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Date : 20190528


Dossiers : T‑505‑17

Référence : 2019 CF 750

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 mai 2019

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

ROGER GEORGES ABOU‑RACHED

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, M. Roger Georges Abou‑Rached, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 23 février 2017 par M. Alan Jones, en sa qualité de délégué du ministre du Revenu national [ministre], dans laquelle celui‑ci a refusé le deuxième examen administratif de deux demandes de redressement d’une T1 présentées par le demandeur en vue de réduire son revenu d’entreprise et son revenu total déclarés pour les années d’imposition 2002 à 2004 et 2005 à 2007, respectivement.

[2]  Le 28 avril 2010 et le 19 avril 2011 respectivement, le demandeur a déposé des demandes de redressement pour que le ministre corrige le montant de son revenu net d’entreprise de sorte qu’il soit de 8 500 $ pour chaque année d’imposition (2002 à 2007). Dans ces demandes, le demandeur a fait valoir que ses anciens comptables avaient surestimé son revenu d’entreprise. De plus, il n’a pris connaissance de cette erreur qu’en septembre 2009, lorsqu’il a reçu un appel téléphonique d’un agent de recouvrement de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) l’informant qu’il devait environ 50 000 $ en arriérés d’impôt. Si les redressements demandés étaient acceptés, le revenu net de l’entreprise du demandeur pour la période de 2002 à 2007 serait réduit de 139 500 $. La Division de la vérification de l’impôt sur le revenu du Bureau des services fiscaux de l’île de Vancouver de l’ARC a traité les demandes de redressement du demandeur.

[3]  Étant donné que les demandes de redressement ont été reçues après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation de trois ans prévue au paragraphe 152(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, ch 1 (5e suppl.) (la Loi), elles relèvent des dispositions d’allègement pour les contribuables, à savoir le paragraphe 152(4.2) de la Loi.

[4]  La circulaire d’information IC07‑1 « Dispositions d’allègement pour les contribuables » [lignes directrices] décrit la procédure suivie par l’ARC lorsqu’elle exerce, au nom du ministre, son pouvoir discrétionnaire pour déterminer si une mesure d’allègement est justifiée. Cette procédure peut se dérouler en deux étapes. Si une demande est refusée ou partiellement acceptée, le contribuable n’a aucun droit d’opposition pour contester une décision prise conformément aux dispositions d’allègement pour les contribuables. Cependant, si le contribuable estime que le pouvoir discrétionnaire du ministre n’a pas été exercé correctement, il peut demander, par écrit, que le directeur du bureau des services fiscaux ou du centre fiscal revoie la première décision et réexamine la situation. Au cours du deuxième examen, le contribuable aura la possibilité de soumettre des observations supplémentaires à l’ARC. Si le contribuable croit que le ministre a commis une erreur susceptible de révision en exerçant son pouvoir discrétionnaire, il peut demander le contrôle judiciaire de cette décision.

[5]  C’est la deuxième demande de contrôle judiciaire dont la Cour est saisie dans la présente affaire. Le demandeur a demandé le contrôle judiciaire d’une décision défavorable rendue le 16 décembre 2014 par M. Clive Wheatley, l’un des deux vérificateurs de l’ARC qui s’occupaient auparavant des demandes de redressement. Le problème technique, cependant, était que M. Wheatley n’avait pas le pouvoir ministériel délégué requis pour prendre une décision finale en vertu des dispositions d’allègement pour les contribuables. Le 20 octobre 2016, la Cour a donc accueilli cette demande de contrôle judiciaire, sur consentement, dans une décision non publiée (dossier T‑90‑15). Le 1er février 2017, le dossier du demandeur a été renvoyé à une autre vérificatrice, Mme Cynthia Pacheco, aux fins d’examen en tant que demande d’allègement pour les contribuables de deuxième niveau.

[6]  Dans le cadre de son examen, Mme Pacheco a passé en revue l’ensemble du dossier de vérification, y compris les documents que le demandeur avait déjà présentés, et les documents de travail préparés par M. Wheatley et Mme Winnie Lin (née Leung, la vérificatrice de l’ARC qui s’est occupée du dossier jusqu’à la fin de l’année 2011). Le 8 février 2017, Mme Pacheco a rédigé son rapport et a finalement recommandé que le ministre rejette les demandes de redressement. En fait, M. Jones, chef d’équipe de la Division de la vérification au Bureau des services fiscaux de l’île de Vancouver de l’ARC [le délégué] a approuvé la recommandation de Mme Pacheco et a rejeté les demandes de redressement, ce qui a mené à la demande de contrôle judiciaire dont la Cour est actuellement saisie.

[7]  Comme la décision prise par le ministre en vertu des dispositions relatives à l’allègement pour les contribuables est de nature discrétionnaire, le refus du délégué d’accorder les redressements demandés sera examiné selon la norme du caractère raisonnable (Anthony c Canada (Agence du revenu), 2016 CF 955, au paragraphe 22; Canada (Revenu national) c JP Morgan Asset Management (Canada) Inc, 2013 CAF 250, au paragraphe 96), alors que tout manquement allégué à l’équité procédurale est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43 [Khosa]).

[8]  J’ai examiné la légalité ou le caractère raisonnable de la décision du délégué à la lumière de tous les documents pertinents au dossier, y compris le dossier certifié du tribunal (DCT), l’affidavit souscrit par le demandeur en date du 5 mai 2017, les affidavits de Mme Pacheco et de M. Jones, datés du 25 mai 2017, les transcriptions de leurs contre‑interrogatoires, ainsi que les observations écrites et orales des parties. La présente demande doit être rejetée pour les motifs qui suivent.

[9]  Premièrement, m’appuyant sur la preuve au dossier, je conclus que le ministre a procédé à un nouvel examen indépendant des redressements demandés. Les allégations selon lesquelles la vérificatrice ou le délégué auraient fait preuve de mauvaise foi sont non fondées et spéculatives. Le processus qui a mené à la décision finale du délégué a été à la fois transparent et équitable. Au cours du contre‑interrogatoire, le demandeur a notamment demandé à Mme Pacheco et à M. Jones combien de temps ils avaient passé à examiner son dossier de vérification avant de rendre la décision contestée. Apparemment, Mme Pacheco a passé 34 heures à examiner son dossier, alors que M. Jones a passé quatre heures à examiner la décision avant d’approuver la recommandation de Mme Pacheco. De l’avis du demandeur, ce nombre d’heures ne [traduction] « suffit pas pour être acceptable » et démontre que M. Jones a [traduction] « approuvé les yeux fermés » la recommandation de Mme Pacheco. Je ne suis pas d’accord avec le demandeur. Mme Pacheco et M. Jones n’étaient pas tenus de [traduction] « faire une nouvelle vérification » ou de demander au demandeur des renseignements supplémentaires, d’autant plus qu’il ressort de son propre témoignage que son revenu dépassait le revenu annuel de 8 500 $ qu’il a déclaré. Il n’y a aucune preuve que le délégué a mal agi en appuyant la recommandation de la vérificatrice. À cet égard, le demandeur n’a pas établi qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale.

[10]  Deuxièmement, le demandeur m’invite à conclure qu’il a présenté suffisamment d’éléments de preuve quant à son revenu d’entreprise annuel allégué de 8 500 $ au moyen de chèques au porteur, qui, a‑t‑il expliqué à l’audience, visaient à remplacer la perte de revenu subie par suite de la vente de son appartement, alors que tout montant reçu en sus de 8 500 $ devait être considéré comme un prêt. Toutefois, il n’appartient pas à la Cour lors d’un contrôle judiciaire de refaire la vérification ou de soupeser de nouveau les éléments de preuve qui ont été examinés au deuxième niveau administratif (Khosa, aux paragraphes 65 à 67). Mme Lin et M. Wheatley ont déjà évalué une première fois le bien‑fondé des redressements demandés. En l’espèce, il ne fait aucun doute que les éléments de preuve au dossier, et ceux qui n’y sont pas, appuyaient la recommandation de Mme Pacheco et la décision de M. Jones de rejeter les demandes du demandeur après un deuxième examen de l’affaire.

[11]  Par souci de commodité, les cotisations initialement établies à titre de revenu d’entreprise net et les redressements que le demandeur a demandés dans ses déclarations de revenus T1 de 2002 à 2007 sont présentés dans le tableau ci‑dessous :

Année d’imposition

Cotisation initiale

 

Allègement demandé

 

Valeur ajustée

2002

54 000 $

45 500 $

8 500 $

2003

54 000 $

45 500 $

8 500 $

2004

40 500 $

32 000

8 500 $

2005

18 000 $

9 500 $

8 500 $

2006

12 000 $

3 500 $

8 500 $

2007

12 000 $

3 500 $

8 500 $

Montants totaux :

190 500 $

139 500 $

51 000 $

[12]  À l’appui de son argument selon lequel la décision contestée est déraisonnable, le demandeur soutient qu’il a gagné exactement 8 500 $ en revenu d’entreprise au cours de chacune des six années d’imposition en cause, alors qu’il a fourni des services d’ingénierie à une entreprise constituée sous le régime des lois de la Colombie‑Britannique, Garmeco Canada Consultants Ltd. (auparavant Garmeco Canada Int’l Consulting Engineers Ltd. jusqu’au 1er octobre 2014) (Garmeco). La mère du demandeur, Mme Hilda Abou‑Rached, est l’unique actionnaire de Garmeco et du groupe de sociétés Rached depuis le décès du père du demandeur en 2006.

[13]  Le demandeur est ingénieur professionnel. Sa famille et lui ont quitté le Liban pour immigrer au Canada en 1989. À une certaine époque, le demandeur contrôlait de nombreuses sociétés, mais il les a cédées à ses parents et à une entité étrangère avant de faire une proposition concordataire que les tribunaux de la Colombie‑Britannique ont approuvée en 2002. Auparavant, la famille du demandeur possédait également des millions de dollars en biens immobiliers au Liban, tandis que le demandeur était président et chef de la direction d’une société cotée en bourse appelée International Hi‑Tech Industries Inc., spécialisée dans la fabrication de panneaux de construction. Toutefois, cette société a fini par déclarer faillite en 2010.

[14]  Alors que le demandeur et des entreprises liées à lui faisaient l’objet de vérifications, Mme Lin a fait remarquer ce qui suit dans son rapport de premier niveau :

  • (a) Le demandeur affirme que son comptable a préparé et produit ses déclarations de revenus sans permission et qu’il a estimé son revenu. Le demandeur avait déclaré que Garmeco lui avait versé 8 500 $ par année.

  • (b) Lorsqu’on lui a demandé comment il pouvait vivre avec un salaire de 8 500 $ par année, le demandeur a déclaré qu’il vit avec sa mère et que ses dépenses sont minimes, alors que ses autres dépenses sont liées à ses affaires et payées avec des cartes de crédit de l’entreprise.

  • (c) Le demandeur a modifié ses déclarations [traduction] « pour tirer avantage de sa situation ». À l’origine, les chèques au porteur étaient classés dans la catégorie des retraits de l’actionnaire à l’usage de la mère du demandeur, et ils ont ensuite été reclassés dans la catégorie de la rémunération du demandeur de façon à étayer un salaire annuel de 8 500 $.

[15]  Le 6 janvier 2012, M. Wheatley a pris en charge le dossier puisque Mme Lin était en congé de maternité. Les notes prises par M. Wheatley immédiatement après avoir parlé au téléphone avec le demandeur au cours de la vérification, datées du 10 février 2012, indiquent que : [traduction] « Roger a également dit que la raison pour laquelle il déclare seulement 8 500 $ est que tout ce qui excède ce montant peut être pris par ses créanciers! » (Onglet 33 du DCT). De plus, le procès‑verbal de la décision du comité de premier niveau indique que le demandeur souhaitait déclarer un tel taux de revenu pour [traduction] « être admissible à l’aide au paiement des primes du régime d’assurance‑santé» (onglet 53 du DCT). À tout le moins, ces déclarations, qui figuraient au dossier de vérification, appuient raisonnablement le scepticisme avec lequel les vérificateurs et le délégué ont traité les chèques au porteur de Garmeco que le demandeur a présentés à l’appui des redressements demandés.

[16]  Comme je l’ai mentionné, le demandeur présente, pour « étayer » son revenu d’entreprise de 8 500 $ pour chacune des années 2002 à 2007, des copies de chèques annulés faits au porteur par Garmeco. Plus précisément, comme le défendeur l’a souligné, le demandeur a fourni à l’ARC entre 3 et 27 chèques pour étayer son revenu déclaré de 8 500 $ pour chaque année :

  • (a) 2002 :3 chèques totalisant 8 500 $

1 500 $ (15 mai) + 4 000 $ (12 septembre) + 3 000 $ (20 décembre)

  • (b) 2003 :4 chèques totalisant 8 500 $

2 000 $ (18 février) + 3 000 $ (3 mai) + 3 000 $ (6 août) + 1 500 $ (2 décembre)

  • (c) 2004 :5 chèques totalisant 8 800 $

2 200 $ (2 février) + 800 $ (3 mai) + 800 $ (1er juin) + 2 000 $ (4 juin) +

3 000 $ (21 décembre)

  • (d) 2005 :3 chèques totalisant 8 800 $

3 200 $ (1er avril) + 1 500 $ (25 juillet) + 3 800 $ (20 décembre)

Remarque : Les chèques au porteur de Garmeco pour l’année 2005 transmis par BRC et examinés par le vérificateur Wheatley totalisent au moins 28 300 $. Le demandeur en a choisi trois totalisant 8 500 $ qu’il remis à l’ARC (onglet 48 du DCT, document de travail intitulé [traduction] « Analyse des paiements “au porteur” faits par Garmeco Canada » pour 2005).

  • (e) 2006 :6 chèques totalisant 8 729 $

3 000 $ (4 janvier) + 2 000 $ (21 avril) + 2 000 $ (26 juin) + 600 $ (28 septembre) + 1 000 $ (27 novembre) + 129 $ (21 janvier)

Remarque : Le comptable du demandeur a également transmis à la vérificatrice Lin, pour l’année 2006, des chèques faisant état des montants supplémentaires suivants : 2 000 $ (23 décembre) (onglet 16 du dossier du demandeur, p. 32/190), pour un montant supplémentaire total de 2 182 $ pour l’année 2006 (onglet 16 du dossier du demandeur, lettre du comptable à la vérificatrice Lin portant la date du 25 octobre 2011, jointe à l’affidavit du demandeur, avec copies des chèques au porteur à l’appui pour les années 2005, 2006 et 2007, qui comprennent de petites sommes versées aux parties au nom du demandeur).

  • (f) 2007 :27 chèques totalisant 8 377 $

300 $ (? février) + 300 $ (20 avril) + 400 $ (? février) + 500 $ (3 avril) + 2 000 $ (14 mai) + 1 000 $ (29 juin) + 1 000 $ (3 juillet) + 1010 $ (13 novembre) + 36 $ (18 avril) + 121 $ (? février) + 10 $ (30 mars) + 121 $ (2 avril) + 84 $ (20 avril) + 57 $ (7 mai) + 117 $ (23 mai) + 132 $ (25 juin) + 362 $ (29 juin) + 86 $ (31 juillet) + 79 $ (31 août) + 83 $ (1er octobre) + 83 $ (30 octobre) + 63 $ (16 novembre) + 94 $ (16 novembre) + 79 $ (30 novembre) + 17 $ (18 décembre) + 160 $ (18 décembre) + 83 $ (31 décembre)

Remarque : Le comptable du demandeur a également transmis des chèques à la vérificatrice Lin pour l’année 2007 qui, comme pour l’année 2006, faisaient état de montants supplémentaires (onglet 16 du dossier du demandeur, lettre du comptable à la vérificatrice Lin datée du 25 octobre 2011, jointe à l’affidavit du demandeur, avec des copies des chèques au porteur à l’appui pour les années 2005, 2006 et 2007).

[17]  Le demandeur n’a pas produit de nouveaux documents au cours de l’examen de deuxième niveau effectué après que la Cour eut ordonné que l’affaire soit réexaminée. Dans son rapport du 8 février 2017, Mme Pacheco a répondu à un certain nombre de questions types tirées des lignes directrices. Elle a notamment fait remarquer que le demandeur n’a pas fait preuve de diligence raisonnable parce qu’il a attendu jusqu’en avril 2010, puis jusqu’en avril 2011, pour présenter ses demandes de redressement bien qu’il ait déclaré qu’il savait en 2009 que ses anciens comptables avaient commis des erreurs. Quoi qu’il en soit, les demandes de redressement auraient été rejetées même si elles avaient été déposées à temps. Apparemment, le demandeur a présenté une demande d’allègement pour les contribuables à des fins de planification fiscale rétroactive, car il souhaitait modifier son revenu déclaré pour devenir admissible à l’aide au paiement des primes de son régime d’assurance‑santé. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle Garmeco lui versait 8 500 $ par année, le demandeur n’a pas présenté de documents adéquats afin de corroborer cette évaluation arbitraire faite à partir des chèques au porteur émis par Garmeco. Il n’a fourni aucun relevé de revenu d’emploi adéquat et les chèques annulés portant la mention « au porteur » de Garmeco n’ont pas permis d’établir son revenu d’entreprise total. Quoi qu’il en soit, les chèques annulés laissent croire que son revenu d’entreprise était supérieur à 8 500 $. Mme Pacheco a ajouté qu’un vérificateur de l’ARC avait demandé des documents financiers exhaustifs concernant Garmeco afin de quantifier les paiements versés au demandeur. Toutefois, le demandeur n’a jamais fourni ces documents. De plus, Garmeco est une société qui ne se conforme pas à la loi, car il lui est arrivé de ne pas produire ses déclarations de revenus ou encore de les produire en retard. Selon elle, le demandeur devrait avoir accès aux livres et aux dossiers de Garmeco parce qu’il s’agit d’une entreprise familiale et que sa mère en est l’unique actionnaire.

[18]  La Cour est d’avis que ces motifs sont rationnels et intelligibles, qu’ils sont étayés par la preuve et qu’ils justifient amplement la recommandation de Mme Pacheco.

[19]  En résumé, bien que le demandeur affirme que ses anciens comptables ont commis une erreur dans ses déclarations de revenu initiales de 2002 à 2007 – un point que la Cour n’a pas à trancher – il lui incombait néanmoins de présenter au ministre des éléments de preuve permettant d’établir que son revenu d’entreprise annuel provenant de Garmeco s’élevait vraiment à 8 500 $. J’estime qu’il n’était pas déraisonnable pour le décideur de conclure qu’en l’absence de documents établissant le revenu d’entreprise annuel du demandeur provenant de Garmeco, comme des contrats ou des factures, les chèques au porteur ne suffisaient pas pour justifier un redressement des cotisations initiales après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. En effet, les vérificateurs et le délégué avaient des motifs suffisants pour mettre en doute la crédibilité des affirmations non étayées. En particulier, le fait que le demandeur ait qualifié unilatéralement la nature des chèques au porteur pose particulièrement problème étant donné que les vérificateurs avaient obtenu des relevés bancaires de Garmeco auprès de la BRC, lesquels semblent contredire l’affirmation du demandeur selon laquelle son revenu était exactement de 8 500 $ par année. En effet, le demandeur a reçu beaucoup plus que 8 500 $ en 2005 et en 2006 au moyen des chèques faits au porteur (respectivement 28 300 $ et 34 676 $, aux onglets 48 et 52 du DCT). Compte tenu de l’ensemble du contexte factuel, il était loisible au décideur de ne pas accepter que les sommes supérieures à 8 500 $ constituaient des prêts consentis par les parents ou la mère du demandeur. Après tout, le demandeur avait fait aux vérificateurs des déclarations qui tendaient à indiquer qu’il avait d’autres motifs de présenter les demandes de redressement. En effet, au cours d’une réunion avec l’agent chargé d’appliquer les mesures d’allègement pour les contribuables, le demandeur a déclaré qu’il souhaitait réduire son revenu net d’entreprise pour être admissible à l’aide au paiement des primes du régime provincial d’assurance santé. Il a également dit au vérificateur qu’il avait demandé les redressements [traduction] « parce qu’il pensait que tout montant excédentaire irait à ses créanciers ».

[20]  Pour tous ces motifs, je conclus que le délégué a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée et que la décision de refuser les redressements demandés appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

[21]  En conclusion, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je remarque également que l’ARC est désignée à tort comme défenderesse. Par conséquent, l’intitulé de la cause doit être modifié pour désigner le procureur général du Canada (PGC) comme défendeur à la place de l’ARC. Voir les décisions relatives à l’allègement pour les contribuables suivantes où l’intitulé est modifié et où le PGC est substitué à l’ARC ou au ministre du Revenu national: Klopak c Canada (Procureur général), 2019 CF 235; Takenaka c Canada (Procureur général), 2018 CF 347; Dougal & Co Inc c Canada (Procureur général), 2017 CF 1075; Biswal c Canada (Procureur général), 2017 CF 529; Ford c Canada (Procureur général), 2015 CF 1057 (dans laquelle le ministre du Revenu national a été remplacé par le PGC à la demande du défendeur); Fung c Canada (Procureur général), 2014 CF 934.

[22]  Enfin, le défendeur sollicite les dépens. Compte tenu de tous les facteurs pertinents, y compris l’ampleur du travail en cause et la complexité relative du dossier, ainsi que les observations orales des parties sur cette question, le montant proposé de 2 000 $ est raisonnable dans les circonstances.


JUGEMENT dans le dossier T‑505‑17

LA COUR STATUE :

1.  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.  L’intitulé de la cause est modifié de manière à ce que le procureur général du Canada y soit désigné à titre de partie défenderesse au lieu de l’Agence du revenu du Canada.

3.  Le défendeur a droit à des dépens de 2 000 $.

« Luc Martineau »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 5e jour de juillet 2019.

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑505‑17

 

INTITULÉ :

ROGER GEORGES ABOU‑RACHED c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 mai 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge Martineau

DATE DES MOTIFS :

Le 28 mai 2019

COMPARUTIONS :

Roger Georges Abou‑Rached

 

pour le demandeur

(EN SON PROPRE NOM)

Nadine Taylor Pickering

 

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

pour le défendeur

 

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