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Date : 20021218

Dossier : T-2442-98

                                                    Référence neutre : 2002 CFPI 1308

ENTRE :

                         ROBERTA AUSSANT, DIANE CHAPMAN, GLOREEN CHICKOWSKI, KAREN KERR, KATHY INMAN, SUZANNE LINNELL, SANDRA LALIBERTE, DARLENE MELLQUIST et DOREEN STEWART, chacune en leur propre nom et au nom de toutes les personnes chez lesquelles on a implanté une prothèse de silicone au Canada

                                                                                        demanderesses

                                                    - et -

SA MAJESTÉ LA REINE, représentée par LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL DU CANADA, et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                 défendeurs

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HUGESSEN


[1]    Le présent recours collectif a été intenté en application de l'ancienne règle 114 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, et est maintenant régi par les règles 299.1 et suivantes [ajoutées par les Règles modifiant les Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/2002-417, art. 17]. Il s'agit d'une réclamation présentée contre la Couronne, dans laquelle on invoque que cette dernière a fait preuve de négligence en approuvant l'implantation de prothèses mammaires. Dans une ordonnance rendue en novembre 2000, Monsieur le juge McKeown a suspendu le recours. La présente requête fondée sur la règle 369 vise à obtenir que la Cour : a) lève cette suspension, b) accorde l'autorisation de modifier la déclaration et c) ordonne la suspension de trois actions analogues actuellement en instance devant trois cours supérieures provinciales distinctes. La Couronne conteste cette requête.

[2]    À titre préliminaire, bien qu'elle ne demande pas la tenue d'une audience, la Couronne paraît s'opposer à ce que les demanderesses se prévalent des dispositions de la règle 369. Je rejette cette objection. Il n'existe aucun principe exigeant que les requêtes présentées dans le cadre d'un recours collectif soient instruites de vive voix et, à mon avis, le processus prévu par la règle 369 est approprié en l'espèce.


[3]                 La Couronne soulève une seconde objection, autrement plus grave celle-là : le seul élément de preuve présenté à l'appui de la requête consiste en un affidavit de l'avocat des demanderesses. Cet affidavit est manifestement irrégulier; il n'est pas restreint aux simples questions de forme et il n'existe aucune raison valable d'en autoriser la production (règle 82). En outre, il n'est allégué dans l'affidavit aucun fait susceptible d'étayer la prétention fondamentale des demanderesses selon laquelle les recours collectifs provinciaux sont [traduction] « figés » ou [traduction] « enlisés » dans des chicanes de procédure. Bien que les éléments de preuve produits par la Couronne en réponse à la requête montrent sans équivoque que ces actions sont vigoureusement contestées, ils établissent également que chacune d'elles fait l'objet d'une gestion de l'instance de la part d'un juge de la cour supérieure provinciale compétente et que les retards dans la poursuite de ces actions sont à tout le moins autant attribuables aux demanderesses dans chaque province qu'à la Couronne. Plus particulièrement, dans l'action ontarienne, il semble qu'une importante requête fera l'objet d'une audience d'une durée de plusieurs jours débutant le 13 janvier 2003. Le fait de lever la suspension prononcée dans le présent recours pourrait bien être invoqué comme motif pour tenter de faire reporter cette audience. Si cette action est certifiée et qu'elle est au bout du compte accueillie, les demanderesses seront en droit d'en tirer avantage. Cette situation, qui a de toute évidence constitué une considération principale lors de l'octroi de la suspension initiale, n'a pas changé et m'incite fortement à ne pas exercer mon pouvoir discrétionnaire en faveur des auteurs de la requête.


[4]                 De plus, aujourd'hui comme en novembre 2000, certains indices solides permettent de croire que le recours collectif visé en l'espèce sera nécessairement suspendu conformément à l'article 50.1 de la Loi sur la Cour fédérale. En effet, la Couronne procédera vraisemblablement à la mise en cause des divers fabricants de prothèses mammaires, privant ainsi la Cour de sa compétence. La prétention des demanderesses voulant que la Couronne soit empêchée de mettre des tiers en cause parce qu'elle a déjà produit une défense dans le cadre de l'action visée en l'espèce est manifestement insoutenable. Quoi qu'il en soit, comme les demanderesses elles-mêmes souhaitent obtenir l'autorisation de modifier leur déclaration, le droit de la Couronne de modifier sa défense de manière à y ajouter une réclamation contre des tiers dans l'éventualité où la requête serait accueillie est automatique (voir la règle 78). Les réclamations de la Couronne contre les fabricants (parmi lesquels certains ont déjà réglé des recours collectifs dont ils étaient l'objet) soulèveront des questions délicates que la Cour ne peut résoudre et qui pourraient toucher à l'essence même de la réclamation des demanderesses contre la Couronne.

[5]                 Enfin, même si je consentais à lever la suspension dans la présente espèce, je n'acquiescerais pas à la demande de suspension des actions provinciales en instance puisqu'il n'est pas en mon pouvoir d'ordonner une telle mesure. En effet, il n'existe aucune doctrine de la suprématie fédérale en ce qui a trait à la compétence des cours supérieures provinciales. Comme chacune de celles-ci et la présente Cour sont investies de la même compétence et des mêmes pouvoirs, chacune d'elles a droit de décider s'il y a lieu d'ordonner la suspension de l'instance dont elle est saisie et, dans l'affirmative, du moment approprié pour ce faire. Il ressort sans équivoque du libellé même de l'article 50.1 que le législateur n'entendait pas habiliter la présente Cour à écarter la compétence provinciale dans les affaires telles que celle-ci.


[6]                 La Couronne a réclamé les dépens, mais je ne suis pas convaincu de l'opportunité de déroger à la règle générale énoncée au paragraphe 299.41(1) des règles.

ORDONNANCE

La requête est rejetée sans dépens.

                                                                              « James K. Hugessen »

                                                                                                             Juge             

Ottawa (Ontario)

Le 18 décembre 2002

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           T-2442-98

INTITULÉ :                                                          Roberta Aussant et al. c. Sa Majesté la Reine et al.

Requête écrite fondée sur

la règle 369 :                                                          Ottawa (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                     Monsieur le juge Hugessen

DATE DES MOTIFS :                           Le 18 décembre 2002                          

COMPARUTIONS :

Richard Yaholnitsky                                              POUR LES DEMANDERESSES

Mark Kindrachuk                                                 POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Merchant Law Group

Yorkton (Saskatchewan)                                     POUR LES DEMANDERESSES

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                     POUR LES DÉFENDEURS

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