux États‑Unis et les responsables des États‑Unis ont facilité son retour au Canada pour qu’il puisse assister à la cérémonie qui devait avoir lieu le 10 septembre. J’ai parlé au client et je lui ai expliqué que nous allions devoir remettre sa cérémonie jusqu’à nouvel ordre.

Blair a suggéré que nous transférions le dossier à la gestion des cas et que nous l’envoyions à votre attention.

Merci.

[62]  À la suite des courriels de septembre 2010, le dossier du demandeur a été transféré à la Direction générale du règlement des cas pour qu’elle l’étudie. Le 18 octobre 2010, Caroline Lemieux (agente de révision des cas, Direction générale du règlement des cas (DGRC), IRCC) a fait parvenir un courriel à Mme Suleiman dans lequel elle lui a dit qu’elle avait examiné le dossier et qu’elle le lui faisait parvenir avec une note de service et une recommandation. Le demandeur cite un passage de ce courriel comme preuve que des fonctionnaires d’IRCC savaient qu’ils agissaient sans pouvoir, mais il ne fait mention que de la première ligne du deuxième paragraphe du courriel. Voici le texte intégral du deuxième paragraphe (qui constitue le corps du courriel) :

[traduction] Fondamentalement, étant donné que le dossier est approuvé et que demande est accueillie, nous pouvons seulement produire une lettre de dérogation. Vous devrez lui envoyer une lettre pour lui demander une preuve de résidence au Canada (baux des logements qu’il a énumérés dans son questionnaire sur la résidence et sa demande comme étant ses adresses antérieures). Dans la lettre, veuillez indiquer que CIC a reçu des renseignements des États‑Unis et que des précisions sont exigées au sujet de sa résidence au Canada. Demandez un bail ou un titre foncier (s’il est propriétaire) et indiquez toutes les adresses qu’il a déclaré avoir été les siennes pendant sa période de résidence. Aucun élément de preuve au dossier ne fait état de sa résidence au Canada. Nous avons besoin d’une preuve qu’il a conservé un domicile ici. S’il est incapable d’en faire la preuve (comme je suis convaincu que ce sera le cas, car je ne crois pas qu’il ait résidé au Canada pendant un certain temps), nous pourrons lui envoyer une lettre de dérogation l’informant qu’il n’a pas [satisfait] aux exigences en matière de résidence.

[63]   La note de service mentionnée par Mme Lemieux contient des renseignements précisant ses préoccupations au sujet de la résidence du demandeur au Canada à la suite de son examen de la documentation qu’il avait produite avec son questionnaire sur la résidence. La note de service met l’accent sur la question de la résidence et indique clairement que les préoccupations suscitées par le cas ne découlent pas des accusations criminelles portées contre le demandeur aux États‑Unis :

[traduction] Vous devriez renvoyer ce cas à votre Direction générale locale de l’exécution de la loi de l’ASFC, étant donné qu’il est accusé aux États‑Unis de criminalité qui pourrait le rendre interdit de territoire au Canada (sa criminalité n’a pas d’effet sur sa demande de citoyenneté, mais s’il fait l’objet d’une enquête pour grande criminalité de la part de l’ASFC, nous pourrions SUSPENDRE l’examen de son dossier).

[64]  La deuxième série de courriels sur lesquels se fonde le demandeur concerne des événements qui ont eu lieu en avril et en octobre 2015 à l’ASFC et à IRCC. Cette période a donné lieu à deux chaînes de courriels que je vais décrire séparément. Les premiers courriels portent sur une demande de renseignements de la part de Laura Miggiani (IRCC), qui désirait savoir si l’ASFC ferait le suivi de la recevabilité de la demande du demandeur s’il retournait au Canada; les voici :

Le 9 avril 2015 : Mme Miggiani (agente de la citoyenneté, IRCC) envoie un courriel à Anne Raposo (superviseure de l’exécution de la loi, ASFC) pour l’informer qu’IRCC avait reçu des renseignements selon lesquels le demandeur avait été déclaré coupable au Michigan de fraude contre le régime d’assurance de soins médicaux et de blanchiment d’argent, qu’il avait été condamné à purger 120 mois de prison et qu’il avait reçu l’ordre de restituer plus de 10 millions de dollars. Mme Miggiani indique qu’aucune mesure d’exécution ne semblait avoir été prise contre le demandeur, mais que celui‑ci était probablement susceptible de faire l’objet d’un rapport en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR). Mme Miggiani demande à Mme Raposo de l’informer si l’ASFC décide de donner suite à l’affaire.

Le 9 avril 2015 : Mme Raposo répond à Mme Miggiani (avec copies conformes à Mme Cardamone (IRCC) et à Ruby Sangha (ASFC)) pour lui indiquer que l’ASFC allait prendre des mesures d’exécution contre le demandeur en raison de sa criminalité. Mme Raposo demande qu’IRCC suspende la demande de citoyenneté du demandeur jusqu’à ce que l’ASFC règle la question.

Le 10 avril 2015 : Trois brefs courriels sont échangés entre Mme Miggiani, Mme Raposo et Mme Sangha sur la question de savoir si le demandeur demeurait détenu aux États‑Unis. Mme Raposo signale que, s’il se trouve à l’étranger, l’ASFC ne peut pas faire grand-chose avant qu’il tente d’entrer au Canada.

Le 10 avril 2015 : Mme Miggiani communique par courriel avec Mme Raposo et Mme Sangha (avec copie conforme à Mme Cardamone) :

[traduction] S’il est confirmé qu’il purge toujours une peine et si votre équipe ne produit pas de rapport à son endroit, serait‑il possible de saisir une alerte info ou faire une inscription dans l’IRREL pour faire en sorte qu’il soit obligatoire de renvoyer le cas en deuxième ligne s’il tente de revenir? Il n’aura pas satisfait aux exigences sur la résidence quand il sera libéré et il sera alors interdit de territoire. Je détesterais le voir simplement traverser la frontière. Juste une suggestion…

Le 10 avril 2015 : Mme Raposo répond à Mme Miggiani (avec copie conforme à Mme Cardamone) pour lui indiquer qu’ils allaient le faire lorsqu’ils obtiendraient confirmation que le demandeur se trouvait réellement à l’extérieur du pays.

Le 13 avril 2015 : Mme Sangha (commis au soutien général, ASFC) envoie un courriel à Mme Raposo pour lui annoncer qu’elle a fait suivre le courriel à un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs, M. C. Uzoruo, pour confirmer que le demandeur était toujours détenu aux États‑Unis.

Le 14 avril 2015 : M. Uzoruo écrit par courriel à Mme Sangha et Mme Raposo pour leur confirmer que le demandeur est détenu aux États‑Unis jusqu’en juillet 2023.

Le 14 avril 2015 : Mme Raposo envoie un courriel à M. Uzoruo, Mme Sangha et Mme Miggiani pour les remercier d’avoir fait un suivi et d’avoir travaillé dans ce dossier.

[65]  La deuxième série de courriels qui a eu lieu au cours de la même période a circulé au sein d’IRCC. Voici le contenu de ces courriels :

Le 9 avril 2015 : Mme Cardamone (agente de la citoyenneté, IRCC) envoie un courriel à Michael Macukic (IRCC) pour lui demander de fixer une cérémonie de prestation du serment de citoyenneté pour le demandeur le 27 avril 2015. Elle précise que toutes les vérifications étaient expirées et qu’IRCC ne les referait pas pour fixer la date de la cérémonie.

Le 13 avril 2015 : M. Macukic répond au courriel du 9 avril 2015 de Mme Cardamone et lui indique qu’il a fixé la cérémonie de la citoyenneté du demandeur au lundi 27 avril 2015.

[66]  À l’appui de son allégation selon laquelle la présente requête ne devrait pas être accueillie, le demandeur a déposé un affidavit sans pièce (l’affidavit de requête) et un dossier de requête. Le dossier de requête contient un affidavit de son frère – qui relate en détail la vie du demandeur au Canada, ses accusations criminelles et son procès aux États‑Unis –, des renseignements que le demandeur a présentés à l’appui de sa demande de citoyenneté, les notes de la cérémonie du 10 septembre 2010 – qui indiquent qu’il a été [traduction« expulsé de la cérémonie » –, ainsi que la note au dossier de Mme Suleiman datée du 15 septembre 2010 qui décrit sa conversation avec le demandeur lors de la cérémonie. La note au dossier de Mme Suleiman commence comme suit :

[traduction] [Le demandeur] s’est présenté à la cérémonie le 10 septembre 2010 à 8 h 15. Je l’ai informé que nous avions de l’information au sujet des accusations de fraude aux États‑Unis et que nous allions devoir reporter sa cérémonie jusqu’à ce que nous puissions obtenir davantage de renseignements concernant l’instance criminelle ainsi que nos préoccupations à propos de sa résidence et de sa présence effective. Le client a indiqué qu’il n’avait pas été inculpé officiellement et que lui‑même et son avocat étaient persuadés que les chefs d’accusation portés contre lui seraient abandonnés. Il a demandé si son avocat pouvait se joindre à nous et j’ai accepté. Quand j’ai demandé le nom de l’avocat, il m’a dit qu’il s’agissait d’un criminaliste états‑unien et qu’il n’était pas nécessaire qu’il donne son nom. [Le demandeur] et son avocat ont soutenu que les accusations de fraude avaient été portées contre la compagnie de dotation qui lui fournissait son personnel et qu’il n’était pas directement concerné, ce qui expliquait pourquoi il s'attendait à ce que toutes les accusations contre soient abandonnées.

[67]  Mme Suleiman indique qu’ils ont discuté de l’adresse actuelle du demandeur à l’époque et du fait qu’il comprenait la raison pour laquelle il ne pouvait continuer la démarche ce jour‑là. En dernier lieu, elle a affirmé que le demandeur [traduction« a aussi été informé qu’il pourrait être tenu de subir un réexamen de sa résidence, étant donné qu’il semblait résider aux États‑Unis ».

[68]  Le dossier de requête du demandeur contenait les courriels susmentionnés échangés entre Mme Cardamone et M. Macukic. Le demandeur a également produit des registres de communications mobiles de juin 2013 qui, selon lui, révèlent qu’il a composé le numéro de Mme Cardamone à cinq reprises entre le 10 juin et le 18 juin 2013. En dernier lieu, le demandeur a produit l’ordonnance de la Cour fixant les paramètres du contre‑interrogatoire du demandeur par la défenderesse ainsi qu’une lettre de son avocat se disant préoccupé du fait que les avocats du ministère de la Justice agissant pour la défenderesse étaient disposés à venir en aide au département de la Justice des États‑Unis au moyen du contre‑interrogatoire.

(5)  Délits civils de faute dans l’exercice d’une charge publique et de complot : analyse à la lumière de la preuve

[69]  J’arrive à la conclusion que le demandeur n’a pas fait la preuve des délits civils de faute dans l’exercice d’une charge publique ou de complot de la part de fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC. La preuve exigée pour établir le délit civil de faute dans l’exercice d’une charge publique est considérable, étant donné que ce délit se caractérise par « une insouciance délibérée à l’égard d’une fonction officielle conjuguée au fait de savoir que l’inconduite sera vraisemblablement préjudiciable au demandeur » (Succession Odhavji, au paragraphe 23). Il doit y avoir un élément de mauvaise foi ou de malhonnêteté dans la conduite en question. En ce qui concerne le délit civil de complot, le demandeur est tenu de produire la preuve d’une intention réelle partagée par au moins deux personnes dont l’objet principal était de lui causer un préjudice.

[70]  L’allégation du demandeur repose sur l’existence d’un complot motivé par la cabale personnelle du procureur des États‑Unis, Wayne Pratt. Le demandeur fait valoir que les fonctionnaires canadiens en cause ont agi délibérément pour l’empêcher de mener à terme le processus d’acquisition de la citoyenneté sans être autorisés par la loi à le faire. Il invoque les éléments de preuve décrits ci‑dessus pour tirer des inférences, qu’il répète avec conviction dans toute sa déclaration et son mémoire déposés dans la cadre de la présente requête. Toutefois, la preuve ne corrobore pas ses allégations.

Intervention des États‑Unis

[71]  Je vais débuter par l’intervention alléguée de M. Pratt, le procureur des États‑Unis, en tant qu’instigateur ou élément moteur des actes d’IRCC et de l’ASFC. Le demandeur allègue dans sa déclaration que lorsque le juge des États‑Unis a fait droit à sa demande de se rendre au Canada pour assister à la cérémonie de prestation du serment le 10 septembre 2010, M. Pratt [traduction« s’est senti visé personnellement et a décidé de contrecarrer l’effet de l’ordonnance de la cour, c’est‑à‑dire que le demandeur devienne un citoyen canadien ». Le demandeur fait valoir que M. Pratt a pris contact avec l’agente Amos du FBI et lui a demandé [traduction« de l’aider à empêcher que la citoyenneté canadienne soit attribuée au demandeur ». Mme Amos a alors communiqué avec les fonctionnaires d’IRCC.

[72]  J’arrive à la conclusion que le demandeur n’a produit aucun élément de preuve concernant l’intervention de M. Pratt auprès de fonctionnaires canadiens et de Mme Amos, du FBI. Par conséquent, le demandeur n’a pas établi la genèse alléguée du complot contre lui. Outre les assertions du demandeur et les thèses qu’il a échafaudées dans sa déclaration et dans son affidavit de requête, ses allégations concernant la possibilité que M. Pratt se soit livré à une cabale personnelle ne sont pas corroborées.

[73]  Par contre, l’affidavit de M. Pratt relate en détail sa participation à la poursuite contre le demandeur aux États‑Unis. M. Pratt affirme que sa participation à la poursuite s’est limitée à passer en revue et à approuver les chefs d’accusation ainsi que les ententes sur le plaidoyer qui lui avaient été présentées par les avocats poursuivants. Son bureau a uniquement eu un rôle consultatif. Les affirmations de M. Pratt sont étayées par les pièces jointes à son affidavit. Les paragraphes suivants de l’affidavit de M. Pratt sont révélateurs :

[traduction]

22.  Exception faite de l’approbation des actes d’accusation, je n’ai pas participé à l’enquête du service de répression des fraudes contre Medicare ni à la poursuite contre le demandeur pour fraude contre le régime d’assurance de soins médicaux et blanchiment d’argent.

23. Plus particulièrement, je ne suis pas intervenu et je n’ai pas été consulté pour la décision concernant la requête déposée par le demandeur le 1er septembre 2010 par laquelle ce dernier cherchait à récupérer son passeport pour se rendre au Canada et y prêter son serment de citoyenneté canadienne. Je n’ai pas lu, approuvé ni signé la réponse des États‑Unis à la requête, comme en fait foi le document daté du 3 septembre 2010 qui est joint aux présentes à titre de pièce B;

24. L’allégation du demandeur selon laquelle j’aurais pris contact avec Katrina Amos, du FBI, est une pure fabulation. Je ne connais pas l’agente Amos et je n’ai jamais communiqué avec elle pour quelque fin que ce soit, à plus forte raison pour les fins faussement alléguées par le demandeur;

25. L’allégation du demandeur concernant ma participation au processus de négociation de plaidoyer est également une pure fabulation;

[74]  Rien dans la preuve au dossier ne permet d’établir un lien entre M. Pratt et Mme Amos. Aucun élément de preuve au dossier ne démontre que Mme Amos était motivée par le désir d’empêcher le demandeur d’obtenir la citoyenneté canadienne lorsqu’elle a communiqué avec M. Watts le 7 septembre 2010. Ses courriels ne contiennent aucun message implicite de cette nature. Ils visent à faire en sorte que les représentants canadiens soient conscients du fait que le demandeur était tenu de retourner au Michigan le 10 septembre 2010. Dans son premier courriel, Mme Amos a indiqué qu’il était [traduction« très probable qu’il se rende au Canada s’il est libéré sous caution et qu’il ne revienne pas pour subir son procès ». L’inférence la plus évidente qu’on peut tirer de ces mots est que les autorités états-uniennes se souciaient à juste titre de protéger leur propre processus criminel.

Septembre et octobre 2010

[75]  Les communications de septembre 2010 de Mme Amos ont déclenché une série de courriels entre les fonctionnaires canadiens d’IRCC qui a pris fin avec le courriel de Mme Suleiman. Je suis d’avis que rien dans ces courriels ne donne à penser que les fonctionnaires canadiens poursuivaient un objectif personnel, que ce soit la cavale de M. Pratt ou de Mme Amos ou des deux.

[76]  Dans son affidavit, Mme Primeau, la personne-ressource de Mme Amos, explique le rôle qu’elle a joué dans la chaîne de courriels ainsi que le fait qu’elle transmettait aux experts en la matière tout « tuyau » de cette nature provenant d’une autre entité (en l’espèce, le FBI). Elle faisait également parvenir une copie aux membres concernés de son équipe dans le cours normal des activités; son équipe était composée à l’époque de Mmes Desrosiers, Redden et Larocque. L’explication que donne Mme Primeau au sujet de ses actes n’est pas contredite par la preuve du demandeur.

[77]  Mme Suleiman a été mise au courant par M. Fraser, qui était situé à Ottawa, des renseignements reçus de Mme Amos. Étant donné que la cérémonie de prestation du serment devait avoir lieu à Etobicoke, que Mme Suleiman était l’agente sur les lieux et qu’elle connaissait le dossier du demandeur, il n’y a rien d’inhabituel dans ce courriel. Le courriel que M. Fraser a envoyé à Mme Suleiman avait pour objet de prévenir celle‑ci qu’il se pouvait que le demandeur réside aux États‑Unis, question qui est directement pertinente dans le cadre de sa demande de citoyenneté canadienne. M. Fraser a affirmé que la cérémonie du demandeur devrait peut‑être être retardée et que Mme Suleiman pourrait vouloir prendre contact avec l’ASFC au sujet des accusations portées aux États‑Unis. Il ne lui a pas donné l’ordre d’empêcher le demandeur de prêter serment.

[78]  L’ASFC n’a pas participé à cette chaîne d’événements. Il est important de faire ressortir les intérêts distincts d’IRCC et de l’ASFC. En 2010, les fonctionnaires d’IRCC étaient préoccupés par le fait que les accusations criminelles portées en 2010 aux États‑Unis soulevaient la possibilité que le demandeur n’ait pas satisfait aux exigences en matière de résidence au Canada. Pour IRCC, les accusations criminelles non canadiennes ne constituaient pas le problème; ce sont plutôt les faits sous‑jacents qui déclenchaient des signaux d’alarme. Comme le demandeur le fait remarquer à juste titre, les accusations aux États‑Unis ne constituaient alors pas un empêchement à l’obtention de la citoyenneté canadienne. Lorsque l’ASFC est intervenue en 2015, elle s’est souciée de la question distincte de l’admissibilité, pour laquelle la déclaration de culpabilité aux États‑Unis était pertinente.

[79]  L’affidavit de Mme Suleiman contient de l’information au sujet des événements des 9 et 10 septembre 2010. Elle y confirme que les renseignements concernant les accusations portées contre le demandeur aux États‑Unis soulevaient des questions relativement à sa résidence au Canada. Après avoir passé en revue les nouveaux renseignements, Mme Suleiman indique qu’elle a décidé de rencontrer le demandeur à la cérémonie de prestation du serment pour discuter de sa demande de citoyenneté et pour [traduction« l’informer que je devrais reporter son serment de citoyenneté, parce que ses accusations de fraude aux États‑Unis soulevaient des préoccupations en ce qui a trait à sa résidence au Canada et que je devrais recueillir de plus amples renseignements à propos des accusations criminelles et de sa résidence ». Comme je l’ai déjà mentionné, Mme Suleiman n’a pas agi illégalement lorsqu’elle a décidé de reporter la cérémonie de prestation du serment du demandeur. L’article 17 de la Loi sur la citoyenneté de 2010 permettait au ministre de suspendre la procédure d’examen de sa demande jusqu’à la réception de nouveaux renseignements. Par conséquent, le demandeur n’a pas fait la preuve d’un manquement à une obligation publique d’agir découlant des actes de Mme Suleiman en septembre 2010, élément constitutif du délit civil de faute dans l’exercice d’une charge publique.

[80]  Mme Suleiman affirme dans son affidavit qu’elle a rencontré le demandeur quand il s’est présenté pour s’inscrire en vue de la cérémonie et qu’elle lui a demandé de s’entretenir avec lui en privé. Ce renseignement se trouve dans ses notes au dossier du 15 septembre 2010. Mme Suleiman explique également la note dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC) selon laquelle le demandeur n’avait pas comparu à la cérémonie (« No Show »). Le demandeur qualifie cette note d’[traduction« assertion inexacte consternante » quant aux faits, parce qu’il s’était en fait présenté à la cérémonie. Mme Suleiman explique que la mention « No Show » fait partie de la terminologie du SMGC pour l’entrée des données. Le système offre deux possibilités : le demandeur se présente (« Show ») ou ne se présente pas (« No Show »). On ne pouvait pas inscrire que le demandeur s’était présenté, parce que le système aurait indiqué que sa demande de citoyenneté avait été menée à terme et qu’il était devenu citoyen canadien le 10 septembre 2010.

[81]  Le demandeur s’en prend à la crédibilité de la déclaration qui se trouve dans l’affidavit de Mme Suleiman, selon laquelle elle n’avait pas reçu de consigne ni de directive de la part de fonctionnaires d’IRCC au sujet du traitement de son dossier. Il affirme que les échanges écrits de Mme Suleiman avec M. Fraser et Mme Lemieux contredisent cette assertion. Toutefois, comme je l’ai mentionné ci‑dessus, M. Fraser n’a pas exigé de Mme Suleiman qu’elle expulse le demandeur de la cérémonie du serment. Le demandeur allègue également que Mme Suleiman n’a pas donné suite à sa déclaration voulant que son dossier nécessite un réexamen. Cette allégation est contredite par le courriel subséquent de celle‑ci, dans lequel elle demande l’avis de la DGRC (voir le courriel du 15 septembre envoyé à Mme Redden).

[82]  Le demandeur fait valoir que Mme Suleiman n’avait aucune raison d’intervenir le 10 septembre 2010, étant donné qu’elle était chargée de l’examen de sa demande et qu’elle était au courant de celle‑ci. Le demandeur semble laisser entendre que son intervention était illégitime et qu’elle était motivée par le désir d’empêcher que sa demande aboutisse. Aucun élément de preuve ne soutient cette allégation du demandeur. De plus, l’intervention de Mme Suleiman était justifiée : les nouveaux renseignements fournis par Mme Amos à IRCC mettaient en doute le respect par le demandeur des exigences concernant la résidence canadienne.

[83]  En ce qui concerne l’intervention de Mme Lemieux, Mme Suleiman a transmis le dossier du demandeur à l’attention de Mme Redden à la DGRC le 15 septembre 2019. Comme l’explique Mme Redden dans son affidavit, la DGRC était chargée de donner des conseils et du soutien à la haute direction et au ministre pour le traitement des dossiers. Le dossier du demandeur a été transféré à Mme Lemieux, agente de révision de cas d’IRCC, pour un réexamen. Mme Lemieux a passé en revue le dossier et a fait part de son avis à Mme Suleiman le 18 octobre 2010, comme je l’ai mentionné aux paragraphes 62 et 63 ci‑dessus. Mme Lemieux jouait un rôle de nature consultative. Son avis formulé en octobre ne contredit par l’affirmation de Mme Suleiman selon laquelle elle n’avait reçu aucune consigne d’autres fonctionnaires d’IRCC dans le cadre de son traitement du dossier du demandeur le 10 septembre 2010. Le fait que la défenderesse n’a pas produit d’affidavit de Mme Lemieux n’est pas déterminant pour la présente requête, parce que l’avis que Mme Lemieux a donné à M. Suleiman est clair à sa lecture même.

[84]  En résumé, je n’ai trouvé aucune preuve de complot, de machination ou de faute de la part de fonctionnaires d’IRCC en septembre et octobre 2010 dans la façon dont ils ont traité le demandeur et sa demande de citoyenneté canadienne.

Avril 2015

[85]  Je vais maintenant me pencher sur les arguments du demandeur qui sont axés sur les actes de Mme Cardamone (IRCC) et de Mme Raposo (ASFC). Les arguments du demandeur comportent deux aspects. Premièrement, il remet en question le temps qu’il a fallu à Mme Cardamone pour étudier sa demande de citoyenneté (2011‑2015). Deuxièmement, il remet en question ses actes lorsqu’elle lui a demandé de se présenter à une cérémonie de prestation de serment de citoyenneté en 2015, alors qu’elle savait qu’il était incarcéré aux États‑Unis. Le demandeur allègue également que Mme Raposo, de l’ASFC, a joué un rôle dans la décision de Mme Cardamone d’agir de cette façon.

[86]  En octobre 2010, Mme Lemieux a formulé les deux recommandations suivantes : (1) que le cas du demandeur soit renvoyé à l’ASFC pour une révision de son admissibilité en raison de ses accusations criminelles aux États‑Unis; (2) qu’une lettre soit envoyée au demandeur pour l’informer des préoccupations d’IRCC au sujet de sa résidence. Il n’y a aucun doute qu’il y a eu par la suite des retards importants dans le traitement du cas du demandeur chez IRCC. Son dossier a été transféré au bureau d’IRCC à Mississauga en novembre 2010 et il a été confié à Mme Cardamone en avril 2011. Mme Cardamone a commencé à travailler dans le dossier en juin 2013. Elle a parlé au demandeur le 7 juin 2013 et ils se sont entendus pour se parler à nouveau le 10 juin 2013. Ils ne l’ont pas fait et Mme Cardamone indique dans son affidavit que le demandeur n’a pas laissé de message vocal à son intention le 10 juin 2013. Elle n’a entrepris aucun autre travail dans le dossier du demandeur avant avril 2015.

[87]  Le demandeur déclare qu’il a appelé Mme Cardamone le 10 juin 2013, comme il avait été convenu. Il ajoute qu’il a également composé le numéro de Mme Cardamone les 11, 12 et 18 juin 2013 et qu’il lui a laissé des messages vocaux. Le demandeur a fourni une copie de ses registres de communications au cours de cette période, et le numéro de Mme Cardamone y figure à cinq reprises. Il n’est pas possible de déterminer si des messages vocaux ont été laissés et je ne tire aucune conclusion à cet égard. Si on tient pour acquis que le demandeur a vraiment laissé des messages vocaux à l’intention de Mme Cardamone en juin 2013 et que celle‑ci a omis de le rappeler, il serait permis de penser qu’elle ne s’est pas acquittée efficacement de ses tâches à ce moment‑là. À mon avis, cette omission n’équivaut pas à une faute d’exécution et ne permet pas de conclure à un complot plus vaste visant à priver le demandeur de la citoyenneté canadienne par l’accumulation de retards.

[88]  Le demandeur n’a pas tenté de faire un suivi auprès de Mme Cardamone au cours des années subséquentes, et Mme Cardamone n’a pris aucune mesure pour faire progresser le dossier. Le demandeur déclare qu’il consultait le site Web « MonCIC » d’IRCC pour avoir des nouvelles. Il soutient que l’omission par IRCC d’afficher des messages sur le site Web au sujet du traitement de son dossier est une preuve du complot. Pour repousser cette prétention, la défenderesse a produit une preuve démontrant que Mme Cardamone, en sa qualité d’agente de la citoyenneté, n’avait pas accès à MonCIC et, plus généralement, que le site Web n’était pas utilisé pour afficher les étapes intermédiaires de la procédure d’examen des demandes. Le demandeur n’a produit aucun élément de preuve en ce qui concerne les fonctionnalités ou les capacités du site Web MonCIC.

[89]  Le 9 avril 2015, Mme Cardamone a demandé à son collègue, M. Macukic, de fixer une cérémonie de prestation du serment à l’intention du demandeur le 27 avril 2015. À ce moment‑là, elle savait que le demandeur était incarcéré aux États‑Unis. Le demandeur n’a pas reçu l’avis de convocation qui lui avait été envoyé à l’adresse de Toronto qui figurait dans son dossier, mais ni Mme Cardamone ni IRCC ne peuvent être blâmés à cet égard, étant donné que le demandeur avait omis de donner son adresse actuelle. Il reconnaît ce fait dans la lettre datée du 5 août 2015 dans laquelle son avocat a déclaré que le demandeur avait malheureusement omis de mettre ses coordonnées à jour auprès d’IRCC. Mme Cardamone affirme dans son affidavit qu’elle pensait à l’époque que le demandeur communiquerait avec IRCC pour demander un report s’il ne pouvait pas se présenter à la cérémonie, et elle insiste sur le fait qu’IRCC a utilisé l’adresse au dossier.

[90]  La défenderesse admet que Mme Cardamone a commis une erreur en tentant de faire progresser le traitement du dossier du demandeur de cette façon. Toutefois, la défenderesse fait valoir qu’il s’agissait simplement d’une erreur qui ne prouvait pas une ligne de conduite prolongée et délibérée visant à causer un préjudice au demandeur.

[91]  J’arrive à la conclusion que la tentative de la part de Mme Cardamone de fermer le dossier du demandeur en fixant une cérémonie de prestation du serment à laquelle elle savait qu’il ne pourrait se présenter est révélatrice d’une décision erronée de sa part dans le dossier du demandeur. Elle ne corrobore pas la thèse du complot échafaudée par le demandeur qui met en cause des fonctionnaires des États‑Unis et du Canada, étant donné que le demandeur n’a produit aucun élément de preuve démontrant que la décision n’aurait pas été prise par Mme Cardamone seulement. À mon avis, même si le demandeur aurait pu avoir gain de cause dans le cadre d’une demande de contrôle de cette décision par la Cour, la preuve qu’il a produite ne démontre pas que la conduite de Mme Cardamone était délibérément illégitime.

[92]  Le demandeur remet en question la crédibilité de Mme Cardamone au motif qu’elle n’a pas expliqué les longs délais dans le traitement de son dossier. La thèse du demandeur n’est pas convaincante, car Mme Cardamone explique dans son affidavit que les délais étaient imputables à la charge de travail. Le demandeur peut rejeter son explication, mais il n’a présenté aucun élément de preuve pour la contredire.

[93]  Le demandeur remet également en question l’explication que donne Mme Cardamone de sa décision de tenir la cérémonie de prestation du serment sans avoir refait les vérifications à son égard. Il soutient que cette décision était contraire à la politique d’IRCC et à la jurisprudence de la Cour. Mme Cardamone répond à la question des vérifications du demandeur en affirmant qu’elle croyait que celles‑ci ne seraient pas nécessaires, étant donné que sa demande de citoyenneté avait déjà été accueillie. Le demandeur soutient que Mme Cardamone se contredit dans son affidavit quand elle affirme qu’il aurait été empêché de prêter serment s’il s’était présenté à la cérémonie d’avril 2015, qu’elle aurait donné suite à l’avis formulé en 2011 par Mme Lemieux et qu’elle lui aurait demandé des renseignements sur sa résidence. Je ne partage pas l’avis du demandeur quant à l’interprétation qu’il fait des déclarations de Mme Cardamone. Premièrement, celle‑ci affirme que la demande de citoyenneté du demandeur avait été accueillie, et non que la citoyenneté lui avait été attribuée. Il y a une distinction entre les deux. Deuxièmement, Mme Cardamone explique pourquoi elle a agi de cette manière : elle voulait faire progresser le dossier et elle savait que des questions sur la résidence se posaient relativement à la demande du demandeur. Si son adresse au dossier avait été à jour, un dialogue aurait pu s’établir entre IRCC et le demandeur à la suite de la réception par celui‑ci de son avis de convocation.

Rôle de l’ASFC

[94]  En ce qui concerne le rôle de l’ASFC, le demandeur allègue dans sa déclaration que les actes de Mme Raposo, dont rendent compte ses courriels d’avril 2015, constituent une preuve du rôle joué par l’ASFC dans le complot ourdi contre lui. Malheureusement, il confond Mme Raposo et Mme Cardamone lorsqu’il affirme que c’est la première qui a fixé la cérémonie de prestation du serment d’avril 2015. J’arrive à la conclusion qu’il n’existe pas de preuve que les fonctionnaires de l’ASFC ont joué un rôle dans les événements de septembre 2010 entourant la cérémonie de prestation du serment du demandeur, dans les actes de Mme Cardamone en 2015 ou dans l’examen de la demande de citoyenneté du demandeur en général.

[95]  La preuve de la mise en commun de renseignements entre les fonctionnaires de l’ASFC et d’IRCC en ce qui concerne les accusations criminelles portées contre le demandeur aux États‑Unis n’est pas suffisante pour corroborer une allégation de complot. Dans son affidavit, Mme Raposo reconnaît que le cas du demandeur a été signalé à l’ASFC en avril 2015 par Mme Miggiani, d’IRCC. Sans surprise, Mme Raposo affirme qu’IRCC communique couramment avec l’ASFC lorsque le ministère prend connaissance de renseignements susceptibles d’influer sur l’admissibilité d’une personne au Canada. Le suivi et l’enquête de ses collègues étaient des pratiques normales, et il convient de faire remarquer qu’il s’agit des seules mesures prises par l’ASFC à l’endroit du demandeur. IRCC et l’ASFC jouent des rôles distincts dans le régime canadien d’immigration. Le fait qu’ils aient mené des enquêtes distinctes sur l’admissibilité et la citoyenneté du demandeur révèle qu’ils se sont acquittés de leurs obligations respectives et légitimes dans le cadre de ce régime.

Résumé

[96]  En résumé, la thèse du demandeur est présentée de façon concise dans les deux premiers paragraphes du mémoire qu’il a déposé en réponse à la présente requête :

[traduction]

1.  La réclamation du demandeur est fondée sur des décisions, des actes et des omissions intentionnels de fonctionnaires fédéraux visant à l’empêcher de mener à terme son serment de citoyenneté, le 10 septembre 2010, sous le prétexte qu’une enquête au sujet de sa demande de citoyenneté allait avoir lieu et en l’incitant à croire en 2013 que ladite enquête était en cours ou arrivait à terme, en l’appelant [en] 2015 pour l’inviter à prêter le serment de citoyenneté après avoir appris qu’il était incarcéré aux États‑Unis sans afficher ledit renseignement sur MonCIC et en traitant finalement sa citoyenneté comme si elle avait été abandonnée;

2.  Les fonctionnaires fédéraux ont agi à l’incitation d’une agente du Federal Bureau of Investigation (« FBI ») qui demandait que la citoyenneté ne soit pas attribuée au demandeur.

[97]  Compte tenu de mon examen de la preuve en l’espèce, de la jurisprudence portant sur les délits civils de faute dans l’exercice d’une charge publique et de complot ainsi que du droit et de la jurisprudence sur les requêtes en jugement sommaire, je conclus que l’action du demandeur ne soulève aucune véritable question litigieuse. Il n’a pas fait la preuve des faits importants qui sous‑tendent ses allégations de faute et de complot. Comme l’a énoncé le juge Roy dans la décision Al Omani (au paragraphe 88), « [i]l est utile d’avoir une théorie de complot, mais elle doit être expliquée. Crier au “complot” ne suffit pas pour faire ressortir une cause d’action raisonnable ».

[98]  Je conclus également que le demandeur n’a soulevé aucune véritable question litigieuse en ce qui concerne la crédibilité de la preuve de la défenderesse.

[99]  Il n’y a aucune preuve au dossier de cabale personnelle de la part de M. Pratt. Mme Amos, du FBI, n’a pas demandé que la citoyenneté canadienne ne soit pas attribuée au demandeur. Ses courriels concernaient son retour aux États‑Unis. Les actes de Mme Suleiman en septembre 2010 étaient légitimes et conformes aux dispositions de la Loi sur la citoyenneté de 2010. Ils témoignent de sa préoccupation au sujet du fait que le demandeur avait fourni des renseignements insuffisants ou trompeurs à propos de sa résidence dans sa demande de citoyenneté. Elle a dûment fait le suivi de sa préoccupation en demandant et en recevant l’avis de la DGRC dans le dossier. Les délais dans le traitement du dossier du demandeur ont été regrettables. Toutefois, son allégation voulant que ces retards aient été prémédités et voulus de la part des fonctionnaires d’IRCC pour l’empêcher d’obtenir la citoyenneté canadienne n’est pas corroborée. En dernier lieu, le demandeur n’a produit aucune preuve que l’ASFC est intervenue dans une décision quelconque qui aurait influé sur le traitement de sa demande de citoyenneté.

(6)  Dommages‑intérêts

[100]  La demande de dommages‑intérêts du demandeur est décrite comme suit dans sa déclaration :

[traduction] 107. Par l’entremise de ses agents, la défenderesse a causé au demandeur des dommages moraux impossibles à quantifier en lui faisant subir un stress émotionnel permanent lié au fait qu’il n’a pas, selon ses conclusions, été traité de façon légitime.

[101]  Le demandeur fait valoir que son espoir légitime d’obtenir la citoyenneté canadienne a été réduit à néant, ce qui lui a causé des troubles émotionnels considérables. Dans ses observations à l’appui de sa réponse à la présente requête, il met l’accent sur la conduite fautive alléguée des fonctionnaires d’IRCC et il affirme que son expulsion de la cérémonie du serment a occasionné chez lui du stress psychologique. Le demandeur fait valoir que la privation de ses droits fondamentaux lui a causé un préjudice et constitue en soi un préjudice indemnisable, en particulier en raison des actes de Mme Suleiman le 10 septembre 2010. À ce sujet, il déclare ce qui suit :

[traduction] 161. Différents préjudices se sont manifestés en 2010, 2013 et 2015, la plupart à son insu ou découverts beaucoup plus tard par lui, mais tous causés par des fonctionnaires qui ont agi de mauvaise foi, intentionnellement, illégalement et en toute indifférence des conséquences qu’ils savaient que leurs actes auraient pour le demandeur et des préjudices qu’ils lui causeraient : les défendeurs doivent répondre de cette conduite.

[102]  La défenderesse fait valoir que le demandeur n’a produit aucune preuve de préjudice.

[103]  Je suis du même avis que la défenderesse. Les observations du demandeur en ce qui concerne les préjudices qu’il aurait subis en raison de la faute et du complot des fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC sont difficiles à suivre et ne sont pas corroborées par la preuve. Le demandeur réclame des dommages‑intérêts à compter de 2010, mais ses actes de procédure sont incohérents à cet égard. Selon la façon dont on interprète ses observations, le demandeur aurait commencé à souffrir de stress et de préjudices psychologiques soit en septembre 2010, quand il a été expulsé de la cérémonie du serment, soit en octobre 2015, quand il a reçu des documents en réponse à sa demande d’accès à l’information (DAI). Si la réception des documents en octobre 2015 a déclenché sa souffrance psychologique, la réclamation de dommages‑intérêts du demandeur commence à courir au mieux à cette date.

[104]  Le demandeur n’a produit aucun élément de preuve à l’appui de sa demande de dommages‑intérêts. Les assertions de stress, de perturbation et d’atteinte à sa réputation, qui sont toutes invoquées par le demandeur, ne suffisent pas à corroborer une demande de dommages‑intérêts. La défenderesse cite la description de la Cour suprême d’un préjudice psychologique qui donnerait naissance à une demande de dommages‑intérêts, à savoir un préjudice qui « va au‑delà des troubles psychologiques ordinaires dont sont parfois affligées les personnes vivant en société » (Saadati c Moorhead, 2017 CSC 28, au paragraphe 19).

[105]  La demande de dommages‑intérêts du demandeur fondée sur son humiliation et sur le stress découlant de son expulsion de la cérémonie du serment est contredite par sa lettre du 16 septembre 2010 adressée à IRCC dans laquelle il déclare que ses accusations criminelles seraient réglées rapidement et il demande que son serment de citoyenneté soit suspendu jusqu’à ce moment‑là. Il s’est également engagé à tenir IRCC au courant du résultat de ses démêlés avec la justice. On ne trouve aucune indication dans la lettre de la possibilité que le demandeur ait subi un stress émotionnel ou une humiliation considérable lors de la cérémonie.

[106]  Le demandeur n’a pas fait de suivi auprès d’IRCC après sa lettre du 16 septembre 2010. Il n’a pas informé IRCC de l’évolution de son dossier criminel aux États‑Unis et il n’a pas demandé activement que son dossier soit réexaminé. Il n’existe aucune preuve de souffrance morale ou de stress psychologique au cours de la période allant de 2010 à 2015.

[107]  Le demandeur fait valoir que l’omission illégitime de la part de la défenderesse de lui attribuer la citoyenneté canadienne lui a causé un préjudice, étant donné qu’il ne peut pas demander de purger sa peine d’emprisonnement au Canada. Il ajoute que sa peine aux États‑Unis est plus longue qu’elle l’aurait été s’il avait été citoyen canadien et qu’il bénéficie de droits limités aux États‑Unis en tant que prisonnier étranger. Le demandeur n’a produit aucun élément de preuve à l’appui de ses prétentions.

[108]  Le demandeur soutient que la privation de ses droits fondamentaux est indemnisable en soi. J’examinerai les arguments du demandeur fondés sur la Charte dans la prochaine partie du jugement.

[109]  Enfin, le demandeur a réclamé des dommages‑intérêts punitifs. L’adjudication de dommages‑intérêts punitifs peut être acceptée si les dommages‑intérêts généraux accordés à un demandeur sont insuffisants comme sanction et mesure de dissuasion. Pour corroborer une demande de dommages‑intérêts punitifs, le demandeur était tenu de prouver une faute malveillante et opprimante qui choque le sens de dignité du juge. S’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Bauer Hockey Corp. c Sport Maska Inc. (Reebok-CCM Hockey), 2014 CAF 158, le juge Mainville a discuté des dommages‑intérêts punitifs dans le contexte d’une action pour usurpation d’une marque de commerce. Le juge Mainville a examiné le droit en général et précisé que le critère qui doit être rempli pour permettre l’adjudication de dommages‑intérêts punitifs atteint un « seuil élevé »; ils sont une exception à la règle générale qui s’applique aux dommages‑intérêts (aux paragraphes 19 et 20) :

[19] Les dommages‑intérêts punitifs, comme leur nom l’indique, visent à punir. À ce titre, ils constituent une exception à la règle générale, tant en common law qu’en droit civil, selon laquelle les dommages‑intérêts visent à indemniser la personne lésée et non à punir l’auteur du méfait. On peut accorder des dommages‑intérêts punitifs lorsque la mauvaise conduite du défendeur est si malveillante, opprimante et abusive qu’elle choque le sens de dignité du juge. Les dommages‑intérêts punitifs n’ont aucun lien avec ce que le demandeur est fondé à recevoir au titre d’une indemnisation. Ils visent non pas à indemniser le demandeur, mais à punir le défendeur. C’est le moyen par lequel le juge exprime son indignation à l’égard du comportement inacceptable du défendeur, lorsque ce comportement est véritablement outrageant. Ils revêtent le caractère d’une amende destinée à dissuader le défendeur et les autres d’agir ainsi (Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130, aux paragraphes 196 à 199 (Hill); Whiten c. Pilot Insurance Co., 2002 CSC 18, [2002] 1 R.C.S. 595 (Whiten), au paragraphe 36).

[20] De nombreux facteurs peuvent influer sur la gravité du caractère répréhensible du comportement du défendeur et justifier une condamnation à des dommages-intérêts punitifs. En voici quelques‑uns : a) le fait que la conduite répréhensible ait été préméditée et délibérée; b) l’intention et la motivation du défendeur; c) le caractère prolongé de la conduite inacceptable du défendeur; d) le fait que le défendeur ait caché sa conduite répréhensible ou tenté de la dissimuler; e) le fait que le défendeur savait ou non que ses actes étaient fautifs; f) le fait que le défendeur ait ou non tiré profit de sa conduite répréhensible; g) le fait que le défendeur savait que sa conduite répréhensible portait atteinte à un intérêt auquel le demandeur attachait une grande valeur (Whiten, au paragraphe 113).

[110]  Pour les motifs énoncés ci‑dessus, je conclus que le demandeur n’a pas réussi à établir que les fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC se sont livrés à une conduite de cette nature.

(7)  Arguments fondés sur la Charte

[111]  De l’avis du demandeur, étant donné qu’il avait satisfait à toutes les exigences prévues par la Loi sur la citoyenneté de 2010 et qu’il avait obtenu la citoyenneté de plein droit, il pouvait se prévaloir des droits et des garanties conférés par la Charte. Plus particulièrement, il fait valoir que les actes des fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC constituent une atteinte aux droits garantis par les articles 6, 7 et 15 de la Charte.

[112]  Je vais étudier brièvement les observations du demandeur concernant la Charte, car ses actes de procédure et ses observations ne soulèvent aucun argument viable.

[113]  Le paragraphe 6(1) de la Charte prévoit que tout citoyen canadien a le droit de demeurer au Canada, d’y entrer ou d’en sortir. Le demandeur semble soutenir qu’en raison du fait qu’IRCC et l’ASFC ont comploté pour l’empêcher de devenir citoyen canadien, il n’a pas été en mesure de se prévaloir du régime de transfert de prisonniers entre le Canada et les États‑Unis, ce qui a porté atteinte à son droit garanti par l’article 6 de la Charte. Le demandeur n’analyse pas en profondeur la nature des droits garantis par l’article 6 ni la portée et l’application des dispositions et des conditions qui régissent les transferts de prisonniers.

[114]  L’article 7 de la Charte garantit à chacun le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne et précise « qu’il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale ». Le demandeur affirme que la défenderesse ne s’est pas acquittée de [traduction« ses obligations constitutionnelles générales en matière d’équité procédurale et de transparence » en omettant de divulguer toute l’information qu’elle détenait à son sujet. Avec égards, cette prétention ne comporte aucune analyse raisonnable des droits garantis par l’article 7 de la Charte.

[115]  L’argument du demandeur concernant l’article 15 de la Charte et la garantie que la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, indépendamment de toute discrimination, est le suivant :

[traduction] En ce qui concerne l’article 15 de la Charte, le demandeur fait valoir que le mauvais traitement de son dossier de citoyenneté équivalait à un refus de lui faire bénéficier de la garantie d’égalité et de la protection de la loi, à savoir des dispositions de la Loi sur la citoyenneté et de l’ensemble des politiques et des règlements encadrant l’acquisition et l’attribution de la citoyenneté.

[116]  Dans ses observations écrites et orales, le demandeur n’a mentionné aucun acte de discrimination ou comportement discriminatoire de la part des fonctionnaires d’IRCC ou de l’ASFC. Il n’a pas fait valoir qu’un fonctionnaire quelconque aurait agi ou fait une distinction en se fondant sur les motifs énumérés à l’article 15 ou des motifs analogues dans le traitement de son dossier. Par conséquent, le demandeur n’a pas réussi à prouver une violation de l’article 15 de la Charte.

VIII.  Conclusion

[117]  J’arrive à la conclusion que l’action du demandeur ne soulève aucune véritable question litigieuse. Le demandeur n’a fourni aucune preuve d’un complot échelonné sur cinq ans entre des fonctionnaires d’IRCC et de l’ASFC qui auraient agi illégitimement à la demande de représentants des États‑Unis dans le but de lui refuser la citoyenneté canadienne. La preuve au dossier ne soutient pas une action en responsabilité civile délictuelle pour faute dans l’exercice d’une charge publique par des groupes de fonctionnaires de deux ministères fédéraux qui auraient agi délibérément et en faisant abstraction de leurs obligations légales. La preuve ne correspond pas à l’interprétation que fait le demandeur des courriels en question ni à ses allégations concernant l’existence d’un complot, de fausses déclarations et de retards. Quand on les lit à la lumière de sa thèse et de cette absence de fondement probatoire, ses allégations relatives à sa demande de dommages‑intérêts sont incohérentes. Enfin, les demandes de réparation du demandeur fondées sur la Charte ne soulèvent aucun des éléments constitutifs des droits garantis par la Charte qu’il invoque. À mon avis, étant donné qu’aucune véritable question de crédibilité ne doit être prise en compte, il s’agit d’un cas sans équivoque dans lequel un jugement sommaire devrait être rendu pour épargner adéquatement les ressources judiciaires.

[118]  La requête en jugement sommaire sera accueillie et la déclaration sera rejetée dans son intégralité.

[119]  Le demandeur paiera sans délai à la défenderesse ses dépens relatifs à la requête.


JUGEMENT dans le dossier T‑1255‑16

LA COUR STATUE que :

  1. Le « ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté » est retiré comme défendeur dans la présente affaire et l’intitulé est modifié en conséquence.

  2. La requête en jugement sommaire est accueillie et l’action du demandeur est rejetée dans son intégralité.

  3. Le demandeur paiera sans délai à la défenderesse ses dépens relatifs à la requête.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour de juillet 2019

Sandra de Azevedo, LL.B.


Annexe A

Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106

Jugement et procès sommaires

Summary Judgment and Summary Trial

Requête et signification

Motion and Service

Requête d’une partie

Motion by a party

213 (1) Une partie peut présenter une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire à l’égard de toutes ou d’une partie des questions que soulèvent les actes de procédure. Le cas échéant, elle la présente après le dépôt de la défense du défendeur et avant que les heure, date et lieu de l’instruction soient fixés.

213 (1) A party may bring a motion for summary judgment or summary trial on all or some of the issues raised in the pleadings at any time after the defendant has filed a defence but before the time and place for trial have been fixed.

Nouvelle requête

Further motion

(2) Si une partie présente l’une de ces requêtes en jugement sommaire ou en procès sommaire, elle ne peut présenter de nouveau l’une ou l’autre de ces requêtes à moins d’obtenir l’autorisation de la Cour.

(2) If a party brings a motion for summary judgment or summary trial, the party may not bring a further motion for either summary judgment or summary trial except with leave of the Court.

Obligations du demandeur

Obligations of moving party

(3) La requête en jugement sommaire ou en procès sommaire dans une action est présentée par signification et dépôt d’un avis de requête et d’un dossier de requête au moins vingt jours avant la date de l’audition de la requête indiquée dans l’avis.

(3) A motion for summary judgment or summary trial in an action may be brought by serving and filing a notice of motion and motion record at least 20 days before the day set out in the notice for the hearing of the motion.

Obligations de l’autre partie

Obligations of responding party

(4) La partie qui reçoit signification de la requête signifie et dépose un dossier de réponse au moins dix jours avant la date de l’audition de la requête indiquée dans l’avis de requête.

(4) A party served with a motion for summary judgment or summary trial shall serve and file a respondent’s motion record not later than 10 days before the day set out in the notice of motion for the hearing of the motion.

Jugement sommaire

Summary Judgment

Faits et éléments de preuve nécessaires

Facts and evidence required

214 La réponse à une requête en jugement sommaire ne peut être fondée sur un élément qui pourrait être produit ultérieurement en preuve dans l’instance. Elle doit énoncer les faits précis et produire les éléments de preuve démontrant l’existence d’une véritable question litigieuse.

214 A response to a motion for summary judgment shall not rely on what might be adduced as evidence at a later stage in the proceedings. It must set out specific facts and adduce the evidence showing that there is a genuine issue for trial.

Absence de véritable question litigieuse

If no genuine issue for trial

215 (1) Si, par suite d’une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

215 (1) If on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.

Somme d’argent ou point de droit

Genuine issue of amount or question of law

(2) Si la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

(2) If the Court is satisfied that the only genuine issue is

a) la somme à laquelle le demandeur a droit, elle peut ordonner l’instruction de cette question ou rendre un jugement sommaire assorti d’un renvoi pour détermination de la somme conformément à la règle 153;

(a) the amount to which the moving party is entitled, the Court may order a trial of that issue or grant summary judgment with a reference under rule 153 to determine the amount; or

b) un point de droit, elle peut statuer sur celui‑ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

(b) a question of law, the Court may determine the question and grant summary judgment accordingly.

Pouvoirs de la Cour

Powers of Court

(3) Si la Cour est convaincue qu’il existe une véritable question de fait ou de droit litigieuse à l’égard d’une déclaration ou d’une défense, elle peut :

(3) If the Court is satisfied that there is a genuine issue of fact or law for trial with respect to a claim or a defence, the Court may

a) néanmoins trancher cette question par voie de procès sommaire et rendre toute ordonnance nécessaire pour le déroulement de ce procès;

(a) nevertheless determine that issue by way of summary trial and make any order necessary for the conduct of the summary trial; or

b) rejeter la requête en tout ou en partie et ordonner que l’action ou toute question litigieuse non tranchée par jugement sommaire soit instruite ou que l’action se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale.

(b) dismiss the motion in whole or in part and order that the action, or the issues in the action not disposed of by summary judgment, proceed to trial or that the action be conducted as a specially managed proceeding.

Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29 (en vigueur du 17 avril 2009 au 5 février 2014)

Le droit à la citoyenneté

The Right to Citizenship

Citoyens

Persons who are citizens

3 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, a qualité de citoyen toute personne :

3 (1) Subject to this Act, a person is a citizen if

c) ayant obtenu la citoyenneté — par attribution ou acquisition — sous le régime des articles 5 ou 11 et ayant, si elle était âgée d’au moins quatorze ans, prêté le serment de citoyenneté;

(c) the person has been granted or acquired citizenship pursuant to section 5 or 11 and, in the case of a person who is fourteen years of age or over on the day that he is granted citizenship, he has taken the oath of citizenship;

Attribution de la citoyenneté

Grant of citizenship

5 (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

5 (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

a) en fait la demande;

(a) makes application for citizenship;

b) est âgée d’au moins dix‑huit ans;

(b) is eighteen years of age or over;

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) un demi‑jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

d) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

...

Suspension de la procédure d’examen

Suspension of processing of application

17 S’il estime ne pas avoir tous les renseignements nécessaires pour lui permettre d’établir si le demandeur remplit les conditions prévues par la présente loi et ses règlements, le ministre peut suspendre la procédure d’examen de la demande pendant la période nécessaire — qui ne peut dépasser six mois suivant la date de la suspension — pour obtenir les renseignements qui manquent.

17 Where a person has made an application under this Act and the Minister is of the opinion that there is insufficient information to ascertain whether that person meets the requirements of this Act and the regulations with respect to the application, the Minister may suspend the processing of the application for the period, not to exceed six months immediately following the day on which the processing is suspended, required by the Minister to obtain the necessary information.

Règlement sur la citoyenneté, DORS/93‑246 (en vigueur du 12 février 2018 au 29 novembre 2018)

Serment de citoyenneté

Oath of Citizenship

19 (1) Sous réserve du paragraphe 5(3) de la Loi et de l’article 22 du présent règlement, la personne qui s’est vu attribuer la citoyenneté en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi doit prêter le serment de citoyenneté par un serment ou une affirmation solennelle faite devant le juge de la citoyenneté.

19 (1) Subject to subsection 5(3) of the Act and section 22 of these Regulations, a person who has been granted citizenship under subsection 5(1) of the Act shall take the oath of citizenship by swearing or solemnly affirming it before a citizenship judge.

(2) À moins de directives contraires du ministre, le serment de citoyenneté doit être prêté lors d’une cérémonie de la citoyenneté.

(2) Unless the Minister otherwise directs, the oath of citizenship shall be taken at a citizenship ceremony.

(3) Lorsqu’une personne doit prêter le serment de citoyenneté lors d’une cérémonie de la citoyenneté, le greffier fait parvenir le certificat de citoyenneté à l’agent de la citoyenneté du bureau de la citoyenneté compétent, lequel avise la personne des date, heure et lieu auxquels elle doit comparaître devant le juge de la citoyenneté pour prêter le serment de citoyenneté et recevoir son certificat de citoyenneté.

(3) If a person is to take the oath of citizenship at a citizenship ceremony, a certificate of citizenship shall be forwarded by the Registrar to a citizenship officer of the appropriate citizenship office, who shall notify the person of the date, time and place at which the person is to appear before the citizenship judge to take the oath of citizenship and receive the person’s certificate of citizenship.

Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, c C‑50

Prescription

Prescription and Limitation

Règles applicables

Provincial laws applicable

32 Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s’appliquent lors des poursuites auxquelles l’État est partie pour tout fait générateur survenu dans la province. Lorsque ce dernier survient ailleurs que dans une province, la procédure se prescrit par six ans.

32 Except as otherwise provided in this Act or in any other Act of Parliament, the laws relating to prescription and the limitation of actions in force in a province between subject and subject apply to any proceedings by or against the Crown in respect of any cause of action arising in that province, and proceedings by or against the Crown in respect of a cause of action arising otherwise than in a province shall be taken within six years after the cause of action arose.

Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7

Prescription — Fait survenu dans une province

Prescription and limitation on proceedings

39 (1) Sauf disposition contraire d’une autre loi, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s’appliquent à toute instance devant la Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale dont le fait générateur est survenu dans cette province.

39 (1) Except as expressly provided by any other Act, the laws relating to prescription and the limitation of actions in force in a province between subject and subject apply to any proceedings in the Federal Court of Appeal or the Federal Court in respect of any cause of action arising in that province.

Loi de 2002 sur la prescription, L.O. 2002, c. 24, annexe B

Délai de prescription de base

Basic limitation period

4 Sauf disposition contraire de la présente loi, aucune instance relative à une réclamation ne peut être introduite après le deuxième anniversaire du jour où sont découverts les faits qui ont donné naissance à la réclamation. 2002, chap. 24, annexe B, art. 4.

4 Unless this Act provides otherwise, a proceeding shall not be commenced in respect of a claim after the second anniversary of the day on which the claim was discovered.  2002, c. 24, Sched. B, s. 4.

Découverte des faits

Discovery

5 (1) Les faits qui ont donné naissance à la réclamation sont découverts celui des jours suivants qui est antérieur aux autres :

5 (1) A claim is discovered on the earlier of,

a) le jour où le titulaire du droit de réclamation a appris les faits suivants :

(a) the day on which the person with the claim first knew,

(i) les préjudices, les pertes ou les dommages sont survenus,

(i) that the injury, loss or damage had occurred,

(ii) les préjudices, les pertes ou les dommages ont été causés entièrement ou en partie par un acte ou une omission,

(ii) that the injury, loss or damage was caused by or contributed to by an act or omission,

(iii) l’acte ou l’omission est le fait de la personne contre laquelle est faite la réclamation,

(iii) that the act or omission was that of the person against whom the claim is made, and

(iv) étant donné la nature des préjudices, des pertes ou des dommages, l’introduction d’une instance serait un moyen approprié de tenter d’obtenir réparation;

(iv) that, having regard to the nature of the injury, loss or damage, a proceeding would be an appropriate means to seek to remedy it; and

b) le jour où toute personne raisonnable possédant les mêmes capacités et se trouvant dans la même situation que le titulaire du droit de réclamation aurait dû apprendre les faits visés à l’alinéa a). 2002, chap. 24, annexe B, par. 5(1).

(b) the day on which a reasonable person with the abilities and in the circumstances of the person with the claim first ought to have known of the matters referred to in clause (a).  2002, c. 24, Sched. B, s. 5 (1).

Présomption

Presumption

(2) À moins de preuve du contraire, le titulaire du droit de réclamation est présumé avoir appris les faits visés à l’alinéa (1)a) le jour où a eu lieu l’acte ou l’omission qui a donné naissance à la réclamation. 2002, chap. 24, annexe B, par. 5(2).

(2) A person with a claim shall be presumed to have known of the matters referred to in clause (1) (a) on the day the act or omission on which the claim is based took place, unless the contrary is proved.  2002, c. 24, Sched. B, s. 5 (2).

Engagements à vue

Demand obligations

(3) Pour l’application du sous-alinéa (1)a)(i), le jour où des préjudices, des pertes ou des dommages surviennent à l’égard d’un engagement à vue correspond au premier jour où il y a défaut d’exécution de l’engagement, une fois qu’une demande formelle d’exécution est présentée. 2008, chap. 19, annexe L, art. 1.

(3) For the purposes of subclause (1) (a) (i), the day on which injury, loss or damage occurs in relation to a demand obligation is the first day on which there is a failure to perform the obligation, once a demand for the performance is made.  2008, c. 19, Sched. L, s. 1.

Idem

Same

(4) Le paragraphe (3) s’applique à l’égard de chaque engagement à vue créé le 1er janvier 2004 ou par la suite. 2008, chap. 19, annexe L, art. 1.

(4) Subsection (3) applies in respect of every demand obligation created on or after January 1, 2004.  2008, c. 19, Sched. L, s. 1.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1255‑16

 

INTITULÉ :

CHIRADEEP DUTTA GUPTA c SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 JANVIER 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 MAI 2019

 

COMPARUTIONS :

Me Patricia Gamliel

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Evan Liosis

Me Anne‑Renée Touchette

 

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dunton Rainville

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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