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Date : 20020222

Dossier : T-68-00

Référence neutre : 2002 CFPI 195

ENTRE :

                        WESTSHORE TERMINALS LTD.

                                                               demanderesse

                                    et

                 ADMINISTRATION PORTUAIRE DE VANCOUVER

                                                               défenderesse

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]                 Le 18 janvier 2000, la demanderesse Westshore Terminals Ltd. (la demanderesse) a engagé une demande de contrôle judiciaire à l'égard du refus, par l'Administration portuaire de Vancouver (la défenderesse), d'abaisser les paiements de location qu'elle doit verser en vertu d'un bail conclu le 1er mars 1982 (le bail), soutenant que les paiements en question sont inéquitables, déraisonnables et discriminatoires au sens des paragraphes 49(3) et 50(1) de la Loi maritime du Canada, L.C. 1998, ch. 10 (la Loi).

[2]                 Dans son avis de demande, la demanderesse sollicite, notamment, les réparations suivantes :

[TRADUCTION]

a)     une déclaration portant que l'Administration portuaire de Vancouver (APV) n'a pas fixé en vertu du bail de nouveaux droits qui sont justes et raisonnables, contrairement à l'obligation qui lui incombe en vertu de la loi;

b)     une déclaration portant que l'APV a fait montre de discrimination injustifiée entre la demanderesse et d'autres personnes qui sont des utilisateurs ou qui font partie d'une catégorie d'utilisateurs du port de Vancouver, contrairement au paragraphe 50(1) de la Loi et aux obligations qui lui incombent en vertu de la common law;

c)     une déclaration portant que l'APV a accordé une préférence injustifiée ou déraisonnable à d'autres utilisateurs ou catégories d'utilisateurs du port de Vancouver par rapport à la demanderesse, contrairement au paragraphe 50(1) de la Loi ainsi qu'aux obligations qui lui incombent en vertu de la common law;

d)     une déclaration portant que l'APV a fait subir à la demanderesse un désavantage injustifié ou déraisonnable par rapport à d'autres utilisateurs ou catégories d'utilisateurs du port de Vancouver, contrairement aux obligations qui lui incombent en vertu de la Loi et de la common law;

e)     un bref de mandamus sommant l'APV de rajuster les taux de location à des niveaux qui sont équitables et raisonnables et qui ne constituent pas une discrimination injustifiée à l'endroit de la demanderesse.


[3]                 Au moyen d'un avis de requête daté du 16 février 2000, la défenderesse a demandé une ordonnance radiant la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse, soutenant notamment que les montants exigés de la demanderesse en vertu du bail daté du 1er mars 1982 ne constituaient pas des « droits » au sens de la Loi et que, par conséquent, ils n'étaient pas visés par les paragraphes 49(3) et 50(1) de celle-ci, qui énoncent que les « droits » fixés par une autorité portuaire doivent être équitables et raisonnables et que l'administration portuaire devrait éviter toute discrimination injustifiée entre les utilisateurs ou catégories d'utilisateurs. La requête de la défenderesse a été débattue devant le protonotaire Hargrave le 1er mars et le 9 août 2000. Le 13 août 2000, le protonotaire a rejeté la requête et s'est exprimé comme suit au paragraphe 7 de son ordonnance de directives :

[TRADUCTION]

[7]    Je me suis également demandé si l'affaire devrait être radiée au motif que les paiements de loyer prévus au bail ne constituent pas des droits au sens de la Loi maritime du Canada et, de ce fait, ne sont pas susceptibles de révision. Les questions concernant l'interprétation à donner à un texte législatif et les questions de droit importantes ne devraient pas être tranchées dans le cadre d'une requête sommaire visant àradier une plaidoirie; je citerais à cet égard les arrêts Dumont c. Canada, [1990] 1 R.C.S. 279, et Vulcan Equipment Co. c. Coats Co. (1982), 63 C.P.R. (2d) 201, tout en ajoutant, compte tenu de l'arrêt Vulcan, qu'il peut y avoir des situations où l'argument est futile au point où la radiation est justifiée, mais ce n'est pas le cas en l'espèce.

[4]                 Le 1er juin 2001, la demanderesse a demandé l'autorisation de déposer une requête en vertu du paragraphe 107(1)[1] des Règles de la Cour fédérale (1998). Plus précisément, cette demande visait à permettre à la demanderesse d'obtenir des réponses à un certain nombre de questions avant l'audition au fond de la demande de contrôle judiciaire. Le 13 juin 2001, le protonotaire Hargrave a fait droit à la demande d'autorisation de la demanderesse et ordonné que les questions suivantes soient tranchées :

[TRADUCTION]

(i)     Les « taux de location » (définis dans l'avis de demande) constituent-ils des « droits » au sens de la Loi maritime du Canada, L.C. 1998, ch. 10 (la Loi)?

(ii) L'article 49 de la Loi s'applique-t-il aux taux de location?

(iii) L'article 50 de la Loi s'applique-t-il aux taux de location?

(iv) S'il est jugé que l'Administration portuaire de Vancouver (APV) détient en pratique le monopole sur la fourniture de l'accès au port de Vancouver, les règles de common law régissant les situations monopolistiques imposent-elles une obligation à l'APV relativement aux taux de location?


(v)    La Cour a-t-elle compétence pour accorder àWestshore l'une ou l'autre des réparations sollicitées dans la demande de redressement suivant le paragraphe 57 de l'avis de demande?

[5]                 Les faits pertinents quant aux questions en litige peuvent être résumés comme suit. En mars 1982, la demanderesse et le Conseil des ports nationaux (CPN), le prédécesseur juridique de la défenderesse, ont conclu un accord par lequel la demanderesse a loué deux postes d'accostage situés sur terre (ainsi que la basse plage et le plan d'eau connexes) à Roberts Bank.

[6]                 Roberts Bank est une île artificielle située à Delta, en Colombie-Britannique. Il s'agit d'une terre de Sa Majesté qui fait partie du port de Vancouver. La demanderesse a construit et exploite à cet endroit une installation de chargement de charbon en vrac, où le charbon est reçu, manipulé, emmagasiné et chargé sur les navires.

[7]                 La défenderesse est une administration publique créée par la Loi. Il s'agit d'un mandataire de Sa Majesté qui est investi du pouvoir de gérer et d'administrer la terre de l'État dans le port de Vancouver.

[8]                 Le CPN a construit la première phase de Roberts Bank, soit l'aire 1, en 1969, à un coût d'environ 5 500 000 $. La superficie de l'aire 1, composée d'environ 54 acres de terre gagnée sur la mer et de 14 acres de basse plage et de plan d'eau, a été louée à la demanderesse en vertu d'un bail conclu avant le 1er mars 1982.

[9]                 Le bail qui a été conclu le 1er mars 1982 pour une durée initiale de 20 ans prend fin le 28 février 2002. La demanderesse a droit à deux renouvellements de dix ans pour les périodes allant du 1er mars 2002 au 29 février 2012 et du 1er mars 2012 au 28 février 2022. Je comprends que la demanderesse a exercé son premier droit de renouvellement pour la période allant jusqu'au 29 février 2012.

[10]            Conformément au bail, le CPN s'est engagé à dépenser une somme de 48 000 000 $ pour exécuter des travaux d'agrandissement à Roberts Bank afin d'ajouter trois autres aires à celle qu'occupait la demanderesse, si bien que la superficie totale devait atteindre environ 284 acres. La demanderesse devait occuper les aires 1 et 2, d'une superficie totale d'environ 130 acres. À l'époque, le CPN avait l'intention de louer les aires 3 et 4 à un autre locataire.

[11]            La défenderesse possède et exploite Deltaport, qui est un terminal à conteneurs occupant les aires 3 et 4. Deltaport a débuté ses activités à l'aire 4 en 1993 et celles de l'aire 3 au cours de l'an 2000. Depuis 1993, Terminal Systems Inc. exploite Deltaport pour la défenderesse en vertu d'une entente de service qui est en vigueur jusqu'au 31 décembre 2003. La demanderesse soutient que, même si la défenderesse touche des revenus de Roberts Bank et de Delta Port, elle n'a utilisé aucune partie de ces revenus pour amortir les coûts des travaux de construction exécutés à Roberts Bank, ce qui donnerait lieu à une diminution du loyer que la demanderesse doit payer en vertu du bail.


[12]            En raison de la dépense de 48 000 000 $ qu'il a effectuée au titre des travaux d'agrandissement du port de Roberts Bank, le CPN a exigé de la demanderesse des taux de location qui produiraient un rendement de 16 p. 100 à 18 p. 100 de son investissement pendant toute la durée du bail. La demanderesse souligne que, lorsqu'il a fixé les taux de location en vertu du bail, le CPN a exigé que le recouvrement des coûts et le rendement du capital investi couvrent les aires 3 et 4, qu'elle ne devait pas occuper.

[13]            Les taux exigés de la demanderesse se composent de deux éléments. D'abord, une partie du loyer est calculée en fonction du tonnage du charbon expédié par l'entremise du terminal de la demanderesse. Cette partie est appelée « loyer de participation » et constitue une charge fondée sur un tonnage annuel minimal, une charge supplémentaire pouvant être imposée lorsque le tonnage de charbon manipulé dépasse le tonnage minimal prescrit. Le deuxième élément du loyer est un loyer de « base » . Ce montant ne fluctue pas, car il constitue une charge annuelle à l'égard de la location de la partie terrestre et du plan d'eau.

[14]            Les deux parties admettent qu'elles ont négocié sans contrainte le bail et, a fortiori, les taux qui y sont prévus.

[15]            Le bail prévoyait également que le loyer augmenterait tous les trois ans selon un taux de 30 p. 100 ou un taux correspondant à l'Indice des prix à la consommation, si celui-ci était supérieur. En 1996, le taux d'augmentation du loyer de base et de la charge au titre du tonnage annuel minimal était ramené à 3 p. 100 l'an, tandis que la charge relative au tonnage supplémentaire a continué à augmenter à un taux de 30 p. 100 tous les trois ans.

[16]            Le bail a été modifié à deux reprises. En 1989, la défenderesse a consenti à renoncer à un montant de loyer d'environ 25 000 000 $ afin de financer la construction d'une nouvelle installation de déchargement de charbon par la demanderesse. En 1996, la défenderesse a consenti unilatéralement à une réduction du taux d'indexation des paiements de location pour la période allant de 1996 à 2002. Elle a également consenti à renoncer aux indexations pour l'année 1999.

[17]            Selon la demanderesse, les taux de location ont plus que triplé depuis le 1er mars 1982 et, à la date du dépôt de sa demande de contrôle judiciaire, elle payait chaque année un montant d'environ 14 600 000 $ à la défenderesse. En raison des augmentations annuelles des taux, la demanderesse paie actuellement à la défenderesse une somme d'environ 16 000 000 $ chaque année.

[18]            La défenderesse a le droit de réviser et de fixer le taux de location exigible pour la période de trois ans commençant le 1er mars 2002 et à chaque troisième anniversaire par la suite, jusqu'à la fin des deux périodes de renouvellement en 2022.

[19]            Le loyer fixé au bail représente environ 20 p. 100 du total des revenus d'exploitation de la défenderesse. En fait, les loyers que la défenderesse perçoit de l'ensemble de ses baux (environ 300) représentent près de 50 p. 100 de son revenu total.

[20]            Soutenant que le loyer à payer en vertu du bail est inéquitable, la demanderesse fait valoir que, même si la défenderesse a droit à un taux de rendement raisonnable sur son investissement, les recettes qu'elle perçoit actuellement [TRADUCTION] « dépassent nettement le montant nécessaire pour assurer à l'APV un taux de rendement équitable sur les capitaux injectés dans les travaux de construction de Roberts Bank » . La demanderesse ajoute que, depuis 1982, elle a payé un montant de plus de 175 000 000 $, ce qui équivaut au triple du total du coût d'investissement relatif à la construction de l'installation de Roberts Bank et à plus de six fois le coût d'investissement se rapportant à la construction de la partie de la propriété que son terminal occupe actuellement. De plus, la demanderesse fait valoir qu'elle a elle-même investi une somme de plus de 200 000 000 $ pour apporter des améliorations à son terminal, y compris des voies, des immeubles et de l'équipement de chargement.

[21]            Par sa demande de contrôle judiciaire, la demanderesse sollicite une révision non convenue du loyer à payer en vertu du bail au motif que le loyer en question est inéquitable et déraisonnable et constitue une discrimination à son endroit. Dans le contexte de la présente requête fondée sur le paragraphe 107(1) des Règles, ma tâche consiste, non pas à décider si la demanderesse a raison à cet égard, mais plutôt à donner des réponses aux cinq questions visées par l'autorisation du protonotaire Hargrave. Toutefois, auparavant, il m'apparaît important de reproduire les dispositions de la Loi qui sont pertinentes à cette fin :



2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi

« _droits_ » Toute forme de taxes, droits, péages, contributions ou prix. Sont inclus dans la présente définition les droits d'amarrage, les droits d'accostage et les droits de port.

4. Il est déclaré que l'objectif de la présente loi est de:

c) veiller à ce que les services de transport maritime soient organisés de façon à satisfaire les besoins des utilisateurs et leur soient offerts à un coût raisonnable;

5. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

« _port_ » L'ensemble des eaux navigables qui relèvent de la compétence d'une administration portuaire ainsi que les immeubles dont la gestion lui est confiée, qu'elle détient ou qu'elle occupe en conformité avec les lettres patentes.

« _utilisateur_ » À l'égard d'un port, personne qui utilise le port à des fins commerciales ou y fournit des services.

12. (1) L'administration portuaire inscrite à un article de la partie 1 de l'annexe est automatiquement prorogée ou réputée constituée en administration portuaire à compter de la date d'entrée en vigueur de cet article comme si elle était constituée sous le régime de l'article 8, le ministre étant tenu de lui délivrer des lettres patentes dont le contenu est conforme au paragraphe 8(2).

12. (3) Les droits et obligations d'une administration portuaire visée au paragraphe (1) qui, à l'entrée en vigueur du présent paragraphe, était une société portuaire locale constituée sous le régime de la Loi sur la Société canadienne des ports sont les suivants:

c) la gestion des biens immeubles fédéraux, et des droits s'y rattachant, mentionnés dans les lettres patentes est confiée à l'administration portuaire;

44. (1) Pour l'application de la Loi sur les immeubles fédéraux, le ministre a la gestion des immeubles fédéraux qui se trouvent dans le port qu'une administration portuaire exploite en vertu de ses lettres patentes, à l'exception de ceux dont la gestion est confiée à un autre membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada.

44. (2) Le ministre peut, par lettres patentes, confier à l'administration portuaire la gestion d'un immeuble fédéral soit qui est géré par lui au titre du paragraphe (1), soit qui est géré par un membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada, s'il a le consentement de ce membre.

44. (3) Lorsque le ministre confie la gestion d'un immeuble fédéral à une administration portuaire, la Loi sur les immeubles fédéraux, à l'exception des articles 12 à 14 et des alinéas 16(1)a), g) et i) et (2)g), ne s'applique plus à cet immeuble.

44. (6) Une administration portuaire ne peut gérer, occuper et détenir que les immeubles qui sont mentionnés dans ses lettres patentes.

45. (1) Lorsque le ministre a confié la gestion d'immeubles fédéraux à l'administration portuaire, celle-ci:

a) n'est pas tenue de payer pour leur utilisation;

b) peut conserver et utiliser les recettes qu'ils génèrent pour l'exploitation du port;

c) est tenue d'intenter les actions en justice qui s'y rapportent et de répondre à celles qui sont intentées contre elle;

d) est tenue d'exécuter toutes les obligations qui s'y rattachent.

45. (2) Toute poursuite civile, pénale ou administrative relative à un immeuble fédéral dont la gestion a été confiée à une administration portuaire ou à tout autre bien qu'elle détient - ou à tout fait qui y survient - doit être engagée par cette administration portuaire ou contre elle, à l'exclusion de la Couronne.

45. (3) Une administration portuaire peut, pour l'exploitation du port, louer les immeubles fédéraux qu'elle gère ou octroyer des permis à leur égard, sous réserve des limites, précisées dans les lettres patentes, quant à son pouvoir de contracter à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada et à la durée maximale de ces baux et permis.

45. (3.1) L'administration portuaire exerce les pouvoirs visés au paragraphe (3) au même titre que Sa Majesté et, à cette fin, peut établir et délivrer, au lieu de Sa Majesté, les documents requis.

45. (4) L'octroi d'un permis ou la location d'un immeuble fédéral peuvent s'effectuer par un acte qui, en vertu des lois de la province de situation de l'immeuble, peut servir à en opérer l'octroi ou la location entre sujets de droit privé.

46. (1) Sous réserve du paragraphe 45(3), une administration portuaire ne peut aliéner les immeubles fédéraux dont la gestion lui est confiée; elle peut toutefois:

a) sans que des lettres patentes supplémentaires ne soient délivrées, consentir à leur égard des emprises routières ou des servitudes ou permis pour des droits de passage ou d'accès ou des services publics;

b) dans la mesure où ses lettres patentes l'y autorisent:

(i) les échanger contre des immeubles de valeur marchande comparable à la condition que des lettres patentes supplémentaires soient délivrées et que celles-ci fassent mention que ces derniers deviennent des immeubles fédéraux,

(ii) aliéner les accessoires fixés à demeure sur ces immeubles.

46. (1.1) L'administration portuaire exerce les pouvoirs visés aux alinéas (1)a) et b) au même titre que Sa Majesté et, à cette fin, peut établir et délivrer, au lieu de Sa Majesté, les documents requis.

46. (2) Une administration portuaire peut aliéner les immeubles qu'elle occupe ou détient, exception faite des immeubles fédéraux, si des lettres patentes supplémentaires sont délivrées; elle peut toutefois - sans que des lettres patentes supplémentaires ne soient délivrées - consentir à leur égard des emprises routières ou des servitudes ou permis pour des droits de passage ou d'accès ou des services publics.

46. (3) Les concessions peuvent être faites par un acte qui, en vertu des lois de la province de situation de l'immeuble fédéral, peut servir à faire des concessions entre sujets de droit privé.

48. (1) Dans les douze mois suivant la délivrance de leurs lettres patentes, les administrations portuaires sont tenues d'avoir un plan détaillé d'utilisation des sols faisant état des objectifs et politiques établis pour l'aménagement physique des immeubles dont la gestion leur est confiée ou qu'elles occupent ou détiennent, compte tenu des facteurs d'ordre social, économique et environnemental applicables et des règlements de zonage qui s'appliquent aux sols avoisinants.

48. (2) Les plans d'utilisation des sols peuvent:

a) interdire l'utilisation de la totalité ou d'une partie des immeubles à certaines fins ou la limiter à certaines fins déterminées;

b) interdire la construction de bâtiments ou d'ouvrages ou d'un certain type de bâtiments ou d'ouvrages;

c) sous réserve des règlements d'application de l'article 62, réglementer les caractéristiques des bâtiments ou ouvrages qui peuvent être construits.

48. (3) Un plan d'utilisation des sols ne peut avoir pour effet d'empêcher:

a) l'utilisation d'un bien immeuble existant, dans la mesure où l'utilisation demeure celle qui en était faite le jour de l'entrée en vigueur du plan;

b) la construction ou la modification d'un bâtiment ou d'un ouvrage qui a été autorisée avant cette entrée en vigueur dans la mesure où la construction ou la modification est conforme à l'autorisation.

48. (4) Au moins soixante jours avant la date d'entrée en vigueur du plan d'utilisation des sols, l'administration portuaire est tenue d'en faire publier un avis dans un journal à grand tirage du lieu où est situé le port.

48. (5) L'avis donne le lieu où il est possible de se procurer un exemplaire du projet de plan et des documents connexes nécessaires à sa compréhension complète, et invite les intéressés à faire parvenir leurs observations sur le projet à l'administration avant l'expiration de ce délai de soixante jours et à assister à la réunion publique dont les date, heure et lieu sont également mentionnés dans l'avis.

48. (6) L'administration portuaire peut adopter le projet de plan d'utilisation des sols après avoir pris connaissance des observations qui ont pu lui être présentées.

48. (7) L'administration portuaire est tenue de faire publier dans un journal à grand tirage du lieu où est situé le port un avis de l'adoption de son plan d'utilisation des sols; l'avis donne le lieu où il est possible de se procurer un exemplaire du plan.

48. (8) L'administration portuaire n'a pas à se conformer aux paragraphes (4) à (7) à l'égard du projet de plan d'utilisation des sols qui, selon le cas:

a) a déjà fait l'objet d'un avis publié en conformité avec le paragraphe (4), même si le plan a été modifié à la suite d'observations présentées conformément au paragraphe (5);

b) n'apporte pas de modification de fond au plan en vigueur.

48. (9) Les plans d'utilisation des sols ne sont pas des règlements au sens de la Loi sur les textes réglementaires.

49. (1) L'administration portuaire peut fixer les droits à payer à l'égard:

a) des navires, véhicules, aéronefs et personnes entrant dans le port ou en faisant usage;

b) des marchandises soit déchargées de ces navires, chargées à leur bord ou transbordées par eau dans le périmètre portuaire, soit passant par le port;

c) des services qu'elle fournit ou des avantages qu'elle accorde, en rapport avec l'exploitation du port.

49. (2) L'administration peut fixer le taux d'intérêt frappant les droits impayés.

49. (3) Les droits que fixe l'administration portuaire doivent lui permettre le financement autonome de ses opérations et également être équitables et raisonnables.

49. (4) Les droits et le taux d'intérêt peuvent être rendus obligatoires pour Sa Majesté du chef du Canada ou d'une province.

49. (5) Les droits prévus aux alinéas (1)a) et b) ne s'appliquent pas aux navires de guerre canadiens, aux navires auxiliaires de la marine, aux navires placés sous le commandement des Forces canadiennes, aux navires de forces étrangères présentes au Canada au sens de la Loi sur les forces étrangères présentes au Canada, ni aux navires placés sous le commandement de la Gendarmerie royale du Canada.

49. (6) Les droits en vigueur à l'égard d'un port à l'entrée en vigueur du présent article demeurent en vigueur pendant une période maximale de six mois sauf s'ils sont remplacés plus tôt.

50. (1) L'administration portuaire est tenue d'éviter la discrimination injustifiée entre les utilisateurs ou catégories d'utilisateurs, ou l'octroi d'un avantage injustifié ou déraisonnable, ou l'imposition d'un désavantage injustifié ou déraisonnable, à un utilisateur ou à une catégorie d'utilisateurs.

50. (2) Ne constitue pas une discrimination injustifiée ou un désavantage injustifié ou déraisonnable la distinction fondée sur le volume ou la valeur des marchandises transportées ou sur toute autre caractéristique généralement admise commercialement.

51. (1) L'administration portuaire donne, conformément au présent article, un préavis des droits d'amarrage, des droits d'accostage ou des droits de port qu'elle se propose de fixer ou de réviser, les droits ne pouvant entrer en vigueur avant l'expiration d'un délai de soixante jours après la dernière de ces publications.

51.(2) Le préavis fait part de tous les renseignements concernant la proposition, indique que des renseignements supplémentaires peuvent être obtenus sur demande auprès de l'administration portuaire et donne aux intéressés l'occasion de présenter leurs observations par écrit en les faisant parvenir à l'adresse y indiquée.

51. (3) Le préavis est publié dans un journal à grand tirage du lieu où est situé le port, envoyé par courrier ou par voie électronique aux organisations dont les membres, de l'avis de l'administration portuaire, seront touchés par les droits - nouveaux ou révisés - ainsi qu'à tout utilisateur ou toute personne ayant manifesté auprès de la société, au moins dix jours auparavant, le désir de recevoir les préavis exigés par la présente partie; il est aussi inscrit en un endroit accessible sur le réseau communément appelé Internet.

51. (4) L'obligation de préavis mentionnée au présent article ne s'applique pas aux droits prévus par un contrat conclu en vertu de l'article 53.

52. (1) Tout intéressé peut déposer auprès de l'Office une plainte portant qu'un droit fixé aux termes du paragraphe 49(1) comporte une distinction injustifiée; l'Office examine la plainte sans délai et communique ses conclusions à l'administration portuaire qui est liée par celles-ci.

52. (2) L'article 40 de la Loi sur les transports au Canada s'applique, avec les adaptations nécessaires, aux conclusions de l'Office, comme s'il s'agissait d'une décision rendue en application de cette loi.

53. L'administration portuaire peut par contrat, que les parties peuvent convenir de garder confidentiel, accepter, pour les services visés aux alinéas 49(1)a) à c), des droits différents de ceux qui sont fixés aux termes de ces alinéas.

2. (1) The definitions in this subsection apply in this Act.

"fees" includes harbour dues, berthage and wharfage, as well as duties, tolls, rates and other charges.

4. It is hereby declared that the objective of this Act is to

(c) ensure that marine transportation services are organized to satisfy the needs of users and are available at a reasonable cost to the users;

5. The definitions in this section apply in this Part.

"port" means the navigable waters under the jurisdiction of a port authority and the real property that the port authority manages, holds or occupies as set out in the letters patent.

"user", in respect of a port, means a person that makes commercial use of, or provides services at, the port.

12. (1) A port authority set out in an item of Part 1 of the schedule is automatically continued or deemed to be incorporated under section 8 on the day on which that item comes into force and the Minister shall issue to it letters patent that set out the information required by subsection 8(2).

12. (3) The rights and obligations of a port authority referred to in subsection (1) that was, immediately before the coming into force of this subsection, a local port corporation established under the Canada Ports Corporation Act are as follows:

(c) the management of the federal real property set out in the letters patent, and any rights related to the property, is conferred on the port authority;

44. (1) For the purposes of the Federal Real Property Act, the Minister has the administration of the federal real property of a port in respect of which letters patent have been issued to the port authority, other than federal real property the administration of which is under any other member of the Queen's Privy Council for Canada.

44. (2) The Minister may, in the letters patent, give to a port authority the management of any federal real property that is administered by

(a) the Minister under subsection (1); or

(b) any other member of the Queen's Privy Council for Canada, if the Minister has the consent of that other member.

44. (3) Where the Minister gives the management of federal real property to a port authority, the Federal Real Property Act, other than sections 12 to 14 and paragraphs 16(1)(a), (g) and (i) and (2)(g), does not apply to that property.

44. (6) A port authority may manage, occupy or hold only the real property set out in its letters patent.

45. (1) Where the Minister has given the management of federal real property to a port authority, the port authority

(a) need not pay compensation for the use of that property;

(b) may retain and use the revenue received in respect of that property for the purpose of operating the port;

(c) shall undertake and defend any legal proceedings with respect to that property; and

(d) shall discharge all obligations and liabilities with respect to that property.

45. (2) A civil, criminal or administrative action or proceeding with respect to federal real property that a port authority manages, or any property that it holds, or with respect to any act or omission occurring on the property, shall be taken by or against the port authority and not by or against the Crown.

45. (3) A port authority may, for the purpose of operating the port, lease or license any federal real property that it manages, subject to the limits in the port authority's letters patent on its authority to contract as agent for Her Majesty in right of Canada. The term of the lease or licence may not be more than the maximum term that the letters patent set out for such a lease or licence.

45. (3.1) The port authority may exercise the powers under subsection (3) to the same extent as Her Majesty could exercise those powers and may, instead of Her Majesty, execute and deliver the documents required for that purpose.

45. (4) A lease or licence of federal real property may be effected by any instrument by which real property may be leased or a licence may be granted by a private person in respect of real property under the laws in force in the province in which the property is situated.

46. (1) Subject to subsection 45(3), a port authority may not dispose of any federal real property that it manages but it may

(a) without the issuance of supplementary letters patent, grant road allowances or easements, rights of way or licences for utilities, services or access; and

(b) to the extent authorized in the letters patent,

(i) exchange federal real property for other real property of comparable market value subject to the issuance of supplementary letters patent that describe the other real property as federal real property, and

(ii) dispose of fixtures on federal real property.

46. (1.1) The port authority may exercise the powers under paragraph (1)(a) or (b) to the same extent as Her Majesty could exercise those powers and may, instead of Her Majesty, execute and deliver the documents required for that purpose.

46. (2) A port authority may dispose of any real property that it occupies or holds, other than federal real property, subject to the issuance of supplementary letters patent, and, without the issuance of supplementary letters patent, it may grant road allowances or easements, rights of way or licences for utilities, services or access.

46. (3) A grant may be effected by any instrument by which an interest in real property may be granted by a private person under the laws in force in the province in which the federal real property is situated.

48. (1) A port authority shall, within twelve months after the issuance of its letters patent, develop a detailed land-use plan that contains objectives and policies for the physical development of the real property that it manages, holds or occupies and that takes into account relevant social, economic and environmental matters and zoning by-laws that apply to neighbouring lands.

48. (2) The land-use plan may

(a) prohibit the use of some or all of the real property for, or except for, certain purposes;

(b) prohibit the erecting of structures or works or certain types of structures or works; and

(c) subject to any regulations made under section 62, regulate the type of structures or works that may be erected.

48. (3) A land-use plan shall not have the effect of preventing

(a) the use of any property existing on the day on which the land-use plan comes into force for the purpose for which it was used on that day, so long as it continues to be used for that purpose; or

(b) the erecting or alteration of a structure or work that was authorized before the day on which the land-use plan comes into force if the erecting or alteration is carried out in accordance with the authorization.

48. (4) A port authority shall, at least sixty days before the coming into force of a land-use pan, have notice of the plan published in a major newspaper published or distributed in the place where the port is situated.

48. (5) The notice shall include information as to where a copy of the plan, including any related documents necessary to understand it, may be obtained and an invitation to any interested person to make representations to the port authority with respect to the proposed plan within those sixty days and to attend a public meeting at a specified time and place.

48. (6) After the port authority considers any representations made by interested persons with respect to a proposed plan, it may adopt the plan.

48. (7) The port authority shall have notice of each land-use plan that it adopts, together with notice of the place at which a copy of the plan may be obtained, published in a major newspaper published or distributed in the place where the port is situated.

48. (8) A port authority need not comply with subsections (4) to (7) in respect of a proposed land-use plan that

(a) has previously been published pursuant to subsection (4), whether or not it has been changed as a result of representations made pursuant to subsection (5); or

(b) makes no substantive change to an existing plan.

48. (9) Land-use plans are not regulations within the meaning of the Statutory Instruments Act.

49. (1) A port authority may fix fees to be paid in respect of

(a) ships, vehicles, aircraft and persons coming into or using the port;

(b) goods loaded on ships, unloaded from ships or transhipped by water within the limits of the port or moved across the port; and

(c) any service provided by the port authority, or any right or privilege conferred by it, in respect of the port.

49. (2) A port authority may fix the interest rate that it charges on overdue fees.

49. (3) The fees fixed by a port authority shall be at a level that permits it to operate on a self-sustaining financial basis and shall be fair and reasonable.

49. (4) The fees and interest rate may be made binding on Her Majesty in right of Canada or a province.

49. (5) The fees fixed under paragraphs (1)(a) and (b) do not apply in respect of a Canadian warship, naval auxiliary ship or other ship under the command of the Canadian Forces, a ship of a visiting force within the meaning of the Visiting Forces Act or any other ship while it is under the command of the Royal Canadian Mounted Police.

49. (6) A fee that is in force in respect of a port on the coming into force of this section continues in force for a period ending on the earlier of the expiration of six months and the date on which it is replaced by a fee fixed under subsection (1).

50. (1) A port authority shall not unjustly discriminate among users or classes of users of the port, give an undue or unreasonable preference to any user or class of user or subject any user or class of user to an undue or unreasonable disadvantage.

50. (2) It is not unjust discrimination and it is not an undue nor an unreasonable preference or disadvantage for a port authority to differentiate among users or classes of users on the basis of the volume or value of goods shipped or on any other basis that is generally commercially accepted.

51. (1) Where a port authority proposes to fix a new fee or revise an existing fee for wharfage, berthage or harbour dues, it shall give notice of the proposal in accordance with this section and no fee shall come into force before the expiration of sixty days after the last of the notices is given.

51. (2) The notice shall

(a) set out the particulars of the proposal;

(b) specify that a document containing more details about the proposal may be obtained from the port authority on request; and

(c) specify that persons interested in making representations in writing to the port authority about the proposal may do so by writing to the address set out in the notice.

51. (3) The port authority shall

(a) have the notice published in a major newspaper published or distributed in the place where the port is situated;

(b) send, by mail or by electronic means, a copy of the notice to

(i) organizations whose members will, in the opinion of the port authority, be affected by the new or revised fee, and

(ii) every user and other person who has, at least ten days before, notified the port authority of a desire to receive notices or announcements under this Part; and

(c) post an electronic version of the notice in a location that is generally accessible to persons who have access to what is commonly referred to as the Internet.

51. (4) The notice required by this section does not apply to any fees accepted in a contract under section 53.

52. (1) Any interested person may at any time file a complaint with the Agency that there is unjust discrimination in a fee fixed under subsection 49(1), and the Agency shall consider the complaint without delay and report its findings to the port authority, and the port authority shall govern itself accordingly.

52. (2) Section 40 of the Canada Transportation Act applies, with such modifications as the circumstances require, to every report of the Agency made under subsection (1) as if the report were a decision made pursuant to that Act.

53. A port authority may agree, by a contract that the parties may agree to keep confidential, to accept fees in respect of the persons and things set out in paragraphs 49(1)(a) to (c) that are different from the fees fixed under those paragraphs.


[22]            J'examine maintenant les questions 1 et 2

Question n ° 1 : Les « taux de location » (définis dans l'avis de demande) constituent-ils des « droits » au sens de la Loi maritime du Canada, L.C. 1998, ch. 10 (la Loi)?

Question n ° 2 : L'article 49 de la Loi s'applique-t-il aux taux de location?

Pour les raisons qui suivent, je réponds par la négative à ces deux questions.

[23]            Je dois tout d'abord me reporter à la définition du mot « droits » qui figure au paragraphe 2(1) de la Loi. Cette définition est ainsi libellée : « Toute forme de taxes, droits, péages, contributions ou prix. Sont inclus dans la présente définition les droits d'amarrage, les droits d'accostage et les droits de port » . Voici maintenant la version anglaise correspondante : « "fees" include harbour dues, berthage and wharface, as well as duties, tolls, rates and other charges » .

[24]            La demanderesse allègue que le mot « droits » devrait recevoir son sens ordinaire, lequel comprend les taux de location. Selon la demanderesse, les mots « toute forme » sont suffisamment larges pour couvrir les paiements de location. La demanderesse ajoute que l'intention du Parlement était d'inclure dans le mot « droits » toutes les sources possibles de revenu auxquelles une administration portuaire a accès, y compris les loyers.


[25]            La demanderesse accorde une grande importance aux mots « and other charges » de la version anglaise pour soutenir que le mot « droits » comprend les taux de location. Cependant, comme la défenderesse le souligne, le mot « inclus » n'a pas une portée illimitée. La règle Ejusdem generis, qui est définie dans la 7e édition du Black's Law Dictionary, West Group, 1999, à la page 535, comme [TRADUCTION] « un principe d'interprétation selon lequel, lorsqu'un mot ou une expression général suit une liste de personnes ou de choses précises, le mot ou l'expression sera interprété de façon à comprendre uniquement les personnes ou les choses du même type que ceux qui figurent sur la liste » , est pertinente quant à l'interprétation du mot « droits » .

[26]            À mon avis, il est évident que le Parlement n'avait pas l'intention de restreindre le mot « droits » aux éléments explicitement énumérés dans la définition. Il faut donc savoir si les taux de location peuvent être visés par la définition. À mon avis, ils ne peuvent être visés. Bien entendu, il existe une caractéristique commune à tous les éléments énumérés dans la définition, soit le fait qu'ils constituent dans tous les cas des frais qu'exige habituellement une administration portuaire, généralement au moyen d'un tarif ou autre document similaire, à l'égard des services fournis à ceux qui utilisent le port.

[27]            Ainsi, les droits d'accostage constituent des frais exigés pour le déplacement de marchandises sur un quai. Quant aux droits d'amarrage, il s'agit des frais qu'un navire doit payer pour avoir le droit de s'amarrer à un quai. Les droits de port correspondent aux frais à payer pour avoir le droit d'entrer dans un port. De façon générale, ces frais ne sont pas négociés entre l'administration portuaire et ses utilisateurs. Ils sont « imposés » au moyen d'un tarif que l'administration portuaire publie et les utilisateurs du port ne participent nullement à l'établissement de ces frais.


[28]            À mon avis, les taux que la demanderesse doit payer en vertu du bail n'ont rien à voir avec les éléments énumérés au paragraphe 2(1) de la Loi. De plus, contrairement aux éléments énumérés, les taux de location que la demanderesse doit payer à la défenderesse ont été négociés sans contrainte et n'ont pas été imposés unilatéralement par l'administration portuaire.

[29]            Si je devais arrêter mon enquête ici, je n'hésiterais nullement à conclure que les « droits » ne comprennent pas les taux de location. Je me fonde également sur la version française de la Loi, dont la définition du mot « droits » indique encore plus clairement que les paiements de loyer ne sont pas compris. Toutefois, je dois examiner d'autres dispositions pertinentes de la Loi afin de déterminer l'intention véritable du Parlement.

[30]            Les articles 44 à 48 de la Loi figurent sous la rubrique « Biens » , tandis que les articles 49 à 53 apparaissent sous la rubrique « Droits » . Ainsi, le Parlement semble avoir fait une distinction entre le pouvoir d'une administration portuaire de louer des biens et celui de fixer des « droits » en vertu des alinéas 49(1)a), b) et c) à l'égard de ce qui suit :

a) des navires, véhicules, aéronefs et personnes entrant dans le port ou en faisant usage;

b) des marchandises soit déchargées de ces navires, chargées à leur bord ou transbordées par eau dans le périmètre portuaire, soit passant par le port;

c) des services qu'elle fournit ou des avantages qu'elle accorde, en rapport avec l'exploitation du port.

[31]            Le pouvoir d'une administration portuaire de gérer des immeubles fédéraux découle des lettres patentes qu'elle a obtenues du ministre. Selon le paragraphe 44(6) de la Loi, « une administration portuaire ne peut gérer, occuper et détenir que les immeubles qui sont mentionnés dans ses lettres patentes » . L'alinéa 45(1)b) énonce que l'administration portuaire peut conserver et utiliser les recettes générées par les immeubles qu'elle gère et les utiliser pour l'exploitation du port. Le paragraphe 45(3) permet à une administration portuaire de louer les immeubles fédéraux qu'elle gère, mais la durée des baux ne doit pas dépasser la durée maximale prescrite dans les lettres patentes.

[32]            La Loi n'impose aucune restriction à l'administration portuaire quant au montant de loyer qu'elle peut toucher en vertu des baux négociés et aucun élément de preuve n'a été présenté au sujet d'une restriction qui aurait été imposée dans les lettres patentes.


[33]            Quant aux articles 49 à 53 de la Loi, j'estime qu'ils ne s'appliquent nullement aux baux conclus par une administration portuaire. D'abord, une lecture du paragraphe 49(1) indique clairement que les « droits » dont il est question dans ces dispositions sont d'une nature tout à fait différente de celle des baux que l'administration portuaire peut conclure conformément au paragraphe 45(3). En vertu du paragraphe 49(1), l'administration portuaire a le pouvoir de fixer des « droits » à l'égard des éléments qui sont mentionnés aux alinéas a) à c) de cette disposition. Dans le cas des droits qu'elle a fixés, l'administration portuaire peut également déterminer les taux d'intérêt frappant les droits impayés.

[34]            Selon le paragraphe 49(3), les droits que fixe l'administration portuaire doivent lui permettre « le financement autonome de ses opérations » et doivent également être « équitables et raisonnables » . De plus, le paragraphe 50(1) énonce que l'administration portuaire est tenue d'éviter la discrimination injustifiée entre les utilisateurs ou catégories d'utilisateurs ou l'octroi d'un avantage injustifié ou déraisonnable à un utilisateur ou à une catégorie d'utilisateurs. Toutefois, le paragraphe 50(2) indique clairement qu'une distinction fondée sur le volume ou la valeur des marchandises transportées ou sur toute caractéristique « généralement admise commercialement » ne constitue pas une discrimination injustifiée ou un désavantage injustifié ou déraisonnable. Quant au paragraphe 51(1), il dispose que, lorsqu'une administration portuaire se propose de fixer de nouveaux droits ou de réviser des droits d'amarrage, des droits d'accostage ou des droits de port, un préavis à ce sujet doit être donné conformément aux paragraphes 50(2), (3) et (4) et que les nouveaux droits ne peuvent entrer en vigueur avant l'expiration d'un délai de 60 jours après la dernière de ces publications.


[35]            Enfin, le paragraphe 52(1) prévoit que tout intéressé peut déposer auprès de l'Office des transports du Canada une plainte portant qu'un droit fixé par l'administration portuaire aux termes du paragraphe 49(1) comporte une distinction injustifiée.

[36]            À mon avis, les « droits » dont il est question aux articles 49 à 53 de la Loi ne couvrent pas les paiements de location versés en vertu du bail. De toute évidence, les alinéas 49(1)a), b) et c) n'ont rien à voir avec un bail négocié sans contrainte. À l'instar de M. Kirkham, l'avocat de la défenderesse, je reconnais que les articles 44 à 48 de la Loi ainsi que les lettres patentes délivrées par le ministre constituent un code complet régissant le pouvoir d'une administration portuaire en ce qui a trait à la location d'immeubles fédéraux qui se trouvent dans le port en vertu de la compétence de l'administration.


[37]            Contrairement à ce que la demanderesse soutient, je ne puis admettre que le loyer de base qu'elle paie à la défenderesse [TRADUCTION] « est directement visé par le libellé des paragraphes 49(1) et (2) de la Loi » . À mon avis, le loyer n'est pas payé à l'égard « des avantages que [la défenderesse] accorde en rapport avec l'exploitation du port [de Vancouver] » . La demanderesse paie plutôt le loyer de base à la défenderesse conformément aux conditions du bail intervenu le 1er mars 1982. Je souligne à nouveau qu'en vertu du paragraphe 49(1), il est indéniable que les « droits » sont fixés par l'administration portuaire, qui n'est nullement tenue de discuter des droits en question ou de négocier ceux-ci avant de les fixer. Le paragraphe 49(3) exige uniquement que ces « droits » que fixe l'administration portuaire soient équitables et raisonnables. À mon sens, cette obligation ne s'applique pas aux paiements qui sont négociés ou aux loyers qui sont payés en vertu d'accords de location négociés sans contrainte.

[38]            Une partie considérable du revenu total de la défenderesse découle des baux qu'elle a négociés à l'égard de différents immeubles fédéraux situés dans le port de Vancouver. Je présume qu'il en va de même dans toutes les autres administrations portuaires du Canada et que, par conséquent, le Parlement devait être au courant de cette situation lorsqu'il a promulgué la Loi. Si le Parlement avait voulu inclure les paiements de location dans la définition du mot « droits » , il aurait sans doute énoncé expressément son intention en ce sens. À mon avis, le silence du Parlement ne peut que signifier qu'il n'avait pas l'intention d'inclure les paiements de location dans la définition des « droits » .

[39]            Les deux parties ont invoqué différents arguments au sujet de l'article 53 de la Loi, dont voici le libellé :

53. L'administration portuaire peut par contrat, que les parties peuvent convenir de garder confidentiel, accepter, pour les services visés aux alinéas 49(1)a) à c), des droits différents de ceux qui sont fixés aux termes de ces alinéas.


[40]            À mon avis, l'article 53 n'est d'aucune utilité pour la demanderesse, puisqu'il ne s'applique manifestement qu'aux droits que l'administration portuaire a le pouvoir de fixer en vertu du paragraphe 49(1). Étant donné que j'en suis arrivé à la conclusion que les paiements de location ne constituent pas des « droits » , il n'est pas nécessaire que j'examine plus à fond l'article 53.

[41]            En ce qui a trait aux textes législatifs qui ont précédé la Loi, soit la Loi sur le Conseil des ports nationaux, 1936, S.R.C. 1970, et la Loi sur la Société canadienne des ports, L.R.C. (1985), ch. C-9, que la demanderesse invoque au soutien de son interprétation de la Loi, je conviens avec la défenderesse que, d'après ces lois, les « loyers » et les « droits » ont toujours été réglementés séparément. En vertu de ces lois précédemment en vigueur, les « droits » relatifs à l'utilisation des biens du port ne correspondaient pas aux loyers établis dans les baux relatifs aux terrains du port. À mon sens, un examen minutieux des lois précédemment en vigueur appuie l'interprétation que je préconise au sujet de la Loi.

[42]            Pour les motifs qui précèdent, j'en arrive à la conclusion qu'il faut répondre par la négative aux questions 1 et 2.

[43]            J'en arrive maintenant à la troisième question :

Question n ° 3 : L'article 50 de la Loi s'applique-t-il aux taux de location?

[44]            Voici le texte des paragraphes 50(1) et (2) de la Loi :

50. (1) L'administration portuaire est tenue d'éviter la discrimination injustifiée entre les utilisateurs ou catégories d'utilisateurs, ou l'octroi d'un avantage injustifié ou déraisonnable, ou l'imposition d'un désavantage injustifié ou déraisonnable, à un utilisateur ou à une catégorie d'utilisateurs.


50. (2) Ne constitue pas une discrimination injustifiée ou un désavantage injustifié ou déraisonnable la distinction fondée sur le volume ou la valeur des marchandises transportées ou sur toute autre caractéristique généralement admise commercialement.

[45]            À mon avis, la réponse à cette question est, une fois de plus, négative.

[46]            D'abord, M. Carr-Harris, qui représentait la demanderesse, a soutenu que l'application du paragraphe 50(1) ne se limitait pas aux « droits » . Je ne suis pas d'accord. Même si cette disposition ne comporte aucune mention des « droits » , elle ne peut être interprétée que comme une disposition s'appliquant à l'objet des articles 49 à 53, soit les « droits » que fixe l'administration portuaire en vertu du paragraphe 49(1).

[47]            Il est nécessaire de lire le paragraphe 50(1) de concert avec le paragraphe 52(1), qui permet à tout intéressé de déposer une plainte auprès de l'Office des transports du Canada au motif qu'un droit fixé aux termes du paragraphe 49(1) est discriminatoire. Il est indéniable que la discrimination dont une personne peut se plaindre est une discrimination concernant les droits qu'une administration portuaire a fixés en vertu du paragraphe 49(1). Le libellé du paragraphe 52(1) conforte mon opinion selon laquelle le paragraphe 50(1) s'applique uniquement aux « droits » que l'administration portuaire a fixés.

[48]            Étant donné que j'estime que les loyers que la demanderesse doit payer en vertu du bail ne constituent pas des « droits » , je ne puis que conclure que l'article 50 ne s'applique pas aux taux de location.

[49]            M. Kirkham a soutenu que l'application de l'article 50 aux taux de location négociés serait [TRADUCTION] « difficile » . Je conviens tout à fait avec lui que cette application donnerait lieu à des résultats étranges. Aux paragraphes 108 à 110 de son mémoire, M. Kirkham formule les arguments suivants :

[TRADUCTION]

108. De plus, il est difficile d'appliquer l'article 50 aux taux de location négociés. Les temps changent. Il se peut que certaines entreprises éprouvent des difficultés et ne soient pas en mesure de payer les taux de location précédemment convenus. Une administration portuaire devrait pouvoir négocier à nouveau sans contrainte avec ce locataire si elle le désire. Si Westshore a raison, cette négociation, qui mène à un taux inférieur pour un locataire, serait immédiatement discriminatoire à l'endroit de tous les autres locataires et contreviendrait à l'article 50 ou permettrait de dire que les autres baux non renégociés sont devenus inéquitables et déraisonnables en raison des avantages accordés à un locataire donné.

109. De la même façon, une administration portuaire devrait pouvoir librement conclure un nouveau bail au taux courant existant. Étant donné que les taux du marché fluctuent, Westshore soutient que l'APV doit fixer ànouveau chaque taux pour chaque locataire conformément au « nouveau » taux, ce qui est très difficile.

110.    L'argument que Westshore invoque au sujet de l'article 50 est fondé sur la proposition selon laquelle une administration portuaire est une entreprise publique qui exerce en pratique un « monopole » semblable à celui d'une entreprise de service public et doit donc se limiter à un taux de rendement équitable qui ne peut varier d'un client à l'autre. Cet argument invoqué au sujet de l'article 50 est très semblable à l'argument du monopole appliqué en common law (question 4).


[50]            Il va sans dire que, même s'il est difficile de le faire, je n'hésiterais pas à appliquer l'article 50 aux taux de location négociés si la loi pouvait supporter cette interprétation. Cependant, comme je l'ai indiqué très clairement, je suis d'avis que la Loi ne peut être interprétée de cette façon.

[51]            J'estime donc qu'il faut répondre par la négative à la troisième question.

[52]            J'en arrive maintenant à la quatrième question.

Question n ° 4 : S'il est jugé que l'Administration portuaire de Vancouver (APV) détient en pratique le monopole sur la fourniture de l'accès au port de Vancouver, les règles de common law régissant les situations monopolistiques imposent-elles une obligation à l'APV relativement aux taux de location?

[53]            Pour la présente requête, les parties ont présumé que la défenderesse se trouve dans une [TRADUCTION] « situation monopolistique » , selon le sens donné à cette expression en common law. Ainsi, la question à laquelle je dois répondre est de savoir si les règles de common law régissant les situations monopolistiques imposent une obligation à la défenderesse relativement aux taux de location.

[54]            Le principe de common law que la demanderesse invoque est décrit dans Chastain c. British Columbia Hydro and Power Authority (1972), 32 D.L.R. (3d) 443 (C.S. C.-B.), où la Cour s'est exprimée comme suit à la page 454 :


[TRADUCTION] L'obligation d'un service public ou d'un autre organisme qui a, en pratique, le monopole sur la fourniture au public d'un produit ou d'un service donné d'importance fondamentale est claire depuis longtemps. Elle consiste à fournir son produit à tous ceux qui le demandent, à un prix raisonnable et sans discrimination déraisonnable entre les personnes qui se trouvent dans une situation semblable ou qui appartiennent à une même catégorie de consommateurs

[55]            L'argument que la demanderesse invoque à ce sujet est énoncé aux paragraphes 111 à 114 de son mémoire :

[TRADUCTION]

111.      Si, malgré les arguments exposés plus haut [selon lesquels les taux de location constituent des « droits » au sens des articles 49 et 50 de la Loi], la Cour conclut que les taux de location ne sont pas des « droits » en vertu de la Loi et que, par conséquent, ils ne sont pas visés par l'obligation de fixer des taux « équitables et raisonnables » qui est prévue au paragraphe 49(3) de la Loi et que l'interdiction plus générale à l'encontre de la discrimination injustifiée énoncée à l'article 50 de la Loi ne s'applique pas au bail ou à l'accord qu'a signé l'administration portuaire en liaison avec son devoir public de gérer et d'administrer les terres de l'État dans les ports du Canada, Westshore soutient que les obligations de common law régissant les situations monopolistiques doivent s'appliquer à l'APV. En l'absence de dispositions législatives prévoyant explicitement le contraire, Westshore fait valoir que l'APV est tenue de fournir l'accès aux propriétés du port ainsi que des services à tous ceux qui en font la demande à un prix raisonnable et sans distinction déraisonnable entre ceux qui se trouvent dans une situation similaire ou qui appartiennent à une même catégorie de consommateurs.

112.      La structure tarifaire de l'APV est inéquitable dans la mesure où elle génère des revenus supérieurs à ceux qui sont nécessaires pour couvrir les coûts de l'administration et lui permettre de tirer un rendement équitable de la valeur de ses terres et de son équipement. Les tarifs équitables évoluent au fil des années et le fait que Westshore a convenu de payer des taux supérieurs à une date précédente n'est pas déterminant. Si la Cour en arrive à la conclusion que la structure tarifaire de l'APV est inéquitable, Westshore aura droit à une réparation.

113.      S'il y a une différence entre les droits que l'APV exige de Westshore et ceux qu'elle exige du concurrent le plus proche de celle-ci, Neptune (sans mentionner les autres utilisateurs des terrains du port comme TSI), l'APV devra démontrer une justification rationnelle ou pertinente à l'appui de cette distinction, faute de quoi Westshore aura droit à une réparation. L'APV n'a pas le droit de conclure une entente allant à l'encontre de ses obligations d'origine législative.

114.      En conséquence, Westshore soutient que les règles de common law régissant les situations monopolistiques imposent des obligations à l'APV relativement aux taux de location.

[56]            Je souligne, comme la défenderesse l'a mentionné, qu'il n'existe aucune décision judiciaire portant qu'un bail relatif à un immeuble est assujetti aux règles de common law régissant les monopoles. Je précise également que le contrat en litige dans l'arrêt Chastain, précité, était un contrat d'adhésion et que, par conséquent, les clients de B.C. Hydro n'avaient pas le choix. Pour obtenir de l'électricité, ils devaient consentir aux conditions « imposées » par B.C. Hydro. Dans la présente affaire, la demanderesse n'a pas fait valoir qu'elle n'avait pas le choix. Les faits mis en preuve en l'espèce sont donc entièrement différents de la situation qui prévaut normalement lorsqu'une entreprise de service public offre des services à ceux qui désirent les obtenir.

[57]            En ce qui concerne la location de terrains qui se trouvent dans le port de Vancouver et qui appartiennent à l'État, la défenderesse agit en qualité de mandataire de Sa Majesté. Étant donné qu'il n'existe aucun élément de preuve ou autorité permettant de dire que Sa Majesté est assujettie aux règles de common law régissant les monopoles, je dois conclure qu'en qualité de mandataire de Sa Majesté, la défenderesse n'est pas assujettie à ces règles lorsqu'elle loue les terres de l'État.

[58]            En tout état de cause, je suis d'avis que, si les administrations portuaires sont assujetties à une obligation découlant de la common law, cette obligation a été codifiée par la promulgation des articles 49 et 50 de la Loi. Étant donné que j'estime que ces dispositions ne s'appliquent pas aux paiements prévus au bail, le débat est clos.


[59]            En conséquence, la réponse à la question n ° 4 est non.

[60]            J'examine maintenant la cinquième et dernière question :

Question n ° 5 : La Cour a-t-elle compétence pour accorder àWestshore l'une ou l'autre des réparations sollicitées dans la demande de redressement suivant le paragraphe 57 de l'avis de demande?

[61]            D'abord, je mentionne qu'aux fins de la demande de contrôle judiciaire que la demanderesse a engagée devant la Section de première instance de la Cour fédérale, la défenderesse reconnaît qu'elle est un office fédéral au sens de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale. La défenderesse a précisé qu'elle se réserve le droit de soulever ce point précis lors de tout appel qui serait interjeté devant la Cour d'appel fédérale ou la Cour suprême du Canada.


[62]            La demanderesse soutient, comme en a d'ailleurs décidé la Cour d'appel fédérale, que le pouvoir de la Cour de réviser la conduite du gouvernement ne se limite pas à une « décision ou ordonnance » d'un tribunal fédéral. La compétence de la Cour s'applique à [TRADUCTION] « toute question à l'égard de laquelle il est possible d'obtenir réparation en application de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale » . Ainsi, il est possible d'obtenir un jugement déclaratoire ou une ordonnance de mandamus, même lorsqu'aucune ordonnance ou décision précise n'est en litige [voir Krause c. Canada, [1999] 2 C.F. 476].

[63]            Dans la présente affaire, la demanderesse a engagé une demande de contrôle judiciaire par suite de l'omission ou du refus de la défenderesse de modifier son loyer de base et ses frais de tonnage. Plus précisément, la demanderesse soutient, comme je l'ai déjà mentionné, que les taux de location à payer en vertu du bail sont déraisonnables, inéquitables et discriminatoires. Pour contester l'omission de la défenderesse de réduire les taux de location, la demanderesse invoque les articles 49 et 50 de la Loi ainsi que les principes de common law applicables à la conduite des entreprises de service public et d'autres organismes ayant, en pratique, un monopole sur la fourniture d'une marchandise ou d'un service donné.

[64]            À mon avis, personne ne peut soutenir sérieusement que la Cour fédérale n'a pas compétence pour accorder une réparation à la demanderesse lorsque les circonstances le justifient. Si les taux de location constituent des « droits » au sens de la Loi, la Cour a certainement compétence pour accorder une réparation à la demanderesse. Il n'est toutefois pas nécessaire de déterminer la réparation qui serait satisfaisante.


[65]            Je souligne qu'au paragraphe 133 de son mémoire, la défenderesse allègue que la question en l'espèce n'est pas une question de compétence, mais plutôt [TRADUCTION] « une question concernant la réparation satisfaisante que la Cour doit accorder dans le cadre de l'exercice de sa compétence » .

[66]            Si la Cour devait en arriver à la conclusion que la défenderesse a outrepassé sa compétence ou a pris une décision fondée sur des critères non pertinents ou inappropriés, une réparation serait accordée à la demanderesse. Encore une fois, comme je viens de le mentionner, il n'est pas nécessaire que je me prononce sur cette question pour l'instant.

[67]            Par conséquent, je réponds par un oui conditionnel à la question. La Cour a compétence pour accorder une réparation à la demanderesse, si celle-ci peut la convaincre qu'il existe des motifs justifiant l'intervention de la Cour. À cet égard, je me reporte explicitement au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale.

[68]            Pour les motifs exposés ci-dessus, la Cour rendra une ordonnance comportant les réponses suivantes aux cinq questions :

Question n ° 1 : Les « taux de location » (définis dans l'avis de demande) constituent-ils des « droits » au sens de la Loi maritime du Canada, L.C. 1998, ch. 10 (la Loi)? - NON.

Question n ° 2 : L'article 49 de la Loi s'applique-t-il aux taux de location? - NON.

Question n ° 3 : L'article 50 de la Loi s'applique-t-il aux taux de location? - NON.


Question n ° 4 : S'il est jugé que l'Administration portuaire de Vancouver (APV) détient en pratique le monopole sur la fourniture de l'accès au port de Vancouver, les règles de common law régissant les situations monopolistiques imposent-elles une obligation à l'APV relativement aux taux de location? - NON.

Question n ° 5 : La Cour a-t-elle compétence pour accorder à Westshore l'une ou l'autre des réparations sollicitées dans la demande de redressement suivant le paragraphe 57 de l'avis de demande? - OUI, SOUS RÉSERVE DE LA CONDITION EXPLIQUÉE DANS LES MOTIFS DE L'ORDONNANCE.

[69]            J'invite les parties à communiquer avec moi par l'entremise du greffe afin de fixer une date pour la présentation de leurs observations au sujet des dépens.

             « Marc Nadon »                       

Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 22 février 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                            T-68-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Westshore Terminals Ltd. c. Administration portuaire de Vancouver

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                             le 22 février 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              Monsieur le juge Nadon

DATE DES MOTIFS :                                    le 22 février 2002

COMPARUTIONS :

M. William Kaplan                                                           POUR LA DEMANDERESSE

Mme Scott Turner

M. Barry Kirkham                                                           POUR LA DÉFENDERESSE

M. Harley Harris

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Blake Cassels & Graydon                                               POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)

Owen Bird                                                                        POUR LA DÉFENDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)



[1]            Voici le texte du paragraphe 107(1) des Règles :

107.(1) La Cour peut, à tout moment, ordonner l'instruction d'une question soulevée ou ordonner que les questions en litige dans une instance soient jugées séparément.

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