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Recueil des arrêts de la Cour fédérale
Sound c. Première nation de Swan River (C.F.) [2004] 1 C.F. 336

Date : 20030710

Dossier : T-626-02

Référence neutre : 2003 CF 850

OTTAWA (ONTARIO), LE 10 JUILLET 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN             

ENTRE :

PRESTON SOUND

                                                                                                                                                     demandeur

et

PREMIÈRE NATION DE SWAN RIVER (ALBERTA)

LEE TWINN, CHARLES CHALIFOUX, JOHN GIROUX,

GERALD DAVIS, LEON CHALIFOUX,

CONSEILLERS DE LA PREMIÈRE NATION DE SWAN RIVER

ROBERT SOUND

RAY DUPRES, PRÉSIDENT DES ÉLECTIONS

                                                                                                                                                     défendeurs

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION


[1]                 M. Preston Sound (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 26 mars 2002 par le comité d'appels en matière d'élections de la Première nation de Swan River. Dans cette décision, le comité d'appels en matière d'élections (le comité) a conclu que le demandeur était coupable de manoeuvres électorales frauduleuses et, conformément au Customary Election Regulations of the Swan River First Nation (le Règlement), son poste de conseiller a été déclaré vacant.

LES FAITS

[2]                 Le demandeur est membre de la Première nation de Swan River (Alberta). Il a d'abord été élu conseiller de bande en 1996, pour un mandat de trois ans. Réélu en 1999, il a présenté sa candidature aux élections du conseil tenues le 8 mars 2002. Il a été réélu en 2002, par une majorité de deux voix sur Robert Sound, le défendeur.

[3]                 M. Robert Sound, l'un des défendeurs en l'espèce, a déposé un avis d'appel contestant le résultat. L'avis d'appel a été déposé conformément au Règlement.

[4]                 MM. Leon Chalifoux, Gerald Davis, Lee Twinn et Charles Chalifoux ont aussi été élus conseillers de bande de la Première nation de Swan River le 8 mars 2002. Ils sont défendeurs en l'espèce.


[5]                 M. Ray Dupres était le président des élections nommé par le conseil de bande pour la tenue de l'élection de mars 2002, conformément au Règlement. Bien que défendeur en l'espèce, il n'a pas participé aux procédures.

[6]                 La Première nation de Swan River est régie par la coutume. Ses procédures électorales sont régies par le Règlement. Le Règlement a d'abord été adopté en 1993, afin d'énoncer la coutume électorale de la bande. Le Règlement traite notamment du droit de vote, de l'inscription sur la liste électorale, de la tenue des élections et des appels des résultats.

[7]                 Toute modification au Règlement doit faire l'objet d'une résolution du conseil de bande. Le Règlement a été modifié en 1996, et à nouveau en 2002. Ces dernières modifications faisaient suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, [1999] 2 R.C.S. 203. Ces modifications ont été adoptées par une résolution du conseil de bande, en date du 28 janvier 2002.

[8]                 Les modifications de 2002 accordaient le droit de vote aux membres hors réserve et prévoyaient l'avis à leur donner de la tenue d'une l'élection, l'emplacement des bureaux de scrutin, le vote par la poste, selon ce qui était fixé par le conseil, ainsi que le décompte des votes sur place et par la poste. Les modifications de 2002 ont aussi amené une nouvelle définition de « l'électeur » , en radiant la disposition qui prévoyait que le droit de vote n'était accordé qu'aux personnes résidant sur la réserve depuis au moins trois mois avant le jour de l'élection.


[9]                 Les élections au conseil de bande (le conseil) se tiennent en fonction des groupes familiaux. Selon la preuve présentée par le demandeur, la bande regroupe six grands groupes familiaux. Parmi ces grands groupes familiaux, on trouve les familles Chalifoux et Sound. Le droit de vote dépend de la reconnaissance par le conseil du fait que la personne voulant voter est membre d'un groupe familial, conformément à l'article 7 du Règlement. Toute personne qui conteste l'inscription de quelqu'un sur la liste électorale peut en appeler en vertu du paragraphe 7.3. C'est le conseil qui entend un tel appel, en vertu du paragraphe 7.5.

[10]            L'avis d'appel déposé par le défendeur Robert Sound contestant l'élection du demandeur comme conseiller le 8 mars 2002 soulève des questions au sujet de l'implication du demandeur dans le processus qui a mené à l'inscription de huit des frères et soeurs de sa mère sur la liste électorale, en qualité de membres du groupe familial Sound.

[11]            Le paragraphe 8.10 du Règlement prévoit que seuls les électeurs inscrits à un groupe familial peuvent exercer leur droit de vote dans une élection. De plus, un électeur ne peut voter que pour les candidats qui font partie de son groupe familial, et seulement pour l'un d'entre eux.


[12]            D'autres appels ont été déposés suite à l'élection du 8 mars 2002. Le défendeur Leon Chalifoux a déposé un avis d'appel, contestant le résultat de l'élection de certains conseillers, y compris celle du demandeur, et soulevant notamment des irrégularités dans le processus de modification du Règlement en janvier 2002. Le défendeur M. Chalifoux a aussi allégué l'existence de manoeuvres électorales frauduleuses dans son avis d'appel.

[13]            Le comité a entendu les appels le 21 mars 2002. Conformément à l'alinéa 12.5a) du Règlement, le comité était formé des membres élus du conseil, à l'exception du conseiller visé par l'appel. Le demandeur était membre du comité qui a entendu les appels des défendeurs Leon Chalifoux et Dwain Davis. Lors de l'audition tenue le 21 mars 2002, il appert que les appelants ont présenté des allégations et exprimé leurs points de vue devant le comité hors de la présence de la personne en cause, savoir le conseiller dont l'élection était contestée.

[14]            L'appel du défendeur Leon Chalifoux n'a pas été entendu au fond. On a soulevé une objection du fait que M. Chalifoux voulait en appeler de l'élection d'un conseiller qui ne faisait pas partie de son groupe familial. Au vu de l'article 8 du Règlement, M. Chalifoux n'avait pas qualité pour loger un tel appel. Son appel a été retiré.

[15]            Le dernier appel entendu le 21 mars a été celui du défendeur Robert Sound, qui porte sur l'élection du demandeur. Aux fins de cet appel, le comité était composé des défendeurs Lee Twinn, Charles Chalifoux, John Giroux, Gerald Davis et Leon Chalifoux.


[16]            Robert Sound a comparu devant le comité hors de la présence du demandeur. Il a présenté son point de vue. Il était accompagné d'à peu près dix membres de sa famille, y compris des anciens. Il ressort que ces membres de la famille ont aussi présenté leurs points de vue au comité.

[17]            Le demandeur a ensuite comparu devant le comité hors de la présence de Robert Sound. Selon sa preuve, le demandeur a déclaré au comité qu'il ne savait pas comment réagir puisqu'il ne connaissait pas la nature des allégations le visant. Il ressort du contre-interrogatoire du demandeur sur son affidavit en l'espèce qu'on lui a fourni, avant la tenue de l'audition par le comité, copie de l'avis d'appel déposé par le défendeur Robert Sound.

[18]            Le 26 mars 2002, le comité s'est réuni pour prendre une décision sur l'appel visant le demandeur. Il a accueilli l'appel et avisé le demandeur par téléphone, et ensuite par lettre écrite le 26 mars 2002 et portant la signature de Leon Chalifoux. Voici cette lettre :

[traduction]

À Preston Sound                                                                           Le 26 mars 2002

Cette lettre constitue un avis en vertu du paragraphe 12.10 que l'appel de Robert Sound a été accueilli en vertu des alinéas 12.9c) II, 12.1c) (manoeuvres électorales frauduleuses) et qu'une élection partielle a été annoncée en vertu de l'alinéa 12.9c) II.

Merci.

Leon Chalifoux

Porte-parole


[19]            Voici ce que prévoient l'alinéa 12.1c) et le paragraphe 12.9 du Règlement :

[traduction]

12.1        Dans les cinq (5) jours de l'élection, y compris le jour même de l'élection, ou, si un conseiller a été élu par acclamation, dans les cinq (5) jours de la fermeture des nominations, y compris le jour même de la fermeture des nominations, tout électeur membre d'un groupe familial peut faire appel des résultats d'une élection, élection partielle ou élection par ballottage d'un conseiller pour leur groupe familial, s'il a des motifs raisonnables et probables de croire que :         

...

c)              Un candidat est coupable d'avoir encouragé la perpétration de manoeuvres électorales frauduleuses, ce qui comprend la corruption, les menaces et l'intimidation des candidats, des électeurs, du président des élections et des agents scrutateurs, sans que cette liste soit exhaustive.

12.9         Dans les cinq (5) jours de la réunion, le comité doit prendre l'une des décisions suivantes :

a)              Rejeter l'appel au motif que la preuve présentée ne vient pas confirmer pleinement et correctement les motifs essentiels d'appel;

b)              Accueillir les motifs de l'appel, mais maintenir le résultat de l'élection en cause si l'infraction n'a pas directement ou essentiellement affecté le résultat; ou

c)              Accueillir l'appel et déclencher :

...

ii)              une nouvelle élection, une élection partielle ou une élection par ballottage pour les postes directement et essentiellement affectés; ou

...

[20]            Le 29 mars 2002, M. Chalifoux a envoyé une autre lettre dans laquelle il faisait savoir que la décision ne serait pas motivée. Voici un extrait de la lettre du 29 mars :

[traduction]

Le 26 mars 2002, une décision majoritaire a accueilli l'appel de Robert Sound (avant la démission du président des élections), le tout fondé sur le témoignage de Robert Sound devant le comité d'appels en matière d'élections le 21 mars 2002...


Le comité maintient sa décision. Le Règlement sur les élections coutumières n'exige pas que le comité divulgue à qui que ce soit les motifs de sa décision, non plus qu'il n'exige que la décision fasse l'objet d'une motion. Une décision est une décision!

[21]            Suite à la décision du comité, le demandeur a perdu son poste de conseiller. Une élection partielle a été annoncée, à laquelle le demandeur ne pouvait présenter sa candidature en vertu du paragraphe 17.3 du Règlement.

[22]            L'élection partielle devait avoir lieu le 30 mai 2002. Le 18 avril 2002, le demandeur a introduit sa demande de contrôle judiciaire. Il a aussi demandé une injonction interlocutoire pour empêcher la tenue de l'élection partielle jusqu'à ce qu'il soit statué sur la présente demande. Dans une ordonnance datée du 27 mai 2002, le juge Blanchard a délivré une injonction interlocutoire en faveur du demandeur.

LE POINT DE VUE DU DEMANDEUR


[23]            Le demandeur soutient que la procédure adoptée par le comité d'appels en matière d'élections viole les principes de la justice naturelle de deux façons. Premièrement, il soulève une crainte raisonnable de partialité de la part du défendeur Leon Chalifoux. Il déclare que comme M. Leon Chalifoux a déposé un avis d'appel contre son élection, faisant notamment état de manoeuvres électorales frauduleuses, ce dernier n'avait pas un esprit ouvert à son égard. Le demandeur déclare que M. Chalifoux n'aurait pas dû être membre du comité et que sa présence au comité en tant que décideur soulève une crainte raisonnable de partialité qui rend le processus suspect.

[24]            La deuxième question soulevée par le demandeur sous la rubrique de la justice naturelle est que la conduite de l'audition n'a pas respecté l'équité procédurale. Il déclare que le processus adopté par le comité n'était pas équitable, puisqu'il n'était pas présent pour entendre les allégations de M. Robert Sound à son sujet, non plus que les témoignages des membres de la famille et d'autres personnes qui appuyaient M. Sound. De plus, le demandeur soutient que le fait qu'il n'a pu contre-interroger les témoins indique aussi un manque d'équité procédurale dans la conduite de l'audition. Le demandeur fonde cet argument sur l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

[25]            Ensuite, le demandeur soutient que le comité a fait une utilisation abusive de son pouvoir discrétionnaire et qu'il a donc excédé sa compétence. À ce sujet, le demandeur soutient que le comité a fondé sa décision sur des éléments non pertinents et sur une absence de preuve.


[26]            Le demandeur soutient que le fait de s'appuyer sur une preuve relative à la façon dont le Règlement a été modifié pour se conformer à l'arrêt Corbiere, précité, constitue l'utilisation d'un élément non pertinent. Il déclare aussi que la preuve relative à la façon dont la liste électorale a été modifiée pour y inclure des membres de la famille de sa mère est un élément non pertinent. Le demandeur déclare que le défendeur Robert Sound avait déjà logé un appel contre la modification de la liste électorale, en vertu de l'article 8 du Règlement, appel qui a été rejeté.

[27]            Le demandeur déclare que ces questions ne sont pas pertinentes à son élection comme conseiller et à sa conduite lors de la campagne électorale. Il soutient aussi que ces questions ne sont pas pertinentes parce qu'il s'agit de déterminer s'il était coupable de manoeuvres électorales frauduleuses.

[28]            Le demandeur soutient aussi qu'il n'y a aucune preuve pour appuyer la conclusion qu'il était coupable de manoeuvres électorales frauduleuses. Il s'appuie sur le contre-interrogatoire de M. Leon Chalifoux, au cours duquel ce dernier a admis qu'il ne connaissait l'existence d'aucune preuve voulant que le demandeur aurait corrompu ou menacé des électeurs, non plus qu'il se serait livré à de l'intimidation.

[29]            Finalement, le demandeur soutient qu'en l'absence de motifs, la décision du comité n'a aucune valeur. S'appuyant à nouveau sur l'arrêt Baker, précité, il soutient que la nature de la décision exige qu'elle soit motivée. Suite à la décision du comité, il a perdu son emploi et sa réputation dans la communauté a été diminuée. Il ne sait pas non plus pourquoi la décision a été prise.


LE POINT DE VUE DES DÉFENDEURS

[30]            Les défendeurs soutiennent qu'il n'y a aucune preuve d'une violation des principes de la justice naturelle qui découlerait du défaut prétendu de fournir le détail des allégations contre le demandeur. Ils déclarent que l'avis d'appel déposé par Robert Sound indique de façon adéquate quel est le fondement des accusations contre le demandeur. Les défendeurs s'appuient sur le contre-interrogatoire du demandeur, au cours duquel il a reconnu avoir reçu copie de l'avis d'appel.

[31]            Deuxièmement, les défendeurs soutiennent que le demandeur n'a pas démontré une crainte raisonnable de partialité. S'appuyant sur l'arrêt R. c. S.(R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, les défendeurs soutiennent qu'une allégation de partialité doit être raisonnable et qu'elle doit être liée aux circonstances de l'affaire. Ils s'appuient aussi sur l'arrêt Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [1999] 3 R.C.S. 851, où la Cour suprême du Canada a conclu que la véritable impartialité n'exige pas que le juge n'ait ni sympathie ni opinion. Par analogie, les défendeurs soutiennent que ce dernier arrêt s'applique aussi aux personnes responsables de décisions administratives.

[32]            Les défendeurs s'appuient sur l'arrêt Newfoundland Telephone Company c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623, comme norme s'appliquant à la question de savoir ce qui constitue une crainte raisonnable de partialité.


[33]            Les défendeurs soutiennent que rien ne démontre que Leon Chalifoux avait des préjugés quant à savoir si l'élection du demandeur était irrégulière ou s'il y avait eu des manoeuvres électorales frauduleuses. M. Chalifoux a retiré son appel sans faire aucune déclaration et la lettre d'avis d'appel ne portait que sur les modifications au Règlement et sur des questions qui sont en litige devant la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta, et non sur l'élection du demandeur lui-même. Les défendeurs déclarent aussi que Leon Chalifoux et les autres membres du comité ont écouté avec attention les présentations de Robert Sound et du demandeur.

[34]            Les défendeurs soutiennent que le demandeur n'a pas démontré qu'il y aurait eu violation du principe audi alteram partem, ou toute autre violation de l'équité procédurale. Ils s'appuient sur l'arrêt Ellis-Don Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), [2001] 1 R.C.S. 221, où la Cour suprême du Canada a conclu que dans le cas d'une présumée violation de la règle audi alteram partem, le demandeur doit démontrer l'existence d'une violation réelle.

[35]            Les défendeurs soutiennent que le demandeur était présent à l'audition devant le comité et qu'il a présenté une preuve qui a été pleinement examinée par le comité. De plus, ils soutiennent que le demandeur comprenait tout à fait les motifs d'appel de Robert Sound et qu'à l'audition devant le comité le 21 mars 2002, il a répondu à toutes les questions soulevées par l'appel de Robert Sound. Les défendeurs déclarent que les contre-interrogatoires de Leon Chalifoux et du demandeur viennent appuyer leur point de vue.


[36]            Les défendeurs soutiennent que le demandeur n'a envoyé qu'une lettre pour obtenir le dossier du comité du président des élections, et qu'il n'a pas sollicité de bref de mandamus pour contraindre le président des élections à déposer le dossier du comité. Les défendeurs soutiennent que ceci donne à penser que le demandeur n'est pas intéressé à ce que le dossier soit déposé devant la Cour.

[37]            De plus, les défendeurs soutiennent que le demandeur n'a présenté, dans le cadre du contrôle judiciaire, aucune preuve qui proviendrait des deux membres du comité qui étaient dissidents lorsque l'appel de Robert Sound de l'élection du demandeur a été accueilli.

[38]            Les défendeurs soutiennent que la norme de contrôle en l'espèce est celle de la décision raisonnable et ils appuient cette déclaration sur le jugement de la majorité dans l'arrêt Ellis-Don Ltd., précité. Ils déclarent que le comité a pris une décision raisonnable sans prendre en considération des éléments non pertinents. Robert Sound a soutenu que huit personnes avaient été ajoutées à la liste des électeurs du groupe familial Sound de façon inappropriée. Le demandeur savait qu'on contestait le statut de membres du groupe familial Sound accordé aux frères et soeurs de sa mère.


[39]            Les défendeurs soutiennent que le fait d'obtenir le droit de vote pour des personnes qui ne devraient pas l'avoir constitue une manoeuvre électorale frauduleuse. Si le nombre de personnes ayant voté de façon irrégulière est supérieur à la différence des votes entre deux candidats, alors l'élection doit être annulée : voir Mercer c. Homuth, [1924] O.J. no 14 (QL).

[40]            Les défendeurs soutiennent que le fait de permettre à une personne qui ne peut avoir qualité d'électeur constitue une pratique illégale et tombe sous la définition d'une manoeuvre électorale frauduleuse que l'on trouve à l'alinéa 12.1c) du Règlement. La corruption, les menaces et l'intimidation ne sont que des exemples de manoeuvres électorales frauduleuses, ils n'en constituent pas une liste exhaustive. Les défendeurs s'appuient sur l'arrêt Harvey c. Nouveau-Brunswick (P.G.), [1996] 2 R.C.S. 876, pour soutenir que le droit d'un conseil d'expulser un de ses membres trouvé coupable d'une manoeuvre électorale frauduleuse échappe au contrôle judiciaire et constitue un élément essentiel de toute gouvernance démocratique.

ANALYSE

[41]            Selon moi, les arguments du demandeur au sujet des violations de l'équité procédurale sont convaincants. On trouve à la fois une crainte raisonnable de partialité suite à la participation de Leon Chalifoux à la décision du comité et une violation du principe audi alteram partem dans la façon dont l'appel du demandeur a été entendu.


[42]            Le Règlement en cause ici vient codifier la coutume électorale de la Première nation de Swan River. Ce Règlement comprend une procédure d'appel permettant la contestation en cas d'allégations d'irrégularités au cours d'une élection. Il porte que la personne dont l'élection est contestée doit recevoir copie de l'avis d'appel, et que le comité doit convoquer une réunion pour entendre l'appel dans les 14 jours de la réception de l'avis (alinéa 12.4a) et paragraphe 12.6).

[43]            Le paragraphe 12.8 du Règlement porte que la personne qui fait appel du résultat de l'élection, le candidat dont l'élection est contestée et les autres parties intéressées, ou leurs représentants, peuvent présenter leurs arguments par écrit ou de vive voix au comité à cette réunion. Dans les cinq jours de la réunion, le Règlement porte que le comité doit rendre sa décision et que le président des élections doit en aviser toutes les parties en cause (paragraphes 12.9 et 12.10 du Règlement).

[44]            Le Règlement ne précise pas quelle procédure précise doit être suivie par le comité lors d'une audition tenue en vertu des paragraphes 12.6 et 12.8. Dans une telle situation, il est bien établi que l'obligation d'équité procédurale de la common law intervient lorsqu'une décision administrative touche « les droits, privilèges ou biens d'une personne » (voir Cardinal c. Directeur de l'Établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, à la page 653, et Baker, précité, à la page 155), et qu'en l'absence de précisions dans la législation, on doit l'interpréter conformément à l'obligation d'équité. Comme le juge en chef McLachlin le précise aux paragraphes 21 et 22 de l'arrêt Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch), [2001] 2 R.C.S. 781 :


Confrontés à des lois muettes ou ambiguës, les tribunaux judiciaires infèrent généralement que le Parlement ou la législature voulait que les procédures du tribunal administratif soient conformes aux principes de justice naturelle : Ministre du Revenu national c. Coopers and Lybrand, [1979] 1 R.C.S. 495, p. 503; Law Society of Upper Canada c. French, [1975] 2 R.C.S. 767, p. 783-784. En pareilles circonstances, les tribunaux administratifs peuvent être liés par l'exigence d'un décideur indépendant et impartial, un des principes fondamentaux de la justice naturelle : Matsqui, précité (le juge en chef Lamer et le juge Sopinka); Régie, précité, par. 39; Katz c. Vancouver Stock Exchange, [1996] 3 R.C.S. 405. De fait, les tribunaux hésiteront à présumer que les législateurs avaient l'intention d'édicter des procédures contraires à ce principe, bien que le degré précis d'indépendance requis dépendra « de l'ensemble des circonstances, et notamment des termes de la loi en vertu de laquelle l'organisme agit, de la nature de la tâche qu'il accomplit et du type de décision qu'il est appelé à rendre » : Régie, par. 39.

Toutefois, comme pour tous les principes de justice naturelle, le degré d'indépendance requis des membres du tribunal administratif peut être écarté par les termes exprès de la loi ou par déduction nécessaire. Voir de façon générale : Innisfil (Municipalité du canton d') c. Municipalité du canton de Vespra, [1981] 2 R.C.S. 145; Brosseau c. Alberta Securities Commission, [1989] 1 R.C.S. 301; Ringrose c. College of Physicians and Surgeons (Alberta), [1977] 1 R.C.S. 814; Kane c. Conseil d'administration de l'Université de la Colombie-Britannique, [1980] 1 R.C.S. 1105. ...

[45]            Dans l'arrêt Baker, précité, la Cour suprême du Canada a souligné que l'obligation d'équité procédurale est souple et variable et repose sur une appréciation du contexte de la loi et des droits visés. S'agissant de la participation de la personne touchée par la décision, la Cour suprême a conclu que celle-ci doit avoir une possibilité valable de présenter son affaire de façon complète et équitable. La question de savoir si ce principe a été respecté est centrale lorsqu'il s'agit de déterminer si l'obligation d'équité procédurale a été respectée.

[46]            Afin d'arriver à cette réponse, et de déterminer s'il y a eu violation de l'équité procédurale dans un cas particulier, la Cour suprême a énoncé, dans l'arrêt Baker, précité, une liste (qui n'est pas exhaustive) de facteurs pertinents à la détermination du contenu de l'obligation d'équité procédurale :

1) la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir;


2) la nature du régime législatif et les termes de la loi régissant l'organisme;

3) l'importance de la décision pour les personnes visées;

4) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision; et

5) les choix de procédure que l'organisme fait lui-même.

[47]            Si je tiens compte de ces facteurs en l'espèce, j'arrive à la conclusion que le comité n'a pas respecté son obligation d'équité. Le demandeur n'était pas saisi des allégations précises de Robert Sound, ou de la preuve soumise par Robert Sound à l'appui de ces allégations. La lettre contenant l'avis d'appel ne donne qu'un bref aperçu des allégations. Selon moi, cette lettre ne donne pas assez de renseignements au sujet des prétendues irrégularités dans les pratiques électorales pour que le demandeur puisse connaître la nature exacte de la preuve à son encontre et des assertions qu'il doit réfuter.

[48]            Premièrement, la décision en cause est de nature réglementaire et contradictoire. L'objectif du processus d'appel et de la décision du comité est d'identifier une conduite irrégulière dans le cadre d'une élection et de punir les coupables en conséquence, en les privant de leur statut de personnes élues. Un autre objectif est d'assurer l'intégrité du processus électoral établi par la nation de Swan River. Au vu de la preuve qui lui est présentée, le comité doit décider, en vertu de l'alinéa 12.1c) du Règlement, si on peut pleinement et correctement démontrer que le demandeur était coupable de manoeuvres électorales frauduleuses.


[49]            Deuxièmement, le Règlement régit tous les aspects liés aux élections et au fait de détenir un poste électif au sein de la Première nation de Swan River. Le régime a pour but de refléter la coutume électorale de la Première nation de Swan River. Son adoption date de 1993, suite à un processus de consultation de la communauté. Le processus suivi en matière d'appels est celui d'une audition par le comité, comme l'exige le Règlement. Lors de cette audition, la personne qui fait appel, le candidat dont l'élection est sujette à l'appel, et toutes les autres parties intéressées peuvent présenter leurs arguments par écrit ou de vive voix au comité. Le fait de prévoir une audition par le comité indique déjà un certain degré de transparence et d'équité dans le processus.

[50]            Troisièmement, la décision soumise à l'examen en est une qui aura un impact significatif sur l'emploi du demandeur et sur sa stabilité financière. Le contre-interrogatoire de Leon Chalifoux indique que les conseillers de bande reçoivent un salaire mensuel et sont remboursés de leurs dépenses de voyage. Encore plus important peut-être, l'impact de cette décision est lourd de conséquences pour la réputation du demandeur dans sa communauté. De plus, le défendeur Robert Sound a aussi un intérêt important dans la décision du comité, puisqu'il semble croire aux allégations de manoeuvres électorales frauduleuses qu'il expose dans son avis d'appel et qu'il désire participer à une élection partielle pour le poste détenu par le demandeur pour le groupe familial Sound.


[51]            Quatrièmement, il ne ressort pas que le demandeur avait une attente légitime quant à l'utilisation par le comité d'une procédure donnée, sauf ce qui est exprimé expressément dans le Règlement. En tant que conseiller de bande à l'époque, le demandeur a siégé au comité qui a entendu l'appel de M. Dwain Davis. M. Davis en appelait de [traduction] « toute l'élection » . Selon moi, on ne peut se fonder sur le fait que le demandeur ne s'est pas opposé à la procédure suivie dans l'appel Davis pour conclure qu'il ne peut maintenant prétendre que les principes de justice naturelle n'ont pas été respectés lors de l'audition de l'appel de Robert Sound visant l'élection du demandeur.

[52]            Cinquièmement, en l'espèce la procédure choisie par le comité lui-même prévoyait que la personne faisant appel et le candidat dont l'élection était sujette à l'appel, ainsi que d'autres parties intéressées, comme les anciens et les membres de la famille de Robert Sound, devaient avoir l'occasion de présenter de vive voix leurs points de vue au comité, sans qu'on leur accorde l'occasion d'entendre le point de vue de la partie adverse. Aucune des parties n'a reçu de prétentions écrites avant l'audition. Le demandeur n'a reçu qu'un bref avis d'appel déposé par Robert Sound.


[53]            Au vu des « facteurs Baker » dont je viens de faire état, le processus d'appel prévu au Règlement suppose le respect du droit de la personne qui fait appel et de celle dont l'élection fait l'objet de l'appel de participer. La décision aura un impact significatif sur le demandeur, tant sur le plan économique, par suite de la perte de son salaire, que sur le plan personnel, savoir sur son intégrité et sa réputation dans la communauté.

[54]            Selon moi, le comité aurait dû donner au demandeur l'occasion d'entendre, ou de recevoir par écrit, les allégations spécifiques avancées par le défendeur Robert Sound. Idéalement, il aurait fallu procéder ainsi avant l'audition, en accordant une période de temps raisonnable au demandeur pour qu'il prépare sa réponse aux allégations. De plus, le défendeur Robert Sound aurait dû alors obtenir copie des prétentions du demandeur, avant l'audition devant le comité. Toutefois, ceci aurait pu être fait à l'audition elle-même, en autorisant le demandeur à entendre les allégations et la preuve présentées par Robert Sound et en autorisant Robert Sound à faire de même pour la preuve du demandeur. N'ayant pas établi une procédure équitable, le comité a violé l'obligation d'équité qu'il avait envers le demandeur, ainsi qu'envers le défendeur Robert Sound.

[55]            La Cour ne traitera pas de la question qui porte sur la possibilité qu'un organisme administratif autorise la tenue de contre-interrogatoires. La Première nation de Swan River peut décider s'il y a lieu d'autoriser les contre-interrogatoires afin de donner aux parties impliquées dans l'appel d'une élection une possibilité valable de participer de façon complète et équitable.


[56]            Quant à la question de la partialité du décideur, le critère applicable à la crainte raisonnable de partialité est énoncé dans l'arrêt Committee for Justice & Liberty, précité. Une personne bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique arriverait-elle à la conclusion que le défendeur, Leon Chalifoux, consciemment ou non, ne rendrait pas une décision juste dans l'appel du demandeur? Selon moi, au vu de ce critère il existe une crainte raisonnable de partialité fondée sur les allégations visant le demandeur que l'on trouve dans l'avis d'appel de Leon Chalifoux.

[57]            L'arrêt Newfoundland Telephone, précité, n'est pas analogue à l'affaire présente. Le critère différent de « l'esprit ouvert » pour les élus dans la prise de décisions de politique ne s'applique pas ici. Dans l'arrêt Newfoundland Telephone, précité, la Commission qui réglementait une entreprise de services publics enquêtait sur la rémunération et les avantages consentis aux cadres de l'entreprise. L'entreprise s'est opposée à la participation au processus de décision de M. Wells, un des commissaires, au motif d'une crainte raisonnable de partialité.

[58]            La nature de la décision en l'espèce, qui porte sur l'allégation qu'un individu s'est livré à des manoeuvres électorales frauduleuses, est très différente de ce qu'on trouve dans l'arrêt Newfoundland Telephone, précité. La décision soumise au contrôle judiciaire en l'espèce est plus individuelle et contradictoire que liée à des questions de politique. De plus, en l'espèce l'un des décideurs membres du comité, Leon Chalifoux, avait en fait déposé son propre appel au motif que l'élection du demandeur était irrégulière par suite de manoeuvres électorales frauduleuses. On peut donc distinguer la présente espèce de l'arrêt Newfoundland Telephone, précité, du fait que l'allégation de partialité visant M. Wells portait sur des déclarations faites aux médias.


[59]            Les défendeurs soutiennent que la lettre d'avis d'appel de Leon Chalifoux, datée du 13 mars 2002, ne porte que sur les modifications au Règlement et qu'elle n'est pas liée précisément à l'élection du groupe familial Sound. Selon moi, toutefois, la lecture de l'avis d'appel de Leon Chalifoux démontre que même s'il s'attaquait aux modifications faites au Règlement par la résolution du conseil de bande signée le 28 janvier 2002, il croyait aussi que le demandeur était coupable de manoeuvres électorales frauduleuses et que son élection au conseil de bande devait être annulée. Il est important de rappeler que l'intitulé de cette lettre est rédigé comme suit : [traduction] « Avis d'appel : j'envoie appel de l'élection des conseillers » . De plus, sa lettre mentionne l'alinéa 12.1c) du Règlement, qui ne traite que des appels des résultats d'une élection, d'une élection partielle ou d'une élection par ballottage d'un conseiller. On trouve notamment ceci dans la lettre :

[traduction]

12.1c)-Un candidat est coupable d'avoir encouragé ou aidé à la perpétration de manoeuvres électorales frauduleuses, SAVOIR : Charlie Chalifoux, Preston Sound, John Giroux- C'est en toute connaissance de cause que ces candidats ont présenté les pétitions invalides visant la modification du Règlement sur les élections coutumières.

[60]            Il n'est pas nécessaire de traiter des arguments portant sur la norme de contrôle des violations de l'équité procédurale, la norme de contrôle n'étant pas en cause lorsqu'on examine le processus du décideur, mais seulement lorsqu'on examine la substance ou les motifs d'une décision.


[61]            Les défendeurs soutiennent que le demandeur n'a pas cherché à obtenir le dossier du comité et, par conséquent, qu'il n'est pas intéressé à ce que ce dossier soit déposé devant la Cour. Toutefois, cette affirmation est contraire à ce que l'on trouve dans l'avis de demande de contrôle judiciaire du demandeur, où il demande que le comité dépose tous les documents pertinents à la demande de contrôle qu'il a en sa possession, y compris tous les procès-verbaux de toutes les réunions pertinentes, le tout en conformité de l'article 317 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106.

[62]            Rien dans le dossier de la Cour n'indique que les défendeurs aient présenté des procès-verbaux des délibérations du comité relatives à la décision soumise au contrôle. La preuve des défendeurs, sous forme d'un affidavit de Leon Chalifoux, qui veut que le comité croyait que le directeur des élections, Ray Dupres, tenait un procès-verbal de l'audience et que ce dernier a démissionné le 26 mars 2002, ne veut pas dire qu'on peut de ce fait trouver le demandeur en faute parce que le dossier du comité n'est pas devant la Cour.

[63]            Le demandeur soutient aussi que les motifs du comité ne sont pas adéquats, étant donné la nature de la décision et son impact sur lui. Il s'appuie sur l'arrêt Baker, précité, pour dire qu'il fallait que des motifs soient présentés. Voici ce que déclare à ce sujet le juge L'Heureux-Dubé, au paragraphe 43 de l'arrêt Baker, précité :


À mon avis, il est maintenant approprié de reconnaître que, dans certaines circonstances, l'obligation d'équité procédurale requerra une explication écrite de la décision. Les solides arguments démontrant les avantages de motifs écrits indiquent que, dans des cas comme en l'espèce où la décision revêt une grande importance pour l'individu, dans des cas où il existe un droit d'appel prévu par la loi, ou dans d'autres circonstances, une forme quelconque de motifs écrits est requise. Cette exigence est apparue dans la common law ailleurs. Les circonstances de l'espèce, à mon avis, constituent l'une de ces situations où des motifs écrits sont nécessaires. L'importance cruciale d'une décision d'ordre humanitaire pour les personnes visées, comme celles dont il est question dans les arrêts Orlowski, Cunningham et Doody, milite en faveur de l'obligation de donner des motifs. Il serait injuste à l'égard d'une personne visée par une telle décision, si essentielle pour son avenir, de ne pas lui expliquer pourquoi elle a été prise.

[64]            Selon moi, le comité aurait dû donner les motifs pour lesquels il est arrivé à la conclusion que le demandeur était coupable d'avoir encouragé la perpétration de manoeuvres électorales frauduleuses, en contravention de l'alinéa 12.1c) du Règlement. En l'espèce, le demandeur a tout simplement reçu un avis que l'appel de Robert Sound était accueilli. Quelques jours plus tard il a reçu une lettre lui déclarant que la décision avait été prise au vu des présentations faites verbalement au comité et que le Règlement n'exigeait pas que le comité divulgue quelques raisons que ce soit pour sa décision. Étant donné que cette décision avait une importance si grande pour une personne, sanctionnant sa conduite et l'excluant de son poste électif, les motifs de la décision auraient dû être présentés même si le Règlement ne précise pas expressément cette exigence.


[65]            La décision que peut prendre le comité est précisée au paragraphe 12.9 du Règlement. Les alinéas 12.9a) et b) du Règlement énoncent la norme requise pour qu'un appel soit rejeté. L'alinéa 12.9a) porte qu'un appel doit être rejeté au motif que « la preuve présentée ne vient pas confirmer pleinement et correctement les motifs essentiels d'un appel » , et l'alinéa 12.9b) porte que les résultats d'une élection seront maintenus malgré qu'on accueille les motifs d'appel, si « l'infraction n'a pas directement ou essentiellement affecté le résultat » . Selon moi, cette formulation indique qu'il faut donner des motifs énonçant pourquoi la preuve présentée « vient... confirmer pleinement et correctement » que le demandeur était impliqué dans des manoeuvres électorales frauduleuses et de quelle manière cette conduite a affecté directement ou essentiellement le résultat de l'élection.

[66]            Au vu de l'analyse qui précède, j'accueille la demande de contrôle judiciaire. Le processus adopté par le comité a empêché le demandeur de participer de façon valable à une décision qui aurait un impact considérable non seulement sur son emploi, mais sur sa réputation dans la communauté.

[67]            La décision du comité est annulée, avec dépens au demandeur. L'appel de l'élection du demandeur comme conseiller de bande doit être réexaminé et tranché à nouveau en conformité de ces motifs. Le demandeur doit être informé de la preuve et des allégations faites contre lui et obtenir l'occasion d'y répondre. Leon Chalifoux ne peut faire partie du comité. La demande visant la publication d'un avis que le demandeur est régulièrement élu et qu'il n'est pas coupable de manoeuvres électorales frauduleuses est rejetée, puisque ce n'est pas la Cour mais bien le comité qui doit en décider à l'avenir.

                                           ORDONNANCE


La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision du 26 mars 2002 du Comité d'appels en matière d'élections de la Première nation de Swan River accueillant l'appel du défendeur, Robert Sound, à l'encontre de l'élection du demandeur est annulée. Le comité doit trancher la question à nouveau en conformité de ces motifs. Le conseiller Leon Chalifoux ne doit pas participer au comité lors de ce nouvel examen. Le demandeur a droit à ses dépens.

            « E. Heneghan »            

       Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 T-626-02

INTITULÉ :              Preston Sound c. Première nation de Swan River et autres

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 9 avril 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                      Le juge Heneghan

DATE DES MOTIFS :                                    Le 10 juillet 2003

COMPARUTIONS :

Mme Anne de Villars                                             POUR LE DEMANDEUR

M. James McFadyen                                            POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

de Villars Jones                                                    POUR LE DEMANDEUR

Edmonton (Alberta)

Parlee McLaws, LLP                                           POUR LES DÉFENDEURS

Edmonton (Alberta)

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