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Date : 20060515

Dossier : T-2147-04

Référence : 2006 CF 600

Ottawa (Ontario), le 15 mai 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

ENTRE :

KEVIN GANNON

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               M. Kevin Gannon a servi dans la Réserve et dans les Forces armées régulières du Canada de 1988 à 1997. Avant d’entreprendre son service militaire, il s’était fracturé le poignet droit. Au moment de l’enrôlement du demandeur, le personnel médical militaire a indiqué que son poignet était [traduction] « complètement guéri ». M. Gannon a aujourd’hui de graves problèmes avec ce poignet. Il soutient que :

 

a)      l’inaction du personnel médical militaire en 1993

b)      et les activités physiques connexes au service militaire

 

sont à l’origine de ces problèmes.

 

[2]               Le 24 février 2003, M. Gannon a présenté au ministre responsable des Anciens combattants une demande de pension d’invalidité qui a été refusée le 13 août 2003. Cette décision a été confirmée par un comité de révision le 12 février 2004 et elle a été confirmée de nouveau, le 5 octobre 2004 dans un appel interjeté devant le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal d’appel ou TACRA) concernant le droit à pension. M. Gannon sollicite le contrôle judiciaire de la décision du Tribunal d’appel.

 

Questions en litige

[3]               À part deux questions préliminaires peu importantes, qui sont analysées ci-après, la présente demande comporte une seule question litigieuse : le Tribunal d’appel a-t-il rendu une décision manifestement déraisonnable en faisant abstraction de la preuve ou en l’interprétant de façon erronée, ou encore, en omettant d’appliquer les règles de preuve prévues à l’article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18 (la Loi sur le TACRA), en faveur de M. Gannon?

 

Fondement de la prétention de M. Gannon

[4]               Depuis 1993 au moins, M. Gannon souffre au poignet droit d’une affection appelée « absence de consolidation de l’os scaphoïde ». Son principal argument est que l’inaction du personnel militaire et médical en 1993, quand l’absence de consolidation de l’os scaphoïde a été décelée, est à l’origine de l’affection dont il souffre ou a contribué à son apparition. Il prétend que les problèmes qu’il éprouve aujourd’hui seraient attribuables à cette inaction et constituent donc une invalidité ouvrant droit à pension.

 

[5]               Cette allégation de mauvaise gestion ou de négligence est manifestement celle sur laquelle M. Gannon et les trois décideurs ont mis l’accent. Cependant, dans les observations qui ont été présentées initialement au Tribunal d’appel, un autre argument a été brièvement mentionné. Plus précisément, l’avocat qui représentait M. Gannon devant le Tribunal d’appel a évoqué la possibilité que la blessure au poignet soit consécutive aux « activités physiques » de M. Gannon au cours de son service militaire. Il a écrit ce qui suit :

 

[traduction] [I]l est allégué que les fonctions qu’exécutait l’appelant dans l’infanterie et en tant que technicien des mouvements ont soumis les membres supérieurs de son corps à des exigences physiques qui auraient bien pu contribuer à l’apparition de l’affection alléguée. Il n’est pas évident que la blessure a été subie pendant que l’appelant était dans l’armée, mais l’utilisation excessive ou les efforts répétitifs que l’on associe aux tâches ordinaires exécutées dans les métiers que l’appelant a exercés auraient bien pu contribuer à l’apparition de cette affection du scaphoïde droit; il s’ensuit que le droit à pension peut être aussi reconnu pour ce motif.

 

[6]               Il ne semble pas que ce second argument ait été plaidé activement devant le Tribunal d’appel. En outre, même s’il en est fait mention dans les observations soumises à la Cour, M. Gannon ne l’a pas plaidé devant moi.

 

Décision du Tribunal d’appel

[7]               Le Tribunal d’appel a conclu que l’affection dont souffre M. Gannon n’était ni consécutive ni liée directement à son service dans les Forces armées, et il a confirmé la décision du comité de révision.

 

[8]               Le Tribunal d’appel a mis l’accent sur deux éléments de preuve :

 

1.      une lettre du Dr Verma, le conseiller médical du ministère auprès du ministre des Anciens combattants, qui a indiqué qu’un traitement conservateur (c’est-à-dire non chirurgical) de la fracture du scaphoïde en 1993 était compatible avec les symptômes mineurs que présentait le demandeur;

 

2.      une série de lettres du Dr Lalani, qui a conclu que la décision, en 1993, de ne pas traiter chirurgicalement la blessure au poignet du demandeur était un cas de [traduction] « mauvaise gestion » qui « a aggravé le risque d’échec d’une greffe osseuse ultérieure ».

 

[9]               Le Tribunal d’appel a dit que cette preuve représentait [Traduction] « deux opinions opposées de médecins » et il a conclu qu’il ne s’agissait pas d’opinions médicales, mais d’avis juridiques au sujet de la nature d’une faute professionnelle médicale. Il a donc fait sa propre analyse de la faute professionnelle médicale en se fondant sur une norme objective et acceptable de soins médicaux, déterminée [traduction] « en fonction du niveau de soins auquel on peut raisonnablement s’attendre de la part d’un médecin ayant une formation, une compétence et une expérience moyennes dans le contexte de la situation en cause ».

 

[10]           Le Tribunal d’appel a dit :

 

[traduction] Il ressort clairement de l’inscription médicale du 19 mai 1993 que diverses options de traitement ont été envisagées à cette époque et que l’on a choisi d’éviter un traitement invasif et d’opter plutôt pour un traitement conservateur. En fait, le Tribunal constate aussi que l’appelant n’a pas vraiment eu d’autres problèmes avec son poignet avant qu’il le blesse de nouveau environ six ans après la fin de son service militaire.

 

[11]           Le Tribunal d’appel a considéré que le niveau de soins assurés par les médecins militaires au cours de la période de service du demandeur n’était pas tombé en deçà d’un niveau raisonnable. Il a donc conclu que M. Gannon ne souffrait pas d’une invalidité ouvrant droit à pension en vertu de l’article 21 de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6.

 

Questions préliminaires

a)      Le Tribunal d’appel devrait-il être désigné à titre de défendeur?

[12]           La première question préliminaire concerne le défendeur approprié en l’espèce. Le Tribunal d’appel a été désigné à titre de défendeur dans la présente demande. En général, l’office fédéral visé par la demande ne doit pas être désigné à titre de défendeur dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire (paragraphe 303(1) des Règles des Cours fédérales, 1998, DORS/98-106, et modifications). Le TACRA sera donc radié à titre de défendeur, ce qui laisse le procureur général du Canada comme unique défendeur.

 

b)      Faudrait-il radier certains passages de l’affidavit de M. Gannon?

[13]           La seconde question préliminaire a trait au contenu du dossier du demandeur. Plus précisément, le dossier de M. Gannon contient des éléments de preuve documentaires qui n’ont pas été soumis au Tribunal d’appel. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, une cour peut uniquement tenir compte de la preuve mise à la disposition du décideur administratif dont la décision est examinée; elle ne peut pas tenir compte de nouveaux éléments de preuve (voir, par exemple, Wood c. Canada (Procureur général) (2001), 199 F.T.R. 133, [2001] A.C.F. no 52 (QL), au paragraphe 34 (1re inst.); Wannamaker c. Canada (Procureur général), [2006] A.C.F. no 513 (QL); 2006 CF 400).

 

[14]           Le défendeur soutient que certains passages de l’affidavit de M. Gannon doivent être radiés; en particulier, ceux qui se rapportent à sa blessure au genou et aux traitements connexes, ainsi qu’aux demandes de pension et aux procédures connexes, y compris des déclarations personnelles au sujet de son opinion sur la compétence du Dr Verma. Selon le défendeur, ces passages sont [traduction] « abusifs, tendancieux, inopportuns et, de toute façon, manifestement non pertinents, car les éléments de preuve n’ont pas été soumis au décideur ».

 

[15]           Il ressort d’un examen du dossier certifié du tribunal que certains éléments de preuve concernant la blessure au genou de M. Gannon ont été soumis au Tribunal d’appel, lorsqu’ils étaient aussi pertinents quant au traitement du poignet de M. Gannon ou quant à ses antécédents généraux au sein des Forces armées. Le simple fait que l’on examine, comme c’est le cas au paragraphe 5 de l’affidavit, la question de la blessure au genou de M. Gannon n’a rien de répréhensible.

 

[16]           Cependant, il ressort d’une copie des observations que M. Gannon a soumises au Tribunal d’appel que rien n’a été dit au sujet des procédures engagées en matière de pension concernant son genou. Les renseignements figurant aux paragraphes 6 à 8 de l’affidavit traitent en détail des procédures qu’a engagées M. Gannon concernant sa blessure au genou. Les paragraphes 6 à 8 et les pièces B à G ont manifestement pour but de discréditer le Dr Verma, dont l’opinion médicale a été fournie au ministre et à laquelle ont fait référence le comité de révision et le Tribunal d’appel. Les pièces B à G ne figurent pas dans le dossier du tribunal, et rien n’indique qu’elles ont été soumises au Tribunal d’appel.

 

[17]           En conséquence, les renseignements figurant aux paragraphes 6 à 8 de l’affidavit ainsi que dans les pièces B à G ne sont pas pertinents pour le présent contrôle judiciaire et ils devraient être radiés.

 

Analyse

[18]           Comme il a été indiqué plus haut, les observations présentées au Tribunal d’appel et à la Cour portaient principalement sur la mauvaise gestion alléguée du problème au poignet dont souffrait M. Gannon. Je me concentrerai donc sur cette question.

 

[19]           Un ancien combattant des Forces armées du Canada – qui a fait partie soit de la réserve, soit de la force régulière – peut être admissible à une pension d’invalidité lorsqu’une affection préexistante s’est aggravée pendant le temps qu’il a passé au sein des Forces armées. Cette aggravation peut être attribuable aux tâches militaires de l’intéressé. En outre, elle peut être attribuable aux gestes que des fournisseurs de services médicaux ont posés pendant la durée du service militaire.

 

[20]           Une invalidité qui résulte de soins médicaux inadéquats de la part du personnel militaire ou de fournisseurs de services autorisés ouvre droit à pension en vertu de l’article 21 de la Loi sur les pensions (voir Re Interpretation of Section 12 of the Pension Plan (1978), 8 P.R.B.R. (no 1) 3). Cela s’explique par le fait que le ministère de la Défense a l’obligation d’assurer des soins médicaux appropriés à tous les militaires. Cette responsabilité s’applique manifestement aux blessures subies au cours du service militaire, mais elle s’étend à tous les traitements médicaux reçus par un militaire pendant la durée de son service. Ainsi, lorsqu’une invalidité résulte de la négligence du personnel médical des forces armées pendant le traitement d’une affection préexistante, cette négligence peut causer une nouvelle invalidité ou contribuer à aggraver l’invalidité. Il y a alors invalidité ouvrant droit à pension.

 

[21]           À cet égard, l’argument de M. Gannon devant le Tribunal d’appel était fort simple : l’inaction du personnel militaire et médical en 1993, quand l’absence de consolidation de l’os scaphoïde a été décelée, a mené ou a contribué à l’apparition de l’affection dont il souffre maintenant.

 

[22]           Pour répondre à l’argument de M. Gannon, le Tribunal d’appel était tenu de déterminer si ce dernier avait reçu des soins médicaux appropriés. Bref, compte tenu des faits de l’espèce, une absence d’intervention, plutôt qu’une intervention chirurgicale, était-elle une option médicale raisonnable pour tenter de corriger l’absence de consolidation de l’os scaphoïde?

 

[23]           La question de savoir ce qui a causé l’invalidité de M. Gannon est une question de fait pour laquelle on a systématiquement considéré que la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable (Comeau c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1091, [2004] A.C.F. no 1323 (QL), au paragraphe 51; Bradley c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 793, [2001] A.C.F. no 1152 (QL), aux paragraphes 16 et 19; et Nisbet c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1106, [2004] A.C.F. no 1340 (QL), aux paragraphes 8 à 13). Autrement dit, le Tribunal d’appel ne commet une erreur que s’il a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon arbitraire ou abusive ou sans tenir compte des éléments dont il dispose (Hall c. Canada (Procureur général) (1998), 152 F.T.R. 58, [1998] A.C.F. no 890 (QL), au paragraphe 18 (1re inst.), conf. par [1999] A.C.F. no 1800 (C.A.F.)).

 

[24]           Dans sa décision, le Tribunal d’appel a déclaré qu’il avait à choisir entre deux opinions opposées, celle du Dr Verma et celle du Dr Lalani. Il a jugé que leurs opinions n’étaient pas des opinions médicales, mais des avis [traduction] « sur ce qui constitue une mauvaise gestion ou une négligence médicale ». À mon avis, cette caractérisation simplifie erronément les opinions des deux médecins en les regroupant dans une même catégorie. Les deux médecins ont donné des opinions médicales au sujet de la probabilité que la blessure de M. Gannon entraîne des complications à long terme, ainsi que leurs opinions sur le bon traitement à appliquer. Seules les déclarations finales que les médecins ont faites dans leurs lettres, sur la question de savoir s’il y avait eu mauvaise gestion dans cette affaire, dépassaient le cadre d’une opinion médicale.

 

[25]           Il y a une différence entre dire ce que serait le traitement médical admis et indiquer si la décision de poursuivre ce traitement ou une autre option constitue de la mauvaise gestion. Dans le premier cas, il s’agit d’une opinion médicale, dans le second, d’un avis juridique. Comme le Tribunal d’appel a reconnu que l’opinion du Dr Lalani était [traduction] « la plus favorable » à M. Gannon et qu’elle émanait d’un chirurgien orthopédiste, il s’ensuit qu’il serait peut-être arrivé à une conclusion différente s’il avait bien saisi la nature de l’opinion du Dr Lalani.

 

[26]           Étant donné que des parties importantes des opinions des Drs Verma et Lalani étaient de nature médicale plutôt que juridique, le Tribunal d’appel était tenu de soupeser cette preuve et d’évaluer la crédibilité de chaque rapport (voir, de façon générale, Metcalfe c. Canada (1999), 160 F.T.R. 281, [1999] A.C.F. no 22 (QL) (1re inst.); Schott c. Canada (Procureur général) (2001), 199 F.T.R. 225, [2001] A.C.F. no 126 (QL), surtout aux paragraphes 24 à 26 (1re inst.); et Comeau, précitée). Les motifs n’indiquent aucunement que c’est là l’approche qui a été suivie. Le Tribunal d’appel a plutôt simplement conclu ce qui suit :

 

[traduction] [I]l ressort clairement de l’inscription médicale du 19 mai 1993 que diverses options de traitement ont été envisagées à cette époque et que l’on a choisi d’éviter un traitement invasif et d’opter plutôt pour un traitement conservateur.

 

[…]

 

Le choix d’un traitement différent en 1993 ou 1994 aurait peut-être permis à l’opération de greffe osseuse effectuée environ 10 ans plus tard par le Dr Lalani de donner un résultat plus positif, mais le Tribunal est incapable de conclure que le choix qui a été fait dans les circonstances constituait un cas de mauvaise gestion ou de négligence médicales.

 

[27]           La conclusion du Tribunal d’appel selon laquelle des [traduction] « options de traitement ont été envisagées » m’apparaît insuffisante. Le Tribunal d’appel n’a pas analysé ou évalué les preuves médicales contradictoires sur ce qu’aurait été une approche acceptée pour la blessure. De l’avis du Dr Lalani, un [traduction] « traitement conservateur » (c’est‑à‑dire aucun traitement du tout) n’était pas toujours une solution appropriée; le Tribunal d’appel aurait dû expliquer pourquoi il n’a pas accepté cette preuve (Comeau, précitée, au paragraphe 61, où il est question de preuves médicales non contredites). Le Tribunal d’appel aurait pu faire référence à l’opinion du Dr McAllister, chirurgien orthopédiste, qui semble confirmer l’approche du Dr Verma. Je constate que les propos du Dr McAllister ne sont pas aussi catégoriques ou clairs que ceux du Dr Verma, mais la seule autre opinion médicale disponible est la sienne. Le Tribunal d’appel ne s’étant nullement reporté dans ses motifs au rapport du Dr McAllister, on peut conclure qu’il n’a pas procédé à un examen complet de la preuve médicale dont il avait été saisi.

 

[28]           En outre, étant saisi d’une opinion médicale des plus favorables à la position de M. Gannon, d’une opinion contraire et d’une autre peut-être ambiguë, le Tribunal d’appel était tenu non seulement d’apprécier la preuve mais aussi d’appliquer les dispositions de l’article 39 de la Loi sur le TACRA :

 

39. Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

 

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

 

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

 

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

 

 

 

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

 

 

a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

 

b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

 

c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

 

 

[29]           Si le Tribunal d’appel n’avait pas mal saisi la nature médicale des opinions des médecins, il aurait expliqué pourquoi la contradiction entre le rapport du Dr Verma et celui du Dr Lalani n’avait pas été tranchée en faveur de M. Gannon, comme le prescrit l’alinéa 39c), et pourquoi il n’était pas raisonnable de tirer une conclusion en sa faveur, comme le prescrit l’alinéa 39a). Cela ne veut pas dire que le Tribunal d’appel n’aurait pas pu rendre une décision défavorable à M. Gannon; les rapports du Dr Lalani et du Dr McAllister représentent une preuve médicale digne de foi à l’appui du traitement médical qu’a reçu M. Gannon. Le Tribunal d’appel aurait pu rendre une décision défavorable à M. Gannon en se fondant sur cette preuve. Le problème est que le Tribunal d’appel semble avoir fait abstraction de la nature de la preuve provenant du Dr Verma et du Dr Lalani, ou l’avoir mal saisie.

 

[30]           Je dois tirer une conclusion similaire à celle que l’on peut lire dans la décision Schott, précitée, au paragraphe 26 :

 

En l’espèce, j’estime également que le [TACRA] aurait pu tirer sa conclusion uniquement en omettant de tenir compte de la preuve présentée par les docteurs Hurley et Jaeger, en interprétant la preuve d’une façon erronée ou en se trompant au sujet de l’effet de l’article 39 de la Loi compte tenu de l’existence d’éléments de preuve vraisemblables et dignes de foi. Même en l’absence de certitude, comme dans l’affaire Metcalfe, supra, le [TACRA] disposait de suffisamment d’éléments de preuve pour faire droit à la demande si le demandeur s’était conformé aux dispositions de l’article 39.

 

[31]           Autrement dit, le Tribunal d’appel a fondé sa décision sur des conclusions tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait (alinéa 18.1(4)d), Loi sur les Cours fédérales). Il convient donc d’annuler la décision et de la renvoyer en vue d’un nouvel examen.

 

Conclusion

[32]           Pour ces motifs, la demande sera accueillie et l’affaire sera renvoyée au Tribunal d’appel pour qu’un comité différent de ce dernier procède à un nouvel examen.

 

[33]           Comme il a été indiqué plus haut, la question de savoir si la blessure au poignet est attribuable aux activités de M. Gannon dans l’armée n’a pas été débattue devant moi. Cependant, il ressort du dossier qu’au moment de son enrôlement, M. Gannon a subi un examen médical complet et que l’on a déclaré que son poignet droit était [Traduction] « complètement guéri », mais qu’il y avait une certaine restriction dans les mouvements. Pourtant, en 1993, une absence de consolidation de l’os scaphoïde, accompagnée de problèmes connexes et d’une arthrose potentielle, est tout à coup apparue. Cela permet de se demander si ce poignet « complètement guéri » n’a pas été blessé de nouveau au cours de la période de service militaire. J’espère que cette question sera abordée lors du réexamen.

 

 

ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE :

 

 

  1. La demande est accueillie, avec dépens en faveur du demandeur.

 

2.      L’affaire est renvoyée au Tribunal d’appel pour réexamen.

 

  1. Le Tribunal d’appel est radié de l’intitulé de la cause à titre de défendeur.

 

  1. Les paragraphes 6 à 8 et les pièces B à G de l’affidavit de M. Gannon sont radiés.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                T-2147-04

 

INTITULÉ :                                                               KEVIN GANNON

                                                            c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 19 AVRIL 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                               LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 15 MAI 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Ronald J. Obirek

 

POUR LE DEMANDEUR

Deborah Babiuk-Gibson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Ronald J. Obirek

Avocat

Edmonton (Alberta)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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