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Date : 20010525

Dossier : T-1747-00

                                                       Référence neutre : 2001 CFPI 530

E n t r e :

                       AB HASSLE, ASTRAZENECA AB et

                          ASTRAZENECA CANADA INC.

                                                                                        demanderesses

                                                    - et -

                     APOTEX et MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                 défendeurs

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]    La Cour est saisie d'une requête visant à obtenir :

1.        Une ordonnance annulant l'ordonnance en date du 29 novembre 2000 par laquelle le protonotaire a fait droit à une requête présentée par Apotex Inc. en vue d'obtenir, en vertu de l'alinéa 6(5)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement), une ordonnance rejetant la présente demande au motif qu'elle est frivole et vexatoire et qu'elle constitue un abus de procédure ;

2.        Une ordonnance annulant l'ordonnance en date du 29 novembre 2000 par laquelle le protonotaire a rejeté la requête présentée par les demanderesses en vue d'obtenir une ordonnance enjoignant à MM. Sherman et Sefton de comparaître de nouveau pour répondre à certaines questions auxquelles ils avaient refusé de répondre lors du contre-interrogatoire ;


3.        Une ordonnance prorogeant de trente (30) jours à compter du prononcé de la décision sur la requête en divulgation présentée par les demanderesses en vertu du paragraphe 6(7) le délai imparti aux demanderesses pour déposer leur preuve sur le fond.

LES FAITS

[2]    Les demanderesses ont présenté une demande en vue d'obtenir une ordonnance interdisant au défendeur, le ministre de la Santé (le ministre), de délivrer à la défenderesse Apotex un avis de conformité (l'avis de conformité) relativement à des comprimés de 10 mg, 20 mg et de 40 mg d'oméprazole et/ou de magnésium d'oméprazole jusqu'à l'expiration des brevets canadiens 1 292 693 (le brevet 693), 1 302 891 (le brevet 891) et 2 166 486 (le brevet 483) (les brevets). Les demanderesses sollicitent également un jugement déclarant que la lettre du 1er août 2000 d'Apotex n'est pas conforme au Règlement et qu'elle ne constitue pas un avis d'allégation au sens du Règlement.

[3]    Par lettre en date du 1er août 2000, Apotex a produit, conformément au Règlement, un avis d'allégation visant des comprimés d'Apo-Oméprazole administrés par voie buccale en concentrations de 10, de 20 et de 40 mg (l'avis d'allégation). Dans son avis d'allégation, Apotex affirmait qu'aucune revendication portant sur le médicament lui-même ou sur l'utilisation du médicament visé par les brevets ne serait contrefaite par la production, la fabrication, l'utilisation ou la vente par Apotex de ses comprimés d'Apo-Oméprazole.


[4]                 Dans son avis d'allégation, Apotex a expliqué que les brevets visaient des compositions pharmaceutiques comportant trois éléments, à savoir : un noyau renfermant un médicament, un sous-enrobage inerte et un enrobage extérieur gastro-résistant. Le mémoire descriptif des brevets nous enseigne que le sous-enrobage inerte est appliqué sur le noyau avant que l'enrobage gastro-résistant ne soit appliqué pour séparer celui-ci du noyau afin d'empêcher la dégradation.

[5]                 Dans son avis d'allégation, Apotex affirmait que ses comprimés d'Apo-Omeprazole ne tombaient pas sous le coup des brevets parce qu'ils sont constitués d'un noyau qui renferme le médicament et d'un enrobage gastro-résistant qui est appliqué directement sur le noyau sans qu'un sous-enrobage ne soit inséré entre le noyau et l'enrobage gastro-résistant. Apotex affirmait que ses comprimés ne contreferaient pas les brevets en raison de l'absence de sous-enrobage entre le noyau et l'enrobage gastro-résistant.

[6]                 En réponse à l'avis d'allégation, les demanderesses ont introduit la présente instance.


[7]                 Par avis de requête datée du 6 octobre 2000, Apotex a présenté une requête visant à obtenir le rejet de l'instance au motif qu'elle est frivole et vexatoire et qu'elle constitue un abus de procédure. Toujours par leur avis de requête du 6 octobre 2000, les demanderesses ont présenté une requête en vue d'obtenir la production d'extraits de la présentation de drogue nouvelle d'Apotex.

[8]                 Suivant Apotex, les demanderesses cherchaient à faire instruire leur requête avant l'audition de la requête en rejet de l'instance d'Apotex. En ce qui concerne la requête des demanderesses, le protonotaire a, aux termes de l'ordonnance qu'il a rendue le 16 octobre 2000, ordonné que les dates-limites prévues dans l'ordonnance pour l'accomplissement des diverses démarches soient prorogées à une date devant être fixée lors de l'audience du 10 novembre 2000. Le protonotaire a par ailleurs ajourné sine die la requête des demanderesses dont il a reporté l'audition au 10 novembre 2000.

[9]                 Aux termes de l'ordonnance qu'il a rendue le 17 octobre 2000, le protonotaire a ajourné la requête présentée par Apotex en vue d'obtenir le rejet de la demande des demanderesses et a mis cette requête au rôle pour audition le 10 novembre 2000.

[10]            Le 10 novembre 2000, les demanderesses ont présenté une requête en vue d'obtenir une ordonnance enjoignant aux personnes qui avaient souscrit des affidavits pour le compte d'Apotex de se présenter de nouveau devant le tribunal en vue d'être contre-interrogées de nouveau au sujet des questions auxquelles elles avaient refusé de répondre.


DÉCISIONS DU PROTONOTAIRE

[11]            Par ordonnance datée du 29 novembre 2000, le protonotaire a rejeté la requête présentée par les demanderesses en vue de forcer les auteurs des affidavits d'Apotex à comparaître de nouveau. Le protonotaire a fait remarquer que les questions auxquelles M. Sherman refusait de répondre portaient sur son affirmation que, lorsque les avis d'allégation précédents avaient été retirés, il avait de la difficulté avec la formulation.

[12]            Le protonotaire a conclu que les réponses à ces questions ne seraient pas pertinentes parce que les motifs du retrait des avis d'allégation n'étaient pas pertinents, étant donné que la Cour n'avait jamais statué sur le fond et que le principe de l'autorité de la chose jugée ne pouvait s'appliquer.

[13]            Quant aux questions posées à M. Sefton, le protonotaire a souligné qu'elles étaient pertinentes en ce qui avait trait à l'interprétation de certains mots que l'on trouvait dans les brevets, tels que « enrobage » , « couvrir » et « disposer » . Comme il n'était à son avis pas nécessaire de se prononcer sur le sens de ces mots pour pouvoir trancher la requête en radiation à l'appui de laquelle l'affidavit en question avait été déposé, le protonotaire a estimé que les réponses aux questions n'étaient pas pertinentes et il a refusé d'ordonner une nouvelle comparution.


[14]            Pour ce qui est de la requête présentée par Apotex en vue de faire rejeter la demande, le protonotaire a examiné les motifs invoqués par les demanderesses pour affirmer qu'Apotex devait être déboutée de sa requête.

[15]            En ce qui concerne l'allégation des demanderesses suivant laquelle le médicament n'était pas identifié dans la lettre contenant l'avis d'allégations, le protonotaire a souligné que les brevets mentionnaient les deux drogues et le sel de magnésium. Le protonotaire a également fait remarquer que les tribunaux avaient souligné qu'il n'est pas nécessaire de préciser quelle drogue est visée par les allégations et que même le Règlement ne l'exige pas. Le protonotaire a fait remarquer que la raison avancée par Apotex, en l'occurrence l'existence de deux étapes plutôt que de trois, valait pour les deux drogues mentionnées dans les brevets.

[16]            Pour ce qui est de l'allégation que la question a déjà été jugée, le protonotaire a conclu qu'il n'y avait pas chose jugée, étant donné que l'instance avait été introduite il y a quelques années mais qu'elle avait fait l'objet d'un désistement de consentement sans que l'affaire ait été jugée sur le fond. Il ajoute qu'aucune condition n'avait alors été imposée.


[17]            Les demanderesses maintiennent que les allégations d'Apotex sont inexactes parce que la réaction de l'enrobage extérieur gastro-résistant aux substances contenues dans le noyau se traduit par la présence d'un troisième enrobage intermédiaire. Le protonotaire a conclu que les allégations elles-mêmes constituaient l'essentiel de la question à trancher et que toute inexactitude rendrait son auteur passible de sanctions si les allégations étaient fausses. Suivant ce scénario, la décision à rendre dépendrait également de l'interprétation du brevet, une question que le protonotaire a traitée plus loin.

[18]            Le protonotaire n'a pas retenu l'argument des demanderesses suivant lequel toute décision sur la requête devait être reportée jusqu'à ce qu'elles soient mises au courant du contenu de la présentation de drogue nouvelle, étant donné que les allégations relatives à la drogue nouvelle d'Apotex constituaient le facteur déterminant.

[19]            Le protonotaire a conclu qu'il était tout à fait évident que la procédure à deux étapes ne pouvait constituer une contrefaçon de la procédure à trois étapes, étant donné qu'elle ne donnerait pas lieu à l'application d'un enrobage central avant l'ajout de l'enrobage extérieur.

[20]            Le protonotaire a fait droit à la requête présentée par Apotex en vue de faire rejeter la demande des demanderesses au motif qu'elle était frivole et vexatoire et qu'elle constituait un abus de procédure.


QUESTIONS EN LITIGE

1. Est-il hors de tout doute que les demanderesses n'ont pas la moindre chance d'obtenir gain de cause sur la question de savoir si l'avis d'allégation est conforme au Règlement au motif que :

a)        La drogue doit être identifiée dans l'avis d'allégation ;

b)        L'avis d'allégation constitue un abus de procédure.

2. Est-il hors de tout doute que les demanderesses n'ont pas la moindre chance d'obtenir gain de cause au sujet de l'une ou l'autre des questions suivantes portant sur le bien-fondé de l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex :

a)        L'allégation est-elle justifiée selon les moyens de droit et de fait précis qui sont articulés dans l'avis d'allégation ;

b)        Le fait que les demanderesses ont déjà présenté une requête en divulgation empêche-t-il la présentation d'une requête en rejet sommaire ;

c)        En ce qui concerne l'interprétation des brevets :

(i)          Apotex a-t-elle exposé en détail son interprétation des brevets dans l'avis d'allégation ;

(ii)       Dans l'affirmative, la question de l'interprétation devrait-elle être laissée aux soins du juge du fond ;

(iii)      Dans la négative, l'examen de la question de l'interprétation nécessite-t-elle l'audition de témoins experts ;

(iv)      Dans l'affirmative, quelle est la bonne interprétation à retenir ;

(v)       Si les revendications interprétées portent sur des compositions qui dépendent d'un procédé de fabrication, la présomption de contrefaçon s'applique-t-elle ?


ANALYSE

Norme de contrôle

[21]            La norme de contrôle applicable dans le cas des ordonnances rendues par le protonotaire a été énoncée dans les termes suivants par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.F.) :

Je souscris aussi en partie à l'avis du juge en chef au sujet de la norme de révision à appliquer par le juge des requêtes à l'égard des décisions discrétionnaires de protonotaire. Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans v. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.) à la page 484, et par le juge Lacourcière, J.C.A., dans Stoicevski v. Casement (1983), 43 O.R. (2d) 436 (C. div.), le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

a) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

[...]

Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.

Régime réglementaire

[22]            Suivant l'article 5 du Règlement, le fabricant de médicaments génériques (la seconde personne) qui souhaite comparer son produit pharmaceutique à celui d'un breveté (la première personne) doit lui signifier un avis d'allégation dans lequel il affirme que le brevet est expiré ou qu'il n'est pas valide ou qu'il ne sera pas contrefait par la seconde personne. L'article 5 du Règlement dispose :


5. (1) Lorsqu'une personne dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue et la compare, ou fait référence, à une autre drogue pour en démontrer la bioéquivalence d'après les caractéristiques pharmaceutiques et, le cas échéant, les caractéristiques en matière de biodisponibilité, cette autre drogue ayant été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise, elle doit inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre qui se rapporte à cette autre drogue :

a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne sera pas délivré avant l'expiration du brevet ;

b) soit une allégation portant que, selon le cas :

(i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)c) est fausse,

(ii) le brevet est expiré,

(iii) le brevet n'est pas valide,

(iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.

(1.1) Sous réserve du paragraphe (1.2), lorsque le paragraphe (1) ne s'applique pas, la personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament que l'on trouve dans une autre drogue qui a été commercialisée au Canada par suite de la délivrance d'un avis de conformité à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise doit inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre visant cette autre drogue contenant ce médicament, lorsque celle-ci présente la même voie d'administration et une forme posologique et une concentration comparables :

a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne soit pas délivré avant l'expiration du brevet ;

b) soit une allégation portant que, selon le cas :

(i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)c) est fausse,

(ii) le brevet est expiré,

(ii) le brevet n'est pas valide,

(iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.

[...]


(3) Lorsqu'une personne fait une allégation visée aux alinéas (1)b) ou (1.1)b) ou au paragraphe (2), elle doit :

a) fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde ;

b) si l'allégation est faite aux termes de l'un des sous-alinéas (1)b)(i) à (iii) ou (1.1)b)(i) à (iii), signifier un avis de l'allégation à la première personne ;

c) si l'allégation est faite aux termes des sous-alinéas (1)b)(iv) ou (1.1)b)(iv) :

(i) signifier à la première personne un avis de l'allégation relative à la demande déposée selon les paragraphes (1) ou (1.1), au moment où elle dépose la demande ou par la suite,

(ii) insérer dans l'avis d'allégation une description de la forme posologique, de la concentration et de la voie d'administration de la drogue visée par la demande ;

d) signifier au ministre une preuve de la signification effectuée conformément aux alinéas b) ou c).

[23]            L'article 6 du Règlement prévoit qu'en réponse à l'avis d'allégation, la première personne peut introduire une instance pour faire interdire la délivrance d'un avis de conformité à la seconde personne. L'article 6 du Règlement est ainsi libellé :

6. (1) La première personne peut, dans les 45 jours après avoir reçu signification d'un avis d'allégation aux termes des alinéas 5(3)b) ou c), demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration du brevet visé par l'allégation.

(2) Le tribunal rend une ordonnance en vertu du paragraphe (1) à l'égard du brevet visé par une ou plusieurs allégations si elle conclut qu'aucune des allégations n'est fondée.

(3) La première personne signifie au ministre, dans la période de 45 jours visée au paragraphe (1), la preuve que la demande visée à ce paragraphe a été faite.

(4) Lorsque la première personne n'est pas le propriétaire de chaque brevet visé dans la demande mentionnée au paragraphe (1), le propriétaire de chaque brevet est une partie à la demande.

(5) Lors de l'instance relative à la demande visée au paragraphe (1), le tribunal peut, sur requête de la seconde personne, rejeter la demande si, selon le cas :

a) il estime que les brevets en cause ne sont pas admissibles à l'inscription au registre ou ne sont pas pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue pour laquelle la seconde personne a déposé une demande d'avis de conformité ;

b) il conclut qu'elle est inutile, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou constitue autrement un abus de procédure.


(6) Aux fins de la demande visée au paragraphe (1), lorsque la seconde personne a fait une allégation aux termes des sous-alinéas 5(1)b)(iv) ou (1.1)b)(iv) à l'égard d'un brevet et que ce brevet a été accordé pour le médicament en soi préparé ou produit selon les modes ou procédés de fabrication décrits en détail et revendiqués ou selon leurs équivalents chimiques manifestes, la drogue que la seconde personne projette de produire est, en l'absence d'une preuve contraire, réputée préparée ou produite selon ces modes ou procédés.

(7) Sur requête de la première personne, le tribunal peut, au cours de l'instance :

a) ordonner à la seconde personne de produire les extraits pertinents de la demande d'avis de conformité qu'elle a déposée et lui enjoindre de produire sans délai tout changement apporté à ces extraits au cours de l'instance ;

b) enjoindre au ministre de vérifier que les extraits produits correspondent fidèlement aux renseignements figurant dans la demande d'avis de conformité.

(8) Tout document produit aux termes du paragraphe (7) est considéré comme confidentiel.

(9) Le tribunal peut, au cours de l'instance relative à la demande visée au paragraphe (1), rendre toute ordonnance relative aux dépens, notamment sur une base avocat-client, conformément à ses règles.

(10) Lorsque le tribunal rend une ordonnance relative aux dépens, il peut tenir compte notamment des facteurs suivants :

a) la diligence des parties à poursuivre la demande ;

b) l'inscription, sur la liste de brevets qui fait l'objet d'une attestation, de tout brevet qui n'aurait pas dû y être inclus aux termes de l'article 4 ;

c) le fait que la première personne n'a pas tenu à jour la liste de brevets conformément au paragraphe 4(6).

                                                         

[24]            L'instance en interdiction prévue à l'article 6 du Règlement est considérée comme une mesure draconienne. Dans l'arrêt Apotex Inc c. Bristol-Myers Squibb Canada Inc., [2001] F.C.J. No. 16 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale déclare en effet :

Dès que le titulaire d'un brevet présente une demande d'interdiction conformément au Règlement, le pouvoir du ministre de délivrer l'avis de conformité pour la drogue nouvelle est automatiquement suspendu en attendant l'issue de l'instance en interdiction. Cette suspension automatique reste en vigueur pendant une période maximale de vingt-quatre (24) mois, sauf si ce délai est prorogé conformément au paragraphe 7(5) du Règlement. Cette suspension automatique a été qualifiée de mesure draconienne puisqu'elle permet au titulaire d'un brevet de retarder l'entrée sur le marché de compétiteurs sans avoir à établir une preuve prima facie de contrefaçon de son brevet : Apotex c. Merck Frosst Canada Inc., [1998] 2 R.C.S. 193, (1998) 80 C.P.R. (3d) 368.


[25]            Le paragraphe 6(5) du Règlement permet à la seconde personne de présenter une requête en rejet de la demande introduite en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement. Le tribunal peut rejeter la demande s'il est convaincu que les brevets en cause ne sont pas admissibles à l'inscription au registre ou ne sont pas pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue pour laquelle la seconde personne a déposé une demande d'avis de conformité ou s'il conclut que la demande est inutile, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou constitue autrement un abus de procédure.

Charge de la preuve et norme applicable dans le cas d'une requête présentée en vertu de l'alinéa 6(5)b) du Règlement

[26]            Dans le jugement Bayer Inc. c. Apotex Inc, (1998) 85 C.P.R. (3d) 334 (C.F. 1re inst.), le juge Joyal a statué ce qui suit :

Vu les éléments de preuve et les arguments présentés par les parties, la Cour ne doit pas oublier que la présente instance est plus épineuse qu'un différend qui porterait par exemple sur la question de savoir si la réponse de Bayer à l'avis d'allégation est suffisante ou non. La demande vise à obtenir une ordonnance rejetant la demande d'interdiction de Bayer au motif qu'elle est inutile, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou qu'elle constitue autrement un abus de procédure, le tout ainsi qu'il est maintenant expressément prévu à l'alinéa 6(5)b) du Règlement.

À cet égard, Bayer affirme que, pour obtenir gain de cause, Apotex doit établir que les six moyens qu'elle invoque au soutien de sa demande d'interdiction respectent les conditions imposées ci-dessus.

En premier lieu, Bayer invoque cette disposition particulière du Règlement. Le principe en cause n'a rien de nouveau. Cette disposition confère simplement à la Cour la compétence pour examiner une requête en radiation alors qu'auparavant, la Cour devait se fonder sur l'ancien article 419 ou sur l'ancien article 5 (l'article des lacunes) des Règles de la Cour fédérale. L'affaire Pharmacia Inc. c. Canada, (1994), 58 C.P.R. (3d) 209 (C.A.F.) en est un exemple. À la page 217, la Cour d'appel fait observer que la Cour a compétence pour rejeter sommairement un avis de requête qui est manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli. La Cour a précisé que « [c]es cas doivent demeurer très exceptionnels et ne peuvent inclure des situations comme celle dont nous sommes saisis, où la seule question en litige porte simplement sur la pertinence des allégations de l'avis de requête » .


En résumé, fait remarquer Bayer, comme la règle est à ce point restrictive, on ne devrait l'appliquer que dans les cas les plus évidents. Ainsi qu'il a été déclaré dans l'arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, à la page 980 :

Ainsi, au Canada, le critère régissant l'application de dispositions comme la règle 19(24)a) des Rules of Court de la Colombie-Britannique est le même que celui régissant une requête présentée en vertu de la règle 19 de l'ordonnance 18 des R.S.C. : dans l'hypothèse où les faits mentionnés dans la déclaration peuvent être prouvés, est-il « évident et manifeste » que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d'action raisonnable ? Comme en Angleterre, s'il y a une chance que le demandeur ait gain de cause, alors il ne devrait pas être « privé d'un jugement » . La longueur et la complexité des questions, la nouveauté de la cause d'action ou la possibilité que les défendeurs présentent une défense solide ne devraient pas empêcher le demandeur d'intenter son action. Ce n'est que si l'action est vouée à l'échec parce qu'elle contient un vice fondamental qui se range parmi les autres énumérés à la règle 19(24) des Rules of Court de la Colombie-Britannique que les parties pertinentes de la déclaration du demandeur devraient être radiées en application de la règle 19(24)a).

Finalement, dans le jugement Succession Creaghan c. La Reine, [1972] C.F. 732 (C.F. 1re inst.), le juge Pratte (devenu par la suite juge à la Cour d'appel) déclare :

Enfin, une déclaration ne doit pas, à mon avis, être radiée pour le motif qu'elle est vexatoire ou futile, ou qu'elle constitue un emploi abusif des procédures de la Cour, pour la seule raison que, de l'avis du juge qui préside l'audience, l'action du demandeur devrait être rejetée. Je suis d'avis que le juge qui préside ne doit pas rendre une pareille ordonnance à moins qu'il ne soit évident que l'action du demandeur est tellement futile qu'elle n'a pas la moindre chance de réussir, quel que soit le juge devant lequel l'affaire sera plaidée au fond. C'est uniquement dans ce cas qu'il y a lieu d'enlever au demandeur l'occasion de plaider.

Tout d'abord, je conclus que le fardeau qui incombe à Apotex de convaincre la Cour que Bayer devrait être déboutée de sa demande est assez lourd. La jurisprudence citée par Bayer au sujet de l'application de l'alinéa 6(5)b) du Règlement modifié reflète assez fidèlement les circonstances rigides dans lesquelles il peut être utilisé.


À cet égard, je constate qu'Apotex avait déclaré dans les termes les plus nets à Bayer, dans son avis d'allégation, que le médicament qu'elle se proposait de fabriquer ne serait pas un dispositif contrôlé par pression osmotique, mais qu'il aurait néanmoins les fonctions et les caractéristiques utiles de l'Adalat Xl décrites dans le brevet 950. Dans le contexte du Règlement en cause, cette assertion est-elle suffisante pour déplacer le fardeau de la preuve de la défenderesse à la demanderesse ? Ainsi que Mme le juge Reed l'a fait remarquer dans le jugement Hoffmann-LaRoche Ltd. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1996), 67 C.P.R. (3d) 484, il n'est pas facile de résoudre les contradictions qui existent entre une loi axée sur la sécurité publique comme la Loi sur les aliments et drogues et une loi axée sur le droit de propriété comme la Loi sur les brevets. Le juge Reed a toutefois rationalisé de la façon suivante l'obstacle judiciaire qui a été surmonté depuis l'entrée en vigueur du Règlement : (1) c'est à la partie qui répond à un avis d'allégation qu'il incombe de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'une ou plusieurs des allégations de l'avis d'allégation ne sont pas justifiées ; (2) la Cour n'est pas compétente, en cours d'instance, pour exiger la production d'éléments de preuve et il n'y a ni interrogatoire préalable ni communication préalables de documents ; (3) la Cour ne peut exiger que des échantillons du médicament qu'on projette de commercialiser soient fournis à la partie demanderesse ; (4) la Cour n'a pas compétence pour ordonner le dépôt et la signification d'un énoncé détaillé ou d'un nouvel énoncé plus complet ; (5) il est de jurisprudence constante que les faits allégués dans un avis d'allégation doivent être tenus pour avérés tant qu'ils ne sont pas réfutés.

À la page 503 de la décision, le juge Reed déclare :

Les présentes instances ne sont pas des actions en contrefaçon ni des actions visant à obtenir un jugement déclaratoire portant qu'il n'y a pas de contrefaçon. Eu égard à la nature sommaire des instances [...] si les faits allégués par une partie intimée établissent le bien-fondé d'une allégation de non-contrefaçon, en ce qui a trait au texte de la revendication pertinente, alors l'allégation est fondée. Il s'agit d'un recours sommaire qui n'est pas destiné à remplacer une action entre les parties.

Statuant sur l'appel interjeté devant la Cour d'appel fédérale du jugement prononcé par le juge Reed (Hoffmann-LaRoche Ltd. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1997), 70 C.P.R. (3d) 206, le juge Stone complète la doctrine en déclarant ce qui suit, à la page 213 :

Le premier point important soulevé par les appelantes concerne l'omission alléguée de l'intimée de divulguer suffisamment de faits pour justifier son allégation de non-contrefaçon. Selon les appelantes, la conclusion selon laquelle les faits divulgués sont suffisants ne peut être bien fondée, parce que la seule façon raisonnable qui leur permettrait de savoir si le produit de l'intimée constituerait une contrefaçon du brevet en litige et, subséquemment, de décider de l'opportunité d'engager des procédures fondées sur l'article 6 serait la divulgation complète de la composition du produit de l'intimée et, par la suite, la comparaison de cette composition à la leur.

Comme l'indique clairement le paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets, modifié par la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, L.C. 1993, ch. 2, le Règlement vise à « empêcher la contrefaçon de brevet d'invention par l'utilisateur, le fabricant, le constructeur ou le vendeur d'une invention brevetée » . Les procédures fondées sur l'article 6 ne constituent pas une action en contrefaçon (Merck Frosst, précité, à la page 319 ; Nu-Pharm, précité, à la page 218). Selon le Règlement, l'intimée devrait se conformer de bonne foi aux exigences des paragraphes 5(1) et (3). Dans le cas de l'alinéa 5(3)a), cette obligation signifiait que l'intimée devait fournir un énoncé détaillé du « droit et des faits sur lesquels elle se fonde » (non souligné dans l'original). Comme la présente Cour l'a fait observer dans les arrêts Merck Frosst et Bayer AG, précités, les règles de procédure applicables de la partie V.1 n'exigent pas qu'une allégation fondée sur l'alinéa 5(1)b) soit justifiée au moyen d'un affidavit ou que cette assertion soit vérifiée en contre-interrogatoire. Néanmoins, je suis convaincu que cette allégation doit être exacte. Une fois que le produit d'une deuxième personne atteint le marché, la première personne est en mesure de vérifier l'exactitude de l'énoncé détaillé ; si celui-ci devait s'avérer inexact, les conséquences pourraient effectivement être très graves pour la deuxième personne.


Les propos du juge Stone me ramènent à la principale question litigieuse soumise à la Cour. Pris globalement, les principes que l'on trouve dans la loi, la doctrine et la jurisprudence imposent à une partie un fardeau de la preuve très lourd lorsqu'il s'agit de convaincre la Cour qu'une ordonnance de rejet est justifiée.

[27]            Dans le jugement AB Hassle c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [2000] F.C.J. No. 1428 (C.F. 1re inst.), le juge McKeown déclare ce qui suit :

Selon l'alinéa 6(5)b) du Règlement, la charge de la preuve et les critères à respecter sont très exigeants pour une requête en rejet de la demande. Dans l'examen d'une telle requête, tout élément de doute doit être laissé à la décision du juge de première instance. Une procédure ne doit pas être rejetée sommairement à moins qu'il ne soit hors de tout doute ou flagrant que la demande est si manifestement futile qu'elle n'a pas la moindre chance d'être accueillie. La Cour d'appel fédérale dans l'affaire Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-Être social) (1995), 58 C.P.R. (3d) 209 (C.A.F.), sur une requête en radiation d'un avis de requête introductive d'instance conformément à l'ancienne règle 419, a confirmé que la Cour ne peut rejeter une procédure de contrôle judiciaire que dans des cas exceptionnels. On peut lire à la page 217 :

Pour ces motifs, nous sommes convaincus que le juge de première instance a eu raison de refuser de prononcer une ordonnance de radiation sous le régime de la Règle 419 ou de la règle des lacunes, comme il l'aurait fait dans le cadre d'une action. Nous n'affirmons pas que la Cour n'a aucune compétence, soit de façon inhérente, soit par analogie avec d'autres règles en vertu de la Règle 5, pour rejeter sommairement un avis de requête qui est manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli... Ces cas doivent demeurer très exceptionnels et ne peuvent inclure des situations comme celle dont nous sommes saisis, où la seule question en litige porte simplement sur la pertinence des allégations de l'avis de requête.

Dans ma décision concernant le rejet d'une procédure au titre de l'alinéa 6(5)b) du Règlement, je dois prendre en compte les considérations suivantes. En premier lieu, la question que soulève la requête n'est pas de trancher le fond de l'instance, mais de décider si la procédure est frivole, vexatoire ou constitue un abus de procédure. Je dois éviter de transformer une requête fondée sur l'alinéa 6(5)b) en une requête pour l'obtention d'un jugement ou pour trancher un point de droit, tous les faits établis devant moi n'étant pas en concordance. Dans l'examen des requêtes fondées sur l'alinéa 6(5)b), les tribunaux ont de manière constante refusé de trancher des questions de droit ou de fait lorsque le droit n'est pas bien établi, indiquant par là que la décision de ces questions litigieuses appartient au juge de l'instance qui instruit l'affaire au fond. Par exemple, dans Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc., (2000), 1 C.P.R. (4th) 358 (C.F. 1re inst.), le juge Lemieux a déclaré aux pages 369 et 370 :


Dans le contexte des questions d'interprétation légale, Madame le juge Reed, dans la décision R. c. Amway, [1986] 2 C.F. 312, à la page 326, a dit que lorsqu'il faut trancher une question, cette question, puisqu'elle n'est pas évidente et manifeste, doit être débattue à l'audience plutôt que d'être tranchée par le juge des requêtes au cours d'une procédure préliminaire.

[...]

À mon avis, toutes ces questions d'interprétation légale soulèvent de véritables questions qui doivent être tranchées au fond et non dans le cadre d'une requête en radiation.

En deuxième lieu, je dois également me demander si Apotex ne se trouverait pas ainsi à bénéficier d'un « aperçu furtif » des détails de l'argumentation au fond des demanderesses. Cette situation est particulièrement préjudiciable aux demanderesses étant donné qu'Apotex n'a pas encore produit sa preuve sur le fond. Enfin, je dois être persuadé que la requête des demanderesses ne peut être accueillie. Il s'agit essentiellement du même critère que celui qui s'applique à la requête en radiation d'une déclaration.

Il me faut aussi prendre en compte le fait qu'il appartient à la Cour d'exercer son pouvoir discrétionnaire pour trancher la requête fondée sur l'alinéa 6(5)b).

[28]            Il ressort de la jurisprudence qui précède qu' « une procédure ne doit pas être rejetée sommairement à moins qu'il ne soit hors de tout doute ou flagrant que la demande est si manifestement futile qu'elle n'a pas la moindre chance d'être accueillie » (voir le jugement AB Hassle c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), précité.)


[29]            Pour ce qui est du fardeau de la preuve, il semble que ce soit à la partie demanderesse qu'il incombe de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'une ou plusieurs des allégations de l'avis d'allégation ne sont pas justifiées. Si les faits allégués par la partie défenderesse établissent le bien-fondé d'une allégation de non-contrefaçon, en ce qui a trait au libellé de la revendication pertinente, alors l'allégation est fondée (voir les jugements Bayer Inc. c. Apotex Inc., précité et Hoffmann-LaRoche Ltd. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1996), 67 C.P.R. (3d) 484).

1. Est-il hors de tout doute que les demanderesses n'ont pas la moindre chance d'obtenir gain de cause sur la question de savoir si l'avis d'allégation est conforme au Règlement au motif que :

a)        La drogue doit être identifiée dans l'avis d'allégation

[30]            Les demanderesses font valoir que, comme la drogue ou l'ingrédient actif dont Apotex cherche à obtenir l'homologation ne sont pas identifiés dans l'avis d'allégation, l'avis d'allégation n'est pas conforme au Règlement.

[31]            Apotex soutient que l'avis d'allégation doit comprendre une description de la forme posologique, de la concentration et de la voie d'administration de la drogue visée par la demande et elle fait remarquer que ce sont là les seules conditions à remplir.

[32]            Le protonotaire a conclu que le Règlement n'obligeait pas Apotex à préciser la drogue visée par l'allégation.      

[33]            Dans le jugement Merck & Co. c. Canada (Procureur général), (1999) 176 F.T.R. 21 (C.F. 1re inst.), confirmé par la Cour d'appel fédérale à (2000), 254 N. R. 68 (C.A.F.), le juge McGillis explique les principes d'interprétation législative applicables :


Afin de déterminer la juste interprétation du paragraphe 5(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), il convient d'appliquer les principes d'interprétation législative énoncés dans l'arrêt de principe Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27. Dans cet arrêt, le juge Iacobucci, au nom de la Cour, décrit le cadre d'interprétation des lois, aux pages 40 et 41 :

Une question d'interprétation législative est au centre du présent litige. Selon les conclusions de la Cour d'appel, le sens ordinaire des mots utilisés dans les dispositions en cause paraît limiter l'obligation de verser une indemnité de licenciement et une indemnité de cessation d'emploi aux employeurs qui ont effectivement licencié leurs employés. À première vue, la faillite ne semble pas cadrer très bien avec cette interprétation. Toutefois, en toute déférence, je crois que cette analyse est incomplète.

Bien que l'interprétation législative ait fait couler beaucoup d'encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997) ; Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci-après "Construction of Statutes") ; Pierre-André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1991)), Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l'interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit :

[Traduction] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

Parmi les arrêts récents qui ont cité le passage ci-dessus en l'approuvant, mentionnons : R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213; Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411; Verdun c. Banque Toronto-Dominion, [1996] 3 R.C.S. 550; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103.

Je m'appuie également sur l'art. 10 de la Loi d'interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, qui prévoit que les lois « sont réputées apporter une solution de droit » et doivent « s'interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de leur objet selon leurs sens, intention et esprit véritables » .

Bien que la Cour d'appel ait examiné le sens ordinaire des dispositions en question dans le présent pourvoi, en toute déférence, je crois que la cour n'a pas accordé suffisamment d'attention à l'économie de la LNE, à son objet ni à l'intention du législateur; le contexte des mots en cause n'a pas non plus été pris en compte adéquatement. Je passe maintenant à l'analyse de ces questions.


La méthode d'interprétation législative fondée sur l'objet visé, qui est retenue dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), précité, a été appliqué par la Cour suprême du Canada dans de nombreuses affaires. Voir, par exemple, Chartier c. Chartier, [1999] 1 R.C.S. 242, à la page 252; R. c. Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688, à la page 704; Novak c. Bond, [1999] 1 R.C.S. 808, à la page 839; M & D Farm Ltd. c. Société du crédit agricole du Manitoba (1999), 176 D.L.R. (4th) 585, aux pages 597 et 598 (C.S.C.); Baker c. Canada (Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 174 D.L.R. (4th) 193, à la page 230 (C.S.C.); Best c. Best (1999), 174 D.L.R. (4th) 235, à la page 291 (C.S.C.); Winters c. Legal Services Society (1999), 177 D.L.R. (4th) 94, aux pages 112 et 113 (C.S.C.); et Francis c. Baker (1999), 177 D.L.R. (4th) 1, à la page 14 (C.S.C.).

En appliquant les principes énoncés dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), précité, dans plusieurs des affaires qu'elle a récemment entendues, la Cour suprême du Canada a fourni d'autres directives concernant la méthode d'interprétation législative applicable. En ce qui concerne les éléments de preuve à examiner pour déterminer l'objet d'un texte de loi, les juges Cory et Iacobucci, s'exprimant au nom de la Cour, dans R. c. Gladue, précité, une affaire concernant l'interprétation de la disposition relative à la détermination de la peine contenue à l'alinéa 718.2e) du Code criminel, ont souligné, à la page 704, que « [l]'objet de la loi et l'intention du législateur, en particulier, doivent être définis sur le fondement de sources intrinsèques et de sources extrinsèques admissibles touchant l'historique législatif de la loi et le contexte de son adoption [...] » . Dans Francis c. Baker, précité, une affaire concernant l'interprétation des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants, le juge Bastarache, au nom de la Cour, a souligné à la page 14 que « [l]es principes applicables d'interprétation des lois exigent [...] que tous les éléments de preuve relatifs à l'intention du législateur soient pris en considération, à condition qu'ils soient pertinents et fiables » . Enfin, en ce qui a trait à la méthode générale à suivre, les juges Cory et Iacobucci ont souligné dans R. c. Gladue, précité, à la page 704, l'importance de l'article 12 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, dans l'interprétation de la législation fédérale. L'article 12 de la Loi d'interprétation dispose :


12. Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

12. Every enactment is deemed remedial, and shall be given such fair, large and liberal construction and interpretation as best ensures the attainment of its objects.


Pour déterminer l'interprétation correcte du paragraphe 5(1), je dois donc appliquer les principes d'interprétation énoncés dans l'arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), précité, et trouver l'interprétation qui assure le mieux la réalisation de l'objet du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). [Voir la méthode appliquée dans Novak c. Bond, précité, à la page 839].

[34]            Je souscris à l'interprétation du protonotaire suivant laquelle le Règlement n'exige pas que la drogue ou l'ingrédient actif soient identifiés dans l'avis d'allégation.


[35]            Qui plus est, comme Apotex l'a souligné, l'identité de l'ingrédient actif et la question de savoir s'il s'agit d'Oméprazole ou de sels d'Oméprazole ne saurait avoir d'incidence sur la présente demande. En conséquence, l'allégation de non-contrefaçon et les raisons pour lesquelles le produit d'Apotex ne contreferait pas les brevets valent tant pour l'Oméprazole que pour les sels d'Oméprazole.

[36]            Ainsi que le juge Sharlow l'a fait remarquer dans le jugement Hoffmann-LaRoche c. Canada, (1999), 87 C.P.R. (3d) 251 (C.F. 1re inst.) :

Il s'ensuit que lorsqu'une partie se propose de fabriquer un médicament qui ne contient aucun de ces acides et qu'elle dépose un avis d'allégation dans lequel elle l'affirme, le breveté ne saurait obtenir gain de cause dans une demande visant à faire interdire la délivrance d'un avis de conformité au motif que l'avis d'allégation n'est pas suffisamment détaillé ou que l'allégation de non-contrefaçon n'est pas justifiée. En l'espèce, Hoffmann fait valoir trois autres moyens, que je vais maintenant examiner.

b)        L'avis d'allégation constitue un abus de procédure

[37]            Les demanderesses soutiennent que l'avis d'allégation constitue un abus de procédure étant donné qu'Apotex a formulé les mêmes allégations au sujet des brevets et des comprimés d'oméprazole et de magnésium d'oméprazole dans les dossiers 179-98 et 180-98.


[38]            Apotex allègue qu'il n'y a pas d'abus de procédure, étant donné que le seul élément de preuve qui a été versé au dossier est celui suivant lequel les allégations ont été retirées uniquement en raison des difficultés rencontrées par Apotex. En raison de ces difficultés, l'avocat d'Apotex et l'avocat des demanderesses ont conclu une entente aux termes de laquelle les avis d'allégation ont été retirés. Cette entente a par la suite été incorporée dans une ordonnance de la Cour datée du 18 mai 1999. Au moment où cette entente a été conclue, les demanderesses n'ont pas exigé -- et n'ont de toute évidence pas subordonné le prononcé de l'ordonnance à cette condition -- qu'il soit interdit à Apotex de signifier par la suite un avis d'allégation fondé sur tout moyen qu'Apotex pourrait choisir de faire valoir après avoir résolu les difficultés qu'elle avait rencontrées au sujet de ses premières allégations.

[39]            Le protonotaire a fait remarquer qu'aucune condition n'avait été imposée lorsque l'instance avait fait l'objet d'un désistement de consentement et il a estimé que la question n'était pas chose jugée et qu'il n'y avait pas eu d'abus de procédure, étant donné que les questions en litige n'avaient jamais été instruites sur le fond.

[40]            Dans le jugement Lifeview Emergency Services Ltd. c. Alberta Ambulance Operators' Assn., (1995), 64 C.P.R. (3d) 157 (C.F. 1re inst.), le juge Rothstein a déclaré :

En ce qui a trait à la question de la chose jugée à l'égard du rejet de l'action pour défaut de poursuite, l'état du droit en Alberta a récemment été examiné à fond par le protonotaire Funduk dans une décision rendue le 27 juillet 1995 dans l'affaire Sinclair Timber Industries Ltd. v. The Metis Association Regional Council et al., numéro du greffe 9303 13799. Même si le protonotaire Funduk ne traitait pas d'une ordonnance de rejet sous le régime de la Règle 244.1(1), je ne vois pas pourquoi les principes applicables aux ordonnances de rejet pour défaut de poursuite seraient différents selon que certaines sont rendues de façon discrétionnaire et d'autres sans aucun pouvoir discrétionnaire.

Le protonotaire Funduk a conclu qu'une deuxième action ne constitue pas un abus de procédure si une poursuite antérieure pour la même cause d'action est rejetée pour défaut de poursuite et que le principe de la chose jugée ne s'applique pas. Je cite ses motifs, à la p. 4 :

[TRADUCTION] Les décisions Birkett v. James, [1978] A.C. 297 (H.L.) et Department of Transport v. Chris Smaller (Transport) Ltd., [1989] 2 WLR 578 (H.L.) disent que si une première action est rejetée pour défaut de poursuite, le demandeur peut poursuivre à nouveau. Le rejet de première action pour défaut de poursuite ne constitue pas un empêchement à l'engagement d'une deuxième action. Le principe de la chose jugée ne s'applique pas.


Les décisions Birkett et Department of Transport ont été acceptées dans l'arrêt AGT v. Arrow Excavators and Trenchers, 69 Alta L.R. (2d) 332 (C.A.). Dans cette affaire, il y avait eu un retard excessif et injustifiable, et la partie défenderesse risquait d'en subir un important préjudice. Sans plus, l'action aurait dû être rejetée. Ce n'est pas parce que la cour a dit que le demandeur pouvait intenter une nouvelle action. Le résultat aurait été différent si le demandeur n'avait pu intenter une nouvelle action.

La décision Birkett analyse la question de savoir si le fait d'intenter une nouvelle action parce que la première action est rejetée pour défaut de poursuite constitue un abus de procédure. Elle répond par la négative. La décision Department of Transport a refusé de se démarquer de quelque façon de la décision Birkett, et la deuxième décision a été suivie par AGT.

Il est inutile que la défenderesse me demande de me démarquer de la décision AGT.

Ce moyen n'est pas fondé.

Bon nombre de décisions portent que l'on ne peut invoquer le principe de la chose jugée lorsqu'il n'y a pas eu de jugement sur le fond dans la première action. Voir par exemple la décision Merritt v. Brisson, (1979), 10 B.C.L.R. 139 (le juge Macfarlane, C.S.C.-B.). Le principe de la chose jugée ne s'applique pas dans la présente espèce.

Quant à la question de savoir si la présente action constitue un moyen pour contourner la Règle 244.1(1), je note que cette règle ne mentionne ni n'implique aucunement qu'une deuxième action ne peut être engagée si une action antérieure est rejetée sous son régime. Les motifs du protonotaire Funduk dans la décision Sinclair que je viens de mentionner sont aussi pertinents. Puisqu'une deuxième action peut être intentée devant la Cour du banc de la Reine de l'Alberta après le rejet d'une première action pour défaut de poursuite, je ne vois pas pourquoi, si la Cour fédérale est aussi compétente, il serait impossible d'intenter une deuxième action devant cette Cour. Encore une fois, même s'il examinait un rejet pour défaut de poursuite qui avait été prononcé dans une ordonnance discrétionnaire et non dans une ordonnance rendue sous le régime de la Règle 244.1(1), je ne vois pas pourquoi sa conclusion sur ce point ne pourrait être également applicable à l'égard d'un rejet sous le régime de la Règle 244.1(1).

[41]            Je suis d'accord avec le protonotaire pour dire que la question n'est pas chose jugée et qu'il n'y a pas eu d'abus de procédure.

2. Est-il hors de tout doute que les demanderesses n'ont pas la moindre chance d'obtenir gain de cause au sujet de l'une ou l'autre des questions suivantes portant sur le bien-fondé de l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex :

a)        L'allégation est-elle justifiée selon les moyens de droit et de fait précis qui sont articulés dans l'avis d'allégation ?


[42]            Les demanderesses soutiennent que la question à trancher lors de l'audition sur le fond est celle de savoir si les comprimés d'Apotex comporteront un sous-enrobage. Les demanderesses affirment que l'assertion d'Apotex suivant laquelle ses comprimés ne contreferont pas les brevets puisque ses comprimés « sont constitués d'un noyau qui renferme le médicament et d'un enrobage gastro-résistant qui est appliqué directement sur le noyau sans qu'un sous-enrobage ne soit inséré entre le noyau et l'enrobage gastro-résistant » est une question en litige, étant donné qu'Apotex a établi, selon la prépondérance de la preuve, la présence probable d'un sous-enrobage dans les comprimés d'Apo-Oméprazole. Par conséquent, compte tenu des éléments de preuve qu'Apotex a présentés à l'appui de sa requête et qui permettent de conclure à la présence d'un sous-enrobage, il y a pour le moins lieu de s'interroger sérieusement sur la question du bien-fondé de l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex.

[43]            Les demanderesses se fondent sur l'affaire AB Hassle c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (2000), 10 C.P.R. (4th) 38 (C.F. 1re inst.) (l'affaire RhoxalPharma), dans laquelle les présentes demanderesses sollicitaient une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à RhoxalPharma.


[44]            Dans cette affaire, RhoxalPharma affirmait qu'aucune revendication portant sur le médicament lui-même ou sur son utilisation ne serait contrefaite par suite de la fabrication, de la production, de l'utilisation ou de la vente par elle de comprimés contenant de l'oméprazole. Les moyens de fait et de droit que RohxalPharma invoquait au soutien de son allégation était que le brevet des demanderesses visait des préparations pharmaceutiques contenant de l'oméprazole qui se caractérisaient par la présence d'un noyau contenant un ingrédient actif, un sous-enrobage inerte sur le noyau et un enrobage extérieur gastro-résistant. RohxalPharma soutenait que ses comprimés d'oméprazole ne contenaient ni de noyau ni de sous-enrobage inerte. En conséquence, comme au moins une des caractéristiques essentielles de chacune des revendications ne se retrouverait pas dans son produit, RhoxalPharma était d'avis que le brevet ne serait pas contrefait. RoxalPharma affirmait en outre que « les brevets ne peuvent protéger ce qui a été cité comme une antériorité -- et qui est expressément reconnu comme tel dans l'énoncé introductif des brevets -- c'est-à-dire un noyau contenant l'oméprazole auquel est appliqué un enrobage gastrorésistant » .

[45]            Sur la question de savoir si l'allégation de non-contrefaçon formulée par RhoxalPharma au sujet des brevets 693 et 891 était fondée, le juge Tremblay-Lamer a déclaré ce qui suit :

Comme le Dr Cartilier reconnaît dans son deuxième affidavit que les comprimés renferment un « noyau » , je conviens avec les demanderesses que la seule question de fond à trancher en l'espèce est de savoir si les comprimés proposés par RhoxalPharma renfermeront un sous-enrobage inerte. À mon avis, il s'agit d'une question de portée restreinte qui ne soulève pas celle de la validité du brevet ou de la présence éventuelle d'un sous-enrobage qui échapperait à la portée des brevets.

Il ressort de la décision récente de la Cour d'appel fédérale dans Ab Hassle c. Canada que la Cour doit s'en tenir aux faits et au droit invoqués dans l'énoncé détaillé.


Dans cette affaire, l'intimée avait signifié à l'appelante un AC et fourni un énoncé détaillé conformément à l'alinéa 5(3)a) du Règlement dans lequel elle niait la contrefaçon du brevet et alléguait l'invalidité des revendications pour cause d'antériorité ou d'évidence, au vu des antériorités citées.

L'appelante a engagé une instance en application de l'article 6 du Règlement afin d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un AC à l'intimée.

L'intimée a produit, relativement à la question de l'évidence, le témoignage d'un expert se fondant sur les antériorités citées, dont la majorité ne figuraient pas dans l'énoncé détaillé.

La Cour d'appel fédérale a conclu que l'énoncé détaillé devait être suffisamment complet pour permettre au breveté de déterminer quelle mesure il convient de prendre en réponse à l'allégation. Comme l'a signalé le juge Stone au nom de la Cour, le législateur paraît avoir voulu que tous les faits figurent dans l'énoncé, et non qu'ils soient communiqués par bribes, lorsque le besoin s'en fait sentir pendant le déroulement de l'instance engagée en application de l'article 6 du Règlement.

Tel est précisément le cas en l'espèce. RhoxalPharma tente de mettre en oeuvre de nouveaux éléments en s'appuyant sur une interprétation détaillée des brevets et sur une antériorité qui n'était pas mentionnée dans l'énoncé détaillé. En outre, je conviens avec les demanderesses que RhoxalPharma a initialement prétendu que la composition de ses comprimés était nouvelle et inventive et qu'elle a obtenu une ordonnance de non-divulgation en conséquence. Partant, RhoxalPharma ne peut maintenant invoquer l'antériorité.

Pour ces motifs, je ne suis pas disposée à examiner ces nouveaux éléments. Il m'est impossible d'interpréter la décision de la Cour d'appel dans AB Hassle comme autorisant quelque exception.

[...]

Astra a-t-elle établi que l'avis d'allégation de RhoxalPharma n'est pas fondé ? En d'autres termes, selon la probabilité la plus forte, ressort-il de la preuve que les comprimés ne renfermeront pas un sous-enrobage inerte hydrosoluble ?

[...]

J'accorde une grande importance à l'avis du Dr Lindquist. Ses compétences sont impressionnantes en tant que chimiste analyste.

Premièrement, je fais mienne sa conclusion selon laquelle, compte tenu de son expérience, la technique utilisée par le Dr Cartilier (microscopie électronique à balayage) n'est pas concluante et n'est pas de celles qu'utiliserait un chimiste analyste.

J'estime que selon la probabilité la plus forte, la preuve appuie sa conclusion voulant que les comprimés en cause renferment un sous-enrobage inerte composé d'un sel de substance X -HPMCP HP-55. Il est arrivé à cette conclusion avant de prendre connaissance de la liste des ingrédients (pièce B), laquelle rend son témoignage plus convaincant. J'ai examiné attentivement son long contre-interrogatoire et je n'y vois aucune contradiction.

De plus, je ne suis pas d'accord avec l'affirmation de RhoxalPharma selon laquelle la couche intermédiaire, s'il en est, se compose d'oméprazole dégradé. J'adhère au point de vue du Dr Lindquist à cet égard, c'est-à-dire que l'absence de décoloration et l'observation de pics dans les spectres indiquant la présence d'un carboxylate confirment que le sous-enrobage n'est pas de l'oméprazole dégradé.


En ce qui concerne la prétention de RhoxalPharma selon laquelle rien ne prouve que la substance X - HPMCP HP-55 enrobe complètement le noyau, je la rejette. Le Dr Lindquist a clairement dit avoir observé un sous-enrobage continu. Aucun élément de preuve contraire n'a été présenté.

Enfin, RhoxalPharma invoque l'absence de preuve que le sel est inerte ou qu'il se dissout ou se désintègre rapidement dans l'eau. De nouveau, je suis en désaccord. Je suis convaincue que le Dr Lindquist connaît bien les sels de la substance X et je retiens sa conclusion que le sel est vraisemblablement hydrosoluble, étant donné la nature conique des sels.

En résumé, j'arrive à la conclusion que le témoignage du Dr Lindquist a établi, selon la probabilité la plus forte, que les comprimés de RhoxalPharma renfermeront un sous-enrobage inerte.

Par conséquent, les demanderesses ont établi que l'allégation de non-contrefaçon, compte tenu des faits et du droit invoqués dans l'énoncé détaillé, ne peut être fondé.

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La Cour interdit au ministre de délivrer à RhoxalPharma un avis de conformité relativement aux comprimés d'oméprazole avant l'expiration des brevets canadiens 693 et 891. Le tout avec dépens.

(Renvois omis)

[46]            Apotex soutient que la décision RhoxalPharma ne s'applique pas à la présente espèce, étant donné que la Cour n'y a tranché qu'une question bien déterminée dans un contexte bien précis. Apotex affirme que, dans le cas qui nous occupe, elle n'essaie pas de prétendre qu'un sous-enrobage à génération spontanée tombait sous le coup d'une antériorité, comme RhoxalPharma le soutenait dans l'affaire soumise au juge Tremblay-Lamer.

[47]            Apotex soutient en outre qu'elle n'essaie pas d'invoquer d'autres questions ou moyens que ceux qui sont articulés dans l'avis d'allégation. Ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, c'est au breveté qu'il incombe de persuader la Cour en ce qui concerne l'interprétation du brevet. La question de la génération spontanée du sous-enrobage est une question qui a été soulevée par les demanderesses et non par Apotex.


[48]            À titre subsidiaire, Apotex soutient que, même s'il y avait un sous-enrobage, ce sous-enrobage hypothétique ne tomberait pas sous le coup des revendications des brevets et qu'il ne les contreferait donc pas.

[49]            Le protonotaire a estimé que la réponse à cette question dépendait aussi de l'interprétation que l'on donne au brevet et il a abordé cette question plus loin dans sa décision, au paragraphe portant sur l'interprétation du brevet.

[50]            Je conviens qu'Apotex n'a pas essayé d'invoquer des questions qui ne figuraient pas dans l'avis d'allégation et que ce sont les demanderesses qui ont soulevé la question du sous-enrobage.

[51]            Pour ce qui est de la décision du juge Tremblay-Lamer dans l'affaire RhoxalPharma, je me demande effectivement si, en l'espèce, la question du sous-enrobage pourrait soulever une question sérieuse en ce qui concerne le bien-fondé de l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex. Mais, comme le protonotaire l'a déclaré, cette question se rapporte à l'interprétation du brevet et comme la réponse à cette question dépend des conclusions qui seront tirées au sujet de l'interprétation du brevet, j'estime qu'il faut d'abord répondre à la question 2c), qui porte sur l'interprétation du brevet.

b)        Le fait que les demanderesses ont déjà présenté une requête en divulgation empêche-t-il la présentation d'une requête en rejet sommaire ?


[52]            Les demanderesses affirment que, si la requête en production de renseignements et d'échantillons était accueillie, les renseignements et les tests appropriés permettraient de déterminer si les comprimés d'Apo-Oméprazole comportent un sous-enrobage. En conséquence, comme il reste encore une question litigieuse à trancher, le rejet sommaire de la demande serait prématuré.

[53]            Apotex fait valoir que, comme il est évident qu'il est impossible que sa formulation contrefasse les brevets, toute divulgation que les demanderesses pourraient obtenir à la suite de leur requête présentée en vertu du paragraphe 6(7) du Règlement n'est par conséquent d'aucune utilité lorsqu'il s'agit de se prononcer sur la contrefaçon.

[54]            Le protonotaire a conclu que, comme les allégations relatives à la nouvelle drogue d'Apotex constituaient le facteur déterminant, il n'était pas nécessaire de retarder davantage le prononcé d'une décision au sujet de la requête d'Apotex.

[55]            Les conclusions à tirer sur cette question dépendront aussi des conclusions tirées au sujet de l'interprétation du brevet.

c)        En ce qui concerne l'interprétation des brevets :

(i)          Apotex a-t-elle expliqué en détail son interprétation des brevets dans l'avis d'allégation ?


[56]            Les demanderesses soutiennent que le protonotaire a examiné et tranché des questions d'interprétation soulevées par Apotex même si ces questions ne figuraient pas dans l'avis d'allégation.

[57]            L'allégation des demanderesses est qu'Apotex avance une interprétation des brevets qu'elle n'a pas exposée dans son énoncé détaillé. Ainsi que je l'ai déjà signalé, ce sont les demanderesses qui ont soulevé la question de la présence d'un sous-enrobage dans les comprimés d'Apotex et de la possibilité de la génération spontanée du sous-enrobage au cours du procédé de fabrication de la formulation.

[58]            Dans sa décision, le protonotaire affirme qu'Apotex avait allégué qu'elle suivrait une procédure en deux étapes et qu'elle recouvrirait le noyau d'un enrobage gastro-résistant qui réagirait partiellement au contact des substances contenues dans le noyau, de manière à provoquer l'apparition d'une pellicule intermédiaire neutre entre le noyau contenant le médicament et l'enrobage gastro-résistant qui était susceptible d'endommager le noyau.


[59]            Dans son avis d'allégation, Apotex affirmait que, dans ses comprimés, il n'y aurait aucun sous-enrobage entre le noyau et l'enrobage gastro-résistant. Elle n'a pas expressément affirmé que l'enrobage gastro-résistant qui enrobera le noyau réagirait partiellement au contact des substances se trouvant à l'intérieur du noyau, de manière à provoquer l'apparition d'une pellicule intermédiaire neutre entre le noyau contenant le médicament et l'enrobage gastro-résistant.

[60]            Je ne suis pas certain qu'Apotex avait l'obligation de fournir de telles explications dans son avis d'allégation. Bien que le tribunal ait statué, dans l'affaire RhoxalPharma, qu'on ne peut soulever de nouvelles questions qui n'ont pas été abordées dans l'avis d'allégation, je ne crois pas qu'Apotex ajoute une nouvelle question, étant donné qu'elle affirme toujours qu'elle suivra une procédure en deux étapes et qu'il n'y aura pas de sous-enrobage entre le noyau contenant le médicament et l'enrobage gastro-résistant. Force nous est toutefois de reconnaître qu'à la fin du processus, le comprimé d'Apotex comporte un sous-enrobage, même si elle prétend qu'il s'agit d'un sous-enrobage qui est le fruit d'une génération spontanée.

[61]            En tout état de cause, les demanderesses soutiennent que, si la Cour conclut qu'Apotex peut faire valoir une interprétation de brevets qu'elle n'a pas exposée dans son énoncé détaillé, les questions relatives à l'interprétation des brevets ne devraient être examinées que par le juge du fond.

(ii)       Dans l'affirmative, la question de l'interprétation devrait-elle être laissée aux soins du juge du fond ?


[62]            Apotex soutient que l'interprétation du brevet fait toujours suite à une allégation de non-contrefaçon, peu importe le type d'instance en cause.

[63]            Dans l'arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, la Cour suprême du Canada déclare :

Dans des poursuites en matière de brevet, la première étape consiste donc à interpréter les revendications. L'interprétation des revendications précède l'examen des questions de validité et de contrefaçon. Les appelantes font valoir que ces deux examens -- celui de la validité et celui de la contrefaçon -- sont distincts, et que si les principes d' « interprétation téléologique » découlant de l'arrêt Catnic doivent être adoptés, leur application doit être limitée aux questions de contrefaçon. Les appelantes affirment que les principes d' « interprétation téléologique » n'ont aucun rôle à jouer dans la détermination de la validité et que leur application erronée est fatale au jugement qui fait l'objet du présent pourvoi.

[...]

Comme nous l'avons vu, la Cour d'appel fédérale a appliqué la méthode de l' « interprétation téléologique » à l'interprétation des revendications dans l'arrêt O'Hara, précité, et, en toute déférence, j'estime qu'elle a eu raison de le faire. L'argument des appelantes voulant que le principe de l'interprétation téléologique soit erroné ou ne s'applique qu'en matière de contrefaçon doit être rejeté pour un certain nombre de raisons :

a) Même si l'arrêt Catnic, précité, portait sur la contrefaçon, la cour a d'abord dû déterminer la portée et le contenu de l'invention de la demanderesse. Lord Diplock a pris soin de lier son analyse des caractéristiques « essentielles » au libellé des revendications. C'étaient ces caractéristiques essentielles, considérées indépendamment de questions particulières de validité ou de contrefaçon, qui constituaient l' « essence de la revendication » . Il a examiné attentivement la possibilité de l'existence de « toute variante » « d'une expression ou d'un mot descriptifs particuliers figurant dans une revendication » , mais il a pris soin de ne pas lier son analyse de l'interprétation des revendications à la variante particulière que comportait le linteau soi-disant contrefait de la défenderesse. En effet, il a mis en italique le mot « toute » figurant dans l'expression « toute variante » . Il ne faut évidemment pas interpréter un brevet en fonction du mécanisme que l'on prétend contrefait lorsqu'il est question de contrefaçon ni en fonction de l'antériorité lorsqu'il est question de validité, afin d'en éviter les effets : Dableh c. Ontario Hydro, [1996] 3 C.F. 751 (C.A.), aux pp. 773 et 774. On ne saurait permettre que l'interprétation des revendications devienne une interprétation axée sur des résultats, mais rien dans les propos de lord Diplock n'appuie une telle approche erronée.


b) L'acceptation de l'argument des appelantes pourrait faire en sorte que l'interprétation des revendications lorsqu'il est question de validité soit différente de celle donnée lorsqu'il est question de contrefaçon (à supposer que l'interprétation téléologique soit retenue pour les questions de contrefaçon). Toutefois, une règle fondamentale d'interprétation des revendications a toujours voulu que les revendications reçoivent une seule et même interprétation à toutes les fins.

[64]            Dans le jugement Glaxo Group Ltd. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [2000] F.C.J. No. 585, le juge O'Keefe déclare :

Pour déterminer si les allégations d'Apotex sont fondées ou non, il faut interpréter les brevets 313 et 331 et définir la portée du monopole revendiqué par les brevets en question. À cette fin, je citerai des principes d'interprétation des brevets bien établis. Ces principes d'interprétation des brevets s'appliquent en l'espèce même s'il ne s'agit pas d'une action en contrefaçon de brevet comme telle. En effet, si mon interprétation du brevet m'amène à conclure que la fabrication ou la commercialisation de la formulation d'Apotex qui est décrite dans la preuve qui m'a été soumise contreferait les brevets 313 et 331 de Glaxo, les allégations de non-contrefaçon d'Apotex seraient nécessairement mal fondées.

Les principes d'interprétation des brevets sont bien établis et ne donnent vraisemblablement lieu à aucune controverse. Suivant d'éminents auteurs d'ouvrages de doctrine [voir note 9], les brevets doivent être interprétés selon une méthode téléologique, de manière à donner effet à l'invention, le tribunal ne doit être ni trop indulgent, ni trop sévère. Les revendications doivent être interprétées du point de vue de la personne versée dans l'art ou la technique en question avec un esprit disposé à comprendre.

Il convient de suivre les principes d'interprétation précis suivants [voir note 10] :

a) Les revendications doivent être interprétées en fonction de l'ensemble du mémoire descriptif.

b) Les revendications doivent être interprétées sans tenir compte de l'état antérieur de la technique.

c) Il faut, si possible, attribuer un sens distinct à chaque revendication.

d) On renonce à tout ce qui n'est pas revendiqué.

Finalement, il convient de souligner qu'il faut interpréter le brevet avant de trancher la question de la contrefaçon et que ces deux questions sont tout à fait distinctes.


[65]            Compte tenu de ce qui précède, je conviens avec Apotex que l'interprétation du brevet fait toujours suite à une allégation de non-contrefaçon, peu importe le type d'instance en cause. De plus, ainsi qu'Apotex l'a souligné, les demanderesses ont eu l'occasion de faire entendre des experts au sujet de l'interprétation des brevets. Je ne crois pas que le protonotaire ait commis une erreur en se prononçant sur l'interprétation des brevets alors qu'il était saisi d'une requête en rejet sommaire.

(iii)      Dans la négative, l'examen de la question de l'interprétation nécessite-t-elle l'audition de témoins experts ?

[66]            Le protonotaire a conclu qu'il n'était pas nécessaire de faire témoigner des experts au sujet du sens des mots « enrober » , « disposer » ou « recouvrir » au sens pharmaceutique.

[67]            Ainsi que la Cour d'appel l'a déclaré dans l'arrêt Nekoosa Packaging Corp. c. AMCA International Ltd., (1994), 56 C.P.R. (3d) 470 (C.A.F.) :

Ensuite, je soulignerai qu'aucun argument n'a été présenté en ce qui concerne la recevabilité des témoignages d'experts relativement à l'interprétation du brevet. Il est important de comprendre qu'il est différent pour un expert d'accorder son aide dans l'interprétation des termes techniques ou de donner son opinion sur la question même dont est saisi le juge de première instance. Néanmoins, c'est précisément ce que les experts des deux parties ont fait.

[68]            Les demanderesses font toutefois valoir que, lorsque les experts ne s'entendent pas sur une question pertinente, il convient de laisser au juge du fond le soin de trancher la question. Voici, à cet égard, ce que déclare le juge Noël dans le jugement Apotex Inc c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd, (1998), 81 C.P.R. (3d) 188 (C.F. 1re inst.) :

En second lieu, bien que les questions de contrefaçon de brevets ne débordent pas, par définition, le cadre des jugements sommaires, elles ont tendance à soulever des questions de fait et de droit complexes qu'il est habituellement préférable de n'examiner qu'au procès. La présente affaire ne fait pas exception.


L'interprétation du brevet relève en dernière analyse de la Cour. Les brevets doivent cependant être interprétés en fonction des personnes versées dans l'art ou la science, ce qui, dans le cas des brevets portant sur des médicaments, oblige habituellement la Cour à s'en remettre à l'avis d'experts. En pareil cas, la crédibilité des experts devient pertinente premièrement parce que les avis contradictoires qui sont donnés sur la même question ne peuvent pas tous être exacts et que la Cour doit décider lesquels doivent être préférés et, en second lieu, parce que, dans certains cas, le désir ou la capacité des experts d'éclairer objectivement la Cour sont remis en question. De toute évidence, lorsque des questions de crédibilité sont soulevées, particulièrement des questions de la seconde catégorie susmentionnée, il est difficile de concevoir comment la Cour pourrait rendre justice aux parties sans avoir eu l'avantage d'entendre des témoins de vive voix.

En l'espèce, de nombreuses questions de crédibilité du second type ont été soulevées en ce qui concerne chacun des quatre experts que les parties ont convoqués pour aider le tribunal. La demanderesse soutient que les docteurs Banker et Yum n'ont pas rédigé l'affidavit qu'ils ont signé et elle conteste précisément leur crédibilité pour cette raison. La demanderesse laisse entendre que les experts en question ont fait reposer leur crédibilité sur une opinion qui n'était pas la leur. Cette allégation est suivie de nombreuses autres par lesquelles la demanderesse affirme que ces témoins ne se sont pas informés de faits qui étaient essentiels à la formulation de l'avis qu'ils ont donné.

Les défenderesses affirment, en revanche, que l'avis formulé par le docteur Sherman n'est pas crédible parce qu'il ne possède par l'objectivité voulue. Elles affirment qu'il a personnellement déposé une demande de brevet se rapportant au médicament en litige. Le docteur Niebergall serait un témoin [TRADUCTION] « de complaisance » qui [TRADUCTION] « a participé » à tellement de procès pour le compte Apotex qu'il n'a même pas pu en préciser le nombre, laissant ainsi entendre qu'il est un expert qui a tendance à s'adapter aux besoins de son client.

Compte tenu de la nature de ces attaques, je ne crois pas qu'il me soit nécessaire de mentionner l'une ou l'autre des nombreuses décisions citées par les avocats pour appuyer ma conclusion qu'en l'espèce il serait préférable que la Cour entende les témoins eux-mêmes dans le cadre d'un procès habituel en bonne et due forme.

(Renvois omis)

[69]            À mon avis, il serait préférable que le juge du fond demande l'aide d'experts pour découvrir le sens véritable des mots « enrober » , « disposer » ou « recouvrir » au sens pharmaceutique. J'estime que le protonotaire a commis une erreur en rendant sa propre décision sans consulter d'experts.

(iv)        Dans l'affirmative, quelle est la bonne interprétation à retenir ?


[70]            Les demanderesses soutiennent que les revendications des brevets ne limitent pas la façon dont un sous-enrobage peut être formé.

[71]            Apotex affirme que les demanderesses doivent convaincre la Cour que la portée des brevets s'étend à une composition dans laquelle un sous-enrobage est généré spontanément par suite de l'application de tout l'enrobage gastro-résistant directement sur le noyau et que ce sous-enrobage généré spontanément sépare l'enrobage gastro-résistant du noyau.

[72]            Le protonotaire a conclu que [TRADUCTION] « il ressort du brevet que l'invention correspond à l'enrobage du noyau avec la pellicule neutre avant que l'enrobage gastro-résistant ne soit ajouté » . Il a conclu qu'il était tout à fait évident que la procédure en deux étapes ne pouvait contrefaire la procédure en trois étapes, car elle ne comporterait pas l'application d'une pellicule centrale avant l'ajout de l'enrobage extérieur.

[73]            Vu ma conclusion en ce qui concerne la question 2c)(iii) suivant laquelle il est nécessaire de faire témoigner des experts pour pouvoir bien interpréter les brevets, la question relative à l'interprétation qu'il convient de donner aux brevets devrait être laissée aux soins du juge qui instruira la cause sur le fond.


5)                    Si les revendications interprétées portent sur des compositions qui dépendent d'un procédé de fabrication, la présomption de contrefaçon s'applique-t-elle ?                      

[74]       Les demanderesses affirment que les revendications des brevets visent les compositions qui sont fabriquées selon un certain procédé. En conséquence, aux termes du paragraphe 6(6) du Règlement, les comprimés d'Apotex sont réputés avoir été fabriqués selon ce procédé et ils contrefont donc les brevets.

[75]             Le paragraphe 6(6) du Règlement porte :

(6) Aux fins de la demande visée au paragraphe (1), lorsque la seconde personne a fait une allégation aux termes des sous-alinéas 5(1)b)(iv) ou (1.1)b)(iv) à l'égard d'un brevet et que ce brevet a été accordé pour le médicament en soi préparé ou produit selon les modes ou procédés de fabrication décrits en détail et revendiqués ou selon leurs équivalents chimiques manifestes, la drogue que la seconde personne projette de produire est, en l'absence d'une preuve contraire, réputée préparée ou produite selon ces modes ou procédés.

[76]       Je ne suis pas certain que les réactions qui pourraient survenir dans les comprimés d'Apotex constituent un équivalent chimique évident.

[77]       Apotex soutient toutefois que les demanderesses ne peuvent se contenter de soulever une simple possibilité hypothétique de contrefaçon. Elles doivent démontrer que si le ministre délivre un avis de conformité, il y aura une contrefaçon.


[78]       Ainsi que le juge McGillis l'affirme dans le jugement SmithKline Beecham Inc. c. Apotex Inc., [1999] F.C.J. No. 533 (C.F. 1re inst.) :

Dans son avis d'allégation, Apotex soutient que ses comprimés n'emporteront pas contrefaçon du brevet 060. Cette allégation est tenue pour véridique « sauf dans la mesure que SmithKline prouve le contraire » . [Voir Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (1994), 55 C.P.R. (3d) 302, à la p. 319 (F.C.A.)]. Selon moi, les éléments de preuve présentés par SmithKline, y compris les résultats des deux expériences, ne soulèvent qu'une possibilité de contrefaçon par Apotex et n'établissent pas, selon la prépondérance des probabilités, que l'allégation de non-contrefaçon formulée par Apotex est non fondée. Je suis également convaincue que le témoignage de M. Petrov, pour le compte d'Apotex, n'étaye pas la thèse de SmithKline, comme le prétend son avocat. À mon avis, M. Petrov a simplement confirmé qu'il était d'accord avec les conclusions du Dr Apperley et de M. Ward tirées à l'issue des expériences qu'ils ont effectuées.                                                                            

[79]       À mon avis, le protonotaire est allé trop loin et la question de savoir si l'interprétation avancée par Apotex et celle de savoir si les comprimés d'Apotex ne contreferont pas les brevets, tels qu'ils ont été interprétés, devraient être laissées aux soins du juge qui entendra la cause sur le fond.

[80]       La requête est par conséquent accueillie. La décision en date du 29 novembre 2000 par laquelle le protonotaire a rejeté la présente demande est annulée.

[81]       Quant à la décision également datée du 29 novembre 2000 par laquelle le protonotaire a rejeté la requête visant à obtenir une ordonnance enjoignant à MM. Sherman et Sefton de comparaître de nouveau pour répondre à certaines questions, la décision relative à M. Sefton est annulée et la Cour ordonne à M. Sefton de comparaître de nouveau d'ici le 29 juin 2001 au plus tard pour répondre aux questions auxquelles il a refusé de répondre lors de son contre-interrogatoire.


[82]       En ce qui a trait à la requête présentée par les demanderesses en vue d'obtenir une ordonnance enjoignant à Apotex de produire aux demanderesses les documents mentionnés dans l'avis de requête des demanderesses en date du 6 octobre 2000 (voir l'onglet 4 du dossier de requête des demanderesses, volume I, déposé le 19 février 2001), que le protonotaire n'a jamais tranchée, la Cour accorde aux demanderesses une prorogation de délai de trente jours pour présenter cette requête à la Cour.

[83]             Les dépens sont adjugés aux demanderesses.

Pierre Blais                                          

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 25 mai 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                  T-1747-00

INTITULÉ DE LA CAUSE : AB Hassle, Astrazeneca AB et Astrazeneca Canada Inc. c. Apotex Inc. et Ministre de la Santé

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 10 avril 2001

                                                                                                                                                          

            MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE

            RENDUE PAR LE JUGE BLAIS LE 25 MAI 2001

                                                                                                                                                          

ONT COMPARU :

Mes Gunars A. Gaikis et J. Sheldon Hamilton                   pour les demanderesses

Mes H.B. Radomski et Andrew R. Brodkin                                  pour la défenderesse Apotex

Personne n'a comparu                                                     pour le défendeur,

le ministre de la Santé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar                                                                             pour les demanderesses

Toronto (Ontario)

Goodman, Phillips & Vineberg                                        pour la défenderesse

Toronto (Ontario)                                                                           Apotex

Me Morris Rosenberg                                                                     pour le défendeur,

Sous-procureur général du Canada                                               le ministre de la Santé

Ottawa (Ontario)                                                                           

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