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Date : 20190516


Dossier : IMM‑4384‑18

Référence : 2019 CF 731

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 mai 2019

En présence de monsieur le juge Bell

 

ENTRE :

QIUYOU ZHENG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de la présente instance

[1]  Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c. 27 [la LIPR], dans laquelle Qiuyou Zheng [M. Zheng] sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 13 août 2018 [la décision] par la Section de la protection des réfugiés [la SPR]. Dans sa décision, la SPR a conclu que M. Zheng n’est ni un réfugié au sens de la Convention selon l’article 96 de la LIPR, ni une personne à protéger selon les alinéas 97(1)a) ou b) de la LIPR.

II.  Contexte

[2]  M. Zheng, âgé de 57 ans, est un citoyen de la République populaire de Chine [la Chine] qui prétend être un adepte du Falun Gong.

[3]  En juin 2010, M. Zheng a subi une blessure au dos qui, selon lui, [traduction« a transformé sa vie ». Par la suite, un médecin lui a recommandé de subir une intervention chirurgicale au dos. Après avoir pris connaissance des risques liés à l’intervention chirurgicale, M. Zheng a préféré ne pas la subir. En octobre 2010, l’un de ses amis [M. Gao] lui a fait connaître la pratique du Falun Gong. Avec l’aide de M. Gao, M. Zheng a commencé à pratiquer le Falun Gong chez lui. En décembre 2010, en raison des effets positifs de cette pratique sur sa santé, M. Zheng s’est joint à un groupe de pratique mis sur pied par M. Gao.

[4]  Le 13 août 2012, M. Zheng a appris de son épouse, au cours d’une conversation téléphonique, que M. Gao avait été arrêté par le Bureau de la sécurité publique de la Chine [le BSP] en raison de ses activités illégales en tant qu’adepte du Falun Gong. Son épouse lui aurait apparemment dit de ne pas revenir à leur domicile, de ne pas se présenter au travail et de vivre dans la clandestinité dès maintenant. À la suite de cette conversation avec son épouse, M. Zheng est monté à bord d’un autobus pour se rendre à la campagne et vivre en clandestinité chez son oncle. Craignant que sa présence ne compromette tôt ou tard son oncle, M. Zheng a décidé de quitter la Chine. Par l’intermédiaire de son oncle, M. Zheng a été présenté à un passeur qui l’a aidé à obtenir un visa pour quitter la Chine. Le 12 novembre 2012, M. Zheng a quitté la Chine. Il est arrivé au Canada le 13 novembre et a présenté une demande d’asile le 20 novembre 2012.

[5]  Le 25 novembre 2012, M. Zheng a reçu un appel de son épouse qui l’informait que le BSP s’était rendu à leur domicile pour lui demander où il se trouvait. Après avoir informé le BSP qu’elle n’était pas au courant des allées et venues de son époux, le BSP les aurait avertis, elle et son fils, qu’ils seraient punis s’ils mentaient.

[6]  En raison du harcèlement allégué du BSP et du comité local des résidents, le fils de M. Zheng s’est enfui en Italie en 2013, tandis que l’épouse de M. Zheng est déménagée dans la province de Shandong, en Chine, en 2016. Ni l’épouse de M. Zheng ni son fils n’ont été persécutés depuis qu’ils ont quitté leur village.

III.  Décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

[7]  La SPR a amorcé son analyse en exposant les questions qu’elle jugeait déterminantes, à savoir la crédibilité, plus précisément la question de savoir si le demandeur est un véritable adepte du Falun Gong, s’il est recherché par le BSP et, subsidiairement, s’il a une possibilité de refuge intérieur [la PRI] en Chine. Étant donné ma conclusion selon laquelle la SPR a tiré des conclusions raisonnables en ce qui concerne la pratique du Falun Gong par M. Zheng et sa poursuite alléguée par le BSP, je n’ai pas à aborder la question de la PRI.

[8]  En ce qui concerne la question de savoir si M. Zheng est un véritable adepte du Falun Gong, la SPR a reconnu, dès le départ, le faible niveau d’instruction de M. Zheng. Quoi qu’il en soit, la SPR n’était pas convaincue qu’il était un véritable adepte du Falun Gong. La SPR est arrivée à cette conclusion en raison des incohérences suivantes entre le témoignage de M. Zheng et la pratique du Falun Gong, telle qu’elle est énoncée dans le cartable national de documentation [le CND] :

  • M. Zheng a expliqué que la roue de la loi se trouve partout dans le corps. En fait, elle se trouve dans le bas de l’abdomen. Lorsque la SPR le lui a fait remarquer, M. Zheng a admis qu’elle se trouve dans le bas de son abdomen, mais que ses effets se font sentir dans tout le corps.
  • Sur la question du « karma », M. Zheng a affirmé que [traduction« plus nous pratiquons, plus nous obtenons ». En fait, c’est le contraire. La SPR a souligné que le concept du Falun Gong consiste à éliminer le « karma » par la cultivation. Dans le Falun Gong, on ne cherche pas à acquérir du karma. Il s’agit d’une chose que l’on doit éliminer du corps.
  • M. Zheng ne semblait pas comprendre le concept de la cultivation.
  • Enfin, la SPR a conclu que, bien que M. Zheng ait peut-être participé à des exercices de Falun Gong, tels le Chi Gopng/Qigong, rien ne prouve que de tels exercices constituent une [traduction« pratique interdite en Chine ». En outre, l’affirmation de M. Zheng selon laquelle il ne pratique ces exercices que lorsqu’il en a le temps, et rarement en groupe, a amené la SPR à conclure qu’il n’est pas un véritable adepte du Falun Gong.

[9]  Après avoir conclu que M. Zheng n’est pas un véritable adepte du Falun Gong, la SPR a entrepris une analyse visant à déterminer s’il est recherché par le BSP. Sur cette question, la SPR a fait remarquer que les agents du BSP n’avaient laissé aucun document, comme une assignation, lors des visites qui auraient été faites au domicile de M. Zheng. À partir des éléments de preuve documentaire disponibles, la SPR était d’avis que cela n’était pas conforme à la procédure normale. La SPR a tenu compte de l’absence d’assignation, du fait que M. Zheng a quitté la Chine avec un visa délivré à son nom, du fait que son épouse vit dans la province de Shandong et reçoit une pension d’État et du fait que son fils a quitté la Chine sans difficulté pour en arriver à la conclusion que le BSP ne poursuivait pas le demandeur. La SPR a également fait référence aux renseignements sur les conditions dans le pays concernant l’efficacité du réseau informatique de police connu sous le nom de projet Bouclier d’or pour conclure que M. Zheng n’est pas recherché par le BSP.

[10]  La SPR a reconnu candidement la présence de lacunes dans ses observations au sujet de la capacité de M. Zheng de quitter la Chine avec un visa délivré à son nom et de l’efficacité du projet Bouclier d’or, étant donné que M. Zheng a reçu l’aide d’un passeur et que les contrôles à la sortie n’étaient pas entièrement appliqués au moment où il a quitté la Chine. Quoi qu’il en soit, compte tenu de l’ensemble de la preuve, la SPR est arrivée à la conclusion suivante :

Le tribunal estime qu’il n’y a aucun élément de preuve démontrant que le demandeur d’asile est recherché par le PSB. Compte tenu de la preuve documentaire démontrant que le gouvernement chinois agit de façon agressive dans le cadre de la poursuite des adeptes du Falun Gong et des membres de leur famille, le tribunal estime que le demandeur d’asile ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait pour appuyer sa déclaration selon laquelle il est recherché par le PSB. [Paragraphe 37]

IV.  Dispositions pertinentes

[11]  Les articles 96 et 97 de la LIPR constituent les dispositions pertinentes en l’espèce et figurent à l’annexe ci-jointe.

V.  Questions en litige

[12]  Les seules questions à trancher en l’espèce sont de savoir si la SPR a conclu de manière déraisonnable que M. Zheng n’est pas un adepte du Falun Gong et si la SPR a conclu de manière déraisonnable que le BSP n’est pas à sa recherche.

VI.  Analyse

A.  La norme de contrôle

[13]  Il est bien établi que la norme de contrôle applicable aux questions de crédibilité et de l’évaluation de la preuve est celle de la décision raisonnable (Cambara c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1019, au paragraphe 13; Scott c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1066 [Scott], au paragraphe 26; Aguebor c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, (1993), 160 NR 315, [1993] ACF no 732 (CAF), au paragraphe 4). Lorsque la Cour examine une décision selon la norme de la décision raisonnable, son analyse tiendra « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], au paragraphe 47; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12 [Khosa], au paragraphe 59).

B.  La crédibilité de M. Zheng

[14]  Bien que la SPR ait conclu que M. Zheng a témoigné de façon crédible, elle a également conclu à l’absence de crédibilité en ce qui concerne sa pratique du Falun Gong et son affirmation selon laquelle le BSP le poursuit. M. Zheng soutient que la SPR a commis une erreur en concluant qu’il était crédible, mais qu’il manquait de crédibilité à certains égards. Avec égards, je suis en désaccord. Les observations de la SPR ne s’excluent pas mutuellement. On peut témoigner de façon crédible, tout en n’étant pas cru en ce qui a trait aux affirmations essentielles à sa demande. De même, on peut être crédible, tout en ne présentant tout simplement pas de preuve quant aux éléments essentiels devant être établis.

[15]  Il est bien connu en droit qu’il est loisible à un décideur de croire en tout ou en partie ce qu’un témoin dit (R. c R.E.M., 2008 CSC 51 [R.E.M.], au paragraphe 65; de façon plus générale, R. c W. (D.), [1991] 1 RCS 742 [W. (D.)]. Je reconnais volontiers que les arrêts R.E.M. et W. (D.) relèvent du droit pénal. Toutefois, cette prémisse de base de la prise de décisions n’entre pas, à mon avis, en conflit avec les instructions de la Cour dans l’arrêt Hilo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 130 NR 236, [1991] ACF n° 228 (CAF), selon lesquelles les conclusions défavorables en matière de crédibilité doivent être formulées en des termes clairs et sans ambiguïté. J’estime qu’il était raisonnable de la part de la SPR de conclure que, de façon générale, M. Zheng a témoigné d’une manière directe, mais que ses prétentions particulières concernant sa pratique du Falun Gong et ses allégations concernant le fait que le BSP le poursuivait n’étaient pas crédibles. Comme le démontre l’analyse qui suit, la SPR a clairement exposé les motifs de ses conclusions défavorables en matière de crédibilité relativement à ces deux questions.

C.  Le caractère raisonnable de la conclusion concernant la pratique du Falun Gong

[16]  La jurisprudence établit un critère peu élevé dans le cas des demandeurs d’asile qui demandent la protection pour des motifs religieux (Lin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 288, au paragraphe 59). Cette approche est conforme à la mise en garde de la Cour suprême du Canada [la CSC] dans l’arrêt Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004 CSC 47 [Amselem] :

[50] À mon avis, l’État n’est pas en mesure d’agir comme arbitre des dogmes religieux, et il ne devrait pas le devenir. Les tribunaux devraient donc éviter d’interpréter — et ce faisant de déterminer —, explicitement ou implicitement, le contenu d’une conception subjective de quelque exigence, « obligation », précepte, « commandement », coutume ou rituel d’ordre religieux. Statuer sur des différends théologiques ou religieux ou sur des questions litigieuses touchant la doctrine religieuse amènerait les tribunaux à s’empêtrer sans justification dans le domaine de la religion.

[51] Cela dit, bien que les tribunaux ne soient pas qualifiés pour se prononcer sur la validité ou la véracité d’une pratique ou croyance religieuse, ou pour choisir parmi les diverses interprétations d’une croyance, ils sont qualifiés pour statuer sur la sincérité de la croyance du demandeur, lorsque cette sincérité est effectivement une question litigieuse : voir Jones, précité; Ross, précité.  Toutefois, il importe de souligner qu’une croyance sincère s’entend simplement d’une croyance honnête : voir Thomas c. Review Board of the Indiana Employment Security Division, précité.

[...]

[53] L’appréciation de la sincérité est une question de fait qui repose sur une liste non exhaustive de critères, notamment la crédibilité du témoignage du demandeur (voir Woehrling, loc. cit., p. 394) et la question de savoir si la croyance invoquée par le demandeur est en accord avec les autres pratiques religieuses courantes de celui-ci.  Cependant il est important de souligner qu’il ne convient pas que le tribunal analyse rigoureusement les pratiques antérieures du demandeur pour décider de la sincérité de ses croyances courantes. Tout comme une personne change au fil des ans, ses croyances peuvent elles aussi changer.  De par leur nature même, les croyances religieuses sont fluides et rarement statiques.  Il peut fort bien arriver que le lien ou les rapports d’une personne avec le divin ou avec le sujet ou l’objet de sa foi spirituelle, ou encore sa perception de l’obligation religieuse découlant de ces rapports changent et évoluent avec le temps.  Vu le caractère mouvant des croyances religieuses, l’examen par le tribunal de la sincérité de la croyance doit s’attacher non pas aux pratiques ou croyances antérieures de la personne, mais plutôt à ses croyances au moment de la prétendue atteinte à la liberté de religion. [Je souligne.]

[17]  M. Zheng soutient que la SPR n’a pas tenu compte de sa sincérité, se concentrant plutôt sur ses propres critères objectifs peu fiables. J’accepte volontiers que ce soit l’authenticité des croyances qui importe et non leur exactitude théologique (Gao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1139, au paragraphe 26). Cela dit, il est raisonnable de la part d’un décideur de s’attendre à ce qu’une personne possède une connaissance rudimentaire de ses croyances religieuses (Wang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 668, aux paragraphes 29 à 39). En l’espèce, la SPR a dûment pris en compte le manque de connaissance de l’emplacement de la « roue de la loi », le fait de ne pas savoir que le karma doit être éliminé plutôt qu’accumulé et le défaut de compréhension du concept de la cultivation et le rôle que jouent les exercices pour atteindre différents niveaux de cultivation. Ces facteurs faisaient partie de l’ensemble de la question de la crédibilité prise en compte par la SPR. Il n’appartient pas à la Cour de réévaluer la preuve afin de substituer son propre point de vue à celui de la SPR (Khosa, aux paragraphes 59 et 61).

[18]  La sincérité des croyances de M. Zheng ne peut être dissociée de son absence de connaissance de base du Falun Gong. En interrogeant M. Zheng, la SPR ne cherchait pas à obtenir une évaluation épistémologique de ses connaissances religieuses. Il est raisonnable de conclure que ses réponses à certaines questions fondamentales seraient de nature à influencer l’évaluation de sa sincérité. Si je faisais mienne l’affirmation selon laquelle la SPR a accordé trop d’importance à la connaissance que possède M. Zheng en la matière plutôt qu’à une évaluation attentive de sa « sincérité », je tomberais dans le piège de la chasse à l’erreur et de la recherche d’un motif visant à substituer l’opinion de la Cour à celle de la SPR. Les tribunaux saisis d’une demande de contrôle judiciaire doivent s’abstenir de faire une chasse au trésor et de partir à la recherche d’une erreur (Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, au paragraphe 54). En outre, il serait erroné de laisser entendre que l’on ne peut démontrer la sincérité subjective à l’aide de la connaissance objective. Si l’on empêche les tribunaux administratifs de recourir à des connaissances objectives pour parvenir à établir les croyances sincères, je me demande, pour la forme, comment un tribunal administratif ou un tribunal judiciaire peut évaluer la véracité d’une déclaration telle « Je suis adepte du Falun Gong », « Je suis chrétien », « Je suis musulman », « Je suis juif » ou je fais partie de l’un des groupes confessionnels parmi les centaines que l’on retrouve à l’échelle mondiale. Certes, je ne donne pas à penser que la connaissance objective représente un élément déterminant de la question des croyances sincères; c’est certainement un facteur de preuve dont la SPR doit tenir compte. Il s’agit donc d’un facteur que la Cour devrait éviter de réévaluer.

D.  Le caractère raisonnable de la conclusion selon laquelle le BSP n’est pas à la recherche de M. Zheng

[19]  On ne peut dissocier la conclusion de la SPR relative à l’absence de crédibilité du demandeur quant au fait que le BSP soit à la recherche de celui-ci de sa conclusion relative à l’absence de crédibilité du demandeur quant au fait qu’il soit un adepte du Falun Gong. Bien qu’une conclusion d’absence de crédibilité à l’égard d’un aspect de la preuve ne mène pas nécessairement à une conclusion semblable à l’égard d’autres aspects de la preuve, cette question relève de la SPR et non des tribunaux judiciaires. Je reviens au principe selon lequel il est loisible au décideur de croire une partie ou la totalité des propos d’un témoin.

[20]  M. Zheng fait valoir que la SPR a tiré des conclusions invraisemblables quant à la crédibilité en se fondant sur une interprétation erronée des documents relatifs aux conditions dans le pays. Plus précisément, il affirme que la SPR a commis une erreur lorsqu’elle a laissé entendre que l’omission par le BSP de produire une assignation était incompatible avec les pratiques de celui-ci. Il souligne l’absence d’éléments de preuve sur les conditions dans le pays à cet égard. M. Zheng reproche également à la SPR d’avoir formulé des hypothèses invraisemblables au sujet du traitement possible de son épouse et de son fils par le BSP, en supposant que celui-ci (le BSP) le poursuivait effectivement.

[21]  En ce qui concerne l’absence d’une assignation du BSP et la conclusion de la SPR à cet égard, j’estime que les observations suivantes de notre Cour dans la décision Lan Cao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1398, au paragraphe 35, sont particulièrement pertinentes :

Bien que la preuve documentaire donne à penser que le BSP ne laisse pas toujours nécessairement une assignation à l’intention de l’intéressé, cette preuve ne contredit pas directement la conclusion de la Commission. D’ailleurs, vu le nombre de fois que le BSP est censément venu frapper à la porte de la demanderesse, ainsi qu’à celle de sa mère, la Commission pouvait fort bien conclure que le BSP aurait fini par laisser une assignation. Le simple fait que la Commission aurait pu conclure autrement ne suffit pas à rendre déraisonnable sa décision sur ce point.

[22]  En ce qui concerne la question des représailles exercées à l’endroit de la famille de M. Zheng ou des châtiments infligés à celle-ci, il faut se rappeler que son fils est déménagé en Italie sans difficulté et que son épouse est déménagée dans la province de Shandong où elle n’a pas été maltraitée de quelque façon que ce soit. Le fait que Mme Zheng n’ait pas subi de mauvais traitement dans la province de Shandong doit être pris en compte, tout comme le fait qu’elle peut être facilement localisée étant donné qu’elle touche une pension de l’État.

[23]  Essentiellement, M. Zheng n’est pas d’accord avec l’appréciation qu’a faite la SPR de la preuve. Comme il a été mentionné précédemment, cette responsabilité incombe à la SPR (Eker c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1226, au paragraphe 9). La SPR jouit d’une vaste expérience en matière d’évaluation des éléments de preuve relatifs aux conditions dans le pays, notamment les allégations concernant la Chine et ses contrôles à la sortie. La SPR, et non la présente Cour, possède les compétences particulières en ces matières. Il faut faire preuve de déférence à l’égard de ses conclusions (Gong c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 165, aux paragraphes 14 à 18.)

VII.  Conclusion

[24]  Je suis d’avis que la décision de la SPR répond aux exigences relatives à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, et qu’elle appartient aux issues possibles raisonnables et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, comme l’exige la jurisprudence (Dunsmuir, paragraphe 47).

[25]  Pour les motifs énoncés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[26]  Les parties n’ont pas proposé de question de portée générale à des fins de certification et aucune ne découle des faits de l’espèce. Par conséquent, aucune question n’est certifiée aux fins d’examen par la Cour d’appel fédérale.


JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE la demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n’est certifiée aux fins d’examen par la Cour d’appel fédérale.

« B. Richard Bell »

Juge


 

ANNEXE

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

Définition de réfugié

Convention Refugee

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

  a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

  (a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

  b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner

  (b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country

Personne à protéger

Person in need of protection

97(1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97(1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

  a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

  (a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

  b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

  (b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

  (i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays

  (i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

  (ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

  (ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

  (iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

  (iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

  (iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats

  (iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Personne à protéger

Person in need of protection

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4384‑18

 

INTITULÉ :

QIUYOU ZHENG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 MarS 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 MAI 2019

 

COMPARUTIONS :

Georgina Murphy

 

POUR LE DEMANDEUR

 

David Joseph

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Korman and Korman LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

For The Applicant

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

For The Respondent

 

 

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