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Date : 20060123

Dossier : IMM-4742-05

Référence : 2006 CF 62

Montréal (Québec), le 23 janvier 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

YSIDRO GARCIA MÉDINA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 72 de la Loisur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 ( « LIPR » ) d'une décision de la Section de la protection des réfugiés ( « SPR » ) datée du 11 juillet 2005. Par cette décision, la SPR refusait la demande d'asile du demandeur, estimant que celui-ci n'est pas un « réfugié au sens de la Convention » ni une personne à protéger et qu'il est exclu en vertu de l'alinéa 1Fb) de la Conventionrelative au statut de réfugié, R.T. Can 1969, no 6 ( « Convention » ) puisqu'il a été condamné aux États-Unis pour conspiration de possession avec intention de distribuer 325 kilogrammes de marijuana.

QUESTIONS EN LITIGE

[2]                Les questions en litige sont les suivantes :

-           Quelles sont les normes de contrôle applicables?

-           La SPR a-t-elle erré en décidant que le demandeur devait être exclu en vertu de l'alinéa 1Fb) de la Convention ?

-           La SPR a-t-elle erré en décidant que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger ?

CONCLUSIONS

[3]                Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

FAITS ALLÉGUÉS PAR LE DEMANDEUR

[4]                Le 24 août 2000, le demandeur a été condamné pour conspiration de possession avec intention de distribuer 325 kilogrammes de marijuana à purger une peine de 60 mois d'emprisonnement ainsi qu'une période de probation de quatre ans. En juin 2004, il a été expulsé des États-Unis vers le Mexique après avoir été détenu pendant environ 52 mois. À son retour au Mexique, il a commencé à travailler dans l'atelier de mécanique de son frère puis, à partir de juillet 2004, il a été à l'emploi d'une usine de métallurgie et de recyclage de plomb dans l'État du Zacatecas. Le demandeur se serait opposé, avec d'autres ouvriers, à la fermeture de cette usine. Il a été congédié le 28 août 2004. Le demandeur est ensuite retourné travailler à l'atelier de son frère, mais a poursuivi son implication en vue d'empêcher la fermeture de l'usine. En janvier 2005, la gouverneure de l'État a ordonné la fermeture de l'usine, mais les protestations du demandeur et d'autres ouvriers ont continué. Le 11 février 2005, le demandeur aurait fait l'objet de menaces de la part de représentants et de collaborateurs des propriétaires et il aurait été battu le même jour par trois individus.

[5]                Le demandeur a ensuite quitté le Mexique, a demandé son admission comme touriste et n'a pas demandé l'asile en arrivant à l'aéroport de Montréal, le 16 février 2005. Ce n'est que le 25 février 2005 que le demandeur a fait une demande d'asile. Le 3 juin 2005, une audience avait lieu devant la SPR puis, le 11 juillet 2005, la demande était rejetée par la SPR.

DÉCISION CONTESTÉE

[6]                La décision du Commissaire Léon Graub est fondée sur deux motifs. D'abord, il a estimé que pour des raisons de crédibilité, le demandeur n'était pas une personne à protéger ou un réfugié (inclusion). Ensuite, il a décidé que le demandeur est visé par l'alinéa 1Fb) de la Convention et que le demandeur doit être exclu du fait du crime qu'il a commis au États-Unis (exclusion).

[7]                Quant à l'inclusion, M. Graub a relevé diverses incohérences dans le récit du demandeur, tirées de son témoignage oral, des notes de l'agente d'immigration, de son Formulaire de renseignements personnels (FPR) et des autres documents d'immigration:

-          Le demandeur a donné des versions contradictoires quant aux buts de son militantisme. Tantôt il a prétendu qu'il protestait contre la fermeture de l'usine, tantôt parce qu'il en souhaitait la fermeture en raison de ses émissions polluantes. Les explications du demandeur à l'audience, visant à justifier ces différentes versions n'ont pas été jugées satisfaisantes;

-          Le demandeur a donné des versions contradictoires quant aux motifs de sa crainte (sur l'annexe 1 du Formulaire « Renseignements au sujet des revendicateurs du statut de réfugié » , il écrit craindre un ou des « problèmes famillial (sic) » , et prétend craindre, en particulier, « un voisin Guadalupe Ruborcado » , alors qu'à l'audience, il a plutôt dit que c'était les propriétaires de l'usine qui lui faisaient craindre un retour au Mexique);

-          Plusieurs éléments du comportement du demandeur montrent qu'il ne craignait pas véritablement d'être persécuté (retard à demander l'asile, défaut de déclarer à l'agent d'immigration qu'il craignait d'être persécuté en cas de retour au Mexique, déclarations concernant son désir de retourner au Mexique, objectif déclaré d'immigrer au Canada pour des motifs économiques);

-          La demande de passeport du demandeur, antérieure aux menaces reçues, est un fait qui tend à montrer que ce n'est pas en raison d'une crainte d'être persécuté que le demandeur a demandé l'asile.

[8]                Quant à l'exclusion, la SPR s'est appuyé sur les arrêts Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté, [2000] 4 C.F. 390 (C.A.) et Zrig c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CAF 178, [2003] A.C.F. No. 565. Il a estimé que l'alinéa 1Fb) de la Convention s'appliquait au demandeur, un crime grave de droit commun ayant été commis et la peine du demandeur n'ayant pas été complètement purgée. De plus, la SPR insiste sur la gravité du crime commis et l'importance des peines qui y sont associées, que ce soit en droit canadien ou en droit américain.

ANALYSE

1.         Normes de contrôle

[9]                Deux normes de contrôle distinctes s'appliquent en l'espèce. Sur la question de l'inclusion, puisque les conclusions de la SPR sont fondées sur des questions de crédibilité, la norme de la décision manifestement déraisonnable s'applique (Mugesera c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 SCC 40, [2005] S.C.J. No. 39, au para. 39 à 43; Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. No. 732, au para. 4). Sur la question de l'exclusion, c'est la norme de contrôle de la décision déraisonnable simpliciter. C'est cette norme qui s'impose lorsqu'il s'agit de vérifier si les clauses d'exclusion de la Section F doivent ou non trouver application dans un cas d'espèce, puisqu'il s'agit d'une question mixte de fait et de droit (Shresta c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 887, [2002] A.C.F. no. 1154, au para. 12 ; Valère c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 524, [2005] A.C.F. No. 643), au para. 12).

2.         Inclusion

[10]            Le demandeur prétend que la SPR n'aurait pas dû remettre en question sa crédibilité du fait qu'il n'a pas dévoilé dès son arrivée au Canada sa crainte d'être persécuté. Dans son affidavit, le demandeur prétend qu'il croyait devoir faire sa plainte dans un bureau des réfugiés, et non à son arrivée. Le demandeur est d'avis, de plus, que la SPR aurait dû poser des questions additionnelles au demandeur en vue de déterminer pourquoi le demandeur a demandé un passeport à une date antérieure aux menaces qu'il dit avoir reçues.

[11]            De son côté, le défendeur souligne les nombreux éléments de preuve relevés par la SPR et qui appuient ses conclusions sur la crédibilité du demandeur.

[12]            Dans l'arrêt Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), précité, le juge Décary écrit :

« Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent?    Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire.    Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier.    Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être.    L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau » .

[13]            Ayant passé en revue les transcriptions de l'audition et l'ensemble de la preuve, il ne me semble pas que la SPR ait commis d'erreur justifiant l'intervention de la Cour. La SPR s'est fondée sur la preuve et a relevé diverses incohérences importantes entre les versions données par le demandeur au point d'arrivée, dans le FPR et dans le témoignage oral.

[14]            Le demandeur ajoute que son hésitation à demander ou non le statut de réfugié, et le consentement qu'il a exprimé à retourner au Mexique sont justifiées et compréhensibles à la lecture de la preuve. Sur ce point, le retard à demander l'asile peut donner lieu à des inférences négatives (Huerta c. Canada, [1993] A.C.F. no 271) puisque cela permet d'évaluer la crainte subjective de persécution du demandeur. Cependant, cette seule considération n'est pas déterminante en soi pour miner la crédibilité d'un demandeur. Dans Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration) v. Koriagin, [2003] A.C.F. No. 1534, 2003 CF 1210, au para. 7, le juge Martineau écrit :

La crainte subjective du revendicateur doit toujours être appréciée. Lorsque la preuve révèle que le revendicateur n'a pas profité de la première occasion pour revendiquer le statut de réfugié, cela peut compromettre dans certaines circonstances sa demande d'asile. Bien que cette considération ne soit pas déterminante en soi, il s'agit d'un facteur pertinent dans l'appréciation de la crédibilité du revendicateur : Gavryushenko c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration) [2000] A.C.F. no 1209 (Q.L.); Ilie c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1994), 88 F.T.R. 220; Huerta c. Ministre de l'emploi et de l'immigration [1993] 157 N.R. 225, par. 4 (C.A.F.).

[15]               En l'espèce, plusieurs faits concourent à miner la crédibilité du demandeur (ces éléments sont bien relevés dans la décision de la SPR - voir le dossier du Tribunal, aux pages 53 et suivantes et, en particulier, les notes de l'agente d'immigration, qui contient plusieurs admissions du demandeur concernant sa crainte et les motifs de sa venue au Canada : p. 53, 54, 56 et 57). La décision de la SPR n'a pas rejeté les prétentions du demandeur au seul motif qu'il a tardé à demander l'asile. Elle s'est appuyée sur plusieurs constatations tirées de la preuve pour en venir à la conclusion que le comportement du demandeur n'est pas celui d'une personne qui craint de retourner dans son pays. Ce faisant, elle n'a pas commis d'erreur.

3.          Exclusion

[16]            Les personnes qui ont commis des crimes graves de droit commun ne peuvent, en droit canadien, avoir la qualité de réfugié ou de personne à protéger. C'est l'article 98 LIPR qui le prévoit :

98. La personne visée aux sections E ou F de l'article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

[17]            Les sections E et F de la « Convention sur les réfugiés » (définie à l'article 2 LIPR - il s'agit de la Convention) sont annexées à la LIPR. Le passage pertinent de la section F se lit comme suit :

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

[...]

b) Qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés;

[...]

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

[...]

(b) he has committed a serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

[...]

[18]            Le demandeur plaide que l'exclusion ne s'applique pas à son cas. Il estime que sa peine a été purgée et qu'une personne ayant purgé sa peine ne devrait pas être exclue. Il soutient qu'il aurait dû avoir droit de faire une preuve de bonne conduite et que le fait qu'il soit en probation depuis son renvoi vers le Mexique en juin 2004 ne devrait pas être retenu contre lui. Finalement, le demandeur soutient que les motifs de la SPR sur la question de l'exclusion sont insuffisamment motivés.

[19]            Le défendeur reprend pour l'essentiel les conclusions de la SPR. Il est d'avis que le crime commis par le demandeur constitue un crime grave de droit commun et que la peine à laquelle le demandeur a été condamné n'a pas été purgée en entier. Le défendeur estime, de plus, que même si la peine était considérée purgée dans sa totalité, la gravité du crime commis justifierait néanmoins l'exclusion du demandeur. Sur la question de la suffisance des motifs, le défendeur soutient que la décision est assez détaillée pour comprendre ses fondements et pour suivre le raisonnement de la SPR.

[20]            Dans l'arrêt Zrig c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), précité, au para. 134, le juge Décary analyse le contenu de l'exclusion prévu à la section Fb) :

L'expression « crime grave de droit commun » exige que soient rencontrées trois conditions : il faut qu'il s'agisse d'un crime, il faut que ce crime en soit un de droit commun ( « non-political » ) et il faut que ce crime soit grave.

[21]            En l'espèce, il n'y a pas de doute que le demandeur a commis un crime, l'authenticité du jugement américain daté du 24 août 2000 prononcé contre le demandeur n'ayant pas été contestée. Sur l'expression « crime de droit commun » , le juge Décary ajoute, au para.136 :

L'article 1Fb) traite des crimes ordinaires [...].    Ces crimes n'ont pas été définis par la communauté des nations agissant à titre collectif.    [...]    À la rigueur, comme je l'ai déjà mentionné, on peut prétendre que les crimes reconnus dans des traités d'extradition ont fait l'objet d'un consensus international et constituent des crimes graves de droit commun aux yeux de la communauté internationale, mais ces crimes ne sont pas, en eux-mêmes, des crimes internationaux et ils sont définis en fonction du droit interne pertinent.    S'il est acquis, en pratique, que ces crimes ordinaires qui font communément l'objet de traités d'extradition constituent généralement des crimes graves, les autres crimes seront objets de débats et la question se posera, chaque fois, de déterminer si un acte est un crime ordinaire et, si oui, s'il est un crime grave au sens de la Convention.   

[22]            Dans l'affaire Zrig c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), précitée, la Cour d'appel fédérale a expliqué la portée qu'il faut donner à la section Fb). Dans cette affaire, le juge Nadon s'est livré à une analyse en profondeur de la jurisprudence et de la dotrine sur cette question. Aux paras. 59 à 97, le juge explique le sens de la section Fb). En particulier, aux para. 59 et 79, il écrit (les explications sont omises) :

(para. 59) Selon l'appelant, l'intention des signataires de la Convention était de s'assurer que des criminels de droit commun ne puissent se soustraire à des procédures d'extradition, à des poursuites criminelles ou à l'exécution d'une sentence d'emprisonnement dans leur pays en demandant le statut de réfugié dans un pays tiers.

[...]

(para. 79) La seule question à laquelle on doit apporter une réponse est celle de savoir s'il existe des raisons sérieuses de penser qu'un revendicateur a commis un crime grave de droit commun. (je souligne)

La jurisprudence canadienne considère que le trafic de drogue est un crime grave de droit commun (voir en particulier Delisle c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] F.C.J. No. 977; 2002 FCT 737, au para. 13). En l'espèce, le demandeur n'a pas été condamné pour trafic de drogues, mais plutôt de conspiration de possession avec intention de distribuer 325 kilogrammes de marijuana.

[23]            Pour déterminer si un crime constitue un crime grave, on peut s'inspirer de la peine que prévoit le droit canadien (voir Xie c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2004] 2 R.C.F. 372, [2004] 2 FC 1023, conf. par [2005] 1 F.C.R. 304, 2004 FCA 250 et Xu v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2005 FC 970, [2005] F.C.J. No. 1193, au para. 30). Le crime pour lequel le demandeur a été condamné équivaut en droit canadien au complot de possession de drogue en vue d'en faire le trafic. Les dispositions pertinentes sont les suivantes :

Code criminel, L.R.C. 1985 c. C-46

465. (1) Sauf disposition expressément contraire de la loi, les dispositions suivantes s'appliquent à l'égard des complots :

[...]

c) quiconque complote avec quelqu'un de commettre un acte criminel que ne vise pas l'alinéa a) ou b) est coupable d'un acte criminel et passible de la même peine que celle dont serait passible, sur déclaration de culpabilité, un prévenu coupable de cette infraction;

465. (1) Except where otherwise expressly provided by law, the following provisions apply in respect of conspiracy:

[...]

(c) every one who conspires with any one to commit an indictable offence not provided for in paragraph (a) or (b) is guilty of an indictable offence and liable to the same punishment as that to which an accused who is guilty of that offence would, on conviction, be liable

Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, c. 19

5. [...]

(2) Il est interdit d'avoir en sa possession, en vue d'en faire le trafic, toute substance inscrite aux annexes I, II, III ou IV.

(3) Quiconque contrevient aux paragraphes (1) ou (2) commet :

a) dans le cas de substances inscrites aux annexes I ou II, mais sous réserve du paragraphe (4), un acte criminel passible de l'emprisonnement à perpétuité;

[...]

ANNEXE II

[...]

1. Chanvre indien (Cannabis), ainsi que ses préparations et dérivés et les préparations synthétiques semblables, notamment :

[...]

(2) cannabis (marihuana)

[...]

5. [...]

(2) No person shall, for the purpose of trafficking, possess a substance included in Schedule I, II, III or IV.

(3) Every person who contravenes subsection (1) or (2)

(a) subject to subsection (4), where the subject-matter of the offence is a substance included in Schedule I or II, is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for life;

[...]

SCHEDULE II

[...]

1. Cannabis, its preparations, derivatives and similar synthetic preparations, including:

[...]

(2) Cannabis (marihuana)

[...]

[24]            Le droit criminel canadien prévoit la même peine maximale pour l'infraction de complot pour possession de drogue en vue d'en faire le trafic que pour le trafic lui-même, soit l'emprisonnement à perpétuité. Le fait que le paragraphe 36(1) LIPR qualifie de grande criminalité une infraction prévoyant une peine d'emprisonnement maximale de 10 ans, combinée aux remarques de la Cour suprême relatives à la gravité des infractions relatives au trafic de drogues (voir en particulier Delisle c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] F.C.J. No. 977; 2002 FCT 737, au para. 13), je ne peux qu'en venir à la conclusion que l'infraction pour laquelle le demandeur a été condamné constitue un crime grave de droit commun.

[25]            La sentence à laquelle il a été condamné en vertu du jugement américain daté du 24 août 2000 est composée d'une peine de prison d'une durée de 60 à 71 mois et d'une période de supervision, après la mise en liberté, d'une durée de 4 à 5 ans. Il est vrai, comme le soutient le demandeur, que l'arrêt Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté), précité de la Cour d'appel a consacré le principe selon lequel une personne qui a purgé la totalité de sa peine ne peut être exclue en vertu de la section Fb) de la Convention. Au para. 41, le juge Robertson écrit :

Si l'on présume, sans toutefois trancher la question, que l'infraction dont l'appelant a été déclaré coupable constitue un crime grave de droit commun, il est clair selon moi que la section Fb) de l'article premier ne saurait être invoquée dans les cas où le revendicateur a été déclaré coupable d'un crime et a purgé sa peine ailleurs qu'au Canada, avant d'arriver au pays.

Toutefois, ces propos ont été fortement nuancés par le juge Nadon dans la décision Zrig, précitée, aux paragraphes 118 à 129, et particulièrement au paragraphe 128 :

Bref, la Cour, dans Chan, traitait d'une situation différente et les commentaires qu'elle a émis relativement à l'article 1Fb) de la Convention doivent être lus avec prudence, cet article, à sa face même, visant davantage de cas que ceux que vise la loi canadienne dans les trois articles précités.    Il ne fait pas de doute, par ailleurs, ainsi que l'a décidé la Cour dans Chan, que le pays d'accueil peut très certainement décider de ne pas exclure l'auteur d'un crime grave de droit commun qui aurait déjà été condamné et qui aurait déjà purgé sa peine.    Je ne crois pas, cependant, que la Cour ait décidé que le pays d'accueil ne pouvait pas décider d'exclure, quelles que soient les circonstances, l'auteur d'un crime grave de droit commun dès lors qu'il aurait été condamné et qu'il aurait purgé sa peine.

De toute façon, il appert de la preuve que le demandeur n'a pas encore purgé sa peine en entier. La période de probation de 4 à 5 ans devant suivre la période d'emprisonnement n'a pas été purgée et le dossier indique que la surveillance du demandeur serait réactivée si celui-ci devait remettre les pieds aux États-Unis. La page du jugement américain intitulée « Special Conditions of Supervision » se lit comme suit :

[TRADUCTION] S'il est déporté, le défendeur ne doit pas revenir aux États-Unis illégalement. Si le défendeur est déporté pendant sa période de probation ou de liberté surveillé, la supervision prend fin. Si le défendeur revient, le défendeur doit contacter le Bureau américain des probations le plus près. La supervision par un agent de probation reprend immédiatement dès que le défendeur contacte le Bureau des probations.

Pour ces motifs, je suis d'avis que le demandeur n'a même pas encore purgé sa peine en entier.

[26]            L'argument sur la preuve de bonne conduite que le demandeur prétend n'avoir pas eu l'occasion de faire est sans fondement, et aucune référence à l'appui n'est présentée par lui. L'existence de ce droit, que le demandeur prétend avoir, n'a pas été démontrée. La Section de la protection du réfugié n'est pas un forum approprié pour décider du bien-fondé de la sévérité d'une sentence rendue à l'étranger contre un demandeur d'asile, ni pour décider si une personne a fait preuve d'une bonne conduite à la suite de sa mise en liberté. En l'espèce, le demandeur a commis un crime grave de droit commun, a été condamné pour ce crime et n'a pas terminé de purger sa peine. Ces faits entraînent l'application de l'exclusion prévue à la section Fb).

[27]            Finalement, le demandeur prétend que les motifs de la SPR sont insuffisants. L'obligation qui incombe à la SPR de motiver ses décisions rejetant une demande d'asile est prévue au para. 61(2) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228. De façon générale, pour que l'obligation de motiver une décision soit satisfaite, il suffit que les motifs soient clairs, précis, appropriés et intelligibles, et permettent de savoir pourquoi le recours a échoué et savoir s'il est opportun d'en appeler et sur quelle base. De façon plus spécifique, la Cour d'appel fédérale a appliqué ce principe en matière de protection des réfugiés dans l'affaire Mehterian c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. No. 545, au para. 2 :

Le paragraphe 69.1(11) de la loi sur l'immigration, L.R. (1985), ch. I-2 impose à la section du statut l'obligation de "motiver par écrit" toute décision défavorable à l'intéressé.    Pour satisfaire à cette obligation il faut que les motifs soient suffisamment clairs, précis et intelligibles pour permettre à l'intéressé de connaître pourquoi sa revendication a échoué et de juger s'il y a lieu, le cas échéant,    de demander la permission d'en appeler.

La décision attaquée, qui fait 9 pages au total, est amplement motivée et suffisamment détaillée. Elle réfère à la législation et à la jurisprudence pertinente, et permet de comprendre la démarche du décideur. L'argument du demandeur est donc rejeté.

[28]            Pour ces motifs, la décision de la SPR doit être maintenue.

[29]            Les parties furent invitées à poser des questions pour fins de certification et aucune question n'a été posée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE :

-           La demande de contrôle judiciaire soit rejetée et aucune question ne sera certifiée.

« Simon Noël »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-4742-05

INTITULÉ :                                        YSIDRO GARCIA MÉDINA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal

DATE DE L'AUDIENCE :                17 janvier 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE SIMON NOËL

DATE DES MOTIFS :                       23 janvier 2006

COMPARUTIONS:

Me Jamal Addine Fraygui

POUR LE DEMANDEUR

Me Isabelle Brochu

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Jamal Addine Fraygui - Montréal

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Ministère de la justice - Montréal

POUR LE DÉFENDEUR

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