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Date : 20031027

Dossier : T-1788-99

Référence : 2003 CF 1254

OTTAWA (ONTARIO), LE 27e JOUR DU MOIS DE OCTOBRE 2003

Présent :          L'HONORABLE JUGE MARTINEAU

ENTRE :                                               

                                          INTERBOX PROMOTION CORPORATION

                                                                                                                                             Demanderesse

                                                                              - et -

                                             9012-4314 QUÉBEC INC. (HIPPO CLUB),

                                                                      BANK-O-BAR,

                                                                      BAR DU ZOO,

                                                          BAR LE VERSATILE INC.,

                                           2548-8024 QUÉBEC INC. (BAR L'ÉTRIER),

                                                    BRASSERIE LA BROUE LIB 80,

                                                            LA QUEUE DE BILLARD

                                                                                                                                             Défenderesses

                                            MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                 Le deuxième combat Hilton-Ouellet fut mémorable : c'était le 28 mai 1999, un vendredi soir, au Centre Molson, à Montréal.

[2]                 La soirée a débuté à 18 h 00 par un volet de boxe amateur, qui a été suivi à 19 h 30 par la présentation d'autres combats professionnels (l'événement). À 22 h 30, tous attendent avec impatience le combat Hilton-Ouellet. À la suite de sa défaite de 1998 (où le combat a dû être arrêté au douzième round), Ouellet pourra-t-il reprendre le titre de champion canadien (des poids moyens)?

[3]                 Hilton et Ouellet montent sur le ring.

[4]                 La foule est en pleine effervescence, y compris des milliers de téléspectateurs au Canada et aux États-Unis. L'événement est diffusé en direct sur les services canadiens de programmation à la carte, de langues française et anglaise, Indigo et Viewers' Choice, ainsi que sur la chaîne américaine de programmation spécialisée, de langue anglaise, ESPN 2. La demanderesse est la productrice de l'événement. Les défenderesses exploitent des établissements licenciés au Québec. La demanderesse allègue que les défenderesses ont présenté à leur clientèle l'événement télédiffusé. Mais revenons au combat Hilton-Ouellet.

[5]                 Jusqu'ici les pugilistes se sont étudiés.

[6]                 La cloche sonne, annonçant le début du troisième round. Tous retiennent leur haleine. Ouellet attaque. Tout semble bien fonctionner pour lui, mais surprise, dans les derniers instants, Hilton assène une série de crochets. Ouellet s'écroule au tapis. K.O.


[7]                 Déception pour les uns, jubilation pour les autres, la rencontre aura duré moins de douze minutes. La demanderesse doit donc présenter d'autres combats afin de compléter sa programmation télévisée qui se terminera alors à 23 h 30.

[8]                 Les amateurs le savent : il faudra attendre le troisième engagement Hilton-Ouellet pour connaître le verdict ultime de cette ronde sportive... Aujourd'hui, le litige porte exclusivement sur la prétendue violation du droit d'auteur que la demanderesse prétend avoir sur les émissions diffusées, le soir du 28 mai 1999, sur Canal Indigo, Viewers' Choice et ESPN 2. Plus précisément, la demanderesse allègue que le soir en question les défenderesses ont, sans droit et sans son autorisation, présenté à leur clientèle l'événement télédiffusé. En conséquence, la demanderesse demande l'émission d'une injonction permanente et réclame des dommages-intérêts, compensatoires et exemplaires, contre chacune des défenderesses.

PIRATAGE DE SIGNAL

[9]                 Il a également été question de « piratage » de signal, chose qui est niée par les défenderesses. Avant d'aborder la violation alléguée du droit d'auteur de la demanderesse, certains commentaires préliminaires s'imposent quant à cet aspect périphérique.

[10]            La Loi sur la radiocommunication, L.R.C. 1985, ch. R-2, et ses modifications, prévoit spécifiquement, à son alinéa 9(1)c) qu'il est interdit « de décoder, sans l'autorisation [du] distributeur légitime [...] un signal d'abonnement [...] » . À cet égard, il est possible de faire référence aux propos du juge Iacobucci, rédigeant au nom de la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559 à la p. 588 (Bell ExpressVu), où il précise que l'alinéa 9(1)c), précité :

[...] a pour effet d'interdire à quiconque de décoder au Canada tout signal d'abonnement brouillé - quelle que soit son origine - à moins d'avoir obtenu la permission de le faire de la personne légitimement autorisée, suivant le droit canadien, à transmettre le signal concerné et à en permettre le décodage.

[mon soulignement]

[11]            Dans Bell ExpressVu, supra, le juge Iacobucci décrit également la façon selon laquelle les distributeurs de signaux par satellite assurent un certain contrôle sur la distribution de leurs signaux. Ainsi, les distributeurs de signaux par satellite procèdent au brouillage des signaux destinés à leurs abonnés afin d'éviter que les non-abonnés puissent jouir des mêmes signaux sans payer de frais d'abonnement. Les abonnés de ces distributeurs sont en mesure de décoder les signaux qui leur sont destinés à l'aide d'un décodeur à code unique et propre à leur distributeur.

[12]            De plus, le juge Iacobucci, dans Bell ExpressVu, supra, à la p. 592, réaffirme le caractère très large de la protection qu'accorde l'alinéa 9(1)c), c'est-à-dire que :

« la protection de [l'alinéa 9(1)c) de la Loi sur la radiocommunication] s'étend également aux titulaires des droits d'auteur sur la programmation elle-même, puisqu'il interdit la réception non autorisée de tout signal violant le droit d'auteur, même s'il n'y a ni retransmission ni reproduction » .

[mon soulignement]


[13]            En ce qui à trait aux services canadiens de programmation à la carte (pay-per-view) offerts par Canal Indigo et Viewers' Choice, seul un télédistributeur affilié (câble, SRD ou SDM), titulaire d'une licence de distribution émise par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11, est légalement autorisé à retransmettre les signaux de ces deux services et à en permettre le décodage. De plus, le juge Iacobucci dans Bell ExpressVu, supra, indique à la page 586 que dans le cas où un signal d'abonnement n'a pas de distributeur légitime au Canada, alors personne n'est légalement autorisé à en permettre le décodage. Ce qui est précisément le cas du service ESPN 2. En effet, ce service étranger ne peut être légalement distribué au Canada par un titulaire de licence de distribution, et ce, tout simplement parce qu'il n'a pas été inscrit sur la Liste révisée de services par satellite admissibles (voir l'Avis public CRTC 1998-7).

[14]            Les parties n'ont présenté aucune preuve précise au sujet du piratage de signal. Ainsi, la Cour n'est pas en mesure de déterminer si les signaux de Canal Indigo, Viewers' Choice et ESPN 2 étaient ou non brouillés, et le cas échéant, s'ils pouvaient être captés, sans entrave, par les défenderesses. Ceci étant dit, il n'est pas nécessaire de déterminer s'il y a eu un piratage de signal. En effet, il est possible de décider du bien-fondé de la présente action en fonction des droits exclusifs que la Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42 (Loi), et ses modifications, confère au titulaire du droit d'auteur sur l'oeuvre.


DROIT D'AUTEUR DE LA DEMANDERESSE

[15]            L'alinéa 27(1) de la Loi énonce ce qui constitue une violation au droit d'auteur : c'est-à-dire l'accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d'un acte qu'en vertu de la Loi que seul le titulaire du droit d'auteur a la faculté d'accomplir. Dans la mesure où il y a violation du droit d'auteur, le titulaire peut notamment s'adresser à la Cour fédérale afin d'obtenir une injonction ainsi que des dommages-intérêts (voir les articles 35 à 37 ainsi que les articles 39.(1) et 39.1 de la Loi). À noter que les dispositions mentionnées dans les présents motifs sont reproduites en annexe.

[16]            Il est nécessaire de préciser que la Loi confère des droits distincts au titulaire du droit d'auteur sur l'oeuvre, d'une part, et au radiodiffuseur à l'égard du signal de communication qu'il émet, d'autre part.


[17]            Le paragraphe 3(1) de la Loi énonce les prérogatives que possède un titulaire sur son oeuvre. À cet égard, le droit d'auteur comporte notamment le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l'oeuvre, sous forme matérielle quelconque, d'en exécuter ou d'en représenter la totalité ou une partie importante en public. En l'espèce, tel qu'énoncé à l'article 2 de la Loi, « [...] la représentation visuelle d'une oeuvre, ou d'un signal de communication, selon le cas, y compris [...] la présentation [...] à l'aide d'un appareil récepteur de télévision » constitue une « représentation » . De plus, l'alinéa 3(1)f), confère expressément au titulaire le droit exclusif de communiquer son oeuvre au public, par télécommunication. Le droit exclusif d'autoriser tous les actes énoncés précédemment est également inclus dans la définition du droit d'auteur sur l'oeuvre (paragraphe 3(1) in fine de la Loi).

[18]            L'article 21 de la Loi confère au radiodiffuseur un droit d'auteur sur son signal de communication, à savoir sur la compilation de toutes les émissions, messages publicitaires et autres contenus qui constituent le signal transmis par le radiodiffuseur. Force est de constater que le droit d'auteur du radiodiffuseur sur le signal de communication est plus restreint que le droit d'auteur sur l'oeuvre défini à l'article 3 de la Loi.

[19]            En vertu du paragraphe 34.1(1) de la Loi, et ce jusqu'à preuve du contraire : 1) l'oeuvre et le signal de communication sont présumés être protégés par le droit d'auteur; 2) le producteur est réputé être le titulaire du droit d'auteur sur l'oeuvre, tandis que le radiodiffuseur est réputé être le titulaire du droit d'auteur sur le signal de communication. Tel qu'énoncé par John S. McKeown, dans son ouvrage intitulé Fox Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, la violation de l'un ou l'autre droit peut donner lieu à des poursuites distinctes :

The subsistence of copyright in a communication signal does not affect any of the copyright subsisting in the material which is broadcast, such as the copyright in a film or sound recording, the owners of copyright in these works will have rights which are independent of the copyright in the communication signal.

(John S. McKeown, Fox Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, 3e éd., Scarborough, Carswell, 2000 à la p. 289.)

[20]            Dans la présente action, la partie demanderesse fonde son intérêt sur le droit exclusif conféré au titulaire du droit d'auteur sur l'oeuvre, soit notamment d'autoriser sa présentation en public et de communiquer celle-ci au public, par un moyen de télécommunication. Mais y a-t-il une « oeuvre » à protéger en l'espèce?

[21]            La jurisprudence a tranché : une représentation sportive peut difficilement être qualifiée d' « oeuvre » au sens de la Loi (FWS Joint Sports Claimants v. Copyright Board (1991), 36 C.P.R. (3d) 483 aux pp. 489-90 (F.C.A.)). Par conséquent, en tant que tel, l'événement produit par la demanderesse ne peut faire l'objet d'un droit d'auteur. Toutefois, la reproduction télévisuelle de l'événement (assortie ou non de commentaires sonores) est assimilable à une « oeuvre cinématographique » , tel qu'énoncé à l'article 2 de la Loi. La production télévisuelle d'un tel événement sportif, dont les résultats sont imprévisibles, lui confère également un caractère d'originalité. Voir McKeown, Fox Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, supra, aux pp. 174-75; Canadian Admiral Corp. v. Rediffusion Inc., [1954] Ex. C.R. 382, aux pp. 394-95; Re Royalties for Retransmission Rights of Distant Radio and Television Signals (1990), 32 C.P.R. (3d) 97 à la p.138 (Copyright Board).


[22]            En l'espèce, trois émissions ont été produites. Celles-ci ont été diffusées le soir du 28 mai 1999 sur Canal Indigo, Viewers's Choice et ESPN 2. Le contenu (images, sons, animation et habillage) est différent. Par conséquent, en vertu de la Loi, chaque émission constitue une oeuvre distincte. Dans le cadre des présents motifs, les termes suivants soit « les oeuvres » ou les « les émissions » seront utilisés afin de désigner les trois différentes émissions de façon collective.

[23]            À la lumière de la preuve, chacune des émissions a d'abord été « fixée » sur une bande magnétoscopique. À noter que dans le contexte de la communication au public par télécommunication d'une oeuvre, (que ce soit une oeuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique), celle-ci est « fixée » même si sa « fixation » se fait seulement au moment de sa communication (alinéa 3(1)f) et paragraphe 3(1.1) de la Loi). En l'espèce, afin de permettre la diffusion de l'oeuvre à la télévision, un signal distinct pour chaque émission a été créé à partir de studios mobiles situés au Centre Molson. Chaque signal a été acheminé à Téléport Canada, où s'approvisionnent les télédistributeurs, pour être ensuite retransmis par câble ou par satellite aux abonnés des services Canal Indigo et Viewers' Choice. À noter que le signal destiné à ESPN 2 a été retransmis par satellite.


[24]            Aux termes de l'article 2 de la Loi, le producteur est la personne qui a effectué les opérations nécessaires à la confection de l'oeuvre. En l'espèce, il ressort clairement du témoignage non contredit du représentant de la demanderesse, M. Yvon Michel, que c'est la demanderesse qui a assumé la direction et la coordination de toutes les opérations nécessaires à la réalisation et à l'enregistrement des émissions à la fois de langues française et anglaise, diffusées le 28 mai 1999 sur les réseaux Indigo et Viewers' Choice respectivement. C'est également la demanderesse qui a assumé tous les coûts de production (pièce P-2). Par conséquent, en l'absence de preuve contraire, (vu la présomption établie à l'alinéa 34.1(1)b) de la Loi), la demanderesse est l'unique titulaire du droit d'auteur sur ces deux émissions tel qu'énoncé à l'article 3 de la Loi.

[25]            La situation est quelque peu différente en ce qui concerne l'émission diffusée à partir de 21 h 00 sur ESPN 2. Selon la preuve, c'est ESPN 2 qui a produit l'émission. Il est également clair selon l'entente conclue le 20 avril 1999 entre la demanderesse et ESPN, que c'est ESPN qui était responsable de produire l'émission d'une durée de deux heures trente minutes qui a été diffusée sur ESPN 2 le soir du 28 mai 1999. En conséquence, c'est ESPN qui a été le maître du contenu de l'émission. Néanmoins, la présomption à l'effet que ESPN 2, en tant que producteur de l'émission, est l'unique titulaire du droit d'auteur sur l'oeuvre est ici réfutée par une preuve à l'effet contraire.

[26]            Ainsi, selon la preuve documentaire au dossier, à l'extérieur du Canada, ESPN 2 possède un droit exclusif de propriété dans l'oeuvre; cependant, au Canada, la demanderesse possède un droit exclusif de propriété dans celle-ci. À l'appui, l'entente en date du 20 avril 1999 entre la demanderesse et ESPN contient les deux clauses suivantes :

IN CANADA INTERBOX IS THE SOLE AND EXCLUSIVE OWNER OF THE RIGHTS. ALL RIGHTS GRANTED TO ESPN APPLY ONLY TO OUTSIDE CANADA

(BASIC PROVISIONS, section 3)


(... ) OUTSIDE OF CANADA ESPN shall be the sole owner of the Program and any recordings and shall have the right to affix to each recording a notice designating ESPN as owner of the copyright of the program embodied thereon (...)

(GENERAL TERMS AND CONDITIONS, Paragraph 3(b), extrait)

[27]            Dans son témoignage, le représentant de la demanderesse a précisé la portée et l'objet des mentions reproduites ci-dessus en caractères gras (dans l'entente celles-ci sont manuscrites et les parties y ont apposé leurs initiales). Il a souligné que la demanderesse voulait « que pour le Canada [...] ce soit clair et précis que Interbox était le seul et exclusif propriétaire de ces droits » . Étant donné que ESPN 2 avait déjà conclu des « ententes globales pour des échanges de contenu » avec TSN et RDS (deux services canadiens de programmation spécialisée), la demanderesse voulait donc s'assurer que son entente écrite avec ESPN 2 aurait préséance. La demanderesse a donc été en mesure de négocier directement avec TSN et RDS afin d'établir ses propres contrats de distribution au Canada.


[28]            Toutefois, peu importe que les clauses de l'entente reproduite précédemment aient un caractère déclaratif de propriété, ou encore qu'elles constituent une cession de droits en faveur de la demanderesse (paragraphe 13(4) de la Loi), la Cour est d'avis que le résultat est le même : la représentation non autorisée en public au Canada de l'émission diffusée sur ESPN 2 constitue clairement une violation du droit d'auteur de la demanderesse. Voir notamment NFL Enterprises L.P. v. 1019491 Ontario Ltd. (1998), 85 C.P.R. (3d) 328, à la p. 331 (C.A.F.); Titan Sports Inc. v. Mansion House (Toronto) Ltd. (1989), 28 C.P.R. (3d) 199, aux pp. 203-4 (C.F. 1re inst.). De la même manière, la représentation non autorisée en public au Canada ou ailleurs dans le monde des deux autres émissions produites par la demanderesse constitue également une violation des droits d'auteurs de la demanderesse (NFL Enterprises L.P., supra, et Titan Sports Inc., supra). Selon la preuve au dossier, la demanderesse n'a en effet accordé que des droits de diffusion limités à Canal Indigo et Viewers' Choice (voir notamment l'article 1.1a) du Contrat de licence entre la demanderesse et Canal Indigo, pièce P-3).

[29]            Par conséquent, la demanderesse possède l'intérêt requis, en vertu de paragraphe 36(1) de la Loi, afin de poursuivre en son propre nom les parties défenderesses pour violation des droits exclusifs qui lui sont conférés sur les trois oeuvres en vertu de l'article 3 de la Loi. La Cour est également satisfaite que la condition prévue à l'alinéa 5(1)b) de la Loi est rencontrée et le droit d'auteur de la demanderesse sur les trois oeuvres en question est protégé en vertu de l'article 11.1 de la Loi, et ce jusqu'au 28 mai 2049.

[30]            À la lumière de la preuve, il est clair que la demanderesse n'a jamais autorisé la représentation en public, le soir du 28 mai 1999, des oeuvres pour lesquelles elle détient des droits exclusifs. À l'exception bien entendu des cas où les intéressés ont commandé, à la carte, l'une ou l'autre des émissions distribuées exclusivement au Canada via Canal Indigo et Viewers' Choice, et ont payé au télédistributeur affilié, les redevances exigibles. En ce qui a trait à l'émission diffusée le soir du 28 mai 1999 sur ESPN 2, la demanderesse n'a pas autorisé sa distribution ni sa représentation en public au Canada.

[31]            Selon la preuve non contredite, les abonnés résidentiels des distributeurs affiliés à Canal Indigo et Viewers'Choice pouvaient se procurer à la carte, moyennant paiement de frais de souscription (avant rabais) pouvant aller jusqu'à 59,95 $ (taxes en sus), le programme intégral de la soirée (de 19 h 30 à 23 h 30). Le signal de l'un ou l'autre service (Canal Indigo et Viewers' Choice) était rendu accessible au souscripteur intéressé par le télédistributeur affilié (par exemple, Vidéotron, Bell ExpressVu et Star Choice).

[32]            Les établissements commerciaux licenciés ayant préalablement conclu une entente avec un télédistributeur affilié, pouvaient également présenter le programme à leur clientèle via les mêmes canaux. Dans ce dernier cas, les redevances exigées variaient en fonction de la capacité de l'établissement (calculée en fonction du nombre de sièges accordés par le permis d'alcool en vigueur). Un montant de 12,50 $ (avant rabais) pour chaque « siège légal » était ainsi facturé à l'établissement. Un tarif identique était applicable dans le cas où l'établissement ne commandait que le combat Hilton-Ouellet (commençant à 22 h 30).


[33]            Le représentant de la demanderesse a expliqué à l'audience que les recettes d'abonnement à la carte perçues par les télédistributeurs affiliés étaient partagées entre les services concernés, soit entre les télédistributeurs et la demanderesse selon une formule pré-établie. Ainsi, du côté résidentiel, la demanderesse recevait 40 % sur les 10 000 premières ventes et 45 % par la suite. Par ailleurs, la demanderesse touchait 60 % des recettes provenant des abonnés commerciaux. Les redevances ainsi versées à la demanderesse à la suite de la diffusion des émissions s'ajoutaient aux revenus d'admission (vente de billets au Centre Molson), de commandite, ainsi qu'aux autres recettes liées à l'événement.

[34]            De concert avec Canal Indigo et Viewers' Choice, la demanderesse a fait la promotion de l'événement ainsi que des tarifs demandés à la fois pour les abonnés résidentiels ainsi que pour les établissements commerciaux. Dans le communiqué de Canal Indigo, en date du 22 avril 1999, il est notamment précisé que « [p]our encourager les établissements commerciaux qui présentent de façon légale les événements sportifs, dont Canal Indigo détient les droits [de diffusion], à continuer à le faire, des procédures de contrôle seront mises en place le jour de l'événement. » Le communiqué contient également l'avertissement suivant : « [l]es contrevenants à cette politique de diffusion pourront se voir imposer des amendes et toutes infractions pourront [sic] même entraîner des poursuites judiciaires » . Les listes d'établissements ayant effectué une commande auprès d'un télédistributeur affilié furent transmises à la demanderesse quelque temps avant l'événement.


[35]            Le soir du 28 mai 1999, suite à un mandat confié par la demanderesse, Chartrand-Laframboise, une société d'enquête, a visité quelques 236 établissements commerciaux licenciés du Québec afin de vérifier s'il y avait des « contrevenants » . Selon Chartrand-Laframboise, 71 établissements ont été trouvés « en infraction » . Au cours de l'été 1999, des réclamations ont été adressées par la demanderesse aux propriétaires des établissements n'ayant pas acquitté les redevances exigibles. En octobre 1999, la présente action a été instituée contre quelques 49 établissements. À la suite de nombreux règlements hors cour, il ne reste plus que sept défenderesses à l'action.

[36]            Il a été démontré à la satisfaction de cette Cour qu'aucune défenderesse n'a souscrit au service d'abonnement à la carte décrit précédemment, ni n'a payé de redevances à cet égard. En l'espèce, il s'agit donc de déterminer si les défenderesses ont présenté à leur clientèle l'une ou l'autre des oeuvres protégées.

ACTION CONTRE HIPPO CLUB

[37]            Après avoir considéré l'ensemble de la preuve dont les témoignages, la Cour ne retient pas la version des faits reprochés par la demanderesse à Hippo Club. La Cour ne croit tout simplement pas que, le soir du 28 mai 1999, cette dernière ait présenté à sa clientèle l'oeuvre diffusée sur ESPN 2. Il est plus probable que la représentation signalée à la demanderesse par Chartrand-Laframboise a eu lieu au club de billard Le Tux, l'un des établissements adjacents à Hippo Club. Par conséquent, l'action contre Hippo Club est rejetée.

[38]            À l'audience, des versions contradictoires ont été présentées par deux groupes de témoins.

[39]            D'une part, les deux enquêteurs, MM. Le Siège et Forget (les enquêteurs), qui se sont rendus à l'établissement de Hippo Club, situé au 3675 Tricentenaire à Pointe-aux-Trembles, dans l'Est de Montréal ont relaté qu'ils étaient arrivés sur les lieux à 22 h 20. À ce moment, ceux-ci affirment qu'il y avait alors trois ou quatre serveurs et 70 clients se retrouvaient dans l'établissement. Ils affirment que parmi les 27 téléviseurs ouverts, dix appareils étaient branchés sur la boxe, plus particulièrement sur ESPN 2. Les enquêteurs affirment que moins de dix clients regardaient le match de boxe. Les versions avancées par les enquêteurs diffèrent quelque peu en ce qui a trait au temps où ils sont demeurés dans l'établissement : 20 minutes selon M. Le Siège, 15 minutes selon M. Forget.

[40]            D'autre part, MM. Charest, Francoeur et Thibodeau étaient également présents dans l'établissement, à la même heure, le soir du 28 mai 1999. Le premier était à l'époque administrateur et actionnaire de Hippo Club; le second, gérant; et le troisième un client régulier de l'établissement. Les trois témoins sont également catégoriques : ce soir là, aucun téléviseur dans l'établissement de Hippo Club n'était branché sur la boxe. Tous les écrans étaient branchés sur les courses de chevaux.

[41]            Qui faut-il croire en l'espèce?


[42]            Dans l'analyse de la crédibilité des témoins, tous les facteurs pertinents ont été considérés : intérêt dans la cause, mémoire, cohérence du récit, aspect contextuel, détails particuliers, déclarations antérieures, etc. À la lumière de ces facteurs, la Cour préfère les dépositions de MM. Charest, Francoeur et Thibodeau.

[43]            La Cour note, en premier lieu, que les deux enquêteurs n'avaient aucun souvenir précis de leur arrêt, le soir du 28 mai 1999, dans l'établissement de la défenderesse. Par contre, ceux-ci ont été en mesure de donner une description assez précise des lieux et du stationnement extérieur. Ce qui s'explique par le fait qu'ils se sont rendus sur les lieux quelques jours avant l'audience.

[44]            Deuxièmement, les enquêteurs auraient passé un temps relativement long au Hippo Club et ce, malgré le fait que l'établissement occupe une surface assez réduite. Qu'ont-ils fait pendant tout ce temps? Après avoir effectué leurs observations (ou était-ce au même moment?), ils auraient décidé d'y prendre une consommation. Selon eux, ceci explique pourquoi ils auraient passé beaucoup plus de temps au Hippo Club que dans les cinq autres établissements qu'ils avaient visités précédemment (dans certains ils sont restés moins de cinq minutes). La Cour rejette cette explication qui n'apparaît pas plausible dans les circonstances. Il est plus probable que les enquêteurs se soient rendus au salon de quilles, puis au club de billard, qui font partie du même complexe sportif, ce qui expliquerait pourquoi ils y sont demeurés une vingtaine de minutes.


[45]            En effet, il est admis que le Hippo Club est adjacent au salon de quilles Excellence (3655, boulevard Tricentenaire). Ce dernier est à son tour adjacent au club de billard Le Tux (3635, boulevard Tricentenaire). Ces deux derniers établissements sont exploités par des compagnies distinctes qui ne sont pas ici défenderesses. Les trois établissements ont des baux distincts avec le propriétaire du complexe sportif. À l'intérieur de chaque établissement, on retrouve plusieurs téléviseurs et on y sert de l'alcool. D'ailleurs, chaque établissement a son propre permis de vente d'alcool. Enfin, bien que la gérance du Hippo Club et du Tux soit la même, chaque établissement a son propre personnel et est opéré de façon distincte.

[46]            Dans son interrogatoire principal, l'enquêteur, M. Le Siège, insistera sur le fait que le local dans lequel se trouve l'Hippo Club est fermé. Son collègue précisera qu'il y a une porte intérieure vitrée isolant l'Hippo Club du salon de quilles et que cette porte est verrouillée. Par conséquent, pour se rendre dans les deux établissements adjacents, il faut donc quitter le Hippo Club par la porte extérieure. Or, il est vrai que la porte intérieure est verrouillée depuis un certain temps mais celle-ci ne l'était pas à l'époque où les enquêteurs ont fait leurs observations. Il s'agit d'un détail important que les deux enquêteurs ont omis de mentionner dans leur interrogatoire principal, ce qui affecte la crédibilité de leurs témoignages.


[47]            L'ex-actionnaire de la défenderesse, M. Charest, expliqua pourquoi et depuis quel moment les portes entre les trois établissements ont été verrouillées (en raison du nombre d'appareils vidéo poker autorisés par la Régie). Or, en 1999, il était relativement facile, une fois entré dans l'Hippo Club, de se déplacer d'un établissement à l'autre, tout en demeurant à l'intérieur. Contre-interrogés à ce sujet, les deux enquêteurs n'ont pas écarté l'hypothèse qu'ils aient pu franchir la porte intérieure et qu'ils se soient rendus dans les deux autres établissements. M. Le Siège a dit qu'il ne « se souvien[t] de rien » . Quant au second, il a admis que si la porte intérieure était ouverte, il l'aurait « sûrement » traversée pour vérifier s'il y avait des téléviseurs dans les établissements adjacents. Par la suite, ce dernier a tenté de minimiser la portée de cet aveu en affirmant qu'il n'avait pas reçu le mandat d'enquêter dans les établissements adjacents, ce qui mine grandement sa crédibilité. En somme, cette Cour ne croit pas que les enquêteurs sont demeurés dans l'Hippo Club pendant tout le temps de leur visite.

[48]            Le procureur de la demanderesse a souligné dans sa plaidoirie que les enquêteurs n'avaient aucune raison de mentir et que leur rapport fait preuve de son contenu. Il est vrai que ces derniers sont des salariés de Chartrand-Laframboise et qu'ils n'ont aucun intérêt personnel dans la cause. Néanmoins, en contre-interrogatoire, le représentant de la demanderesse, M. Michel, n'a pas exclu l'hypothèse que le montant des honoraires globaux versés par la demanderesse à Chartrand-Laframboise ait pu dépendre du nombre d'établissements trouvés « en infraction » . Quoi qu'il en soit, la façon même dont le rapport d'enquête (pièce P-8) a été préparé soulève de graves doutes quant à la fiabilité de son contenu. À cet égard, la Cour note que ledit rapport, sous forme de questionnaire, n'a pas été complété au moment même où les deux enquêteurs ont effectué leurs observations dans l'établissement. Ceux-ci n'ont pris aucune note, ni aucune photo, et aucune question particulière n'a été posée aux clients ou aux représentants de la défenderesse.

[49]            Or, il s'est écoulé de quinze à vingt minutes, avant que les enquêteurs ne quittent le complexe sportif pour se rendre à leurs véhicules respectifs. Par la suite, ils se sont rendus dans un autre établissement, soit Le Scratch, à Repentigny. Ils devaient y être avant 23 h 30. Selon la preuve, il y avait en moyenne (entre chaque établissement visé) de dix à quinze minutes de route à faire en voiture. Donc, le temps pressait.

[50]            Quand donc, et où exactement, M. Forget a-t-il complété son rapport?

[51]            Les témoignages des enquêteurs sont évasifs sur cet aspect crucial. Le seul fait dont on peut être ici certain, c'est que M. Forget était seul lorsqu'il a complété son rapport. Celui-ci précise que dans sa voiture il était en mesure de communiquer par walkie-talkie avec M. Le Siège et qu'ils ont alors comparé leurs observations. Ce dernier a parlé de « communications » , mais il est demeuré vague sur le moment et l'endroit où celles-ci ont eu lieu. Or, les enquêteurs sont sortis ensemble de l'établissement. Pourquoi donc avoir attendu d'être dans leurs voitures pour avoir cet échange? M. Le Siège avoue avoir signé le rapport à la fin de la soirée alors que M. Forget confesse que ce n'est que quelques jours plus tard, que le rapport fut remis à son superviseur. Aussi, après avoir évalué la preuve au dossier, la Cour ne croit pas que le rapport ait été complété à 20 h 40 lorsque M. Forget a quitté l'établissement de la défenderesse.

[52]            D'autre part, le rapport d'enquête contient de nombreuses incohérences qui, malgré les explications fournies par les enquêteurs, demeurent non-résolues. On sait que le combat Hilton-Ouellet a débuté à 22 h 30. Or, les enquêteurs sont entrés dans l'établissement à 22 h 20. Néanmoins, on indique dans le rapport, sous la rubrique « boxeurs identifiés » les noms « Hilton Ouellet » . M. Forget a précisé dans son interrogatoire principal que « [...] c'était la publicité, le combat à venir, les préliminaires du combat Hilton-Ouellet » . Par contre, le rapport contient une rubrique spécifique « publicité » , et où, il y a indiqué les mots « US » .

[53]            Dans le cours de l'interrogatoire principal, le procureur de la demanderesse a demandé la question suivante : « Mais vous dites que c'était la publicité Hilton-Ouellet. Ça veut dire quoi, ça, exactement? » , M. Forget répond alors :

« Bien, ce qu'on voyait à la télévision, ça venait de Montréal, il y avait plusieurs affiches du casino et il y avait un combat mais je ne me souviens pas des boxeurs qui sont là, mais dans la publicité c'est marqué Hilton-Ouellet. Pas dans la publicité, les annonces qui viennent des États-Unis, là, mais c'est, tu sais, c'est au Centre Molson » .

[54]            Ces explications confuses ne satisfont pas la Cour et donnent l'impression d'avoir été fabriquées par le témoin.


[55]            La Cour note également qu'à la rubrique « Nombre de clients regardant la boxe » , M. Forget a indiqué un point d'interrogation « ? » , suivi de l'annotation « - moins de 10 » . Pourquoi une telle imprécision? Pourtant, lorsqu'il s'agit du nombre de véhicules dans le stationnement et de téléviseurs dans l'établissement, le témoin est formel : s'il a indiqué qu'il y avait 115 véhicules dans le stationnement et 27 téléviseurs dans l'établissement, c'est qu'il a pris le temps de les compter un à un.

[56]            La Cour note également que selon le rapport d'enquête, il y avait 70 clients et dix télévisions montrant de la boxe ce soir-là. Ceci n'est pas plausible lorsqu'on considère le contexte particulier dans lequel opère le Hippo Club. La Cour préfère à cet égard les témoignages concordants de MM. Charest, Francoeur et Thibodeau qu'elle juge plus crédibles dans les circonstances.

[57]            En évaluant la preuve, cette Cour a spécifiquement pris en considération l'intérêt dans la cause que peut avoir M. Charest, comme ancien actionnaire et administrateur du Hippo Club, et celui de M. Francoeur, à titre de gérant. De même, cette Cour a noté que M. Charest est un amateur de boxe et qu'il avait envisagé la possibilité de présenter l'événement via Star Choice à la clientèle du salon de billard Le Tux (dont il était également actionnaire et administrateur). Néanmoins, la cohérence du récit des témoins, MM. Charest et Francoeur, ainsi que la variété de détails fournis, alliés aux aspects contextuels et opérationnels, l'emportent sur les facteurs négatifs soulignés par le procureur de la demanderesse. La Cour ne saurait par ailleurs écarter la déposition de M. Thibodeau, un client régulier de l'établissement, uniquement sur la base d'insinuations gratuites ou des stéréotypes que l'on peut prêter aux « parieurs » . De façon générale, la Cour n'a décelé aucune contradiction sur les aspects majeurs de ce témoignage également concordant.


[58]            Plus particulièrement, la Cour retient que le Hippo Club est un salon de pari. On y présente sur des écrans de télévision des courses de chevaux en direct. Les clients peuvent alors parier sur les courses, comme ceux-ci peuvent aussi le faire à l'Hippodrome de Montréal. Effectivement, la défenderesse est reliée à l'Hippodrome de Montréal. Cependant, les paris ne se font pas uniquement sur les courses se déroulant à Montréal; les joueurs peuvent également parier sur des courses en provenance d'ailleurs au Canada et dans le monde. La Cour note également que l'événement a eu lieu un vendredi soir, l'un des soirs les plus occupés de la semaine. Or, la plupart des clients qui fréquentent l'Hippo Club le font avant tout pour parier sur les courses de chevaux. D'ailleurs, le nombre de 70 clients dans l'établissement indiqué dans le rapport d'enquête n'est pas réaliste. Selon la preuve crédible présentée par la défenderesse, il y a habituellement au moins 125 clients tous les vendredis soirs.

[59]            Il a également été établi qu'il y a quelques 25 téléviseurs dans l'Hippo Club. Tandis qu'un écran de télévision diffuse une course, les cotations sont indiquées sur un autre écran. En raison de la configuration particulière de l'établissement, qui a la forme d'un L, une même course sera donc montrée sur dix écrans à la fois. De plus, il arrive que des courses provenant de plusieurs endroits à la fois soient montrées simultanément et occupent alors tous les écrans. C'est le cas notamment le vendredi soir.

[60]            D'autre part, selon la preuve non contredite, trois antennes paraboliques sur le toit de l'établissement captent les signaux montrant les courses en provenance de partout dans le monde. Ces signaux sont décodés et sont rediffusés à circuit fermé à l'intérieur de l'établissement. Les décodeurs sont situés dans un local fermé dans lequel sont exclusivement affectés les employés de l'Hippodrome de Montréal. Les employés ou représentants de la défenderesse n'ont normalement pas accès à ce local. Et M. Charest affirme ne pas être entré dans le local le soir en question.

[61]            Il a également été établi que trois des quelques 25 téléviseurs se retrouvant à l'Hippo Club peuvent à l'occasion, (s'il y a de la disponibilité parce qu'il y a moins de courses) être branchés sur les services distribués par Star Choice, notamment pour permettre à la clientèle de visionner des émissions sportives. Toutefois, le signal de ESPN 2 n'est pas distribué au Canada par Star Choice. Par conséquent, la Cour exclut donc la possibilité que, dans le Hippo Club, dix téléviseurs aient pu être branchés, le soir du 28 mai 1999, sur le signal de ESPN 2 ainsi que l'affirment les enquêteurs.

[62]            La Cour préfère donc la version des faits donné par les trois témoins de la défenderesse, selon laquelle la représentation de l'événement diffusé sur ESPN 2 a plutôt eu lieu à la salle de billard Le Tux. La Cour ne croit pas que l'omission de M. Charest de mentionner ce fait particulier lors de l'interrogatoire après défense qui a précédé l'audition, soit suffisant pour le discréditer et écarter les témoignages concordants de MM. Francoeur et Thibodeau.


[63]            En conséquence, l'action contre Hippo Club est rejetée avec dépens. Le procureur d'Hippo Club a demandé que ceux-ci soient adjugés sur une base avocat-client. Vu l'absence de circonstances spéciales ou de preuve démontrant un comportement répréhensible, cette demande est refusée.

ACTION CONTRE LES AUTRES DÉFENDERESSES

[64]            Les autres défenderesses n'ont pas comparu au procès (un avis d'audience ayant été dûment transmis). Il s'agit des défenderesses suivantes (la capacité de chaque établissement en fonction du permis d'alcool délivré par la Régie des alcools du Québec est également indiquée) :

a)          Les Placements GRMS Inc., faisant affaires sous BANK-O-BAR (144 personnes);

b)          Transport Wilfrid Dionne Inc., faisant affaires sous Bar du Zoo (75 personnes);

c)          Bar Le Versatile Inc. (172 personnes),

d)          2548-8024 Québec Inc., faisant affaires sous Bar L'Étrier (301 personnes);

e)          Brasserie Broue Lib (1980) Inc., faisant affaires sous Brasserie La Broue Lib 80 (100 personnes); et

f)           Piscines Varennes Inc., faisant affaires sous la Queue de Billard (80 personnes)

(Collectivement, les autres défenderesses).


[65]            L'action de la demanderesse contre ces dernières est accueillie en partie. La Cour accepte à cet égard la preuve non contredite de violation du droit d'auteur présentée à l'audience par la demanderesse. Néanmoins, les montants réclamés par la demanderesse ont été diminués par la Cour.

[66]            Ainsi, il a été établi que le soir du 28 mai 1999, le Bar l'Étrier, la Brasserie La Broue Lib 80 et La Queue de Billard, ont présenté à leur clientèle l'émission diffusée sur Canal Indigo. De plus, il a été établi que le soir du 28 mai 1999, Bank-O-Bar, Bar du Zoo et le Bar Le Versatile ont présenté à leur clientèle l'émission diffusée sur ESPN 2. Selon la preuve également non contredite, les autres défenderesses n'ont pas souscrit au service d'abonnement à la carte de Canal Indigo ou de Viewers' Choice, ni versé le montant des redevances exigibles. Aussi, la Cour conclut que ces dernières ont violé le droit d'auteur de la demanderesse en présentant les oeuvres en question à leur clientèle.


[67]            D'une part, l'émission d'une injonction permanente contre les autres défenderesses afin d'empêcher celles-ci de communiquer au public et de représenter au public les trois oeuvres énoncés précédemment est justifiée (articles 27, 34 et 39.1 de la Loi; voir également McKeown, Fox Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, supra, à la p. 646). Par contre, la demanderesse n'a pas démontré à la satisfaction de la Cour que ces dernières violeront vraisemblablement le droit d'auteur que la demanderesse peut avoir sur d'autres émissions. Conséquemment, aucune interdiction générale à cet égard n'est nécessaire.

[68]            D'autre part, la demanderesse a droit à des dommages-intérêts compensatoires contre les autres défenderesses (articles 27, 34, 35 et 39 de la Loi; voir également NFL Enterprises L.P., supra, à la p. 331). En effet, la Cour note que ces dernières n'ont pas prouvé que, au moment où elles ont présenté à leur clientèle l'une ou l'autre des oeuvres, elles ne savaient pas et n'avaient aucun motif raisonnable de croire que celles-ci étaient protégées par la Loi. Au contraire, les admissions contenues dans leurs procédures laissent clairement entendre qu'elles étaient au courant que les oeuvres étaient protégées par le droit d'auteur. De plus, les conditions de représentation en public des oeuvres ont été rendues publiques avant leur diffusion (documents en liasse sous la cote P-1). La présomption de connaissance découlant de l'alinéa 34.1a) de la Loi (à l'effet que prima facie les oeuvres diffusées étaient protégées par le droit d'auteur) est pleinement opposable aux autres défenderesses.


[69]            Par ailleurs, à la lumière du témoignage non-contredit du représentant de la demanderesse, M. Michel, la Cour accepte de fixer le montant de ces dommages-intérêts compensatoires en fonction du manque à gagner de la demanderesse. À ce sujet voir les autorités citées dans McKeown, Fox on Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, supra, à la page 656 et dans Hugues Richard, Laurent Carrière, Georges T. Robic et Jacques A. Léger, Canadian Copyright Act annotated, vol. 2, Toronto, Carswell, 2003, aux pp. 35-36 et voir MCA Canada Ltd. v. Gillberry and Hawke Advertising Agency Ltd., (1976), 28 C.P.R. (2d) 52 à la p. 56 (F.C.T.D.).

[70]            À cet égard, le montant des dommages-intérêts compensatoires a été calculé en fonction du tarif de 12,50 $ par « siège légal » conformément à ce qui était demandé par les télédistributeurs. Ce dernier montant a ensuite été réduit de 40 %. Par exemple, le montant de dommages-intérêts contre la défenderesse Bank-O-Bar a été calculé comme suit :

Capacité en fonction du

permis d'alcool délivré

par la Régie des alcools

du Québec                                                                         144

Prix par siège légal                                                          12,50 $

TOTAL                                                                     1 800,00 $

Moins 40 %                                                                  720,00 $

    1 080,00 $


[71]            La réduction de 40 % est justifiée par le fait que le montant de la redevance auquel la demanderesse a droit en vertu de l'entente de partage de recettes avec les services concernés et les télédistributeurs affiliés est de 60 %. La Cour note que les services concernés et les télédistributeurs affiliés ne sont pas partie à cette action. Dans le cas présent, la demanderesse n'est pas admise à réclamer au nom d'autrui la part de 40 % que se partageaient les télédistributeurs affiliés et les services concernés. Ces derniers possèdent un droit d'action distinct. Aucune cession écrite en faveur de la demanderesse n'a été déposée. À ce sujet, le témoignage de M. Michel ne peut être pris en considération. Les conditions prévues à la Loi ne sont donc pas rencontrées (paragraphes 13(4) et (6) et paragraphes 36(2) et (4) de la Loi; voir également Motel 6 Inc. v. No. 6 Motel Ltd. et al. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 à la p. 53 (F.C.T.D.); Télé-Métropole Inc. v. Bishop (1985), 4 C.P.R. (3d) 349 à la p. 356 (F.C.T.D.) conf. par [1990] 2 R.C.S. 467; Jeffrey Rodgers Knitwear Productions Ltd. et al. v. R.D. International Style Collections Ltd. (1988), 19 C.P.R. (3d) 217 aux pp. 219-20 (F.C.T.D.)).

[72]            En conséquence, la Cour rejette la demande de la demanderesse visant à recevoir, à titre de dommages-intérêts, le montant total (incluant la TVQ et la TPS) des redevances qui auraient été autrement perçues par les télédistributeurs affiliés (factures pièce P-7). Étant donné, que les montants attribués à la demanderesse par cette Cour constituent des dommages-intérêts, il s'agit donc de montant nets (sans TVQ et TPS).


[73]            Enfin, la demanderesse réclame que chaque défenderesse soit condamnée à lui verser la somme de 5 000,00 $ à titre de dommages exemplaires. La Cour a pris connaissance des autorités invoquées par la demanderesse et a considéré les raisons spéciales pour lesquelles les tribunaux acceptent généralement d'accorder des dommages exemplaires. Voir notamment les affaires suivantes : Profekta International Inc. v. Lee (1997), 75 C.P.R. (3d) 369 à la p. 372 (F.C.A.); Pro-Arts, Inc. v. Campus Crafts Holding Ltd. et al. (1980), 50 C.P.R. (2d) 230 à la p. 251 (O.H.C.J.); Jelin Investments Ltd. v. Singtech Inc. (1990), 34 C.P.R. (3d) 171 aux pp. 173-74; Morton v. Ecoglass Installations Ltd. (1991), 36 C.P.R. (3d) 355 à la p. 359 (B.C.S.C.); et Kaffka v. Mountainside Developments Ltd. (1982) 62 C.P.R. (2d) 157 à la p. 163 (B.C.S.C.).

[74]            La jurisprudence énoncée précédemment indique que des dommages exemplaires peuvent être accordés par la Cour lorsque le montant de dommages-intérêts compensatoires n'a pas l'effet dissuasif souhaité. Dans l'affaire Profekta, supra, le juge Linden de la Cour d'appel fédérale a bien résumé l'approche de la Cour lorsqu'une telle demande lui est présentée. Se référant aux remarques du juge Cory dans l'arrêt Hill c. Church of Scientology of Toronto, [1995] 2 R.S.C. 1130, aux pp. 1208-9, ce dernier note :

On the issue of exemplary damages, the Supreme Court of Canada has held in Hill v. Church of Scientology of Toronto, [1995] 2 S.C.R. 1130 at 1208-1209 (per Cory J.), that such damages should only be awarded in cases "where the combined award of general damages and aggravated damages would be insufficient to achieve the goal of punishment and deterrence". This approach has been recently followed in this Court (see Lubrizol Corp. v. Imperial Oil Ltd. (1996), 197 N.R. 241, 67 C.P.R. (3d) 1). According to Cory J. in Hill, the question which this Court must ask, in reviewing the Motions Judge's refusal to award exemplary damages, is: "was the misconduct of the defendant so outrageous that punitive damages were rationally required to act as deterrence?"

[75]            En l'espèce, la demanderesse a investi temps et efforts afin de protéger son droit. Ici, la violation du droit d'auteur de la demanderesse est flagrante. En raison notamment du fait que la demanderesse, les services concernés ainsi que les distributeurs affiliés ont informé au préalable les contrevenants éventuels à l'effet que ceux-ci courraient le risque d'être poursuivis (voir les divers communiqués produits à la pièce P-1), des dommages-intérêts exemplaires sont appropriés dans les circonstances. Autrement, d'autres établissements pourraient être incités à opter pour le même genre de comportement afin d'éviter de payer les redevances exigibles.


[76]            Quel devrait être le montant de ces dommages exemplaires?

[77]            La Cour note à cet égard que la violation a été limitée dans le temps et qu'il n'y a aucune preuve au dossier de violations répétées de la part des défenderesses. En conséquence, la Cour estime qu'un montant nominal de 500,00 $ à titre de dommages-intérêts exemplaires, payable par chacune des autres défenderesses, permettra d'atteindre l'objectif dissuasif souhaité dans les circonstances.

[78]            En conséquence, l'action contre les autres défenderesses est accueillie en partie. La demanderesse aura droit à ses dépens contre chacune des autres défenderesses. La demanderesse a demandé que ces dernières soient également condamnés au double des dépens. Cette demande est rejetée considérant le résultat final, l'absence d'offres de règlement au dossier ainsi que les conditions mentionnées au paragraphe 420(1) des Règles de la Cour fédérale, D.O.R.S./98-106.


                                              JUGEMENT

POUR LES MOTIFS ÉNONCÉS PRÉCÉDEMMENT, LA COUR ORDONNE que l'action contre la défenderesse 9012-4314 Québec Inc. (Hippo Club) soit rejetée; les dépens étant accordés à Hippo Club. L'action contre les autres défenderesses est accueillie en partie, suivant les termes ci-après mentionnés, les autres conclusions demandées par la demanderesse étant aussi rejetées.

IL EST ENJOINT à chacune des autres défenderesses ainsi qu'à leurs administrateurs, dirigeants et employés de s'abstenir de violer de quelque façon que ce soit le droit d'auteur que la demanderesse possède sur les trois émissions relatives aux matches de boxe présentés au Centre Molson à Montréal le 28 mai 1999 (les oeuvres), et sans restreindre la portée générale de ce qui précède, de s'abstenir de communiquer au public ou de présenter en public, par quelque moyen que ce soit, les oeuvres.

LA COUR ORDONNE aux autres défenderesses de verser à la demanderesse, à titre de dommages-intérêts compensatoires, les montants ci-après mentionnés :

a)          Les Placements GRMS Inc., faisant affaires sous BANK-O-BAR, la somme de 1 080,00 $;

b)          Transport Wilfrid Dionne Inc., faisant affaires sous Bar du Zoo, la somme de 562,50 $;


c)          Bar Le Versatile Inc., la somme de 1 290,00 $;

d)          2548-8024 Québec Inc., faisant affaires sous Bar L'Étrier, la somme de 2 257,50 $;

e)          Brasserie Broue Lib (1980) Inc., faisant affaires sous Brasserie La Broue Lib 80, la somme de 750,00 $; et

f)           Piscines Varennes Inc., faisant affaires sous la Queue de Billard, la somme de 600,00 $.

LA COUR ORDONNE à chacune des autres défenderesses, de verser à la demanderesse, à titre de dommages-intérêts exemplaires, la somme de 500,00 $.

LE TOUT AVEC DÉPENS contre chacune des autres défenderesses.

                                           __________________________________

                                                                                                             Juge                                


                                              ANNEXE

I - Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42 et ses modifications


2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

« _droit d'auteur_ » "copyright"

« _droit d'auteur_ » S'entend du droit visé_:

a) dans le cas d'une oeuvre, à l'article 3;

[...]

2. In this Act,

"copyright" « _droit d'auteur_ »

"copyright" means the rights described in

(a) section 3, in the case of a work,

(...)



« oeuvre » "work"

« oeuvre » Est assimilé à une oeuvre le titre de l'oeuvre lorsque celui-ci est original et distinctif.

"work" « oeuvre »

"work" includes the title thereof when such title is original and distinctive;



« _oeuvre cinématographique_ » "cinematographic work"

« _oeuvre cinématographique_ » Y est assimilée toute oeuvre exprimée par un procédé analogue à la cinématographie, qu'elle soit accompagnée ou non d'une bande sonore.

"cinematographic work" « _oeuvre cinématographique_ »

"cinematographic work" includes any work expressed by any process analogous to cinematography, whether or not accompanied by a soundtrack;



« _oeuvre dramatique_ » "dramatic work"

« _oeuvre dramatique_ » Y sont assimilées [...] les oeuvres cinématographiques [...]

"dramatic work" « _oeuvre dramatique »

"dramatic work" includes (...) (b) any cinematographic work (...)



« _producteur_ » "maker"

« _producteur_ » La personne qui effectue les opérations nécessaires à la confection d'une oeuvre cinématographique,

[...]

"maker" « _producteur_ »

"maker" means

(a) in relation to a cinematographic work, the person by whom the arrangements necessary for the making of the work are undertaken, or

(...)



« _représentation_ » ou « _exécution_ » "performance"

« _représentation_ » ou « _exécution_ » Toute exécution sonore ou toute représentation visuelle d'une oeuvre, ou d'un signal de communication, selon le cas, y compris l'exécution ou la représentation à l'aide [...] d'un appareil récepteur de télévision.

"performance" « _représentation_ » ou « _exécution_ »

"performance" means any acoustic or visual representation of a work, (...) or communication signal, including a representation made by means (...) [a] television receiving set;



« _signal de communication_ » "communication signal"

« _signal de communication_ » Ondes radioélectriques diffusées dans l'espace sans guide artificiel, aux fins de réception par le public.

"communication signal" « _signal de communication_ »

"communication signal" means radio waves transmitted through space without any artificial guide, for reception by the public;




« télécommunication » "telecommunication"

« télécommunication » Vise toute transmission de signes, signaux, écrits, images, sons ou renseignements de toute nature par fil, radio, procédé visuel ou optique, ou autre système électromagnétique.

"telecommunication" « télécommunication »

"telecommunication" means any transmission of signs, signals, writing, images or sounds or intelligence of any nature by wire, radio, visual, optical or other electromagnetic system;



3. (1) Le droit d'auteur sur l'oeuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l'oeuvre, sous une forme matérielle quelconque, d'en exécuter ou d'en représenter la totalité ou une partie importante en public [...]; ce droit comporte, en outre, le droit exclusif_:

[...]

f) de communiquer au public, par télécommunication, une oeuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique;

[...]

Est inclus dans la présente définition le droit exclusif d'autoriser ces actes.

(1.1) Dans le cadre d'une communication effectuée au titre de l'alinéa (1)f), une oeuvre est fixée même si sa fixation se fait au moment de sa communication.

3. (1) For the purposes of this Act, "copyright", in relation to a work, means the sole right to produce or reproduce the work or any substantial part thereof in any material form whatever, to perform the work or any substantial part thereof in public (...), and includes the sole right

(...)

(f) in the case of any literary, dramatic, musical or artistic work, to communicate the work to the public by telecommunication,

(...)

and to authorize any such acts.

(1.1) A work that is communicated in the manner described in paragraph (1)(f) is fixed even if it is fixed simultaneously with its communication.



5. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le droit d'auteur existe au Canada, pendant la durée mentionnée ci-après, sur toute oeuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique originale si l'une des conditions suivantes est réalisée_:

[...]

b) dans le cas d'une oeuvre cinématographique - publiée ou non -, à la date de sa création, le producteur était citoyen, sujet ou résident habituel d'un pays signataire ou avait son siège social dans un tel pays;

[...]

5. (1) Subject to this Act, copyright shall subsist in Canada, for the term hereinafter mentioned, in every original literary, dramatic, musical and artistic work if any one of the following conditions is met:

(...)

(b) in the case of a cinematographic work, whether published or unpublished, the maker, at the date of the making of the cinematographic work,

(i) if a corporation, had its headquarters in a treaty country, or

(ii) if a natural person, was a citizen or subject of, or a person ordinarily resident in, a treaty country; or

(...)




11.1 Sauf dans le cas d'oeuvres cinématographiques auxquelles les dispositifs de la mise en scène ou les combinaisons des incidents représentés donnent un caractère dramatique, le droit d'auteur sur une oeuvre cinématographique ou une compilation d'oeuvres cinématographiques subsiste_:

a) soit jusqu'à la fin de la cinquantième année suivant celle de sa première publication;

b) soit jusqu'à la fin de la cinquantième année suivant celle de sa création, dans le cas où elle n'a pas été publiée avant la fin de cette période.

11.1 Except for cinematographic works in which the arrangement or acting form or the combination of incidents represented give the work a dramatic character, copyright in a cinematographic work or a compilation of cinematographic works shall subsist

(a) for the remainder of the calendar year of the first publication of the cinematographic work or of the compilation, and for a period of fifty years following the end of that calendar year; or

(b) if the cinematographic work or compilation is not published before the expiration of fifty years following the end of the calendar year of its making, for the remainder of that calendar year and for a period of fifty years following the end of that calendar year.



13. (4) Le titulaire du droit d'auteur sur une oeuvre peut céder ce droit, en totalité ou en partie, d'une façon générale ou avec des restrictions relatives au territoire, au support matériel, au secteur du marché ou à la portée de la cession, pour la durée complète ou partielle de la protection; il peut également concéder, par une licence, un intérêt quelconque dans ce droit; mais la cession ou la concession n'est valable que si elle est rédigée par écrit et signée par le titulaire du droit qui en fait l'objet, ou par son agent dûment autorisé.

[...]

(6) Il est entendu que la cession du droit d'action pour violation du droit d'auteur est réputée avoir toujours pu se faire en relation avec la cession du droit d'auteur ou la concession par licence de l'intérêt dans celui-ci.

[...]

13. (4) The owner of the copyright in any work may assign the right, either wholly or partially, and either generally or subject to limitations relating to territory, medium or sector of the market or other limitations relating to the scope of the assignment, and either for the whole term of the copyright or for any other part thereof, and may grant any interest in the right by licence, but no assignment or grant is valid unless it is in writing signed by the owner of the right in respect of which the assignment or grant is made, or by the owner's duly authorized agent.

(...)

(6) For greater certainty, it is deemed always to have been the law that a right of action for infringement of copyright may be assigned in association with the assignment of the copyright or the grant of an interest in the copyright by licence.

(...)




21. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le radiodiffuseur a un droit d'auteur qui comporte le droit exclusif, à l'égard du signal de communication qu'il émet ou de toute partie importante de celui-ci_:

a) de le fixer;

b) d'en reproduire toute fixation faite sans son autorisation;

c) d'autoriser un autre radiodiffuseur à le retransmettre au public simultanément à son émission;

d) d'exécuter en public un signal de communication télévisuel en un lieu accessible au public moyennant droit d'entrée.

Il a aussi le droit d'autoriser les actes visés aux alinéas a), b) et d).

[...]

21. (1) Subject to subsection (2), a broadcaster has a copyright in the communication signals that it broadcasts, consisting of the sole right to do the following in relation to the communication signal or any substantial part thereof:

(a) to fix it,

(b) to reproduce any fixation of it that was made without the broadcaster's consent,

(c) to authorize another broadcaster to retransmit it to the public simultaneously with its broadcast, and

(d) in the case of a television communication signal, to perform it in a place open to the public on payment of an entrance fee,

and to authorize any act described in paragraph (a), (b) or (d).



27. (1) Constitue une violation du droit d'auteur l'accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d'un acte qu'en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d'accomplir.

[...]

(5) Constitue une violation du droit d'auteur le fait, dans un but de profit, de permettre l'utilisation d'un théâtre ou d'un autre lieu de divertissement pour l'exécution en public d'une oeuvre ou de tout autre objet du droit d'auteur sans le consentement du titulaire du droit d'auteur, à moins que la personne qui permet cette utilisation n'ait ignoré et n'ait eu aucun motif raisonnable de soupçonner que l'exécution constituerait une violation du droit d'auteur.

[...]

27. (1) It is an infringement of copyright for any person to do, without the consent of the owner of the copyright, anything that by this Act only the owner of the copyright has the right to do.

(...)

(5) It is an infringement of copyright for any person, for profit, to permit a theatre or other place of entertainment to be used for the performance in public of a work or other subject-matter without the consent of the owner of the copyright unless that person was not aware, and had no reasonable ground for suspecting, that the performance would be an infringement of copyright.

(...)



34. (1) En cas de violation d'un droit d'auteur, le titulaire du droit est admis, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, à exercer tous les recours - en vue notamment d'une injonction, de dommages-intérêts, d'une reddition de compte ou d'une remise - que la loi accorde ou peut accorder pour la violation d'un droit.

[...]

34. (1) Where copyright has been infringed, the owner of the copyright is, subject to this Act, entitled to all remedies by way of injunction, damages, accounts, delivery up and otherwise that are or may be conferred by law for the infringement of a right.

(...)



(3) Les frais de toutes les parties à des procédures relatives à la violation d'un droit prévu par la présente loi sont à la discrétion du tribunal.

(3) The costs of all parties in any proceedings in respect of the infringement of a right conferred by this Act shall be in the discretion of the court.



34.1 (1) Dans toute procédure pour violation du droit d'auteur, si le défendeur conteste l'existence du droit d'auteur ou la qualité du demandeur_:

a) l'oeuvre, la prestation, l'enregistrement sonore ou le signal de communication, selon le cas, est, jusqu'à preuve contraire, présumé être protégé par le droit d'auteur;

b) l'auteur, l'artiste-interprète, le producteur ou le radiodiffuseur, selon le cas, est, jusqu'à preuve contraire, réputé être titulaire de ce droit d'auteur.

[...]

34.1 (1) In any proceedings for infringement of copyright in which the defendant puts in issue either the existence of the copyright or the title of the plaintiff thereto,

(a) copyright shall be presumed, unless the contrary is proved, to subsist in the work, performer's performance, sound recording or communication signal, as the case may be; and

(b) the author, performer, maker or broadcaster, as the case may be, shall, unless the contrary is proved, be presumed to be the owner of the copyright.

(...)




35. (1) Quiconque viole le droit d'auteur est passible de payer, au titulaire du droit qui a été violé, des dommages-intérêts et, en sus, la proportion, que le tribunal peut juger équitable, des profits qu'il a réalisés en commettant cette violation et qui n'ont pas été pris en compte pour la fixation des dommages-intérêts.

(2) Dans la détermination des profits, le demandeur n'est tenu d'établir que ceux provenant de la violation et le défendeur doit prouver chaque élément du coût qu'il allègue.

35. (1) Where a person infringes copyright, the person is liable to pay such damages to the owner of the copyright as the owner has suffered due to the infringement and, in addition to those damages, such part of the profits that the infringer has made from the infringement and that were not taken into account in calculating the damages as the court considers just.

(2) In proving profits,

(a) the plaintiff shall be required to prove only receipts or revenues derived from the infringement; and

(b) the defendant shall be required to prove every element of cost that the defendant claims.



36. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, le titulaire d'un droit d'auteur, ou quiconque possède un droit, un titre ou un intérêt acquis par cession ou concession consentie par écrit par le titulaire peut, individuellement pour son propre compte, en son propre nom comme partie à une procédure, soutenir et faire valoir les droits qu'il détient, et il peut exercer les recours prévus par la présente loi dans toute l'étendue de son droit, de son titre et de son intérêt.

[...]

36. (1) Subject to this section, the owner of any copyright, or any person or persons deriving any right, title or interest by assignment or grant in writing from the owner, may individually for himself or herself, as a party to the proceedings in his or her own name, protect and enforce any right that he or she holds, and, to the extent of that right, title and interest, is entitled to the remedies provided by this Act.

(...)

(2) Lorsque des procédures sont engagées en vertu du paragraphe (1) par une personne autre que le titulaire du droit d'auteur, ce dernier doit être constitué partie à ces procédures sauf_:

a) dans le cas de procédures engagées en vertu des articles 44.1, 44.2 et 44.4;

b) dans le cas de procédures interlocutoires, à moins que le tribunal estime qu'il est dans l'intérêt de la justice de constituer le titulaire du droit d'auteur partie aux procédures;

c) dans tous les autres cas où le tribunal estime que l'intérêt de la justice ne l'exige pas.

[...]

(2) Where proceedings referred to in subsection (1) are taken by a person other than the copyright owner, the copyright owner must be made a party to those proceedings, except

(a) in respect of proceedings taken under section 44.1, 44.2 or 44.4;

(b) in respect of interlocutory proceedings unless the court is of the opinion that the interests of justice require the copyright owner to be a party; and

(c) in any other case, if the court is of the opinion that the interests of justice do not require the copyright owner to be a party.

(...)

(4) Le tribunal peut, sous réserve d'une entente entre le demandeur et le titulaire du droit d'auteur visé au paragraphe (2), répartir entre eux, de la manière qu'il estime indiquée, les dommages-intérêts et les profits visés au paragraphe 35(1).

(4) Where a copyright owner is made a party to proceedings pursuant to subsection (2), the court, in awarding damages or profits, shall, subject to any agreement between the person who took the proceedings and the copyright owner, apportion the damages or profits referred to in subsection 35(1) between them as the court considers appropriate.




37. La Cour fédérale, concurremment avec les tribunaux provinciaux, connaît de toute procédure liée à l'application de la présente loi, à l'exclusion des poursuites visées aux articles 42 et 43.

37. The Federal Court has concurrent jurisdiction with provincial courts to hear and determine all proceedings, other than the prosecution of offences under section 42 and 43, for the enforcement of a provision of this Act or of the civil remedies provided by this Act.



39. (1) Sous réserve du paragraphe (2), dans le cas de procédures engagées pour violation du droit d'auteur, le demandeur ne peut obtenir qu'une injonction à l'égard de cette violation si le défendeur prouve que, au moment de la commettre, il ne savait pas et n'avait aucun motif raisonnable de soupçonner que l'oeuvre ou tout autre objet du droit d'auteur était protégé par la présente loi.

(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas si, à la date de la violation, le droit d'auteur était dûment enregistré sous le régime de la présente loi.

39.1 (1) Dans les cas où il accorde une injonction pour violation du droit d'auteur sur une oeuvre ou un autre objet, le tribunal peut en outre interdire au défendeur de violer le droit d'auteur sur d'autres oeuvres ou d'autres objets dont le demandeur est le titulaire ou sur d'autres oeuvres ou d'autres objets dans lesquels il a un intérêt concédé par licence, si le demandeur lui démontre que, en l'absence de cette interdiction, le défendeur violera vraisemblablement le droit d'auteur sur ces autres oeuvres ou ces autres objets.

39. (1) Subject to subsection (2), in any proceedings for infringement of copyright, the plaintiff is not entitled to any remedy other than an injunction in respect of the infringement if the defendant proves that, at the date of the infringement, the defendant was not aware and had no reasonable ground for suspecting that copyright subsisted in the work or other subject-matter in question.

(2) Subsection (1) does not apply if, at the date of the infringement, the copyright was duly registered under this Act.

39.1 (1) When granting an injunction in respect of an infringement of copyright in a work or other subject-matter, the court may further enjoin the defendant from infringing the copyright in any other work or subject-matter if

(a) the plaintiff is the owner of the copyright or the person to whom an interest in the copyright has been granted by licence; and

(b) the plaintiff satisfies the court that the defendant will likely infringe the copyright in those other works or subject-matter unless enjoined by the court from doing so.


II - Loi sur la radiocommunication, L.C. 1991, ch. 11 et ses modifications


9. (1) Il est interdit_:

[...]

c) de décoder, sans l'autorisation de leur distributeur légitime ou en contravention avec celle-ci, un signal d'abonnement ou une alimentation réseau;

[...]

9. (1) No person shall

(...)

(c) decode an encrypted subscription programming signal or encrypted network feed otherwise than under and in accordance with an authorization from the lawful distributor of the signal or feed;

(...)



                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 T-1788-99

INTITULÉ :              INTERBOX PROMOTION CORPORATION c.

9012-4314 QUÉBEC INC. (HIPPO CLUB), BANK-O-BAR, BAR DU ZOO, BAR LE VERSATILE INC.,

2548-8024 QUÉBEC INC. (BAR L'ÉTRIER), BRASSERIE LA BROUE LIB 80, LA QUEUE DE BILLARD

LIEU DE L'AUDIENCE :                                MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                              15 SEPTEMBRE 2003

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :    L'HONORABLE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                                     27 OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS:

Me Daniel Artola                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Me Jacques S. Darche                                                     POUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

McCARTHY TÉTRAULT                                               POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

BORDEN LADNER GERVAIS                                     POUR LES DÉFENDERESSES

Montréal (Québec)


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