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Date: 19980227

Dossier: T-2413-95

EN PRÉSENCE DE :           MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE:

                                         BOURGAULT INDUSTRIES LTD.

                                                                                                                   Demanderesse

                                                                    - et -

                                                        FLEXI-COIL LTD.

                                                                                                                     Défenderesse

                                                             JUGEMENT

Tel qu'il appert des motifs écrits déposés en l'espèce, la Cour par les présentes :

a)          Déclare que le brevet '863 est valide et qu'il est contrefait par la défenderesse;

b)          Accorde une injonction interdisant à la défenderesse de contrefaire le brevet '863, et lui interdisant plus particulièrement de fabriquer, d'utiliser ou de vendre des rouleaux plombeurs qui contrefont l'une ou l'autre des revendications du brevet '863;

c)         Accorde des dommages-intérêts, ou subsidiairement la comptabilisation des profits, au choix de la demanderesse, suivant l'évaluation qui en sera faite conformément à l'ordonnance du juge Rothstein en date du 8 novembre 1996;


d)          Ordonne à la défenderesse de remettre à la demanderesse tous les objets en sa possession ou dont elle a le contrôle, qu'elle utilise, fabrique ou fait fabriquer en contrefaçon du brevet '863;

e)          Accorde les intérêts postérieurs au jugement;

f)           Adjuge à la demanderesse les dépens de la présente action.

                                                                                                                                        Juge

OTTAWA, ONTARIO

Traduction certifiée conforme

                            

C. Bélanger, LL.L.


Date: 19980227

Dossier : T-2413-95

ENTRE:

                                         BOURGAULT INDUSTRIES LTD.

                                                                                                                   Demanderesse

                                                                    - et -

                                                        FLEXI-COIL LTD.

                                                                                                                     Défenderesse

                                                 MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE CAMPBELL


[TRADUCTION] « La présente invention a trait à un outil agricole du type communément appelé rouleau plombeur. En particulier, elle a trait à un rouleau plombeur à battants, où les sections à battants peuvent être soulevées du sol et repliées vers le haut de sorte que le rouleau plombeur puisse être transporté aisément. » Ainsi va la première phrase du brevet de la demanderesse[1] qui fait l'objet de la présente action[2]. Bourgault allègue que Flexi-Coil contrefait son brevet en fabricant son rouleau plombeur System 75. Flexi-Coil se défend d'agir ainsi et soutient que, pour diverses raisons, le brevet de Bourgault est invalide.

Heureusement, grâce à l'excellent travail des avocats des deux parties, les éléments de preuve, l'argumentation et les questions en litige ont été synthétisés dans un exposéconjoint des faits et des points litigieux[3]. Cet exposé ainsi que la présentation très habile de la preuve ont fait en sorte que l'instruction a pu se dérouler rondement et rapidement. Comme l'exposé conjoint établit soigneusement les faits non contestés et qu'il définit clairement les points de désaccord, je me propose de le reproduire dans sa quasi-totalité afin d'éclairer ma décision. Pour bien indiquer la méthode utilisée, je mettrai les extraits de l'exposéconjoint en italique, avec renvoi en bas de page au document.

Outre les témoins ayant comparu pour le compte des sociétés, Bourgault et Flexi-Coil ont fait entendre des témoins experts pour étayer leurs positions[4]. On trouvera ci-après un résumé des titres de compétences des témoins qui ont produit des déclarations et fourni un témoignage d'opinion :

Pour le compte de Bourgault

(1)    M. Gerard F. Bourgault, ingénieur en mécanique et président de Bourgault Industries Ltd.


M. Bourgault a obtenu un baccalauréat en génie mécanique de l'universitéde la Saskatchewan en 1975. De l'obtention de son diplôme jusqu'à 1978, il a étéemployécomme ingénieur d'études par F.P. Bourgault Industries Ltd., sociétéde machinerie agricole appartenant à son père et exploitépar ce dernier. De 1979 à 1994 environ, il a dirigéle service Recherche et développement. Il est actuellement président de la société. Depuis qu'il est au service de F.P. Bourgault Industries Ltd., il a la charge du développement des produits. M. Bourgault est l'inventeur désignéet enregistréde nombreux brevets dans le domaine de la machinerie agricole.

(2)            M. Benjamin Dyck, ingénieur en mécanique professionnel

M. Dyck obtenu un baccalauréat en génie mécanique de l'universitéde la Saskatchewan en 1963 et une maîtrise en sciences en 1965. De 1964 à 1966. il a travaillépour la sociétéCanadian General Electric comme ingénieur d'études au service du contrôle des processus (Systèmes de contrôle automatique). Il a par la suite travailléjusqu'en 1994 au ministère canadien de l'Agriculture, Station de recherches au Service du génie oùil a occupéles postes d'ingénieur d'études, ingénieur d'études principal, chef de service et chercheur. Le travail de conception était axésur l'équipement destinéà la recherche agricole, particulièrement les semoirs pour parcelles. Son expérience en matière de recherche porte notamment sur l'évaluation en grand du matériel de préparation du sol et de systèmes de semoirs pour semis direct. Depuis 1994, il travaille comme consultant privéen recherche et développement dans le domaine de la machinerie agricole. M. Dyck a toujours possédéet exploitéune petite ferme d'agrément.

(3)            M. David Cook, propriétaire et exploitant de la sociétéFarm World Equipment Ltd.

M. Cook a étépropriétaire et exploitant de la sociétéFarm World Equipment Ltd. (auparavant C & D Service Ltd.) à Kinistino, en Saskatchewan, de 1970 à 1975. Il a vendu l'entreprise en 1975, en a fait à nouveau l'acquisition en 1984 et l'exploite depuis. De septembre 1984 à 1995, Farm World a distribuétant les produits de la demanderesse que ceux de la défenderesse. Depuis 1995, Farm World ne distribue plus les produits Flexi-Coil. M. Cook est agriculteur et il cultive depuis plus de 30 ans.

Pour le compte de Flexi-Coil

(1)            M. Terry Summach, ingénieur en mécanique et président de Flexi-Coil Ltd.

M. Summach a étédiplôméen génie mécanique de l'universitéde la Saskatchewan en 1965 et il travaille depuis lors pour Flexi-Coil Ltd. Dans la premières années, il travaillait dans le secteur des ventes, de la fabrication et du génie. Au début des années 1970, M. Summach est devenu directeur général de la société. En 1981, il a éténomméprésident. Àces titres, iI a étéactivement engagédans tous les aspects de l'entreprise, dont la conception, la recherche et les relations avec la clientèle.

(2)            M. David Hundeby, ingénieur en mécanique et gestionnaire de projet pour Flexi-Coil Ltd.


M. Hundeby a obtenu un baccalauréat ès sciences de génie mécanique de l'universitéde la Saskatchewan en 1972 et une maîtrise en génie mécanique en 1976.    Après avoir obtenu son diplôme, il a étécultivateur pendant les mois d'été, travaillant comme contractuel les mois d'hiver. Pendant l'hiver de 1976 à 1981, il a travaillépour Friggstad Manufacturing Ltd. à titre de projeteur. Pendant cette période, M. Terry Friggstad et lui ont conçu divers outils pour la machinerie agricole. Pendant les mois d'hiver de 1981 à 1983, il a travaillésous contrat pour Johnson Manufacturing oùil a contribuéà la conception de palans pour caisses de camion. Pendant les mois d'hiver de 1983 à 1986, il a travaillécomme contractuel chez Flexi-Coil Ltd., à la recherche et au développement de diverses machines agricoles. Depuis 1986, il travaille à plein temps pour Flexi-Coil à titre de gestionnaire de projet au Service du génie oùil est notamment chargédu développement et de l'amélioration du matériel agricole. Il continue à mettre au point et à améliorer divers outils et machines agricoles que la sociétéoffre en vente. Il est également l'inventeur désignéet inscrit de plusieurs brevets américains visant des machines agricoles, et plusieurs demandes de brevets sont présentement en instance.

(3)            M. Terry Friggstad, gestionnaire de projet pour Flexi-Coil Ltd.

M. Friggstad a étudiéle génie à l'universitédu Manitoba en 1966, de même que la mécanique au Saskatchewan Institute of Applied Science and Technology en 1967. Il a également suivi des cours abrégés en méthode de développement de produit, ligne de compression, hydraulique et conception assistée par ordinateur. De 1969 à 1984, M. Friggstad a étécopropriétaire et exploitation de la sociétéFriggstad Manufacturing Ltd. oùil a étéchef de la conception. Pendant cette période, il a étéle principal concepteur de divers outils et machines agricoles. Depuis 1984, M. Friggstad travaille chez Flexi-Coil à titre de gestionnaire de projet. Il est chargédu développement de nouveau matériel agricole et de l'amélioration du matériel existant et il est le concepteur principal de divers cultivateurs, semoirs pneumatiques, barres d'attelage de rouleaux plombeurs et d'un mécanisme de fixation de rouleaux plombeurs. M. Friggstad est également l'inventeur désignéet inscrit de diverses machines agricoles brevetées.

(4)            M. William B. Reed, ingénieur professionnel

M. Reed a obtenu un baccalauréat ès sciences de génie agricole de l'universitéde la Saskatchewan en 1952. Il a ensuite travaillépendant six ans comme mécanicien d'entretien de la machinerie agricole et surveillant du service de l'entretien pour la International Harvest Company oùil a formédes mécaniciens spécialisés dans le fonctionnement, les problèmes et la réparation de tracteurs et de machinerie agricole. Il était également chargéd'analyser et de signaler au siège social de la compagnie les problèmes que posaient les nouveaux modèles de machines agricoles. Il a travailléau service de la Saskatchewan Agriculture Machinery Administration à titre d'ingérieur principal (1958-1962) et d'ingénieur chef (1962-1965). Àces titres, il était chargéd'établir des rapports d'évaluation comparatif sur le rendement de la nouvelle machinerie agricole par rapport à la machinerie existante selon les conditions d'exploitation en Saskatchewan. De 1965 à 1994, il a travailléau département de l'agriculture et du génie des bioressources à l'universitéde la Saskatchewan. Il était notamment chargéde la recherche et du développement de la machinerie agricole en vue de l'amélioration de la performance et de l'efficacité. Il a procédéà des essais sur le terrain de diverses innovations en matière d'équipement d'ensemencement, de préparation du sol et de récole pour en évaluer les effets sur le rendement des cultures et les pertes. Il a pris sa retraite en 1994 et il continue depuis lors à analyser et à évaluer divers brevets liés à la machinerie agricole pour des fabricants. M. Reed a publiéde nombreux articles sur des sujets agricoles, mais la majoritéde ses travaux portent sur les méthodes de récolte du riz sauvage, sur l'évaluation du mélange tallöl/carburant diesel comme carburant pour les moteurs diesel, de même que sur les méthodes et les innovations en matière de localisateurs de semences et d'engrais dans le sol.

                                            I. Contexte

A. Introduction


La demanderesse Bourgault Industries Ltd. est une sociétéconstituée sous le régime des lois de la province de la Saskatchewan, dont la principale place d'affaires est située à St. Brieux (Saskatchewan). Avant le 4 décembre 1995, elle était connue sous le nom de F.P. Bourgault Industries Air Seeder Division Ltd. Elle fabrique et vend du matériel agricole[5]. La défenderesse Flexi-Coil Ltd. est une sociétéconstituée sous le régime des lois de la province de la Saskatchewan, dont la principale place d'affaires est située à Saskatoon (Saskatchewan). Elle fabrique et vend du matériel agricole.

La demanderesse a déposéune demande de brevet canadien le 1re septembre 1989, et le 18 décembre 1990, elle est devenue titulaire du brevet canadien 1,277,863 intitulé « Wing Packer » (ci-après le brevet `863)[6]. Le brevet `863 est le brevet en cause dans la présente instance. Il a trait à un instrument agricole aussi appelé « rouleau plombeur » . Les cultivateurs se servent d'un rouleau plombeur pour compacter le sol au moment de la finition du lit de semences ou selon les besoins[7].

Les renseignements suivants, tirés de la déclaration de M. Jerry Bourgault, décrivent le contexte agricole dans lequel les rouleaux plombeurs sont utilisés :

[TRADUCTION] Domaine de l'invention

L'invention visée par le brevet en litige a trait généralement aux rouleaux plombeurs agricoles et concerne, plus précisément, une nouvelle barre d'attelage de rouleau plombeur adaptée spécifiquement de manière à assurer un « plombage complet » derrière un « semoir pneumatique » , ce qui permet d'ensemencer à labour intensif monopasse.


Les rouleaux plombeurs servent à « tasser » le sol, normalement dans le cadre d'activités de conditionnement des champs ou après l'ensemencement. Le plombage réduit les cavités dans le sol en brisant les grosses particules et, ce faisant, réduit la perte d'humidité. Pratiquéaprès l'ensemencement, le plombage favorise la germination en assurant aux semences un meilleur contact avec le sol et en prévenant l'assèchement du lit de germination.

Dans l'Ouest canadien, on utilise principalement deux modes de plombage. Le premier est appelé « plombage complet » et le second, « plombage sur rangées » .

Dans le cas du plombage complet, on utilise des rouleaux pour plomber sur toute la largeur de l'instrument de plombage. Les « rouleaux spirales » sont les plus fréquemment utilisés pour le plombage complet dans l'Ouest canadien. Ils sont formés de barres de fonte spiralées et pèsent généralement de 100 à 125 livres par pied.

Dans le cas du plombage sur rangées, les « roues du rouleau plombeur » sont alignées avec les rayonneurs. Il s'agit habituellement de « rayonneurs étroits » . Normalement, les rouleaux plombeurs sont constitués de disques en plastique ou en métal montés directement sur un « semoir à grains » auquel sont fixés les rayonneurs. Une partie du poids du semoir à grains est appliquée au rouleau au cours des opérations. Le sol au-dessus et autour de la semence est tassé, mais la surface entre les rangées de semis ne l'est pas.

Méthodes d'ensemencement

La préparation et l'ensemencement du champ à « labour intensif » est l'une des principales méthodes d'ensemencement et de désherbage. Ensemencement à labour intensif signifie que tout le sol à ensemencer est labouréavant que la semence ne soit déposée. Cela se fait normalement avant l'ensemencement, mais les deux opérations peuvent être simultanées. L'ensemencement et/ou la préparation du champ à labour intensif est un moyen de désherbage efficace parce que, lorsque le sol est labouré, les mauvaises herbes sont déracinées et déposées à la surface du sol, oùelles sèchent.

On peut ensuite conditionner le sol au moyen de « herses » ou de « combinés herse-rouleau plombeur » , pour en faire un lit de germination. Le terme « herse » est habituellement utilisépour désigner les outils servant à briser les mottes de terre à la surface du champ, déraciner les mauvaises herbes, répartir les résidus de paille et niveler le champ.

Après le conditionnement du sol, les semences sont placées dans le sol humide, sous la couche superficielle sèche, oùelles germent et s'établissent avant que les mauvaises herbes ne prennent racine à nouveau. Le plombage complet après l'ensemencement aide à prévenir l'assèchement de la couche humide, mais contribue aussi à conserver l'humiditéaux endroits oùil n'y a pas de semences, ce qui facilite la croissance des mauvaises herbes, dans une certaine mesure.

Le moment choisi pour les opérations de plombage est très important parce que, par temps chaud, sec et venteux, le sol sèche très rapidement jusqu'au niveau de pénétration des rayonneurs. Quelques heures à peine après l'ensemencement, la semence peut se trouver dans du sol sec et ne pas lever avant qu'il pleuve, ce qui peut occasionner des variations dans la levée des cultures et donc entraîner des pertes de récoltes importantes.


Àla fin des années 1980, un produit chimique non sélectif appeléglyphosate, commercialisésous l'étiquette Round Up, s'est avérééconomique pour éliminer les mauvaises herbes en croissance avant l'ensemencement. De nombreux agriculteurs ont alors changéleurs techniques d'ensemencement, délaissant l'ensemencement à labour intensif pour l'ensemencement à labour superficiel, notamment dans les régions sèches de l'Ouest canadien et du nord du Midwest américain. Ensemencement à labour superficiel signifie que seulement une petite partie du sol est labourée, au moyen de rayonneurs étroits, au cours des activités d'ensemencement. Le plombage sur rangées est habituellement la technique utilisée au cours des activités d'ensemencement à labour superficiel.

Mise au point des semoirs pneumatiques

L'expression « semoir pneumatique » désigne un semoir pneumatique montésur remorque, auquel est attachéun rayonneur, habituellement un cultivateur ou un cultivateur sous-soleur. La semence est transportée de la remorque, par voie pneumatique, à une trémie située derrière chacun des rayonneurs, puis elle est déposée dans la rangée de semis qui a étéouverte par le rayonneur.

Àma connaissance, le premier brevet canadien qui a étédélivrépour un semoir pneumatique est le brevet no 867,226, accordéà l'inventeur allemand Heinrich Weiste le 31 mars 1971. Les semoirs pneumatiques allemands étaient généralement de petites machines, selon les normes de l'Ouest canadien.

Les semoirs pneumatiques ont étéutilisés à grande échelle pour la première fois en Australie et se sont répandus largement au cours des années 1970, notamment dans l'ouest de l'Australie, oùles fermes sont très grandes.

Je crois que Jerome Bechard, de Lajord, en Saskatchewan, est le premier Canadien de l'ouest du pays à avoir mis au point des semoirs pneumatiques. Il a demandéet obtenu un brevet canadien, numéro 1,060,720, qui, par la suite, a fait l'objet d'un contrat de licence avec F.P. Bourgault Industries Ltd., le prédécesseur de la demanderesse.

Depuis leur création, les semoirs pneumatiques ont étéaméliorés et leur capacité, accrue. En outre, la taille des réservoirs des semoirs a étéaccrue considérablement, ce qui a permis d'augmenter la quantitéd'ensemencement qui peut se faire sans qu'on doive remplir le réservoir. En conséquence, l'ensemencement au moyen de semoirs pneumatiques est devenu la méthode classique dans l'Ouest canadien et le nord du Midwest américain au cours des années 1980, et elle continue de l'être.

Au début, presque tous les semoirs pneumatiques montés sur remorque étaient attachés à des cultivateurs et, dans une moindre mesure, à des cultivateurs sous-soleurs. Toutefois, avec l'apparition des techniques d'ensemencement à labour superficiel, les semoirs pneumatiques ont également étéattachés à des tubes sans roues pour le plombage complet et le plombage sur rangées.

Ensemencement monopasse

L'expression « ensemencement monopasse » désigne une activitéd'ensemencement au cours de laquelle les rangées sont ouvertes, la semence est déposée et le sol est plombéau cours d'une seule passe sur le champ. Dans le contexte des activités d'ensemencement à labour intensif, ces travaux se font habituellement au moyen d'un semoir pneumatique (cultivateur/cultivateur sous-soleur et semoir pneumatique montésur remorque) et d'une barre d'attelage distincte pour tirer les rouleaux plombeurs. Les trois instruments sont attachés l'un derrière l'autre et tirés par un seul tracteur.

Au cours des quinze dernières années, la pratique de l'ensemencement monopasse s'est accrue, en raison des avantages économiques importants qu'elle offre. Les agriculteurs peuvent ensemencer des surfaces beaucoup plus importantes avec le même équipement si une seule passe est requise. En outre, en réduisant le nombre de tracteurs utilisés, ils contournent l'inévitable pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans une industrie saisonnière. S'ils pratiquent l'ensemencement monopasse, les agriculteurs peuvent faire tout leur ensemencement eux-mêmes[8].

B. Expertise relative à la fabrication de rouleaux de plombage complet


Au sujet des caractéristiques d'un instrument de plombage complet, M. Dyck dit ceci :

[TRADUCTION] Pour être compatible avec les pratiques agricoles modernes, un instrument de plombage complet doit être maniable, facilement transportable, durable et polyvalent (utiliséou non avec d'autres machines d'ensemencement et de travail du sol). Dans les régions sèches des Prairies, il est indiquéde plomber le sol au cours de l'ensemencement ou immédiatement après, pour en conserver l'humidité. Dans les régions plus humides, il peut être indiquéde retarder le plombage d'une journée ou deux, pour laisser mourir les mauvaises herbes. Une machine qui peut servir pour les deux scénarios est donc souhaitable.

Du début au milieu des années 1980, l'instrument de plombage complet le plus courant était le rouleau spirale tirépar une barre d'attelage fixée immédiatement derrière le semoir ou utiliséau cours d'une opération distincte. La plupart du temps, il s'agissait d'un combinéherse-rouleau plombeur. Tous les dispositifs de ce genre que je connais utilisaient une forme ou une autre d'articulation à trois axes entre le rouleau plombeur et la barre d'attelage. Les fixations à trois axes d'articulation assurent une excellente adaptation aux irrégularités du sol et, en raison de l'inclusion d'un axe vertical, préviennent le dérapage des rouleaux spirales dans les virages prononcés et réduisent au minimum les pressions exercées sur l'instrument dans les virages.

Les combinés herse-rouleau plombeur pouvant être placés en position de transport ou remis en position de travail à partir de la cabine du tracteur sont devenues l'instrument de plombage le plus répandu au début des années 1980. Pour adapter les unités à la position de transport, il fallait tourner le châssis principal à 90 degrés vers l'avant, ce qui soulevait de terre les herses et les rouleaux. Les battants de la machine étaient ensuite repliés vers l'arrière ou vers l'avant, selon qu'on avançait ou reculait. Pour revenir à la position de travail, on exécutait la manoeuvre inverse.

Du début au milieu des années 1980, de plus en plus d'agriculteurs ont adoptéla pratique de l'ensemencement monopasse, utilisant un semoir pneumatique et un combinéherse-rouleau plombeur remorquéou encore des herses montées sur cultivateur et un rouleau plombeur remorqué. Toutefois, le transport du rouleau plombeur ou du combinéherse-rouleau plombeur posait un problème. Les unités nécessitant une marche arrière pour passer à la position de transport ou en sortir posaient un problème parce qu'il était pratiquement impossible, dans le cas d'un train de trois ou quatre unités, de reculer sur une distance suffisante pour replier ou déployer les battants. Au milieu des années 1980, le semoir à remorque arrière est devenu la configuration privilégiée, ce qui allongeait le train et rendait la marche arrière encore plus difficile. En raison des battants pliables, il était souvent nécessaire de dételer le rouleau plombeur ou le combinéherse-rouleau plombeur pour passer de la position de travail à la position de transport, et vice versa, ce qui nécessitait un autre tracteur ou le dételage du tracteur principal du semoir pneumatique, pour effectuer cette tâche.


Le fonctionnement de la barre d'attelage des rouleaux plombeurs ou des combinés herse-rouleau plombeur peut également poser un problème puisque, au cours des opérations dans le champ, les agriculteurs peuvent vouloir faire reculer l'ensemble de semoir pneumatique sur une distance de plusieurs pieds pour éviter un obstacle ou pour une autre raison. Toutefois, comme les rouleaux spirales étaient dotés d'une articulation à trois axes, il était souvent impossible de faire marche arrière parce que les rouleaux plombeurs dérapaient (mise en portefeuille) et, en conséquence, étaient soumis à des pressions intenses et pouvaient s'emmêler avec les rouleaux plombeurs adjacents ou avec les roues. Ce problème et le problème de transport mentionnéprécédemment rendaient les rouleaux plombeurs et les combinés herse-rouleau plombeur difficiles à manier, si bien que les opérations de plombage-hersage étaient souvent exécutées séparément, après l'ensemencement[9].

1.          Expertise relative aux barres d'attelage de combinéherse-rouleau plombeur

a. Flexi-Coil System 95

Le System 95 était une barre d'attelage de combiné herse-rouleau plombeur dont les battants se repliaient pour le transport. On trouvera ci-dessous une description des éléments de cet instrument :

[TRADUCTION] Àma connaissance, toutes les barres d'attelage de combinéherse-rouleaux plombeur qui pouvaient être placées en position de transport et en position de travail à partir de la cabine du tracteur comprenaient des bras de relevage joints aux montants articulés sur le châssis de la barre d'attelage auquel les rouleaux plombeurs étaient attachés. Les bras de relevage servaient à assurer, entre les herses et les rouleaux plombeurs, l'espace qui était nécessaire pour que les rouleaux puissent tourner autour d'un axe vertical, à permettre l'espacement des rouleaux plombeurs et à faciliter le soulèvement des rouleaux du sol aux fins du transport. Généralement, les bras de relevage étaient attachés à une traverse articulée au châssis de la machine. On faisait pivoter la traverse pour élever ou abaisser les bras de relevage et les rouleaux plombeurs attachés à ces derniers.

Les bras de relevage ajoutaient à la distance entre les rouleaux plombeurs et l'instrument auquel était attachéle combinéherse-rouleau plombeur. En outre, plus la distance entre les rouleaux plombeurs et le cultivateur est grande, plus la quantitéde sol cultivéqui ne sera pas compactée aux virages est importante. Ce problème peut être réduit si on utilise un combinéherse-rouleau plombeur qui est plus grand que le cultivateur, auquel cas plus la distance entre le rouleau plombeur et le cultivateur est grande, plus un combinéherse-rouleau plombeur devra être grand par rapport au cultivateur, afin de réduire la quantitéde sol non tassé. Cela posait un problème particulier dans les régions de l'Ouest canadien, oùl'on trouve beaucoup de nids de poule et d'obstacles à contourner [...][10]


2. Expertise relative au semoir monopasse

a. Le Friggstad PAMI

Dans sa déclaration, M. Bourgault décrit cette machine comme suit :

[TRADUCTION] Du début au milieu des années 1980, on trouvait également, dans l'Ouest canadien, de barres d'attelage de rouleaux plombeurs qui étaient utilisées dans les systèmes d'ensemencement monopasse avec semoirs pneumatiques.

Friggstad, un fabricant du sud-ouest de la Saskatchewan, vendait une barre d'attelage de rouleaux, figurant dans le rapport du PAMI marquéPièce P-237 [Pièce A,4] à l'interrogatoire préalable de la défenderesse. Bien que l'instrument puisse être utilisépour le plombage derrière un semoir pneumatique, il se prêtait extrêmement mal au transport. Les rouleaux plombeurs qui, autant que je sache, étaient toujours constitués de rouleaux spirales, étaient fixés sur une articulation à trois axes. Aucun dispositif n'était fourni pour relever les rouleaux plombeurs aux fins du transport. On transportait l'instrument en le remorquant, les rouleaux plombeurs étant en contact avec le sol[11].

b. Le Friggstad HPL

Comme on le verra ci-dessous, cette machine revêt une grande importance dans l'argumentation concernant la validité du brevet. Dans sa déclaration, M. Dyck décrit la machine comme suit :

[TRADUCTION] Divers modèles de l'instrument ont étécréés dans le but de fournir un instrument de plombage monopasse plus efficace à utiliser avec les semoirs pneumatiques. La barre d'attelage de rouleaux plombeurs HPL Friggstad est l'un de ces instruments. La barre pouvait être attelée à l'arrière du cultivateur, tirée derrière un semoir pneumatique montésur remorque, ou tirée directement par un tracteur. Pour la conversion à la position de transport, les rouleaux spirales de la section du milieu étaient soulevés de terre par la rotation d'un axe de culbuteur dotéde bras de relevage (semblable au système des barres d'attelage de combinéherse-rouleau plombeur mentionnéprécédemment), puis les battants étaient repliés dans une position essentiellement verticale, les rouleaux plombeurs étant suspendus dans l'air. Pour revenir en position de travail, il fallait exécuter cette procédure à l'inverse, habituellement en avançant lentement. Toutefois, l'articulation des rouleaux spirales à trois axes restait attachée à la barre d'attelage. Le support d'articulation à trois axes limitait toujours la marche arrière en position de travail et rendait ardue la conversion de la position de transport à la position de travail. Ce dernier problème est attribuable au fait que les rouleaux plombeurs situés sur les battants peuvent tourner lorsqu'ils sont en position de transport et durant le changement de position, de sorte qu'ils peuvent s'écarter considérablement de la direction du déplacement lorsqu'on les remet en position de travail[12].

c. Le Flexi-Coil System 70


Depuis les années 1950, la défenderesse fabrique et vend des plombeurs à rouleaux spirales (ci-après les « rouleaux spirales » ). Elle fabrique et vend également différents instruments de plombage, dont des barres d'attelage de combinéherse-rouleau plombeur et des barres d'attelage de rouleaux plombeurs, depuis au moins le début des années 1980. Le Flexi-Coil System 70 est l'une des barres d'attelage de rouleaux plombeurs vendues par la défenderesse. Flexi-Coil Ltd. a cesséde fabriquer la machine System 70 vers 1988[13].

M. Dyck décrit comme suit cet instrument monopasse :

[TRADUCTION] Le deuxième instrument est la barre d'attelage de rouleaux plombeurs Flexi-Coil System 70. Il ressemble à la barre d'attelage de rouleaux à herse classique, c'est-à -dire qu'il soulève les rouleaux en effectuant une rotation de 90 degrés de la barre du châssis principal. Les battants sont ensuite poussés vers l'avant par commande hydraulique pour être mis en position de transport. L'inversion de la procédure retourne la machine en position de travail. L'articulation à trois axes reste attachée à la barre d'attelage, ce qui empêche de faire marche arrière en position de travail. L'étendue de travail efficace est également limitée, puisque l'attelage doit être suffisamment long pour permettre le repliement des battants[14].

C. Le rouleau plombeur WTP de Bourgault

Depuis octobre 1988, la demanderesse fabrique et vend une barre d'attelage de rouleaux plombeurs connue sous le nom de Bourgault Wing Type Packer (WTP ou BWTP)[15].


Cet instrument est le modèle de série de l'appareil décrit dans le brevet. Pour donner une idée des composants de cet instrument, je me fonderai sur la description qu'en a donnée M. Dyck dans sa déclaration. Quant à savoir s'il s'agit d'une « invention » comme l'affirme M. Dyck, cela reste à déterminer. Voici ce qu'il dit :

[TRADUCTION] Le Bourgault WTP réglait le problème de transport [des rouleaux plombeurs à barre d'attelage] par une procédure rapide et facile : il s'agissait simplement de soulever la section milieu (qui soulevait de terre les rouleaux plombeurs qui y étaient attachés), puis de replier les battants, verrouiller en position de transport et partir. La fixation à deux axes des rouleaux plombeurs au châssis principal du BWTP accroît la stabilitédes rouleaux plombeurs et permet également de faire marche arrière en position de travail sur la distance sur laquelle le conducteur peut faire reculer le train (habituellement quelques pieds seulement).

Le BWTP est une barre d'attelage de rouleaux spirales simple et solide qui peut être tirée par un véhicule et passer facilement d'une position de travail à grande largeur à une position de transport étroite, et vice versa. Plusieurs caractéristiques sont combinées pour former l'essence de l'invention :

a)             Un châssis repliable ayant une section milieu et deux battants ou plus. Les sections à battants sont articulées à une section de châssis adjacente (section milieu ou à battants) selon un axe à peu près parallèle au sol dans la direction du déplacement. Dans le cas d'un châssis à trois sections, les battants sont repliés dans une position essentiellement perpendiculaire à la section milieu (dans le plan vertical). L'essence de la méthode ne réside pas dans la position « essentiellement verticale » mais dans l'importance de la « compacité » permise par la position repliée (la longueur de travail et la longueur de transport sont les mêmes) et la facilitéavec laquelle on peut passer à la position de transport sans qu'il soit nécessaire d'avancer ou de reculer. Le châssis central est montésur roues. La section milieu du châssis utilise une méthode de relevage à articulation qui soulève l'élément d'une position de travail à une position de transport plus élevée, soulevant du sol les éléments du rouleau plombeur. Cette opération ainsi que le repliement des battants s'exécutent par commande hydraulique. Pour passer de la position de transport à la position de travail, on n'a qu'à déployer vers le bas les battants et à abaisser la section du milieu. La fixation par articulation des battants permet également à l'instrument de suivre les irrégularités du sol. La méthode de soulèvement par pivotement du châssis central permet une conception de châssis en treillis simple et solide. Aucun axe de culbuteur ou aucune barre d'instrument supplémentaire n'est nécessaire pour soulever les rouleaux plombeurs.

b)             Le mode de fixation à double axe des rouleaux plombeurs au châssis présente les avantages suivants : 1) chacun des rouleaux peut suivre les irrégularités du terrain; 2) le rouleau peut passer par-dessus des obstacles sans exercer de contraintes sur le châssis auquel il est attachéou le châssis des rouleaux plombeurs; 3) il permet l'utilisation de battants de conception simple qui se replient pour le transport de sorte que les rouleaux ne risquent pas de s'emmêler; 4) il permet de raccourcir la longueur hors tout du châssis parce que les rouleaux ne tournent pas autour d'un axe vertical; 5) il permet de ramener les rouleaux en position de travail en marche arrière sans qu'aucun de ces derniers ne se mette « en portefeuille » et nuise à la marche arrière.


c)              On peut disposer les rouleaux de manière à effectuer un « plombage complet » ; il suffit de fixer les rouleaux aux éléments des châssis avant et arrière, en les décalant légèrement les uns par rapport aux autres.

d)             Les rouleaux plombeurs sont constitués de lames spiralées [...][16]

D. Le Flexi-Coil 75

La demanderesse allègue que la défenderesse contrefait toutes les revendications, à l'exception de la revendication no 2 du brevet '863, en fabriquant et en vendant les versions de 35 à 62 pi des instruments, soit le Flexi-Coil System 75 et(ou) Flexi-Coil 75. La défenderesse a d'abord proposéson Flexi-Coil 75 sur le marchécanadien vers février 1989. Les premiers instruments Flexi-Coil 75 ont étéfabriqués vers avril 1989[17].

Àce jour, la défenderesse a fabriquéet vendu deux modèles de Flexi-Coil 75, soit les modèles 75A et 75B. Le modèle 75A a étéremplacépar le modèle 75B à peu près à l'époque de la réception d'un ordre de modification technique (OMT 531) émis par la défenderesse en date du 2 janvier 1991[18].


Chacune des versions du Flexi-Coil 75 a étéfabriquée et vendue en différentes largeurs, allant de 25 pi à 62 pi. Depuis février 1991 environ, après la mise en oeuvre de l'OMT 531 et jusqu'à ce jour, la défenderesse offre un bloc-ressorts de pression facultatif qui se fixe au Flexi-Coil 75[19].

Aux yeux d'un profane, le Bourgault WTP et le Flexi-Coil 75 se ressemblent. En fait, certaines des caractéristiques des deux machines sont essentiellement les mêmes, mais ce sont les différences potentielles qui sont importantes. Les arguments ayant trait aux différences sont analysés à la section intitulée « III. Contrefaçon »

E. L'articulation à trois axes vs l'articulation à deux axes

La question de la différence entre l'articulation à trois axes dont est dotée la barre d'attelage du combiné herse-rouleau plombeur dans un système d'ensemencement monopasse, et l'articulation à deux axes du Bourgault WTP et du Flexi-Coil 75, est importante pour ce qui est des questions de contrefaçon et de validité en l'espèce, qui seront analysées ci-dessous. Toutefois, pour faciliter la compréhension des présents motifs, voici une brève description des différents axes de rotation.

L'articulation à deux axes décrite dans le brevet est ainsi analysée :


[TRADUCTION] Les éléments du rouleau, c'est-à -dire les pièces travaillant le sol, sont fixés aux sections du milieu et à battants de telle manière qu'ils reposent sur le sol derrière le châssis, et puissent suivre le profil et les irrégularités du terrain et franchir les obstacles, par exemple les grosses roches, sans exercer de contraintes excessives sur les éléments du châssis. Les mouvements des éléments du rouleau sont autorisés par le système de fixation à deux axes d'articulation; le premier axe est parallèle au sol et perpendiculaire au sens d'avancement du rouleau. Grâce à ce premier point de fixation articulé, les éléments du rouleau passent séparément par-dessus les obstacles et sans soulever le châssis. Le second point d'articulation des éléments du rouleau est perpendiculaire au premier, ce qui assure aux rouleaux un meilleur contact avec le sol sur toute leur largeur en terrain accidenté, en leur imprégnant un mouvement de bascule[20].

L'articulation à trois axes présente chacun des axes décrits ci-dessus, mais elle compte un troisième axe de rotation qui est perpendiculaire à la fois aux premier et deuxième axes, ce qui permet au rouleau plombeur de pivoter.

F. Mise en demeure et introduction de l'action

La demanderesse a fait parvenir une mise en demeure à la défenderesse en date du 13 février 1991. La défenderesse n'a pas répondu à cette lettre[21].

En voici les éléments essentiels :

[TRADUCTION]...Il a été porté à l'attention de notre cliente que vous avez fabriqué, distribué et vendu, depuis au moins mai 1989, un rouleau plombeur à battants sous l'appellation Flexi-Coil 75 Packer, et que vous continuez à le faire.

Nous sommes d'avis que ces instruments agricoles que vous fabriquez, distribuez et vendez contrefont le brevet canadien no 1,277,863. Cette activité, que vous poursuivez, constitue un délit ouvrant droit à une action en dommages-intérêts payables au breveté suivant l'article 55 de la Loi sur les brevets.

Nous demandons par conséquent votre engagement écrit que dans les deux semaines suivant la présente, vous cesserez immédiatement la fabrication, la distribution et la vente du rouleau plombeur à battants susmentionné [...][22]


Àl'époque de l'envoi de la mise en demeure, la demanderesse et la défenderesse étaient engagées dans un autre litige oùla défenderesse alléguait que la demanderesse contrefaisait un brevet différent dont elle était titulaire. La défenderesse a continuéà fabriquer et à vendre le Flexi-Coil 75. La demanderesse était au courant du fait que la défenderesse continuait à fabriquer et à vendre lesdits rouleaux plombeurs. La présente action a étéintroduite le 14 novembre 1995[23].

II. Mise au point du Bourgault WTP et du Flexi-Coil 75 :

contexte factuel

M. Jerry Bourgault pour Bourgault et M. David Hundeby pour Flexi-Coil ont tous deux fourni des témoignages détaillés sur la mise au point de leur machine respective. Afin de bien situer le contexte dans lequel doit s'inscrire l'examen de la question de la contrefaçon et celle de la validité, nous brosserons un tableau de l'histoire de cette mise au point, selon la version de chacun des développeurs.

Au cours de l'audience, Flexi-Coil s'est fortement opposée à ce que le témoignage de M. Bourgault soit utilisé de quelque façon comme outil d'interprétation du brevet. Cette objection est fondée sur l'arrêt Nekoosa Packaging Corp. c. AMCA International Ltd.[24] oùle juge Robertson dit ceci à la p. 479:

La règle générale est la suivante : les éléments de preuve extrinsèques sont inadmissibles aux fins de l'interprétation d'un mémoire descriptif d'un brevet. Cette règle doit nécessairement s'étendre au témoignage de l'inventeur relatif à l'interprétation appropriée du mémoire descriptif.


Au cours de l'audience, me fondant sur l'arrêt Nekoosa, j'ai déclaré inadmissibles certaines parties de la déclaration de M. Bourgault parce qu'il s'agissait d'éléments de preuve extrinsèques aux fins de l'interprétation d'un mémoire descriptif. J'ai toutefois estimé que le reste de son témoignage était admissible aux fins de prouver d'autres faits en litige[25]. J'en cite donc ici des extraits à des fins autres que l'interprétation du brevet.

A. Mise au point du Bourgault WTP

Les éléments du Bourgault WTP ont été décrits ci-dessus. Dans sa déclaration, M. Bourgault a expliqué que la mise au point de cet instrument visait à produire un rouleau plombeur pouvant être associé efficacement à des semoirs pneumatiques destinés au plombage et à l'ensemencement monopasse :

[TRADUCTION] Dans le cadre des expériences réalisées dans notre compagnie, y compris mes propres expériences d'essai et de modification de semoirs pneumatiques, et à la lumière des demandes présentées par les clients, nous avons réaliséqu'il existait un besoin relativement à un rouleau plombeur efficace et économique à utiliser comme composant d'un système d'ensemencement monopasse à semoirs pneumatiques.

En septembre 1987, Richard Coquet et moi-même, employés de la demanderesse, avons étudiédes concepts et entrepris la conception d'un ensemble de rouleaux efficace pour l'ensemencement au moyen de semoirs pneumatiques et le plombage en une seule passe. Entre septembre 1987 et juillet 1988, M. Coquet et moi-même avons conçu, construit et mis à l'essai trois prototypes, dont les photocopies de photographies sont marquées pièces B-11, 12 et 13 [pièces A,12 et 13] à l'interrogatoire préalable de la demanderesse.

Les trois prototypes étaient tous équipés de rouleaux spirales, lesquels étaient fixés au châssis de l'instrument au moyen de bras. Chaque extrémitédes trains de rouleaux plombeurs était attachée à une extrémitéd'un bras et l'autre extrémitéde chacun des bras était attachée au châssis de l'instrument selon un axe parallèle au sol et perpendiculaire au sens d'avancement de l'instrument. Le serrage lâche au point de fixation au châssis autorisait un certain balancement latéral des rouleaux spirales. L'instrument comprenait des sections à battants qui se repliaient pour la position de transport, ainsi qu'un dispositif à articulation qui permettait de relever le châssis au-dessus des roues stabilisatrices, soulevant ainsi les rouleaux de la section centrale pour le transport.

Les deux premiers prototypes étaient insatisfaisants, pour un certain nombre de raisons, dont les suivantes :

a)             On ne pouvait obtenir un plombage complet sur toute la largeur de travail de la machine puisque les rouleaux étaient disposés sur « une ligne » et qu'il y avait des espaces entre ceux-ci.

b)             Dans cette configuration, le mode de fixation au châssis de l'essieu et des rouleaux spirales n'était pas assez solide, si bien que les rouleaux spirales se détachaient et, de façon générale, engendraient des problèmes de durabilité.

Sur le troisième prototype, on avait utilisédes roulements plus résistants pour fixer l'essieu des rouleaux spirales au châssis, et disposéles trains de rouleaux en les décalant de manière qu'ils se chevauchent. Le problème de la séparation des trains de rouleaux était presque éliminé. Toutefois, de l'avis de Rick, et du mien à l'époque, le mode de fixation à deux bras des bâtis des rouleaux à la barre d'attelage ne permettait pas de bien suivre les irrégularités du terrain et d'effectuer des plombages uniformes dans les types de terrain de l'Ouest canadien oùnous nous attendions que la barre d'attelage serait utilisée. Je n'ai pas changéd'opinion à cet égard. En outre, les rouleaux extérieurs sur les battants avaient tendance à déraper considérablement dans les virages serrés. Au cours des essais du troisième prototype, compte tenu de la difficultéà suivre les irrégularités du sol, du dérapage important dans les virages et, par surcroît, de notre impression que la barre d'attelage prototype ne semblerait pas acceptable à de nombreux agriculteurs de l'Ouest canadien, Richard Coquet et moi-même avons convenu de trouver une façon différente d'attacher les rouleaux plombeurs à la barre d'attelage.

Àla fin de juillet ou au début d'août 1988, Richard Coquet et moi-même avons décidéde faire l'essai d'une articulation « à deux axes » pour attacher les trains de rouleaux spirales à la barre d'attelage. Même si nous avions des doutes au sujet de l'utilisation d'un tel mode de fixation, étant donnéle problème du dérapage des rouleaux plombeurs dans les virages, nous ne voulions pas revenir à un mode de fixation à trois axes, en raison des problèmes de stabilité, notamment pour un appareil à battants repliables, et du manque de manoeuvrabilité. Le 4 août 1988, Richard Coquet a dessinéles détails de l'articulation à deux axes utilisée sur notre quatrième prototype. La conception de ce quatrième prototype a étécomplétée en août 1988 et le prototype a étémis à l'essai à la fin d'août ou au début de septembre. Ànotre grande surprise, plutôt que de déraper, les trains de rouleaux spirales se relevaient obliquement dans les virages prononcés et leur extrémitéen contact avec le sol n'avait pas tendance à déraper. Les problèmes de plombage irrégulier du sol et des forces produites par le dérapage des rouleaux spirales s'en trouvaient presque éliminés. L'utilisation d'une articulation à deux axes était également avantageuse compte tenu de la simplicitéet de la soliditéde cet organe d'accouplement des rouleaux à la barre d'attelage, ce qui a permis de réduire les coûts et les besoins d'entretien sans compromettre la stabilité, la manoeuvrabilitéou la durabilité. Cette solution a également permis d'éliminer les problèmes de marche arrière avec des herses et des trains de rouleaux, lesquels avaient tendance à se mettre en portefeuille par rapport à l'axe vertical de la fixation des rouleaux à leur barre d'attelage.

Le quatrième prototype correspondait à l'appareil décrit dans le brevet en cause et a servi de modèle aux types de barre d'attelage de rouleaux plombeurs que la demanderesse a mis sur le marché. Les photographies du prototype de production ont étémarquées Pièce B-57 [Pièce A,16] à l'interrogatoire préalable de la demanderesse. Les photographies prises en 1988 devaient être utilisées dans les manuels d'instructions concernant la barre d'attelage de rouleaux vendue par la demanderesse sous le nom commercial Bourgault Wing Type Packer ou Bourgault WTP, à compter d'octobre 1988. Un exemplaire de la première brochure produite par la demanderesse au sujet du Bourgault WTP a étémarquéPièce B-56 [Pièce A,17] à l'interrogatoire préalable de la demanderesse.

Àla suite du lancement du Bourgault WTP en octobre 1988, la demande pour cette barre d'attelage de rouleaux a dépasséles prévisions, et au printemps 1989, elle a dépassél'offre.


Peu après la mise sur le marchédu Bourgault WTP, les concurrents de la demanderesse, y compris :

a)             la défenderesse;

b)             Highline Mfg.;

c)              Summers Mfg. Co. Inc.;

d)             Elmer's Row Crop Equipment,

ont commencéà vendre des barres d'attelage de rouleaux plombeurs dont la conception était semblable à celle de la barre WTP de la demanderesse. Au moins un autre concurrent, à savoir Riteway Mfg. Co. Ltd., a commencérécemment à vendre une barre d'attelage similaire.

Àmon avis, et d'après les ventes du Bourgault WTP, nous avions évaluécorrectement la nécessitéd'une barre d'attelage de rouleaux plombeurs améliorée pour les systèmes d'ensemencement monopasse à semoirs pneumatiques. Qui plus est, à mon avis, et selon mon expérience, l' « invention » de la demanderesse a manifestement étéune réussite commerciale, comme le prouvent non seulement le fait que la demande pour le Bourgault WTP a dépassél'offre mais aussi le fait que des concurrents ont mis sur le marchédes appareils semblables après le lancement du Bourgault WTP.

Le rouleau plombeur Bourgault WTP a surmontédes obstacles importants grâce à l'ajout d'éléments particuliers destinés à améliorer l'efficacitéde la barre d'attelage de rouleaux plombeurs et rendre économique l'ensemencement monopasse au moyen de semoirs pneumatiques. En outre, à l'utilisation, l'appareil s'est avérééconomique et durable. Il a réussi à donner aux agriculteurs ce qu'ils recherchaient tout en étant manoeuvrable, soit un plombage complet; il est facile à manoeuvrer dans des endroits difficiles et à mettre en position de transport ou de travail sans quitter le siège du tracteur. En outre, il ne nécessite aucune sortie hydraulique à distance du tracteur, se transporte bien, peut franchir à haute vitesse les gros obstacles sans risque de dommage, suit les irrégularités du sol, se débarrasse facilement de la boue et, en raison de sa simplicité, est très durable, exige peu d'entretien et est économique à l'achat. Son transport est également sans danger et pratique. La fixation articulée unique à deux axes des trains de rouleaux plombeurs à la barre d'attelage permet aux rouleaux de fonctionner au prix d'un léger compromis seulement, à savoir que les rouleaux spirales extérieurs s'enfoncent dans le sol dans les virages prononcés. Le dispositif de fixation articulée à deux axes qui retient chaque train de rouleaux spirales au bâti de la barre d'attelage assure un assemblage solide et stable, que les rouleaux soient en position de travail ou de transport[26].

B. Mise au point du Flexi-Coil 75

La déclaration de M. Hundeby comprend un sommaire chronologique du processus ayant mené à la mise au point du Flexi-Coil 75, dont la partie essentielle est décrite ci-dessous :

[TRADUCTION] En mai 1988, on m'a demandéd'entreprendre la conception d'un nouveau rouleau plombeur à utiliser de concert avec les semoirs pneumatiques et les cultivateurs Flexi-Coil...


Le 10 mai 1998 ou vers cette date, j'ai défini un certain nombre de critères de conception pour le nouveau rouleau plombeur. Il s'agissait des suivants :

a)             remorquage derrière un semoir pneumatique

b)             remorquage derrière un cultivateur

c)              possibilitéd'attelage direct à un tracteur

d)             rouleaux spirales soulevés de terre au cours du transport

e)             ne nécessite pas de marche arrière pour :

i)       -        passer de la position de transport à la position de travail

ii)      -        passer de la position de travail à la position de transport

f)               nombre minimal de vérins hydrauliques

g)             nombre minimal de pneus

h)             accepte les rouleaux spirales

i)               capable de marche arrière en position de transport

j)               capable de marche arrière en position de travail

k)              charge de traction toujours positive sur la barre d'attelage

l)               rouleaux spirales P20 ou P30

m)            peu coûteux

n)             simple

o)             taillles

i)       -        augmentations par 2 pi?

ii)      -        augmentations par 1 pi?

p)             dimensions : de 25 pi à 62 pi (même que pour le 800 Tillage)

q)             verrouillage automatique des battants

r)              verrouillage automatique des supports de roues

Afin de satisfaire aux critères de conception susmentionnés, compte tenu de ma connaissance de ce qui existait déjà sur le marché, j'ai immédiatement conçu sans trop de problèmes un châssis de cultivateur à battants repliables modifié, auquel j'attacherais une série de rouleaux plombeurs montés ayant deux axes de rotation, essentiellement comme le Friggstad HPL et le Friggstad Mounted Packer. Des copies de mes premiers croquis, montrant les détails de ce design datédes 6 et 10 mai 1988, sont joints à cet affidavit[27] à titre de pièce « G » .

Une fois que j'eus établi les critères de conception susmentionnés et dessiné le mode de fixation de la série de rouleaux plombeurs, j'avais confiance que le concept produirait une machine utilisable une fois le plan d'ensemble terminé.

Le concept de rouleau plombeur que j'ai mis de l'avant en mai 1988 et qui figure dans les pièces « F1 » et « G » a été adapté pour être remorquéderrière un tracteur ou en tandem derrière d'autres instruments, par exemple des cultivateurs et des semoirs pneumatiques, et comprenait un dispositif d'attelage au véhicule. Le rouleau plombeur comprenait une section centrale et jusqu'à quatre sections de châssis formées de battants et articulés à la section centrale. La plupart des sections étaient dotées d'un ou de plusieurs rouleaux de plombage pivotant autour d'un axe essentiellement parallèle au sol et perpendiculaire au sens de déplacement du rouleau plombeur, et autour d'un second axe perpendiculaire au premier. Les sections n'ayant qu'un seul élément de rouleau étaient dotées d'un support de rouleau à un axe de rotation, parallèle au sens de déplacement. Les rouleaux de plombage étaient décalés. Des dispositifs étaient prévus pour soulever de terre les rouleaux pour faire passer le rouleau plombeur de la position de travail à la position de transport. Des dispositifs étaient également prévus pour soulever par pivotement les sections de châssis à battants, de la position de travail à la position de transport, au cours de laquelle les rouleaux ne sont plus en contact avec le sol. Il n'était pas nécessaire de déplacer les rouleaux vers l'arrière pour faire passer le rouleau plombeur de la position de transport à la position de travail.

Une fois encore, des projets plus importants ont détourné mon attention de la conception du nouveau rouleau plombeur. Encore une fois, le projet a été reporté, cette fois à l'automne 1988.


En octobre 1988, je me suis concentré à nouveau sur le projet et j'ai préparé des schémas détaillés, dont les copies seront marquées ...[Pièce 47], qui ont mené en bout de ligne à la fabrication et à la mise en marché du rouleau plombeur Flexi-Coil System 75, qui a commencé au début de 1989....

Des extraits du manuel de l'usager du Flexi-Coil 75 (Flexi-Coil 75 Packer Drawbar Operator's Manual) marqués Pièce « J » [aussi Pièce 1,11] illustrent les différents modèles qui ont été offerts sur le marché et vendus par Flexi-Coil. Flexi-Coil fabrique et vend des barres d'attelage de rouleaux plombeurs Flexi-Coil System 75 de différentes tailles, allant d'une barre d'attelage de rouleaux plombeurs à trois sections, d'une largeur de travail de 25 pi à 45 pi, à une barre d'attelage de rouleaux plombeurs à cinq sections, d'une largeur de travail de 44 à 62 pi.

Nous avons découvert que, dans bien des cas, les traces des pneus étaient trop marquées; on a donc mis au point un « dispositif de pression à ressort » , pour soulever les pneus de terre au cours du travail du sol et transférer le poids du châssis aux rouleaux plombeurs. Le 2 janvier 1991, un ordre de modification technique a été émis, dont une copie est jointe à cet affidavit à titre de Pièce « K » , [également Pièce 1,9], à la suite duquel le rouleau plombeur System 75 a été modifié, pour recevoir un dispositif de pression à ressort. Les instructions et les schémas d'assemblage du bloc-ressorts de pression figurent aux pages 8-27 et 8-28 de la Pièce « J » . Tous les rouleaux plombeurs Flexi-Coil System 75 fabriqués et vendus par Flexi-Coil depuis février 1991 ou vers cette date comprennent des montants de bloc-ressorts de pression, de façon que le dispositif puisse être ajouté à tous les accessoires de rouleau plombeur, à l'exception de ceux qui sont situés sur des sections à battants sans roues de support. Le bloc-ressorts de pression était offert à titre d'option. Une fois installé, le bloc-ressorts de pression transfère tout le poids des châssis de rouleaux plombeurs aux rouleaux eux-mêmes et soulève le châssis de terre en position de travail, de sorte que ce sont les rouleaux plombeurs, et non les roues, qui soutiennent le châssis dans cette position[28].

                                            III. Validité

Aux termes de l'article 45 de la Loi sur les brevets, la brevetabilité d'une invention est subordonnée à sa validité :

45. Tout brevet accordé en vertu de la présente loi est délivré sous la signature du commissaire et le sceau du Bureau des brevets. Le brevet porte à sa face la date à laquelle il a été accordé et délivré, et il est par la suite, sauf preuve contraire, valide et acquis au titulaire et à ses représentants légaux pour la période y mentionnée.


Le brevet `863 ne sera pas valide si la défenderesse peut établir que l'invention était : a) antérieurement connue ou utilisée par une autre personne; b) décrite dans un brevet ou dans une publication imprimée au Canada ou dans tout autre pays plus de deux ans avant la présentation de la pétition; et c) en usage public ou en vente au Canada plus de deux ans avant le dépôt de la demande de brevet[29].

Il importe de souligner que dans l'analyse de la validité, le fardeau d'établir l'invalidité incombe à la partie qui l'allègue. C'est donc à Flexi-Coil qu'il appartient d'établir que le brevet est invalide.

A. Les questions en litige

Les questions touchant la validité sont ainsi formulées dans l'exposéconjoint :

a. La défenderesse a-t-elle établi que l'une quelconque des revendications 1 ou 3 à 7 inclusivement du brevet en cause est invalide pour cause d'absence de nouveautéou pour cause d'évidence et, si oui, laquelle ou lesquelles? Pour trancher cette question, la Cour doit prendre en considération les motifs de non-validitéexposés aux présentes;


b. L'invention alléguée, telle qu'elle est revendiquée dans l'une quelconque des revendications 1 ou 3 à 7 inclusivement du brevet en cause, était-elle connue ou utilisée par des personnes de la sociétédéfenderesse, en particulier David Hundeby, avant la date de l'invention, s'il en est, par les inventeurs désignés dans le brevet en cause, et rendue publique par l'offre de vente et la vente par la défenderesse du Flexi-Coil 75 avant que la demanderesse présente sa demande pour le brevet en cause?

c. Le brevet en cause est-il invalide en raison du manque de franchise de la demanderesse ou de ses mandataires qui ont omis de fournir les antériorités pertinentes au Bureau canadien des brevets dans le cadre de la demande visant le brevet en cause? Pour trancher cette question, la Cour doit prendre en considération les motifs pour lesquels il y aurait eu manque de franchise, tels qu'ils sont exposés aux présentes[30]?

B. Délimitation des questions en litige

Bourgault fait valoir que l'invention consiste non pas en un élément particulier des revendications figurant dans le brevet, mais plutôt en une articulation à deux axes combinée à tous les autres éléments des revendications. Retenir cet argument aurait une incidence majeure sur la question de la validité car Flexi-Coil aurait alors la charge d'établir la non-validité à l'égard de tous les éléments de la combinaison. Ainsi, il n'est pas contesté qu'aux fins d'établir qu'il existe une antériorité à l'invention de combinaison protégée dans une revendication, il faut que cette antériorité soit un objet de combinaison ayant toutes les caractéristiques décrites dans la revendication. De même, pour établir qu'une personne a été la première à inventer une invention de combinaison protégée par une revendication, il faut que chaque élément de l'invention contestée se retrouve dans la revendication.


Bien que l'exposéconjoint cite comme antériorités la commune renommée, les publications imprimées et les appareils connus, publiés, vendus et utilisés au Canada plus de deux ans avant le dépôt de la demande visant le brevet `863, dont le Friggstad HPL[31], M. Hughes c.r., avocat de Flexi-Coil, a reconnu dans sa plaidoirie écrite et orale que la présente instance mettait en cause un brevet de combinaison, dans une tentative d'attirer plus particulièrement l'attention sur les similitudes et les différences entre le Friggstad HPL et l'invention revendiquée.

Pour clore sur les questions à trancher dans cette partie de l'analyse, je souscris, vu la preuve, à l'argument de Bourgault et j'en conclus donc que chacune des revendications du brevet protège une invention de combinaison.

En outre, vu la preuve, je conclus que seul le Friggstad HPL est, de par sa conception, suffisamment proche du brevet pour être susceptible de l'invalider au motif qu'à titre d'antériorité il révèle toutes les caractéristiques de l'invention revendiquée dans le brevet[32]. Toutefois, vu la preuve que j'exposerai plus en détail ci-après, j'estime que seules deux questions d'antériorité se posent à l'égard du Friggstad HPL et du brevet, soit l'articulation sur les rouleaux spirales et la nature du mécanisme de soulèvement de la section centrale.

C. Invention antérieure

1. Les règles de droit en matière de date d'invention


Dans ses observations finales sur cette question, la demanderesse a ainsi exposé succinctement les règles de droit applicables aux faits de la présente espèce :

[TRADUCTION] On peut établir la date de l'invention en démontrant que celle-ci a étéréduite à une forme pratique et définitive par une description verbale ou écrite qui permettait à une personne versée dans le domaine de la fabriquer ou, dans le cas d'un dispositif, par la fabrication du dispositif lui-même.

Koehring Canada Ltd. c. Owens-Illinois (1980), 52 C.P.R. (2d) 1 (C.A.F.), à la p. 11.

Une revendication est invalide si l'on peut établir qu'à la date de l'invention de la demanderesse, l'invention était déjà connue ou exploitée par une autre personne, dans la mesure oùavant la date de la demande de brevet, cette autre personne avait divulguéou exploitél'invention de telle manière qu'elle était devenue accessible au public.

Loi sur les brevets, al. 27(1)a), 61(1)a).

Les exigences auxquelles un brevet ou autre publication antérieur doit satisfaire pour pouvoir être opposécomme antérioritéà une invention s'appliquent avec la même force dans le cas d'une antérioritéprésumée du fait de l'exploitation antérieure.

Unipak Cartons Ltd. v. Crown Zellerbach Canada Limited, [1960] R.C.É. 396, à la p. 435.

2. La date de l'invention

Comme il est indiqué à la partie « I. Contexte » , MM. Bourgault et Hundeby travaillaient tous deux à la production d'un rouleau plombeur efficace pour le plombage monopasse derrière des semoirs pneumatiques. Compte tenu que l'invention de combinaison revendiquée dans le brevet est une articulation à deux axes combinée à tous les autres éléments énoncés dans les revendications, les questions auxquelles il faut répondre sont les suivantes : à quelle date M. Bourgault est-il parvenu à l'invention, et à quelle date M. Hundeby a-t-il inventé le Flexi-Coil 75, à supposer qu'il s'agisse d'un dispositif combiné valablement opposable?


Je suis d'avis que c'est à l'essai du quatrième prototype utilisant une articulation à deux axes - « la machine qui fonctionnait » pour reprendre les mots que l'avocat de Bourgault, M. Fyfe, c.r., a utilisés dans son argumentation - que M. Bourgault est parvenu à l'invention qu'il revendique. Par conséquent, la date de l'invention est le mois d'août 1988. Le deuxième prototype de M. Hundeby est le dispositif qui a mené à la fabrication et à la mise en marché du Flexi-Coil 75 et comme, selon son propre témoignage à l'instruction, ce dispositif n'a été mis à l'essai qu'en décembre 1988, tout tourne autour de la date à laquelle le prototype a été réduit « à une forme pratique et définitive par une description verbale ou écrite » .

Il appert de la preuve que, en mai 1988, M. Hundeby a consigné certains critères de conception pour un nouveau rouleau plombeur et qu'il a, également à cette époque, tracé les grandes lignes de différentes façons possibles de satisfaire aux critères. Dans sa réplique, M. Dyck fait observer ce qui suit :

[TRADUCTION] Àce stade, il me semble que seulement quelques idées sont mises sur papier et que les détails des critères de conception sont insuffisants pour permettre de déterminer les caractéristiques générales [...] Àmon avis, les notes de conception de M. Hundeby montrent clairement que Flexi-Coil n'intégrait pas les caractéristiques inventives du BWTP avant la mise sur le marchédu BWTP, malgréles efforts déployés pour concevoir une meilleure barre d'attelage de rouleaux plombeurs à utiliser derrière les semoirs pneumatiques, comme en font foi les différents rapports de R. et D. que j'ai examinés[33].

En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Dyck s'il pouvait fabriquer un rouleau plombeur à partir des croquis, à quoi il a répondu qu'il le pourrait moyennant « certaines adaptations » [34]. Toutefois, je suis d'accord avec M. Fyfe pour dire que cette réponse n'est pas probante quant à la position de Flexi-Coil, à savoir que M. Hundeby était le premier inventeur, parce que M. Dyck n'a pas dit qu'il aurait pu construire le dispositif visé par la réclamation 1 du brevet, et qu'on ne le lui a pas demandé.


Par conséquent, je conclus que les dessins ne mènent pas tous les éléments requis de l'invention de combinaison décrite dans le brevet à « une forme pratique et définitive » . Il est également clair que les dessins de conception plus poussés susceptibles de mener au deuxième prototype n'ont pas été commencés avant octobre 1988, au plus tôt, soit deux mois après l'essai du quatrième prototype par M. Bourgault. En conséquence, je conclus que M. Bourgault est le premier inventeur et que Flexi-Coil échoue dans sa contestation de la validité du brevet à cet égard.

D. Antériorité

1. Le critère relatif à l'antériorité

Le paragraphe 27(1) de la Loi sur les brevets dispose qu'un brevet ne sera valide que s'il décrit une invention nouvelle qui n'a pas été anticipée par une invention antérieure. On dit d'une invention qu'elle se heurte à une antériorité si les caractéristiques essentielles en sont divulguées dans une seule publication antérieure, comme l'a dit le juge Hugessen dans l'arrêt Beloit Canada Ltd. et al. c. Valmet[35] :

Il faut en effet pouvoir s'en remettre à une seule publication antérieure et y trouver tous les renseignements nécessaires, en pratique, à la production de l'invention revendiquée sans l'exercice de quelque génie inventif. Les instructions contenues dans la publication antérieure doivent être d'une clartételle qu'une personne au fait de l'art qui en prend connaissance et s'y conforme arrivera infailliblement à l'invention revendiquée. Lorsque, comme c'est le cas ici, l'invention consiste en une combinaison de plusieurs éléments connus, une publication qui ne révèle pas la combinaison de tous ces éléments ne peut avoir un caractère d'antériorité.


Le critère relatif à l'antériorité a également été énoncé clairement par le juge Wetston dans Almecon Industries Ltd. c. Nutron Manufacturing Ltd.[36] :

Dans la décision Procter & Gamble Co. c. Kimberly-Clark of Canada Ltd. (1991), 40 C.P.R. (3d) 1 (C.F. 1re inst.), le juge Teitelbaum a notéque l'analyse de la question d'antérioritéimplique un critère à deux volets. La Cour doit dans un premier temps se demander si la divulgation antérieure donne des directives claires et formelles qui, dans tous les cas et sans qu'il y ait possibilitéd'erreur, permettent à une personne versée dans l'art d'arriver à l'objet visépar les revendications du brevet en cause. Autrement dit, à la lumière du brevet antérieur, était-il inévitable qu'une personne versée dans l'art parvienne à découvrir le brevet en cause?

Si elle répond par l'affirmative à la première question, la Cour doit alors se demander si le brevet antérieur transmet suffisamment de renseignements requis pour qu'une personne versée dans l'art puisse produire l'invention revendiquée sans avoir à faire preuve d'esprit créatif. C'est là le critère de divulgation fondamental. Par conséquent, pour satisfaire aux critères de l'antériorité, il faut démontrer que le brevet antérieur révèle inévitablement un dispositif contrefait, et que le brevet antérieur donne une description suffisante pour permettre à une personne versée dans l'art de construire l'invention et d'en faire une utilisation appropriée.

2. Le Friggstad HPPL est-il antérieur à l'invention revendiquée dans le brevet?

Dans leurs déclarations formelles, MM. Reed et Friggstad affirment que le brevet fait connaître et révèle le rouleau plombeur Friggstad HPL, mais M. Dyck est en désaccord et souligne deux différences particulières qui, à l'instruction, sont devenues le point central. En me fondant sur la preuve produite en conséquence, je conclus que seules les caractéristiques de l'articulation à deux axes et au mouvement de soulèvement sont déterminantes pour ce qui est de la question de l'antériorité. Flexi-Coil allègue que toute différence entre le Friggstad HPL et l'invention est une différence sans caractère distinctif.


a. les revendications 1e) et f) et le mémoire descriptif

On a soulevé une question qui doit être clarifiée avant qu'on ne procède à l'analyse de l'antériorité. Dans son argumentation, Flexi-Coil a insisté sur une différence apparente entre les revendications du brevet et le mémoire descriptif concernant le mécanisme d'articulation utilisé dans l'invention. Dans les revendications 1e) et f), la fixation du rouleau au moyen d'une articulation située sur les sections du milieu et à battants est décrite comme suivant [TRADUCTION] « [...] un premier axe essentiellement parallèle au sol et perpendiculaire au sens de déplacement dudit rouleau plombeur et un second axe perpendiculaire au premier [...] » [37]. Toutefois, le mémoire descriptif comprend l'énoncé suivant :

[TRADUCTION] Dans une application (non illustrée), une articulation à trois axes est installée, le troisième axe étant perpendiculaire aux premier et deuxième axes. Dans cette application, le support des éléments de rouleau 80 a un degréde rotation limité, soit environ 15 degrés autour du troisième axe, ce qui réduit le dérapage des éléments de rouleau extérieurs lorsque le rouleau plombeur est tirédans un virage prononcé.

Cette anomalie apparente a entraîné la mise en preuve de certains faits et la présentation, par Flexi-Coil, de l'argument selon lequel les revendications du brevet ne sont pas limitées à « seulement » ou « uniquement » deux axes. À mon avis, les termes utilisés en 1e) et f) n'établissent aucune telle revendication et les mots qui figurent dans le mémoire descriptif ne changent pas ce fait.


La preuve documentaire présentée à l'instruction soulève des doutes quant à la raison pour laquelle le mémoire descriptif est ainsi libellé. La preuve[38] donne à entendre que, à l'origine, une articulation à troisième axe a été revendiquée dans le brevet déposé et que, à la demande de M. Bourgault, la revendication relative à l'articulation à troisième axe a été enlevée. Toutefois, comme M. Bourgault a également demandéque la mention de l'articulation à troisième axe soit également supprimée du mémoire descriptif, on peut se demander si quelqu'un n'a pas omis de suivre ces instructions. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas disposé, compte tenu de la preuve, à attacher quelque importance que ce soit à cette partie du mémoire descriptif.

b. l'articulation à trois axes vs l'articulation à deux axes

L'argument de Flexi-Coil, selon lequel la différence entre une articulation à trois axes et une articulation à deux axes est une différence sans caractère distinctif est fondé sur l'opinion de M. Friggstad. Dans sa déclaration, M. Friggstad dit ce qui suit :

[TRADUCTION] La « différence » entre le rouleau plombeur à battants Friggstad HPL et l'application préférée qui figure dans le brevet, c'est que, pour faciliter le support à trois points utilisédans certaines configurations d'attelage, tous les rouleaux et toutes les roues du rouleau plombeur à battants repliables Friggstad HPL pivotent, par nécessité, autour du troisième axe (vertical) plutôt que sur seulement les deux axes de rotation que présente l'application préférée figurant dans le brevet. La section milieu du châssis et les sections à battants du rouleau plombeur à battants repliables HPL ont chacune au moins un rouleau pivotant autour d'un premier axe essentiellement parallèle au sol et perpendiculaire au sens de déplacement du rouleau plombeur et sur un deuxième axe perpendiculaire au premier. La « différence » consiste en l'ajout d'un troisième axe de rotation. Cette « différence » n'altère pas ma conclusion à savoir que l'ensemble et chacun des éléments des revendications du brevet se retrouvent dans les rouleaux plombeurs à battants repliables Friggstad HPL[39].


M. Fyfe a répliqué à ce témoignage en alléguant que, puisque la revendication exige que le premier axe soit et demeure « parallèle au sol et perpendiculaire au sens de déplacement » , cela ne peut se faire que si le premier axe est fixé au châssis. Comme cela est impossible, compte tenu de l'introduction du troisième axe, et comme le premier axe cesse de maintenir sa position parallèle au châssis lorsqu'il pivote, un mécanisme d'articulation à trois axes est très différent d'un mécanisme à deux axes. J'accepte cet argument et, en conséquence, je conclus qu'à cet égard le Friggstad HPL n'est pas antérieur à l'invention revendiquée.

c. le mécanisme de soulèvement

Dans son argumentation, M. Fyfe a ainsi énoncé succinctement la différence entre le mécanisme de soulèvement du Friggstad HPL et l'application préférée du brevet :

[TRADUCTION] Les roues et les bras de relevage sont fixés au châssis du Friggstad, et on soulève les éléments de rouleau en soulevant le bras de relevage. Quant à la machine Bourgault, les roues et les rouleaux plombeurs sont fixés au châssis et on soulève les éléments de rouleau en faisant pivoter la roue vers le bas pour soulever le châssis et ce qui y est fixé. C'est là , essentiellement, que réside la différence.

Au cours de son témoignage, M. Reed a admis qu'il y avait une différence entre les deux méthodes; toutefois, son utilisation des termes « une façon un peu différente » , « de petites différences » , « légèrement différent » a permis à Flexi-Coil de plaider que les différences n'étaient pas fondamentales[40].


En outre, M. Hughes a cherché à tirer partie de la franchise dont M. Dyck a fait preuve dans le contre-interrogatoire suivant pour étayer ses arguments relatifs à l'antériorité et à l'évidence :

[TRADUCTION] Q.Compte tenu du Friggstad, diriez-vous : « Écoutez, je peux en venir au Bourgault. C'est facile » ?

Q.     Vous n'auriez pas fait cela? Cela vous aurait démonté, n'est-ce pas?

A.      Eh bien...

Q.     Vous auriez étépris?

A.      Je ne dirais pas que j'aurais étépris[41].

Se fondant sur les témoignages de MM. Reed et Dyck, M. Hughes a allégué que la différence dans les mécanismes de soulèvement [TRADUCTION] « n'est pas une différence substantielle et n'est pas une différence qui aurait démonté une personne versée dans l'art » . Je ne peux toutefois suivre M. Hugues dans cette voie.

Il me paraît clair que, tout en reconnaissant parfaitement l'existence d'une différence entre les mécanismes de soulèvement, M. Reed a cherché à en réduire l'importance parce que les deux méthodes utilisent de l'énergie hydraulique et des vérins pour soulever les éléments de rouleau de terre. Compte tenu de la teneur générale de son témoignage, savoir que l'invention revendiquée dans le brevet faisait usage de « technologie courante » , cela n'a rien d'étonnant, mais cela ne change pas sa réponse, à savoir qu'il existe une différence.


M. Dyck m'est apparu comme un témoin digne de foi tout au long de son témoignage. C'est une personne très assurée et franche, qui possède manifestement beaucoup de connaissances dans son domaine d'expertise. J'aurais été étonné qu'il ne se montre pas à la hauteur du défi que lui a lancé M. Hugues. Toutefois, cela ne signifie pas que je doive accorder une valeur probante à sa réponse, ce que je ne fais pas, vu son peu de substance.

Compte tenu des faits mis en preuve, je conclus qu'il existe une différence fondamentale entre les mécanismes et, par conséquent, je conclus qu'à cet égard le Friggstad HPL n'est pas antérieur à l'invention revendiquée. Comme il n'y a pas d'autres points de distinction, je rejette l'antériorité comme motif de contestation de la validité du brevet.

E. Évidence

1. Le critère relatif à l'évidence

La défenderesse soutient que le brevet `863 est invalide pour cause d'évidence. La grande différence entre l'antériorité et l'évidence est que l'antériorité exige une description préalable exacte dans une seule source[42], tandis que l'évidence peut être fondée sur tout ce qui peut exister entre une simple divulgation et une « juxtaposition » de tout l'état de la technique[43]. Les deux sont des questions de fait[44]. Ce n'est pas parce que la technique laisse supposer une invention que celle-ci est évidente, mais si la technique ne va pas dans le sens de l'invention, il n'y aura vraisemblablement pas d'évidence.


Évidence et antériorité sont liées dans la mesure où ces notions exigent toutes deux une appréciation de l'état antérieur de la technique relative au brevet `863. Ainsi qu'il est établi, le brevet `863 est un brevet de combinaison et, par conséquent, c'est la combinaison dans son ensemble, et non ses composantes individuelles, qu'il faut examiner aux fins d'en déterminer l'évidence. En d'autres termes, la question ultime à trancher est celle de savoir si la combinaison, dans son ensemble, est évidente ou non. Ainsi qu'il est établi, le Friggstad HPL est le seul dispositif pertinent à cet égard.

Le critère relatif à l'évidence est énoncé comme suit dans l'arrêt Beecham Can. Ltd. c. Proctor & Gamble Co.[45] :

La question est de savoir si à la date de l'invention [...] un technicien versédans l'art mais peu imaginatif serait, compte tenu de ses connaissances générales et de l'information à laquelle il pouvait alors avoir accès, arrivédirectement et sans difficultéà l'invention.

Le critère a aussi été formulé plus récemment dans Valmet[46] oùle juge Hugessen dit ceci à la p. 294 :

La pierre de touche classique de l'évidence de l'invention est le technicien versédans son art mais qui ne possède aucune étincelle d'esprit inventif ou d'imagination; un parangon de déduction et de dextéritécomplètement dépourvu d'intuition; un triomphe de l'hémisphère gauche sur le droit. Il s'agit de se demander si, compte tenu de l'état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment oùl'invention aurait étéfaite, cette créature mythique (monsieur tout-le-monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C'est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.


C'est à la date de l'invention, telle qu'elle a été établie précédemment, qu'il faut se reporter pour apprécier le point de vue du technicien versé dans l'art mais peu imaginatif.

On trouvera dans l'arrêt Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp.[47], à la p. 368, un exemple des critères objectifs utilisés pour vérifier s'il y a eu une « étincelle d'esprit inventif » : le dispositif est-il nouveau et supérieur à ce qui existait auparavant? A-t-il été utilisé largement depuis son introduction et de préférence à d'autres dispositifs? Les compétiteurs et les experts dans le domaine ont-ils déjà envisagé la combinaison? La première publication a-t-elle suscité l'étonnement? Et l'introduction de l'invention a-t-elle été suivie d'un succès commercial?

2. L'invention revendiquée dans le brevet est-elle évidente?


Malgré les innovations agricoles modernes réalisées en date de 1988, MM. Bourgault et Hundeby savaient tous deux qu'il existait un besoin manifeste de passer à un nouveau niveau de perfectionnement. À cette époque, apparemment[48], M. Bourgault n'était pas au courant de l'existence du Friggstad HPL, mais M. Hundeby l'était certainement. Néanmoins, les deux ont commencé, simultanément mais indépendamment, à travailler à l'élaboration d'un concept amélioré de rouleau spirale monopasse. Compte tenu de l'état des connaissances lorsque MM. Bourgault et Hundeby ont entrepris leurs activités, Flexi-Coil a présenté une preuve visant à établir que les résultats qui ont été réalisés de part et d'autre étaient évidents à toute personne versée dans cet art. Le fait que les activités de MM. Bourgault et Hundeby ont coïncidé et mené aux mêmes résultats est, dit-on, une preuve de cette affirmation.

M. Bourgault est d'avis que l'étincelle qui a déclenché l'invention est réellement l'introduction de l'articulation à deux axes. Le Friggstad HPL, qui représentait alors l'état de la technologie, utilise une articulation à trois axes, et comme j'ai conclu à l'importance de la différence entre l'utilisation de deux axes et l'utilisation de trois axes, la question est de savoir si l'adoption de l'articulation à deux axes par MM. Bourgault et Hundeby a découlé directement et sans difficulté. Compte tenu de la preuve, ma réponse est négative.

MM. Bourgault et Hundeby ont tous deux travaillé très fort pour conclure à l'utilisation de l'articulation à deux axes sur les rouleaux spirales des sections milieu et à battants du châssis. M. Bourgault a construit quatre prototypes et M. Hundeby en a construit deux avant que les deux n'adoptent l'articulation à deux axes pour tous les rouleaux spirales. Toutefois, je conclus qu'il ne fait aucun doute que M. Bourgault est responsable de la « découverte » que l'articulation à deux axes fonctionnait assez bien pour qu'on l'adopte.

Le passage suivant de la déclaration de M. Bourgault établit que, avant la mise au point du Bourgault WTP, il était acquis et fondé, parmi l'ensemble des fabricants de rouleaux spirales, qu'il fallait utiliser une articulation à trois axes :


[TRADUCTION] En août 1988, on croyait généralement qu'il était nécessaire de fixer les rouleaux spirales à une barre d'attelage au moyen d'un mécanisme qui permettait la rotation autour d'un axe vertical. On ne savait pas qu'on pouvait attacher efficacement les rouleaux spirales à la barre d'attelage des rouleaux plombeurs au moyen d'un mécanisme d'articulation à deux axes sans axe vertical. Les spirales des rouleaux plombeurs sont des éléments très lourds. Pour soutenir ces derniers durant le transport ou les faire glisser latéralement, il faut une résistance considérable aux forces produites. Comme nous en avons discuté, au début de nos activités de conception, il n'était pas évident qu'un mécanisme d'articulation à deux axes pourrait s'adapter aux rouleaux spirales. Même lorsque la machine Bourgault est passée à la production, moi-même et Richard Coquet n'étions pas entièrement convaincus que son rendement serait acceptable en raison du creusement du sol qui se produisait dans les virages prononcés[49].

C'est de ces idées reçues que M. Bourgault s'est écarté lorsqu'il a mis au point le Bourgault WTP.

Même s'il est vrai que le premier prototype de M. Hundeby utilisait une combinaison d'articulations à deux et à trois axes, c'est M. Bourgault qui a démontré le premier que l'articulation à deux axes réalisait le perfectionnement voulu par rapport à la technologie existante. M. Hundeby s'efforçait toujours de perfectionner ses améliorations lorsque l'application du brevet de M. Bourgault est apparue sur le marché pour la première fois. À l'époque, M. Hundeby travaillait toujours à une combinaison de deux et trois axes. Son utilisation des mots suivants dans un rapport révèle que la réussite de M. Bourgault a contribué à sa décision d'utiliser exclusivement l'articulation à deux axes dans le Flexi-Coil 75 :

[TRADUCTION] Le premier prototype était en voie d'achèvement lorsque le rouleau plombeur à battants repliables Bourgault a étémis sur le marché. Cette unitéétait très utile en ce sens qu'elle confirmait qu'une unitétrès semblable au Flexi-Coil 75 avait étéutilisée dans les champs et fonctionnait apparemment de façon satisfaisante. Le concept essentiellement en question était celui des deux rangées de rouleaux plombeurs, dont ni l'une ni l'autre ne pouvait pivoter aux virages. Il fait également ressortir les options susceptibles d'être poursuivies avec succès[50].

Compte tenu de ces faits, je ne peux accorder de valeur probante aux termes suivants que M. Hundeby a utilisés dans sa déclaration au sujet de ses critères de conception :

[TRADUCTION] Afin de satisfaire aux critères de conception susmentionnés, compte tenu de ma connaissance de ce qui existait déjà sur le marché, j'ai immédiatement et facilement conçu l'idée d'utiliser un châssis de cultivateur à battants modifiéauquel j'attacherais une série de rouleaux plombeurs montés ayant deux axes de rotation, essentiellement comme le Friggstad HPL et le Friggstad Mounted Packer [...][51]

M. Friggstad a émis l'opinion que l'utilisation de l'articulation à deux axes était évidente. Au sujet du perfectionnement du Friggstad HPL, il a dit ceci :

[TRADUCTION] Si la limitation du mouvement à deux axes de rotation seulement est une véritable différence, alors, à mon avis, compte tenu de l'existence antérieure de rouleaux plombeurs montés et de cultivateurs à battants repliables, tels ceux qui sont mentionnés dans la pièce 28,3, toute personne versée dans cet art qui connaît le rouleau plombeur à battants repliables Friggstad HPL en viendrait, de par l'application ordinaire, simple et attendue de sa capacitéprofessionnelle ordinaire, à l'adoption de rouleaux plombeurs n'ayant que deux axes de rotation. Une personne qui possède une expertise ordinaire dans le domaine aurait déduit rapidement que le rouleau plombeur à battants repliables Friggstad HPL pouvait être muni de rouleaux plombeurs ayant soit deux axes, soit trois axes de rotation. La personne versée dans cet art aurait étémenée directement à l'invention divulguée et revendiquée dans le brevet, sans expérimentation indue.[Non soulignédans l'original.]

Même si M. Friggstad est un fabricant de machines agricoles et qu'on peut tenir pour acquis que, à titre d'expert, il connaît les problèmes liés à l'utilisation d'articulations à trois axes découlant de la technologie existante, il a néanmoins choisi l'articulation à trois axes pour la production du Friggstad HPL. Vu la preuve, je conclus qu'il ne s'agissait pas du choix d'un concept mais de l'acceptation d'un concept antérieur.


Dans sa déclaration, M. Friggstad décrit l'amélioration qu'il fallait apporter à son rouleau plombeur PDB du début des années 80, lequel, comme le PAMI décrit à la section « I Contexte » ci-dessus, était doté de spirales à trois axes en contact constant avec le sol. M. Friggstad a expliqué que son objectif était de soulever les rouleaux spirales de terre en position de transport et que l'atteinte de cet objectif a mené directement à la conception du Friggstad HPL. Aussi s'est-il attaché à la question du soulèvement des spirales du sol et non pas, semble-t-il, à celle de l'articulation à deux axes. Je crois qu'il est raisonnable de conclure que, en perfectionnant le Friggstad HPL, M. Friggstad a simplement appliqué les idées reçues concernant l'articulation à trois axes dont M. Bourgault a parlé. En conséquence, je n'accorde aucune valeur probante à l'affirmation de M. Friggstad selon laquelle [TRADUCTION] « le rouleau plombeur à battants repliables Friggstad HPL pouvait être fabriqué avec des rouleaux plombeurs dotés soit de deux axes, soit de trois axes de rotation. »

En outre, je n'accorde pas davantage de valeur à l'opinion de M. Friggstad selon laquelle [TRADUCTION] « la personne versée dans cet art serait arrivée directement à l'invention divulguée et revendiquée dans le brevet, sans expérimentation indue » , parce qu'il en est autrement selon la preuve.

Entre MM. Bourgault et Hundeby, il y a eu beaucoup d'expérimentation avant que l'articulation à deux axes sur tous les rouleaux spirales ne soit acceptée. En fait, l'utilité de l'articulation à deux axes n'a été confirmée que lors des essais sur le terrain du quatrième prototype de M. Bourgault. Par conséquent, l'expression « sans expérimentation indue » de M. Friggstad ne décrit pas exactement ce qui s'est produit dans les faits. Par conséquent, je n'y accorde aucune valeur probante.


Dans sa déclaration, M. Reed a exprimé la même opinion, exactement dans les termes utilisés par M. Friggstad dans l'extrait précité[52]. Cette identité de propos me laisse perplexe quant à la valeur probante de son opinion. Toutefois, du témoignage de M. Reed, je retiens l'idée qu'il essaie de communiquer, à savoir que l'utilisation de l'articulation à deux axes du Bourgault WTP n'a requis que peu, sinon aucune capacité d'invention. À cet égard, il est important d'examiner cette opinion en contexte.

À titre d'ingénieur agricole supérieur, M. Reed fonde son témoignage sur la proposition que l'invention ne présente rien de nouveau parce qu'elle utilise une technologie courante. À cet égard, j'estime en toute déférence que la façon dont M. Reed caractérise l'articulation à deux axes - rien de plus essentiellement qu'une genouillère - réduit l'impact de son opinion quant à l'évidence de l'utilisation de l'articulation en combinaison avec un instrument de plombage spiralé. Par définition, l'articulation à deux axes pourrait très bien être une genouillère, mais la découverte étonnante de sa capacité de produire les résultats espérés est, à mon avis, l'élément négligé dans le témoignage de M. Reed, d'où sa valeur réduite.


À l'instar du milieu agricole, M. Hundeby a manifestement apprécié l'amélioration réalisée par M. Bourgault. J'accepte les affirmations de M. Bourgault selon lesquelles la preuve démontre les faits suivants : le Bourgault WTP et le Flexi-Coil 75 sont tous deux des réussites commerciales; les ventes du Flexi-Coil 75 étaient au moins quatre fois plus élevées que celles du System 70 au cours des deux années suivant sa mise en marché; un certain nombre d'autres fabricants ont mis sur le marché des barres d'attelage de rouleaux plombeurs semblables au Bourgault WTP, après la mise en marché de ce dernier. Je conclus qu'il est établi que, par l'utilisation de l'articulation à deux axes, M. Bourgault a introduit une nouveauté.

Par conséquent, je conclus que M. Bourgault a fait preuve de l'inventivité nécessaire, ou a eu « l'étincelle de l'invention » , pour employer les termes de M. Fyfe, et, par conséquent, je rejette l'évidence comme motif de contestation du brevet.

F. Manque de franchise envers le Bureau des brevets

Sur cette question, Flexi-Coil fait valoir l'argument suivant :

La défenderesse allègue également que le brevet en cause est invalide pour manque de franchise, en raison du défaut de la demanderesse ou de son mandataire d'indiquer au Bureau canadien des brevets les antériorités pertinentes dans le cadre de sa demande de brevet. Plus précisément, la défenderesse soutient que la demanderesse a omis d'informer le Bureau des brevets de l'existence de la machine Friggstad HPL et de fournir à ce dernier les documents suivants relatifs aux antériorités :

(1) Le Saskatchewan Implement Buyers Guide de 1984 oùfigurait l'appareil Friggstad HPL en annexe d'une lettre datée du 8 mai 1990 de Gerry Bourgault à Smart & Biggar [...];

(2) La brochure de Friggstad [...];

(3) Les pages 2, 3 et 11 du numéro de 1983 et les pages 2 et 3 du numéro de 1984 du Farmers Buyers Guide [...][53];


Flexi-Coil dit que Bourgault n'a pas été franche avec le Bureau des brevets parce qu'au moment où elle a obtenu le brevet, elle connaissait l'existence du Friggstad HPL et qu'elle ne l'a pas révélée. Cette contestation du brevet pour « manque de franchise » combine en réalité deux arguments distincts : le brevet est invalide parce que les agissements de Bourgault sont visés par les dispositions de l'art. 53 de la Loi; et, indépendamment des dispositions de l'art. 53, le brevet est invalide parce que Bourgault avait l'obligation d'indiquer les antériorités au Bureau des brevets et qu'il a omis de se conformer à cette obligation.   

Pour ce qui est de l'argument fondé sur « la volonté délibérée d'induire en erreur » , l'art. 53 de la Loi dispose :

53(1) Le brevet est nul si la pétition du demandeur, relative à ce brevet, contient quelque allégation importante qui n'est pas conforme à la vérité, ou si le mémoire descriptif et les dessins contiennent plus ou moins qu'il n'est nécessaire pour démontrer ce qu'ils sont censés démontrer, et si l'omission ou l'addition est volontairement faite pour induire en erreur.

(2) S'il apparaît au tribunal que pareille omission ou addition est le résultat d'une erreur involontaire, et s'il est prouvéque le brevetéa droit au reste de son brevet, le tribunal rend jugement selon les faits et statue sur les frais. Le brevet est réputévalide quant à la partie de l'invention décrite à laquelle le brevetéest reconnu avoir droit.

Ainsi, en ce qui a trait au caractère suffisant du mémoire descriptif et des dessins, qui sont à l'origine de la plainte, il faut, pour pouvoir invalider le brevet, établir que Bourgault a volontairement induit le Bureau en erreur en fournissant plus ou moins de renseignements qu'il n'est nécessaire.

Il n'y a, en l'espèce, absolument aucune preuve d'une intention d'induire en erreur; j'estime, en conséquence, que le par. 53(1) ne s'applique pas. De plus, Bourgault n'ayant pas soulevé le moyen de défense de l'erreur involontaire en réponse à l'attaque de Flexi-Coil contre la validité du brevet, on ne peut non plus appliquer le par. 53(2).


En ce qui concerne l'argument que Flexi-Coil fonde sur « l'obligation » , Bourgault répond qu'il s'est conformé aux seules dispositions législatives ou réglementaires relatives à la divulgation des antériorités qui étaient applicables à l'époque de la demande de brevet, soit la règle 21, la formule 24, et la règle 40 des Règles sur les brevets alors applicables.

La règle 21 dispose :

La divulgation doit traiter des matière exposées dans la formule 24 de l'annexe 1, de la manière prescrite dans cette formule.

Voici les parties pertinentes de la formule 24 :

Mémoire descriptif

Le mémoire descriptif doit commencer immédiatement après le précis ou au haut d'une nouvelle page et doit comprendre un certain nombre de paragraphes non numérotés oùsont traités les points ci-après, à peu près dans l'ordre suivant :

(1) Le caractère général de la catégorie d'article ou genre de procédéauquel se rattache l'invention c'est-à -dire l'idée créatrice [...]

(2) La nature, en termes généraux,des articles ou procédés antérieurement connus ou utilisés, qui sont censés être améliorés ou remplacés par le recours à l'invention, ainsi que des difficultés et inconvénients qu'ils comportent [...]

(3) L'idée créatrice que le nouvel article ou procédémet en oeuvre et la façon dont le recours à cette invention surmonte les difficultés et les inconvénients des pratiques ou méthodes antérieures [...]

(4) Une description complète de la meilleure façon d'utiliser ou de mettre à exécution l'idée créatrice [...] [Non soulignédans l'original.]

La règle 40 dispose :

40(1) Un examinateur peut exiger d'un demandeur qui présente une demande au Canada de fournir l'un ou l'autre des renseignements suivants ayant trait à toute demande correspondante pouvant avoir étédéposée, dans tout pays spécifiépar l'examinateur, au nom du demandeur ou de toute autre personne revendiquant au nom de l'inventeur désignédans la demande au Canada :

a) les antériorités citées en opposition auxdites demandes;

b) les numéros des demandes, les dates de dépôt et les numéros des brevets, si ceux-ci ont étéconcédés; et

c) les détails relatifs aux interventions ou procédures analogues.


Je souscris à l'argument de Bourgault selon lequel l'exigence générale énoncée au paragraphe 2 de la formule 24 n'impose pas l'obligation de désigner quoi que ce soit de manière spécifique, et encore moins d'inclure des renvois à des catalogues ou à des brochures de fabricants. Par conséquent, j'estime qu'à moins qu'une demande soit faite en vertu de la règle 40 des Règles sur les brevets, rien n'oblige à indiquer expressément les antériorités au Bureau des brevets.

Une demande a été présentée en vertu de la Règle 40 dans le cadre des procédures relatives à la demande de brevet et, à cet égard, je conviens avec M. Bourgault que les faits suivants ont été établis : M. Bourgault a fait parvenir à ses agents de brevets une lettre datée du 23 janvier 1989, demandant qu'on fasse tous les efforts possibles pour obtenir un brevet relativement au rouleau plombeur à battants et soulignant que [TRADUCTION] « la clé du fonctionnement efficace du rouleau plombeur réside dans l'articulation à deux axes qui soutient et tire le rouleau plombeur, et qui permet également aux rouleaux plombeurs individuels de suivre les irrégularités du sol » ; une demande de brevet relative au rouleau plombeur à battants a été présentée au Canada le 1er septembre 1989 et aux États-Unis, le 26 septembre 1989; un rapport d'examinateur de brevets a été soumis au Canada le 6 mars 1990 et, aux États-Unis, le 9 mars 1990; l'agent de brevets de la demanderesse a fait parvenir à M. Bourgault une ébauche de réponse au rapport de l'examinateur; M. Bourgault a parléà son agent de brevets le 8 mai 1990 et il a suggéré des modifications à apporter à l'ébauche de réponse, en soulignant l'importance de la fixation des rouleaux plombeurs de la demanderesse à la barre d'attelage par une articulation à deux axes, et il a suggéré de supprimer de la demande de brevet toute demande relative à une fixation par articulation à trois axes; M. Bourgault a fait parvenir à son agent de brevets une lettre datée du 8 mai 1990 et accompagnée d'une brochure annonçant le Friggstad HPL, dans laquelle il disait :

[TRADUCTION] Je joins une brochure concernant la barre d'attelage de rouleau plombeur à battants repliables Friggstad, qui a étéconstruit aux environs de 1984. Remarquez le mécanisme d'articulation à trois axes. (Je viens tout juste de trouver cette brochure.) S'il est évident qu'il faut utiliser une articulation à deux axes, comme dans notre fixation du rouleau plombeur au châssis, on aurait dûl'utiliser ici![54]

Une réponse datée du 23 mai 1990, accompagnée d'une brochure annonçant le Lely Ringmaster et déclarant celui-ci comme étant l'antériorité la plus proche qui soit connue du requérant, a été soumise au Bureau canadien des brevets; on y disait notamment ceci :

[TRADUCTION] La présente invention règle les problèmes liés au Lely Ringmaster tout en maintenant la capacitéde remorquage derrière un semoir pneumatique. Grâce à ses deux rouleaux plombeurs pivotants bidirectionnels, la présente invention évite la surcharge et le bris du châssis et des rouleaux, occasionnés par des terrains rocheux irréguliers. Les articulations à trois axes sont un autre problème liéaux barres d'attelage de rouleaux actuelles. La construction de ces dispositifs est coûteuse. La présente invention ne nécessite que des articulations à deux axes et on a découvert qu'il se produit un dérapage minimal dans les virages en raison de la construction de la présente invention[55].

Une réponse a été soumise au bureau des brevets des États-Unis le 7 juin 1990; et M. Bourgault n'avait pas vu d'appareil Friggstad HPL avant avril 1997.


En ce qui a trait au Lely Ringmaster cité à titre d'antériorité la plus proche, M. Fyfe allègue que [TRADUCTION] « lorsque la lettre a été écrite, l'agent croyait qu'il s'agissait de l'antériorité la plus pertinente et, dans la mesure où l'agent connaissait le HPL, bien qu'il n'en ait pas fait mention, il a fait une distinction par rapport au HPL en soulignant la différence entres les deux axes et les trois axes » [56]. Bien que la preuve soit insuffisante pour ce qui est de démontrer avec précision exactement pourquoi le Lely Ringmaster a été mentionné comme antériorité la plus proche, par opposition à toute autre machine, y compris le Friggstad HPL, je reconnais que les termes susmentionnés de la réponse répondent pertinemment à la demande de renseignements de l'examinateur des brevets, puisqu'ils renvoient clairement à une caractéristique importante du Friggstad HPL en tant qu'antériorité.

Par conséquent, je conclus que M. Bourgault s'est acquitté de l'obligation que lui imposaient la loi et les règlements.

Malgré cela, M. Hugues m'a demandé dans ses conclusions finales d'imposer une obligation encore plus rigoureuse, qui exigerait qu'un titulaire de brevet cite toutes les antériorités connues relativement à la demande de brevet proposé. Selon son raisonnement, certaines personnes lisant le mémoire descriptif du brevet pourraient être au courant des antériorités sans que celles-ci soient spécifiquement mentionnées, alors que d'autres pourraient ne pas être au courant, de sorte qu'il conviendrait d'imposer une norme plus élevée au bénéfice des personnes de cette dernière catégorie.

Ma réponse à cet argument est que je ne vois aucune raison d'élargir les exigences légales déjà mentionnées et je choisis de ne pas le faire.

G. Caractère suffisant du mémoire descriptif

L'article 34 de la Loi sur les brevets dispose :

34(1) Dans le mémoire descriptif, le demandeur :

a) décrit d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues l'inventeur;


b) expose clairement les diverses phases d'un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d'utilisation d'une machine, d'un objet manufacturé ou d'un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'objet de l'invention;

c) s'il s'agit d'une machine, en explique le principe et la meilleure manière dont il a conçu l'application de ce principe;

d) s'il s'agit d'un procédé, explique la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l'invention d'autres inventions;

e) indique particulièrement et revendique distinctement la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu'il réclame comme son invention.

(2) Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications exposant distinctement et en termes explicites les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété ou le privilège exclusif.

La règle de droit applicable en ce qui concerne le caractère suffisant du mémoire descriptif a été clairement formulée par la Cour suprême du Canada. Dans l'arrêt Pioneer Hi-Bred Ltd. v. Canada (Commissaire des brevets)[57], la règle est ainsi énoncée :

...Les tribunaux canadiens ont eu l'occasion d'énoncer au cours des années le test qu'il faut appliquer pour savoir si la divulgation est complète. Le demandeur doit divulguer tout ce qui est essentiel au bon fonctionnement de l'invention. Afin d'être complète, celle-ci doit remplir deux conditions: l'invention doit y être décrite et la façon de la produire ou de la construire définie (le président Thorson dans Minerals Separation North American Corp. v. Noranda Mines, Ltd., [1947] R.C. de l'É. 306, à la p. 316). Le demandeur doit définir la nature de l'invention et décrire la façon de la mettre en opération. Un manquement à la première condition invaliderait la demande parce qu'ambiguëalors qu'un manquement à la seconde l'invaliderait parce que non suffisamment décrite. Quant à la description, elle doit permettre à une personne versée dans l'art ou le domaine de l'invention de la construire à partir des seules instructions contenues dans la divulgation (le juge Pigeon dans Burton Parsons Chemicals Inc. c. Hewlett-Packard (Canada) Ltd., [1976] 1 R.C.S. 555, à la p. 563; Monsato Co. c. Commissaire des brevets, [1979] 2 R.C.S. 1108, à la p. 1113), et d'utiliser l'invention, une fois la période de monopole terminée, avec le même succès que l'inventeur, au moment de sa demande (Minerals Separation, précité, à la p. 316).

De plus, on peut lire ce qui suit dans l'arrêt Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd.[58] à la p. 520 :


Essentiellement, ce qui doit figurer dans le mémoire descriptif (qui comprend à la fois la divulgation, c.-à -d., la partie descriptive de la demande de brevet, et les revendications) c'est une description de l'invention et de la façon de la produire ou de la construire, à laquelle s'ajoute une ou plusieurs revendications qui exposent les aspects nouveaux pour lesquels le demandeur demande un droit exclusif. Le mémoire descriptif doit définir la portée exacte et précise de la propriétéet du privilège exclusifs revendiqués. Le paragraphe 36(1) [maintenant le 34(1)] cherche à répondre aux questions suivantes: « En quoi consiste votre invention? Comment fonctionne-t-elle? [..]

Il faut considérer l'ensemble de la divulgation et des revendications pour déterminer la nature de l'invention et son mode de fonctionnement (Noranda Mines Ltd. c. Minerals Separation North American Corp.[note infrapaginale omise]), sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public. Ce n'est pas le moment d'être trop ruséou formaliste en matière d'oppositions soit au titre ou au mémoire descriptif [...]

Et aussi à la p. 526 :

[...] je ne donne pas aux derniers mots du par. 36(1) [art. 34] une interprétation qui oblige l'inventeur à décrire, dans sa divulgation ou ses revendications, en quoi l'invention est nouvelle et de quelle manière elle est utile. Il doit dire ce qu'il revendique avoir inventé. Il n'est pas obligéde vanter l'effet ou l'avantage de sa découverte s'il décrit son invention de manière à le produire.

De plus, une interprétation du mémoire descriptif qui donne effet au brevet est préférée à une interprétation qui le détruit[59]. Les contestations relatives à la validité d'un brevet qui reposent sur l'insuffisance de la divulgation eu égard à l'art. 34 sont considérées par les tribunaux comme étant de nature technique et on ne devrait pas pouvoir y recourir pour faire annuler une invention valable[60].


Flexi-Coil soutient que le mémoire descriptif du brevet est déficient principalement du fait de l'inclusion anormale du renvoi à l'articulation à trois axes dont il est fait état précédemment dans l'analyse portant sur la question de l'antériorité. Bourgault fait valoir que le fait que le renvoi à l'articulation à trois pivots n'ait pas été retiré du brevet ne peut servir à invalider ce dernier parce qu'il ne s'agit pas d'une allégation importante. Cette réponse trouve appuie dans l'énoncé suivant du juge Thurlow dans Jules R. Gilbert Ltd. c. Sandoz Ltd.[61] :

Je suis également d'avis que les allégations contenues dans la pétition concernant toute autre chose que le sujet des revendications du brevet tel qu'il a étéaccordéne sont pas importantes.

Compte tenu de cet arrêt et de la décision de n'accorder aucun poids à l'élément des trois axes, à laquelle je suis arrivé précédemment dans l'analyse de l'antériorité, j'accepte l'argument de Bourgault et, en conséquence, je conclus que le mémoire descriptif est suffisant.

H. Retard

Voici la question dont il a été convenu à ce chapitre :

La demanderesse est-elle déchue, en tout ou en partie, des redressements qu'elle réclame en raison du retard ou de l'acquiescement et, dans l'affirmative, de quel redressement est-elle déchue[62]?


Flexi-Coil soutient que la Cour jouit du pouvoir discrétionnaire, en tant que tribunal de droit et d'equity, d'accorder ou de refuser le recours en equity pour cause de retard. Toutefois, pour que cet argument puisse être pris en considération, il faut d'abord prouver que Bourgault est responsable du retard. Flexi-Coil prétend que tel est le cas et cite à l'appui les faits suivants dans son argumentation écrite :

[TRADUCTION]                                    

1. La défenderesse Flexi-Coil a commencé à offrir en vente au Canada le rouleau plombeur en cause vers le mois de février 1989.

2. La demanderesse Bourgault n'a déposé sa demande de brevet que le 1re septembre 1989.

3. Alors que la demande de brevet était en instance, la demanderesse a déposé un affidavit de Gerry Bourgault alléguant qu'un contrefacteur (Flexi-Coil) était sur le marché et qu'il fallait accélérer l'étude de la demande de brevet.

4. Le brevet a été délivré le 18 décembre 1990.

5. Le 18 février 1991, les avocats de la demanderesse ont écrit à la défenderesse, faisant valoir l'existence du brevet en cause et alléguant les ventes effectuées depuis mai 1989.

6. La défenderesse n'a pas répondu à cette lettre. À cette époque, aucun autre litige n'opposait les parties.

7. Àcette époque, aucun autre litige n'opposait les parties.

8. La défenderesse a continué à fabriquer et à vendre les rouleaux plombeurs en cause, au su de la demanderesse.

9. La présente action a été introduite le 14 novembre 1995.

10. Le témoin Bourgault de la demanderesse a confirmé avoir été en tout temps au courant de ces faits et il n'a offert aucune excuse ou explication pour ce retard.

11. La demanderesse n'a poursuivi aucun autre contrefacteur possible.

12. La demanderesse a intenté plusieurs poursuites contre la défenderesse ou a été partie à de telles poursuites. Elle poursuit activement certaines de ces poursuites, et au moins une a été abandonnée. La demanderesse paraît s'y connaître fort bien en matière de poursuite[63].

Sur le genre de conduite qui constitue un retard, M. Fyfe s'est reporté au passage suivant d'un arrêt anglais de 1887 en matière de brevet, Proctor v. Bennis[64] :


[TRADUCTION] Mais pour prouver qu'il y a eu acquiescement, il faut que M. Rigby, ou ses clients, établissent que le demandeur est restépassif et a sciemment permis aux défendeurs d'aller de l'avant et d'engager des fonds dans l'ignorance du fait qu'il avait des droits et entendait les faire valoir. S'il fait cette preuve, la Cour d'equity ne laissera pas le demandeur intervenir dans les affaires des défendeurs si ce n'est pour replacer ces derniers dans la même position et les indemniser de la perte qu'ils ont subie en raison de l'erreur qu'il a laissécommettre.

...

Or, il me semble que la véritable inférence de fait à tirer en l'occurrence est que ces défendeurs, autres que Bennis, ont agi en tout temps à leurs propres risques et périls, et qu'ils le savaient. Bien qu'ils se fussent estimés en sécuritéet que le demandeur n'a longtemps eu, selon toute probabilité, aucune intention d'intervenir lui-même, rien n'est survenu entre les parties qui ait pu laisser croire de la part du demandeur à l'existence d'une sécuritéplus grande que le risque et la responsabilitéqu'ils ont eux-mêmes pris. [Non soulignédans l'original.]

J'estime que cette décision, et en particulier les passages soulignés, illustrent la démarche dictée par le bon sens qu'il convient d'adopter pour apprécier le type d'avantage indu dont il faut établir la preuve avant que ne soit sérieusement pris en considération l'argument fondé sur le retard. Pour décider si les faits de l'espèce satisfont à cette norme, il faut examiner dans ce contexte les détails fournis par Flexi-Coil en argumentation.

Tant Bourgault que Flexi-Coil sont de très gros fabricants de matériel agricole, ayant à leur tête des personnes très averties et expérimentées. Flexi-Coil soutenant qu'elle a été lésée par le retard, il importe d'examiner soigneusement la possibilité qu'on ait tiré un avantage indu de ses employés clés.


M. Hundeby est non seulement un ingénieur possédant une longue expérience dans la conception et la mise au point de la machinerie agricole, mais c'est également un inventeur expérimenté désigné dans quelque cinq brevets canadiens[65]. Avant d'occuper un poste chez Flexi-coil, M. Friggstad était non seulement le propriétaire et l'exploitant d'une entreprise de fabrication de matériel agricole, mais il était également l'inventeur désigné dans trois brevets australiens, huit canadiens et sept américains[66]. Il ressort à mon avis de cette preuve qu'à toutes les époques pertinentes, ces dirigeants de Flexi-Coil comprenaient la responsabilité qu'entraîne la contrefaçon en droit canadien des brevets.

Il est un fait auquel j'accorde une importance cruciale, savoir que ce n'est qu'au stade de la conception du Flexi-Coil 75 que M. Hundeby a été mis au courant de la fabrication du Bourgault WTP. À cette époque, Flexi-Coil avait le choix de stopper la mise au point et la fabrication du Flexi-Coil 75, d'observer une pause ou d'aller de l'avant. Le sens commun m'oblige à conclure qu'en décidant de produire et de commercialiser rapidement une machine très semblable au Bourgault WTP, Flexi-Coil a, compte tenu de la grande expertise de ses dirigeants en matière de brevet, sciemment décidé de prendre le risque d'une contrefaçon potentielle. J'estime donc que le temps que Bourgault a mis à exercer ses droits n'est pas un facteur pertinent.

En conséquence, je choisis de ne pas exercer le pouvoir discrétionnaire que je pourrais avoir et de m'abstenir d'examiner plus avant et de trancher la question du retard; ma réponse à la question posée est donc négative.

IV. Contrefaçon

A. Le critère relatif à la contrefaçon de brevet


La question du critère applicable a fait l'objet d'une analyse détaillée dans la décision que j'ai rendue dans l'affaire Heffco Inc. c. Dreco Energy Services Ltd. et al.[67]. La conclusion à laquelle je suis arrivé après examen de la jurisprudence, et qui n'a soulevéaucune objection en l'espèce, est que la décision du juge Pratte dans l'arrêt Eli Lilly & Co. c. O'Hara Manufacturing Ltd.[68] fait autorité : le critère exact est la question formulée par lord Diplock dans Catnic Components Ltd. v. Hill & Smith Ltd.[69], soit :

[TRADUCTION] La question qui se pose dans chaque cas est de savoir si des personnes ayant des connaissances et une expérience pratiques réelles dans le domaine dans lequel l'invention est censée être employée, concluraient que le brevetéa voulu poser comme exigence fondamentale qu'on suive à la lettre telle phrase ou tel mot descriptifs figurant dans une revendication, de sorte que toute variante échapperait au monopole revendiqué, même si elle ne pouvait avoir aucune incidence importante sur le fonctionnement de l'invention.

Dans un exposé du droit auquel a souscrit M. Fyfe, M. Hughes a présenté un précis des principes fondamentaux applicables en matière d'interprétation de brevet, dont la partie suivante est à mon avis utile aux fins de la présente analyse :

[TRADUCTION] L'interprétation des revendications doit précéder en toute indépendance l'étape oùil faudra déterminer si la défense de l'invaliditéest fondée. Le rôle d'interprétation d'une revendication de brevet appartient exclusivement au juge de première instance. Les témoins experts, les personnes versées dans l'art, ont pour tâche de fournir au juge la connaissance technique nécessaire pour interpréter un brevet comme s'il était lui-même une personne versée dans l'art. Lorsque les experts ne s'entendent pas, c'est au juge de première instance qu'il appartient de trancher de façon définitive.

Dableh c. Ontario Hydro(1996), 68 CPR (3d) 129, le jgue Robertson, aux p. 143 à 145 (C.A.F.) [70]


Le mémoire descriptif d'un brevet s'adresse à une personne versée dans l'art en cause. Il faut considérer l'ensemble de la divulgation et des revendications pour déterminer la nature de l'invention et son mode de fonctionnement, sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public.

Consolboard c. Macmillan Blodel (Sask) Ltd.[1981] 1 R.C.S. 504, le juge Dickson, aux p. 520 et 521.

Si le titulaire d'un brevet définit et limite avec précision, dans un libelléqui est clair et non ambigu, ce qu'il prétend avoir inventéles tribunaux n'ont pas à restreindre, élargir ou qualifier la portée d'une invention en se référant au corps du mémoire descriptif, ce qui signifie que ce recours ne doit servir qu'à aider à comprendre le sens dans lequel sont employés les mots ou les expressions figurant dans la revendication. Les termes doivent être pris dans leur contexte, de sorte qu'il est bien souvent risquéde conclure qu'un terme est simple et non ambigu.

Nekoosa Packing Corp. c. AMCA International Inc.(1994), 56 CPR (3d) 470, le juge Robertson, aux p. 481 et 482 (C.A.F.)

Le tribunal doit interpréter les revendications; il ne peut les récrire. Lorsqu'un inventeur a clairement déclarédans les revendications qu'il tenait un élément pour essentiel à son invention, le tribunal ne saurait en décider autrement pour la seule raison qu'il se trompait. Je me permettrai également d'ajouter que le tribunal, dans l'interprétation des revendications, essaie simplement de dégager l'intention de l'inventeur; il ne saurait donc conclure que la stricte conformitéavec un mot ou une expression utilisés dans une revendication ne constitue pas une exigence essentielle de l'invention, sauf si de toute évidence, l'inventeur savait que le fait de ne pas s'y conformer n'aurait aucun effet important sur le fonctionnement de celle-ci.

Eli Lilly & Co. c. O'Hara(1989), 26 CPR (3d), le juge Pratte à la p. 7 (C.A.F.)

Comme le juge Stone l'a réitéré dans TRW Inc. c. Walbar of Canada Inc.[71], « les tribunaux ont assimilé les termes employés par le titulaire du brevet à des "bornes" qui servent à protéger son domaine contre tout empiétement et à tracer les limites du domaine où chacun peut s'aventurer » . La contrefaçon consiste donc en un empiétement sur chacun des éléments d'une revendication donnée.

B. Allégations de contrefaçon en l'espèce


La demanderesse allègue que chacune des revendications 1, 3, 4, 5 et 6 du brevet est contrefaite par chacune des versions du Flexi-Coil 75, dans toutes les largeurs allant de 35 à 62 pi, fabriquée et vendue par la défenderesse. La demanderesse n'allègue pas la contrefaçon pour ce qui est du Flexi-Coil 75 de 33 pieds et moins. La demanderesse allègue que la revendication 7 est contrefaite par chacune des versions du Flexi-Coil 75 dans la largeur de 44 pi et de 46 à 62 pi, fabriquée et vendue par la défenderesse. La défenderesse nie ces allégations[72].

C. Les questions générales formulées conjointement relativement à la contrefaçon

Les avocats des parties se sont entendus sur la portée des points à trancher. En ce qui touchent la contrefaçon, ils ont formuléconjointement les questions suivantes :

a. Quels sont le sens et la portée véritables des revendications du brevet en cause?

b. La demanderesse a-t-elle prouvéqu'une quelconque des versions de 35 à 62 pi du Flexi-Coil 75 de la défenderesse contrefait les revendications 1 ou 3 à 7 inclusivement du brevet en cause, et dans l'affirmative, quelle(s) version(s) et quelle(s) revendication(s)? Pour trancher cette question, la Cour doit examiner les facteurs de non-contrefaçon ci-après énumérés[73].

Il est entendu que pour qu'il y ait contrefaçon, il faut prouver que la défenderesse s'est appropriée chacun des éléments de la revendication 1. À l'allégation de contrefaçon, la défenderesse répond que cinq éléments spécifiques de la revendication 1 n'ont pas été contrefaits en raison des variantes que comporte le Flexi-Coil 75 par rapport à chacun de ces éléments, de sorte que celui-ci échappe au monopole revendiqué. En ce qui concerne les autres éléments de la revendication 1, l'absence de variante susceptible de conduire à ce résultat n'est pas contestée.


Pour analyser chacun des éléments contestés de la revendication 1 comparativement aux caractéristiques du Flexi-Coil 75, je me propose d'appliquer le critère et la méthode adoptés dans l'arrêt Heffco, exposés précédemment. Ainsi, pour chacune des revendications, la question est de savoir si des personnes ayant des connaissances et une expérience pratiques réelles dans le domaine dans lequel l'invention est censée être employée, concluraient que le breveté a voulu poser comme exigence fondamentale qu'on suive à la lettre tels mot descriptifs figurant dans une revendication donnée, de sorte qu'une variante que présenterait le Flexi-Coil 75 échapperait au monopole revendiqué.

À sa face même, ce critère nécessite donc, préalablement à l'analyse de l'intention du breveté, de déterminer si le matériel argué de contrefaçon comporte une variante de la revendication particulière contestée. C'est dire que l'intention exprimée du breveté de revendiquer un monopole n'est pas mise en cause si le matériel de la défenderesse correspond exactement, sans variation, aux mots descriptifs d'une revendication. En pareil cas, cette démonstration conduirait à une conclusion de contrefaçon. En l'espèce, cinq éléments seulement de la revendication 1 ne correspondent pas exactement, selon la défenderesse, à cette démonstration.

D. Analyse des caractéristiques de la revendication 1 g), i), k), h) et j), et c)

Pour les motifs qui suivent, relativement à chacun de ces alinéas de la revendication 1, j'estime que le Flexi-Coil 75 ne comporte aucune variante nécessitant une décision relativement à l'intention du breveté. En d'autres termes, j'estime que le Flexi-Coil 75 correspond exactement, sans variation, aux mots descriptifs de chacun des éléments contestés de la revendication 1.


1. Revendication 1 g)

La défenderesse nie qu'une quelconque des versions du Flexi-Coil 75 présente les caractéristiques requises par l'alinéa g) de ladite revendication, à savoir :

« g) lesdits rouleaux étant décalés pour pouvoir se chevaucher latéralement, disposition selon laquelle ladite section milieu du châssis et lesdites sections à battants comprennent des traverses avant et arrière sur lesquels les éléments de rouleau sont montés, ce qui permet le plombage complet du sol en une passe » [74].

Flexi-Coil allègue premièrement que les éléments de rouleau du Flexi-Coil 75 ne se chevauchent pas dans la mesure requise et, deuxièmement, que l'utilisation du Flexi-Coil 75 ne produit pas un plombage complet du sol, tel que requis.

La question du chevauchement concerne les éléments de rouleau plombeur. Par conséquent, il est essentiel de saisir exactement la définition de l'expression [TRADUCTION] « éléments de rouleau » . Selon le mémoire descriptif du brevet, les éléments de rouleau sont préférablement du type spirale, bien connus dans le domaine et, au sujet de cette application, on lit ceci :

[TRADUCTION] Comme le montre la Figure 3, les éléments de rouleau comprennent une spirale 68 et un axe 70 attachéà chaque extrémitéde la spirale 68 au moyen des plaques d'extrémité72, 74. Les extrémités de l'axe 70 sont engagées de façon rotative dans les roulements 76,78. Ces roulements sont fixés à chacune des extrémités du cadre support des éléments de rouleau 80[75].


Par conséquent, je conclus que le terme « éléments de rouleau » utilisé dans la revendication 1g) comprend au moins l'instrument de plombage et son axe. Par conséquent, la mesure de la largeur d'un « élément de rouleau » se fait pertinemment en mesurant la distance entre les extrémités de l'axe.

Les éléments de rouleau du Flexi-Coil 75 sont-ils [TRADUCTION] « décalés pour pouvoir se chevaucher latéralement [...] ce qui permet le plombage complet du sol en une passe » ? Pour répondre à cette question, il faut d'abord déterminer si les éléments de rouleau « se chevauchent » et, le cas échéant, examiner ensuite s'ils réalisent l'objectif énoncé dans le brevet.

Pour ce qui est de l'existence d'un rapport de chevauchement, les dessins techniques du Flexi-Coil 75 se passent de commentaires[76]. Aux yeux du profane, les éléments de rouleau décalés décrits dans chacun des dessins et définis ci-dessus comme comprenant l'instrument de plombage et l'axe se chevauchent clairement.


Même si l'on aborde la question du chevauchement en mesurant la longueur des spirales du Flexi-Coil 75 uniquement, on obtient le même résultat. Pour ce qui est des spirales elles-mêmes mesurées sans l'axe, M. Fyfe a produit à l'instruction la pièce 51, qui est un dessin de la machine de 35 pi montrant une ligne définissant le chevauchement entre les spirales adjacentes. En contre-interrogatoire, M. Hundeby a reconnu que l'extrémité extérieure d'une spirale chevauche l'extrémité extérieure de la spirale suivante.

En outre, si l'on s'en tient à cette méthode de mesure, aux yeux d'une personne versée dans cet art comme l'est M. Dyck, il y a un chevauchement d'environ un pouce lorsque les spirales sont en phase et un écart de 10 ou 12 pouces entre les spirales lorsqu'elles sont déphasées. Manifestement, l'écart lorsque les spirales sont déphasées ne change pas l'existence du chevauchement lorsque les spirales sont en phase.

Au sujet du degré de chevauchement des spirales, M. Hughes allègue que ce dernier peut être considéré comme très minime. Je n'accorde aucune valeur à cet argument parce que l'extrait suivant[77] décrit le résultat des mesures :

[TRADUCTION] Les éléments de rouleau ont un espacement et une longueur tels qu'ils se chevauchent légèrement, afin d'assurer la couverture complète du sol pendant que le rouleau plombeur est tiré. [Non soulignédans l'original.]

Par conséquent, je conclus que les rouleaux du Flexi-Coil 75 « se chevauchent » .


Le chevauchement réalise-t-il l'objectif énoncé dans le brevet? L'objectif à réaliser, énoncé dans la revendication 1g), est « le plombage complet du sol » . Essentiellement, l'argument de Flexi-Coil est que « le plombage complet du sol » énoncé dans la revendication a la signification technique de tasser intégralement sans solution de continuité, tandis que M. Bourgault allègue que la phrase a le sens pratique de « traiter » complètement le sol, qu'il subsiste ou non des solutions de continuité.

Ce conflit d'interprétation est encore une fois résolu par la consultation du mémoire descriptif. À l'aide de l'extrait tout juste cité ci-dessus, je conclus à la signification pratique. On y lit que l'objectif du chevauchement est « d'assurer la couverture complète du sol » , c'est-à -dire que c'est le type de couverture du sol qui est en cause, et non pas la qualité technique du plombage réel du sol effectivement produit.

Cette question exige une analyse supplémentaire du contexte pratique dans lequel s'inscrit ce désaccord. Le moyen de défense de Flexi-Coil contre l'allégation de contrefaçon est que le Flexi-Coil 75, qui utilise des rouleaux spirales, ne peut aucunement contrefaire l'élément de la revendication 1g) ayant trait au « plombage complet » du sol, au sens technique de cette expression, parce qu'il est techniquement impossible de réaliser ce résultat qualitatif au moyen de rouleaux spirales puisqu'il subsiste toujours des solutions de continuité. À titre de personnes versées dans cet art, MM. Hundeby et Dyck admettent que c'est le cas. Toutefois, le témoignage de M. Hundeby établit également qu'un agriculteur jugera avoir réalisé un plombage complet si le champ présente un motif « en chevrons » , sans nécessairement avoir vérifié si certaines solutions de continuité subsistent.

On trouve la déclaration suivante dans une brochure destinée à la mise en marché du Flexi-Coil 75, à la rubrique « Plombage pleine largeur » (Full Width Packing) :

[TRADUCTION] Les rouleaux spirales compriment la largeur entière de la surface ensemencée. Le profil en « V » distribue la force de plombage au-delà de la zone de contact entre le sol et les spirales, de sorte que même à une courte distance sous la surface, la largeur complète est plombée uniformément. On peut voir les résultats à la grandeur des Prairies oùdes millions d'acres présentent un aspect uniforme année après année[78].

Confronté à cette déclaration au cours de son argumentation selon laquelle le Flexi-Coil 75 n'effectue pas un plombage complet, M. Hundeby avait ceci à dire :

[TRADUCTION] Il y a une question de présentation de la machine au public. Lorsqu'on en vient au détail exact de ce qui se passe, il ne se produit certainement pas un plombage complet sur toute la largeur de la surface ensemencée[79].

La déclaration figurant dans la brochure pourrait donc être considérée comme une représentation erronée d'un fait important, à moins que les agriculteurs et les experts en pratiques agricoles sachent qu'un plombage complet technique n'est pas l'objet d'un tel libellé. Comme le brevet a été rédigé dans ce contexte, je trouve peu crédible que Flexi-Coil s'oppose à la signification pratique de l'expression « plombage complet du sol » utilisée dans la revendication 1g) du brevet alors qu'il renvoie à la même signification lorsqu'il utilise des termes comparables pour la mise en marché de son équipement.

Par conséquent, je conclus que le Flexi-Coil 75 réalise un « plombage complet du sol en une passe » .

2. Revendication 1 i)


La défenderesse nie qu'une quelconque des versions du Flexi-Coil 75 présente les caractéristiques requises par l'alinéa i) de la revendication 1, à savoir :

« i) moyen pour soulever par pivotement ladite section milieu du châssis centrale à partir d'une position de travail, dans laquelle ledit élément de rouleau fixéà ladite section milieu du châssis est en contact avec le sol, pour la faire passer à une position de transport dans laquelle ledit élément de rouleau n'est plus en contact avec le sol. »

Flexi-Coil allègue que le Flexi-Coil 75 ne possède pas la caractéristique de « soulèvement par pivotement » . L'analyse de cet argument devrait commencer par celle de la signification de la phrase. Le Grand Robert (1985) définit « pivotement » comme étant un nom signifiant « mouvement d'une chose ou d'une personne qui pivote » (et « pivoter » comme étant un verbe signifiant « tourner autour d'une articulation » ), et décrit « pivot » comme suit : « extrémité amincie (ou pièce rapportée à l'extrémité) d'un arbre tournant vertical... axe, ce autour de quoi quelque chose se meut » [80].

Par conséquent, je conclus que les termes « soulever par pivotement » comprennent le relevage qui résulte du fait de tourner autour d'un point fixe. En fait, le témoignage de M. Dyck prouve à ma satisfaction que cette action se produit lorsque la section milieu du châssis passe de la position de travail à la position de transport.


La déclaration de M. Dyck se lit comme suit :

[TRADUCTION] La section milieu du BWTP et du FC75 utilise essentiellement des moyens identiques pour soulever le châssis par rapport à la surface du sol. Les roues sont attachées au vérin au moyen d'un bras terminépar une fusée à une extrémitéet, à l'autre extrémité, par une tige qui le traverse et deux supports attachés au châssis. Le bras tourne autour de cette tige lorsqu'il est activépar le vérin hydraulique. Le châssis est ainsi soulevéet abaissé « par pivotement » . Le châssis du milieu est attachéau véhicule tracteur au moyen d'un système d'attelage et de tiges. Ce point d'attelage est l'articulation autour de laquelle le châssis du milieu tourne lorsque les roues sont soulevées. C'est ce que signifie soulever le châssis « par pivotement » autour de ce point. Le BWTP et le FC75 utilisent tous deux le même moyen de soulèvement; il importe peu qu'on décrive le mouvement comme étant un soulèvement par pivotement, l'essence est la même[81].

Au sujet du fait que le pivotement autour du point d'attelage peut être de deux degrés, M. Dyck a répondu ceci en contre-interrogatoire :

[TRADUCTION] Dans le contexte du pivotement du point d'attelage, c'est ce dont nous parlons, un mouvement de pivotement. Un mouvement de pivotement de deux degrés reste un mouvement de pivotement.

Parce que le degré de mouvement autour du point d'attelage est d'environ deux degrés, M. Hundeby, contre-interrogé par M. Fyfe, a décrit le mouvement de soulèvement comme étant un mouvement vertical plutôt qu'un pivotement. Toutefois, cette opinion perd de sa valeur en raison de la reconnaissance du mouvement de pivotement qui se dégage du passage suivant :

[TRADUCTION] A.C'est l'aspect qui me pose un problème : les deux à trois degrés et demi. Je ne décrirais pas cela comme étant un pivotement. Je le décrirais comme étant un soulèvement. Il s'agit, essentiellement, d'un soulèvement vertical.

Q.     D'accord. Mais il se produit une rotation autour de l'articulation, n'est-ce pas?

A.      Il y a ces deux à trois degrés et demi.

Q.     D'accord. Et s'il s'agit d'un soulèvement par pivotement, alors cela - le System 75 - correspond à la revendication 1i), n'est-ce pas?

A.      Dans cette mesure, c'est exact.


Par conséquent, je conclus que le Flexi-Coil 75 présente effectivement la caractéristique de « soulèvement par pivotement » .

3. Revendication 1k)

La défenderesse nie qu'une quelconque des versions du Flexi-Coil 75 présente les caractéristiques visées par l'alinéa k) de la revendication 1, à savoir :

« k) lesdits châssis à battants étant essentiellement orientés verticalement en position de transport, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de faire reculer l'instrument de plombage pour le faire passer de la position de transport à la position de travail, et vice versa. »

Le principal argument de M. Bourgault relativement à cette revendication est que la verticalité n'a rien à voir avec l'invention brevetée, sauf dans la mesure où cela signifie remonter les battants, ce qui facilite la conversion au mode de transport sans déplacement vers l'avant ou vers l'arrière. Par conséquent, les termes « essentiellement vertical » devraient être interprétés comme comprenant des battants qui sont soulevés au delà de la verticale, et comme le Flexi-Coil 75 réalise ce résultat, il y aurait contrefaçon. Par conséquent, en ce qui concerne l'application du critère de la contrefaçon, encore une fois, l'argument veut qu'il n'existe aucune variante susceptible de mettre en cause l'intention du breveté.


Flexi-Coil répond que, puisque les battants du Flexi-Coil 75 sont transportés à un angle dépassant d'environ 20 à 25 degrés la verticale, pour des raisons évidentes de stabilité au cours du transport, il s'agit d'une variante importante par rapport à la revendication et que, par conséquent, l'intention du titulaire du brevet revêt une importance capitale. La réponse de M. Bourgault est que, s'il existe réellement une variante, l'intention du titulaire du brevet était que celle-ci soit incluse dans la portée du monopole.

La question de savoir s'il existe une variante est une question d'interprétation du brevet. Le passage suivant tiré de la section « Contexte de l'invention » du mémoire descriptif du brevet expose clairement le problème que la revendication 1k) est destinée à régler :

[TRADUCTION] Les rouleaux plombeurs sont souvent utilisés en conjonction avec les semoirs pneumatiques. Les deux instruments sont tirés en tandem, les rouleaux plombeurs suivant le semoir pneumatique et, ce faisant, plombant le lit de semences une fois les semences déposées, ce qui retient l'humiditéet prévient l'érosion éolienne du sol. Les instruments de plombage connus de nos jours sont dotés de bras de battants qui se plient vers l'avant ou vers l'arrière afin de faciliter le transport. Pour placer ces éléments de plombage en position de transport ou en position de travail, il faut pousser l'instrument vers l'arrière ou vers l'avant, selon qu'il s'agit d'un élément qui se plie vers l'arrière ou vers l'avant. Malheureusement, cela est impossible dans le cas d'un semoir pneumatique qui est situéentre le tracteur et le rouleau plombeur puisqu'un semoir pneumatique ne peut être poussévers l'arrière en ligne droite. Toutefois, la présente invention n'a pas besoin d'être poussée vers l'arrière lorsqu'on passe de la position de transport à la position de travail, et vice versa.

En fait, la revendication 1k) contient elle-même une explication de son objectif. La position des châssis des battants en position de transport est telle que [TRADUCTION] « il n'est pas nécessaire de déplacer l'instrument de plombage vers l'arrière pour le faire passer de la position de transport à la position de travail ou vice versa. »

Le témoignage de M. Dyck va dans le même sens :


[TRADUCTION] Les battants sont attachés au châssis du milieu au moyen de deux tiges qui traversent deux trous dans des supports fixés à chacun. Cela forme une articulation autour de laquelle le battant peut être tournéet repliédans une position essentiellement verticale. Encore une fois, le BWTP et le FC75 utilisent essentiellement la même méthode. Comme nous l'avons soulignéci-dessus, l'essence du repliement des battants dans une position essentiellement verticale réside dans la compacitéet la facilitéde conversion à la position de transport offerts par cette méthode. La position à 90 degrés n'est pas importante; elle peut être à 90 degrés + 15 degrés ou + 30 degrés, mais les battants restent repliés dans une position à peu près verticale. Les modèles à battant unique FC75 se replient en passant par la position à 90 degrés, pour se retrouver, à mon avis, dans une position essentiellement verticale. Dans le cas des modèles FC 75 à quatre battants, les sections à battants adjacentes passent, encore une fois, par la position à 90 degrés, pour se retrouver dans une position essentiellement verticale légèrement plus près de 90 degrés que dans la version à deux battants. On peut débattre la question à savoir ce que signifie « essentiellement vertical » . Je ne crois pas que cela soit important. L'essence de la procédure de repliement vertical des battants en position de transport réside dans sa compacitéet sa facilité. Par conséquent, le FC 75 comprend l'essence de l'invention à cet égard.

Quant à l'argument selon lequel les battants vont bien au delà de la verticale pour assurer le verrouillage, il n'est pas pertinent en ce qui concerne la fin explicite pour laquelle les battants sont soulevés, laquelle est identique à celle qui figure dans le brevet. Les documents publiés de Flexi-Coil concernant la caractéristique du Flexi-Coil 75 relative aux battants repliés à la verticale éclaircissent cette fin, comme suit :

[TRADUCTION] Au moment du transport, le 75 replie ses battants dans une position compacte, au delà de la position milieu, et se déplace rapidementet sans danger[82]. [Non souligné dans l'original.]

Par conséquent, je conclus que le Flexi-Coil 75 ne présente pas de variantes par rapport aux caractéristiques visées par la revendication 1k).

4. Revendications 1h) et j)

La défenderesse nie que les versions du Flexi-Coil 75 qui sont dotées d'un bloc-ressorts de pression et que chacune des versions de 44, 46, 48, 50, 52 et 54 pi présentent les caractéristiques visées par les alinéas h) et j) de la revendication 1, à savoir :

« h) une roue attachée par une articulation à chacune desdites sections de châssis à battants


j) moyen pour soulever par pivotement lesdites sections de châssis à battants à partir d'une position de travail, dans laquelle lesdits éléments de rouleau et les roues attachées à ces derniers sont en contact avec le sol, pour les faire passer à la position de transport, dans laquelle lesdits éléments de rouleau et les roues ne sont plus en contact avec le sol. »

Flexi-Coil prétend que le Flexi-Coil 75 ne contrefait aucune de ces revendications parce que ce dernier n'a pas de roues porteuses sur chaque battant de ses grosses machines, ou n'en a pas du tout. Àcet égard, deux sous-questions se posent. Premièrement, au sujet de l'argument « ou pas du tout » , quel est l'effet de l'ajout des blocs-ressorts de pression au Flexi-Coil 75?; et deuxièmement, quel est l'effet de l'absence de roues sur le battant « extérieur » des versions à quatre battants de 44 à 54 pi des instruments Flexi-Coil 75?

En ce qui concerne la première sous-question, le bloc-ressorts de pression est un élément facultatif, réglable, installé par l'acheteur, qui est offert par Flexi-Coil pour aider à éliminer les traces laissées par les pneus du rouleau plombeur. L'utilité de cette option est annoncée comme suit par Flexi-Coil :

[TRADUCTION] Le 75 offre un dispositif de pression à ressort facultatif, qui transfère le poids du châssis des roues aux rouleaux plombeurs, ce qui accroît la pression de plombage tout en réduisant les traces de roues. Le dispositif de pression à ressort et les suppresseurs de traces aident à réduire les traces de roues[83].


Il est clair que, à titre d'option, le bloc-ressorts de pression n'a pas d'effet sur les machines qui n'en sont pas dotées et que, par conséquent, le moyen de défense est irrecevable dans le cas de ces machines. Par conséquent, la question est de savoir quelle différence le bloc-ressorts de pression apporte aux machines qui en sont dotées. J'estime qu'il n'en apporte aucune. Il s'agit là d'un point de vue fondé sur le sens commun, qui est énoncé succinctement dans la partie soulignée de la déclaration de M. Dyck, qui suit :

[TRADUCTION] Mon opinion concernant la contrefaçon du brevet visant le BWTP par le Flexi-Coil 75 est la même, que ce dernier comprenne ou non des ressorts adaptés de manière à transférer le poids du châssis des roues de l'instrument aux rouleaux spirales. On me dit que l'instrument n'est pas modifié, à l'exception de l'ajout des ressorts, lorsque les ressorts de pression pour rouleau plombeur facultatifs de Flexi-Coil sont attachés aux instruments. Il me semble également que les ressorts sont facilement réglables puisqu'il suffit de tourner quelques écrous. Selon la façon dont les ressorts sont réglés, les roues de soutien de l'instrument peuvent être soulevées de terre lorsque la machine est en position de travail. Toutefois, les instruments comprennent les mêmes roues de soutien, que les ressorts soient attachés ou non. Il est évident que les roues de la section milieu du châssis sont toujours utilisées pour soutenir le châssis lorsqu'on passe de la position de transport à la position de travail et vice versa, lorsque la machine est en position de transport, et je suppose que les roues attachées aux battants toucheront invariablement au sol, de façon intermittente. En ce qui concerne ce dernier point, je suppose que les roues entreraient en contact avec le sol au cours de la conduite de l'instrument, en particulier lorsque celle-ci rencontre des obstacles ou des irrégularités du terrain. En outre, dans le cas des appareils FC75 plus gros, qui comptent deux sections de châssis à battants de chaque côtéde la section milieu du châssis (42 à 62 pi), je suppose que les roues des battants intérieurs entreraient en contact avec le sol lorsque les battants extérieurs sont repliés sur les battants intérieurs au cours du passage de la position de transport à la position de travail, ou vice versa [84]. [Non souligné dans l'original.]

S'agissant des suppositions de M. Dyck, la preuve enregistrée sur vidéo[85] concernant le Flexi-Coil 75 en position de travail, les ressorts étant réglés pour transférer le poids du châssis aux rouleaux spirales, démontre qu'il se produit un contact intermittent des roues avec le sol. En contre-interrogatoire, M. Hundeby a admis que, dans cette position, les roues assurent au moins un certain support à l'instrument. Il a également admis que les roues des battants intérieurs entrent réellement en contact avec le sol lorsque les battants extérieurs sont repliés pour mettre l'instrument en position de transport ou en position de travail.


Quelle est l'incidence, sur la question de la contrefaçon, de l'absence de roues sur les battants « extérieurs » des versions à quatre battants des machines Flexi-Coil 75 de 44 à 54 pi? En ce qui concerne l'interprétation du brevet, ma réponse est « aucune » . Dans les revendications elles-mêmes, c'est à l'alinéa 1d), qui se lit comme suit, que les « sections à battants du châssis » sont mentionnées pour la première fois :

[TRADUCTION] d) deux sections de châssis à battants attachées par une articulation audit châssis du milieuet s'étendant latéralement à partir de ce point et capables de pivoter vers le bas lorsque la machine est en position de travail, pour maintenir une hauteur déterminée au préalable au-dessus d'un sol irrégulier; [Non soulignédans l'original.]

Comme il n'y a pas d'autres « sections de châssis à battants » qui soient décrites entre les revendications 1d) et 1j), il est très clair qu'il s'agit des « deux sections de châssis à battants attachées par une articulation à ladite section de châssis du milieu » mentionnées dans les revendications 1h) et 1j) comme étant « lesdites sections de châssis à battants » [86]. Comme chacun des battants intérieurs des machines Flexi-Coil 75 à cinq sections est doté d'une roue, je juge non pertinent que les battants extérieurs de ces machines ne soient pas dotés de roues, pour les fins de la décision concernant la contrefaçon des revendications 1d) et h).

Par conséquent, je rejette l'argument de Flexi-Coil relatif à cet élément de la revendication 1.

5. Revendication 1c)


La dernière question relative à la contrefaçon de la revendication 1 ne figure pas dans l'exposéconjoint puisqu'elle a été soulevée au cours du contre-interrogatoire de M. Bourgault par M. Hugues. La revendication 1c) se lit comme suit :

[TRADUCTION] c) pluralité de roues d'appui au sol tournant sur des demi-essieux fixés par une articulation à ladite section milieu du châssis;

Au cours de l'interrogatoire préalable, M. Summach n'a éprouvé aucune difficulté à admettre que le Flexi-Coil 75 possède cette caractéristique[87]. Toutefois, M. Hughes m'a demandé d'accorder une valeur probante au contre-interrogatoire de M. Bourgault, dont il ressort que les roues du Flexi-Coil 75, pivotantes, sont fixés à la section milieu du châssis par l'intermédiaire d'un montant. En se fondant sur ce témoignage, M. Hugues m'a demandé d'y voir un motif supplémentaire de non-contrefaçon, parce que le libellé de la revendication 1c) ne mentionne pas de montant de roue.

Or, on ne saurait accorder aucune valeur à cet argument puisque le brevet est clair quant au sens du terme « fixé » . Encore une fois, l'extrait suivant du brevet est utile pour tirer cette conclusion :

[TRADUCTION] La section milieu du châssis 10 est soutenue sur le sol par deux roues 24, 26, qui peuvent tourner sur des essieux fixes 28, 30 respectivement, parallèles au sol et perpendiculaires au sens de marche du rouleau plombeur. Les essieux 28, 30 sont fixés à l'extrémitéinférieure des supports de roues 32, 34 respectivement, lesquels sont articulés par leurs extrémités supérieures, à une traverse avant 12[88]. [Non souligné dans l'original.]


Étant donné que ce passage se lit en conjonction avec la Figure 4 du brevet, il est clair que « fixé » signifie au moyen des « supports de roues » . Il ne fait aucun doute que la « traverse avant » figurant dans le passage susmentionné renvoie à la section milieu du châssis. Dans le contexte où il est utilisé, le terme « fixé » ne sous-entend pas que les supports de roues font partie de la section milieu du châssis. Dans ce contexte, le terme est utiliséuniquement pour signaler un raccordement entre des parties, plutôt que l'union de parties en un ensemble.

Par conséquent, j'estime que les arguments de M. Hughes concernant la revendication 1c) ne fournissent pas de motif pour refuser de conclure à la contrefaçon.

E. Analyse des revendications subordonnées

Quant aux revendications 4 et 5, outre ce qui a étéétabli ci-dessus relativement à la revendication 1, la défenderesse allègue qu'aucune des versions du Flexi-Coil 75 ne verrouille ou ne soulève les sections de la manière décrite dans les revendications 4 et 5.

Pour ce qui est de la revendication 6, les versions de 44, 46, 48, 50, 52 et 54 pi du Flexi-Coil de la défenderesse n'ont qu'un rouleau sur le battant extérieur et, par conséquent, la défenderesse allègue que ces versions ne correspondent pas aux paramètres de la revendication 6.

1. Revendication 4

La revendication 4 se lit comme suit :

[TRADUCTION] 4. Un rouleau plombeur au sens de la revendication 1, dont les sections de châssis à battants sont verrouillables dans ladite position de transport.


Il n'y a pas de désaccord quant au fait que la méthode utilisée par le Flexi-Coil 75 pour faire en sorte que les battants relevés en position de transport soient maintenus solidement dans cette position jusqu'à ce qu'ils soient abaissés en position de travail par le conducteur repose sur l'effet du circuit hydraulique utilisé pour soulever et abaisser les battants, c'est-à -dire que la pression hydraulique maintient les battants en position et, à moins d'une panne hydraulique, ces derniers restent en place. Le fait que les battants soient transportés dans une position au delà de la verticale aide également à empêcher que les battants ne s'abaissent même dans l'éventualité d'une panne hydraulique. La question est de savoir si ces caractéristiques de la machine rendent les battants « verrouillables » en position de transport.

Compte tenu des caractéristiques de la machine telles qu'elles sont décrites, le sens commun veut que les battants du Flexi-Coil 75 soient certainement verrouillables. L'argument utilisé par Flexi-Coil pour contredire cette conclusion est que la mention du « dispositif de verrouillage » dans le mémoire descriptif du brevet signifie que « verrouillable » devrait recevoir une interprétation restreinte à cette méthode particulière de verrouillage et que, comme le Flexi-Coil 75 n'utilise pas cette méthode, il n'y a pas de contrefaçon. Le passage dans lequel le « dispositif de verrouillage » est mentionné se lit comme suit :

[TRADUCTION] Pour faire passer l'unitéà la position de transport, montrée à la Figure 2, on active les vérins hydrauliques. D'abord, on active les vérins 40 et 42 pour faire tourner la section milieu du châssis 10 vers le haut par rapport aux roues d'appui au sol 24, 26, ce qui soulève de terre les rouleaux plombeurs (non montrés à la Figure 2) fixés à la section milieu du châssis 10. Dans une mesure restreinte, les sections à battants du châssis sont également soulevées en même temps que la section milieu. Ensuite, les vérins hydrauliques 66, 67 (le vérin 67 étant l'élément correspondant au vérin 66 susmentionné, situésur le battant opposé), font tourner les sections à battants vers le haut, dans une position verticale. Les battants peuvent maintenant être verrouillés dans la position verticale et la section milieu du châssis dans la position supérieure au moyen d'un dispositif de verrouillage (non montré). Le rouleau plombeur est alors en position de transport et peut être remorquésur la route ou à travers champs.


Pour remettre le rouleau plombeur en position de travail, après avoir déverrouilléle dispositif de verrouillage, on active les vérins hydrauliques 66, 67 pour abaisser les battants et les mettre en contact avec le sol. Ensuite, on active les vérins hydrauliques 40, 42 pour abaisser la section milieu du châssis. La séquence décrite pour la conversion du rouleau plombeur à la position de transport et à la position de travail est préférée parce qu'elle empêche les rouleaux des sections à battants de se déplacer latéralement pendant qu'ils sont en contact avec le sol. Le conducteur peut réaliser cette séquence en activant les vérins dans l'ordre décrit ou au moyen d'un robinet de séquence, dans le circuit hydraulique, qui commande la séquence des commandes une fois que l'opérateur active le système. Les conduits et les appareils de robinetterie nécessaires pour activer les vérins hydrauliques situés sur le rouleau plombeur sont bien connus des personnes versées dans cet art et ne sont pas montrés sur les dessins[89]. [Non souligné dans l'original.]

Tel qu'il est utilisé dans la revendication 4, le terme « verrouillable » décrit un concept large plutôt qu'un dispositif particulier servant à appliquer le concept. Il n'y a pas d'ambiguïté quant à ce qui est nécessaire, à savoir un moyen pour garder les battants en position élevée. La méthode utilisée pour réaliser cette fin ne fait pas partie des revendications du brevet. Compte tenu de la clarté de cet usage, la mention de l'expression « dispositif de verrouillage » dans le mémoire descriptif ne doit pas être interprétée comme une exigence à être reprise dans des revendications.

Par conséquent, je conclus que les battants du Flexi-Coil 75 sont « verrouillables » au sens de la revendication 4 et, par conséquent, que la contrefaçon est établie.

2. Revendication 5

La revendication 5 se lit comme suit :

[TRADUCTION] 5. Un rouleau plombeur au sens de la revendication 1, selon lequel ledit moyen de soulèvement par pivotement de ladite section milieu du châssis et ledit moyen de soulèvement par pivotement desdites sections à battants comprennent un dispositif hydraulique et un dispositif de séquenceservant à soulever ladite section milieu du châssis avant lesdites sections à battants lorsqu'on fait passer ledit rouleau plombeur à ladite position de transport, et à abaisser lesdites sections à battants avant d'abaisser ladite section milieu du châssis lorsqu'on fait passer le rouleau plombeur à la position de travail. [Non soulignédans l'original.]


Flexi-Coil allègue que, puisque le Flexi-Coil 75 n'a qu'un circuit hydraulique et aucun dispositif de séquence comme tel, le brevet n'est pas contrefait, le libellé de la revendication, interprété à l'aide du mémoire descriptif, exigeant à la fois un circuit hydraulique et un système de séquence, y compris un robinet de séquence ou deux circuits hydrauliques. Pour tirer ces conclusions, on cite les parties suivantes du mémoire descriptif :

[TRADUCTION] Un circuit hydraulique est utilisépour soulever les sections milieu et à battants en position de transport. Ce circuit hydraulique peut comprendre une paire de vérins hydrauliques servant à soulever la section milieu du châssis et une paire de vérins hydrauliques servant à soulever les battants. Préférablement, lorsqu'on fait passer le rouleau plombeur à la position de transport, la section milieu du châssis est soulevée avant les sections à battants, et lorsqu'on remet la machine en position de travail, les sections à battants sont abaissées avant la section milieu. Préférablement, cela se faitau moyen d'un dispositif de séquence commandant le circuit hydraulique, bien qu'on puisse également prévoir deux circuits hydrauliques distincts qui sont activés dans l'ordre appropriépar le conducteur [...][90]

Pour faire passer l'unité à la position de transport, montrée à la Figure 2, on active les vérins hydrauliques. D'abord, on active les vérins 40 et 42 pour faire tourner la section milieu du châssis 10 vers le haut par rapport aux roues d'appui au sol 24, 26, ce qui soulève de terre les rouleaux (non montrés à la Figure 2) fixés à la section milieu du châssis 10. Dans une mesure restreinte, les sections à battants du châssis sont également soulevées en même temps que la section milieu. Ensuite, les vérins hydrauliques 66, 67 (le vérin 67 étant l'élément correspondant au vérin 66 susmentionné, situé sur le battant opposé), font tourner les sections à battants vers le haut, dans une position verticale. Les battants peuvent maintenant être verrouillés dans la position verticale et la section milieu du châssis dans la position supérieure au moyen d'un dispositif de verrouillage (non montré). Le rouleau plombeur est alors en position de transport et peut être remorqué sur la route ou à travers champs.

Pour remettre le rouleau plombeur en position de travail, après avoir déverrouillé le dispositif de verrouillage, on active les vérins hydrauliques 66, 67 pour abaisser les battants et les mettre en contact avec le sol. Ensuite, on active les vérins hydrauliques 40, 42 pour abaisser la section milieu du châssis. La séquence décrite pour la conversion du rouleau plombeur à la position de transport et à la position de travail est préférée parce qu'elle empêche les rouleaux des sections à battants de se déplacer latéralement pendant qu'ils sont en contact avec le sol. Le conducteur peut réaliser cette séquence en activant les vérins dans l'ordre décrit ou au moyen d'un robinet de séquence, dans le circuit hydraulique, qui commande la séquence de fonctionnement une fois que l'opérateur active le circuit. Les conduits et les appareils de robinetterie nécessaires pour activer les cylindres hydrauliques situés sur le rouleau plombeur sont bien connus des personnes versées dans cet art et ne sont pas montrés sur les dessins[91]. [Non souligné dans l'original.]


J'estime que l'interprétation pertinente de la revendication ne justifie pas l'argument mis de l'avant. J'estime que le mémoire descriptif aide à l'interprétation de la signification du terme « séquence » , et qu'il s'agit du processus décrit dans les passages cités. Quant au « moyen » utilisé pour réaliser cette fin, je ne suis pas d'accord avec l'interprétation restreinte défendue par Flexi-Coil. Comme l'indiquent les mots en italiques, le mémoire descriptif fournit simplement des suggestions de « moyens » . Je conclus que l'interprétation juste du brevet exige que le dispositif utilisé pour soulever par pivotement le châssis du milieu et les sections à battants soit hydraulique et qu'on fournisse également un moyen pour séquencer les manoeuvres, tel qu'il est prévu dans le mémoire descriptif, ledit moyen, peu importe comment il s'accomplit, étant incorporé dans le circuit hydraulique lui-même.

Si l'on se fonde sur la description des caractéristiques de la machine figurant dans le manuel de l'utilisateur[92] et sur les faits admis par M. Summach au cours de l'interrogatoire préalable[93], la preuve démontre amplement que le Flexi-Coil 75 alterne le soulèvement et l'abaissement des sections milieu et à battants comme il est décrit dans le brevet, et qu'il s'agit d'un résultat visé. Le fait que le processus de séquencement ne soit pas sans heurts parce que le fonctionnement de la pression hydraulique dans le circuit provoque le sautillement de certaines des sections[94] au cours de la réalisation de la séquence figurant dans le mémoire descriptif du brevet n'a pas d'incidence, à mon avis, sur la question de la contrefaçon. Le fait est que, sans heurts ou non, la séquence décrite dans le mémoire descriptif est suivie.


Le dernier argument présenté relativement à cette revendication est que, même si la séquence a lieu, elle ne se déroule que selon les règles de l'hydraulique régissant le circuit hydraulique unique du Flexi-Coil 75, et non pas selon un concept spécifique incorporé dans la machine elle-même. Il est vrai que le Flexi-Coil 75 n'est pas doté d'un dispositif particulier appelé un « séquenceur » ni d'un second circuit hydraulique pour effectuer la séquence, mais il est clair que les opérations hydrauliques ont été conçues de manière à ce que la séquence se produise[95].

Par conséquent, je conclus que le Flexi-Coil 75 contrefait cette revendication.

3. Revendication 6

La revendication 6 se lit comme suit :

[TRADUCTION] 6. Un rouleau plombeur au sens de la revendication 1, ayant un rouleau fixéà ladite traverse avant de ladite section milieu et un rouleau fixéà ladite traverse avant de chacune desdites sections à battants et deux rouleaux fixés à ladite traverse arrière de ladite section milieu du châssis et un rouleau fixéauxdites traverses arrière de chacune desdites sections à battants du châssis.


Après examen minutieux des dessins de chacun des Flexi-Coil 75 de 35 à 62 pi[96], je conclus qu'il n'y a pas de traverse arrière sur les sections à battants extérieures d'aucune des machines de 44, 46, 48, 50, 52 et 54 pi. Par conséquent, la revendication n'est pas contrefaite en ce qui concerne ces machines. Toutefois, je conclus que, en ce qui concerne les machines de 35, 37, 39, 41, 43, 45, 47, 56, 58, 60 et 62 pi, qui elles sont dotées d'une traverse arrière sur les sections à battants extérieures, il y a contrefaçon de la revendication.

4. Revendication 7

La dernière revendication contestée se lit comme suit :

[TRADUCTION] 7. Un rouleau plombeur au sens de la revendication 1, comptant quatre sections à battants, soit deux de chaque côtéde ladite section milieu du châssis.

Encore une fois, après examen minutieux de chacun des Flexi-Coil 75 de 35 à 62 pi, je conclus que les Flexi-Coil de 44, 46, 48, 50, 52, 54, 56, 58, 60 et 62 pi contrefont cette revendication.

F. Conclusion

En réponse aux questions posées au tout début de cette partie de la décision, je conclus, après avoir analysé la signification véritable et l'effet des revendications du brevet en litige tel qu'il appert de ce qui précède, que chacune des versions du Flexi-Coil 75 de la défenderesse ayant de 35 à 62 pi contrefait les revendications 1 et 3 à 7, inclusivement, du brevet en litige en l'instance.

V. Redressement

A. Dommages-intérêts

J'estime qu'en raison de la contrefaçon du Flexi-Coil 75, Bourgault a droit à des dommages-intérêts dont l'appréciation, conformément à l'ordonnance du juge Rothstein en date du 8 novembre 1996, fera l'objet d'un renvoi. Toutefois, il reste une question à trancher en ce qui a trait à la responsabilité pour les ventes de « systèmes d'ensemencement monopasse » .


1. Dommages-intérêts relatifs aux ventes de systèmes monopasse Flexi-Coil

La question est la suivante:

S'il y a contrefaçon d'une revendication valide du brevet, quelle est la portée du redressement auquel la demanderesse a droit? En particulier, les dommages-intérêts peuvent-ils s'appliquer à la perte de ventes de « systèmes monopasse » (que la demanderesse définit comme un système dans lequel le rouleau plombeur est tiréen tandem avec un semoir pneumatique montésur remorque comprenant un cultivateur ou autre machine de travail du sol)[97]?

Les parties s'entendent sur l'état du droit régissant la responsabilité sur ce point, droit qu'on trouve énoncé en termes concis dans le passage suivant de l'arrêt Beloit Canada Ltd. et. al. c. Valmet-Dominion Inc.[98] :

Le brevetéa droit à des dommages-intérêts évalués en fonction de la vente des éléments constitutifs non argués de contrefaçon lorsqu'une conclusion de fait établit que cette vente s'est faite par suite de la contrefaçon de l'élément constitutif breveté.

La question est de savoir si Bourgault a droit à de tels dommages-intérêts en l'espèce.


Bourgault a fabriqué le Bourgault WTP conformément au brevet et il l'a commercialisé en tant qu'élément constitutif de son « système d'ensemencement monopasse » . Flexi-Coil a fait de même avec son Flexi-Coil 75. En raison de la concurrence générée par le Flexi-Coil 75 argué de contrefaçon, M. Isaac a fait valoir, pour le compte de Bourgault, que les dommages résultant de la perte de ventes du « système d'ensemencement monopasse » de Bourgault ne sont pas trop éloignés pour en justifier l'examen dans la présente espèce. La façon dont la question est formulée ne m'amène donc pas, à ce stade de l'instance, à statuer sur la preuve des dommages mais seulement à décider si Bourgault a droit à des dommages-intérêts évalués en fonction de la vente des systèmes d'ensemencement monopasse de Flexi-Coil si une conclusion de fait établit que cette vente s'est faite par suite de la contrefaçon du brevet.

La preuve qu'avance Bourgault à l'appui de son argument voulant que les dommages ne soient pas trop éloignés pour en justifier l'examen provient de M. Cook. Dans sa déclaration, ce dernier a dit ceci :

[TRADUCTION] Beaucoup d'agriculteurs préfèrent dans la mesure du possible acheter un « jeu assorti » de matériel. En d'autres termes, si un fabricant offre divers composants d'un système agricole, beaucoup d'agriculteurs préféreront acheter les composants du système de ce fabricant, au lieu de mêler les composants obtenus auprès d'un ou de plusieurs fabricants. D'après mon expérience, ces agriculteurs agissent ainsi même si le jeu assorti est plus coûteux. Dans le cas des systèmes d'ensemencement, de nombreux agriculteurs tiennent à acheter tous les éléments du système d'un seul fabricant [...]

D'après mon expérience, le but premier des agriculteurs qui achetaient le Bourgault WTP ou le Flexi-Coil 75 était d'utiliser l'appareil avec le système d'ensemencement monopasse. Pendant la période oùFarm World a distribuétant les produits de la demanderesse que ceux de la défenderesse, elle a vendu plusieurs systèmes d'ensemencement monopasse de la demanderesse et de la défenderesse [...]

De façon générale, suivant mon expérience de la commercialisation et de la vente de matériel agricole, il ne fait aucun doute que la demanderesse a perdu des ventes de cultivateurs et de semoirs pneumatiques montés sur remorque, de même que des ventes de barres d'attelage par suite de la mise en vente du Flexi-Coil 75 par la défenderesse[99].


Pour contrebalancer le témoignage de M. Cook, M. Summach a déclaré, que de 1988 à 1995, M. Cook n'a reçu livraison que de cinq Flexi-Coil 75, et qu'il n'en a vendu en fait que quatre parce qu'un est allé à un autre concessionnaire. De plus, M. Summach a dit que, selon ses registres, seulement 5,4 % des commandes reçues depuis le ler octobre 1995 comprenaient les trois éléments - un semoir pneumatique, un cultivateur et un Flexi-Coil 75 -et que seulement 16,3 % des utilisateurs ultimes inscrits à la garantie Flexi-Coil ont possédé à un moment quelconque un semoir pneumatique Flexi-Coil, un cultivateur Flexi-Coil et un Flexi-Coil 75. Ces registres n'indiquent pas qu'une des trois unités a été achetée, possédée ou utilisée en combinaison, mais simplement que le même utilisateur final a eu ces unités à un moment ou à un autre[100].

Dans son témoignage, M. Summach a clairement expliqué que le rouleau plombeur n'était qu'un accessoire, qu'il ne représentait que de 16 à 18 % du coût total d'un système monopasse complet. À son avis, l'agriculteur fonde sa décision d'achat sur les caractéristiques de la remorque pneumatique et du cultivateur, et non sur celles du rouleau plombeur. Il s'est expliqué en ces termes :

[TRADUCTION] En bref, la question est la suivante : « Peut-on dire que la vente du rouleau plombeur System 75 est le facteur qui incite les agriculteurs à acheter d'autres machines, tels le semoir pneumatique Flexi-Coil et le cultivateur Flexi-Coil comme partie de la même unité? » La réponse à cette question est « NON » . Le rouleau plombeur est de loin le plus important de ces composants et il n'influe pas sur l'achat de combinés semoir pneumatique/cultivateur ou d'autres machines[101].


Malgré cette preuve contradictoire, j'accorde foi à l'opinion de M. Cook, un des plus gros vendeurs de matériel agricole en Amérique du Nord ayant 28 ans d'expérience à son actif dans la commercialisation, suivant laquelle il existe des éléments de preuve appuyant la prétention de Bourgault. J'estime donc que la demande de dommages-intérêts que présente Bourgault peut s'étendre à la perte de ventes de « systèmes d'ensemencement monopasse » , sous réserve de la preuve requise au stade du renvoi.

Toutefois, vu la preuve contradictoire, j'estime que pour avoir gain de cause dans sa réclamation de dommages-intérêts pour la perte de ventes de « systèmes d'ensemencement monopasse » , Bourgault devra prouver, au cas par cas, qu'il a subi des dommages du fait qu'un acheteur donné d'un « système monopasse » Flexi-Coil aurait acheté un « système monopasse » Bourgault, n'eût été la mise en vente du Flexi-Coil 75.

B. Autres redressements demandés

Dans sa déclaration, Bourgault conclut aux redressements suivants :

[TRADUCTION]

a) une déclaration portant que, entre les parties, les revendications 1 à 7 du titre de brevet canadien 1,277,863 sont valides et ont étécontrefaites par la défenderesse;

b) une injonction interdisant à la défenderesse de contrefaire le titre de brevet canadien 1,277,863, et lui interdisant plus particulièrement de fabriquer, d'utiliser ou de vendre des rouleaux plombeurs qui contrefont l'une quelconque des revendications de titre de brevet canadien 1,277,863;

c) des dommages-intérêts ou, subsidiairement, la comptabilisation des profits de la défenderesse, au choix de la demanderesse;

d) une ordonnance enjoignant à la défenderesse de remettre sans délai à la demanderesse tous les objets en sa possession ou sous son contrôle, qu'elle utilise, fabrique ou fait fabriquer en contrefaçon dudit titre de brevet, ou de les détruire;

e) les intérêts avant ou après jugement;

f) les dépens de la présente action; et

g) tout autre redressement que cette honorable Cour estimera juste.


Pour les motifs exposés précédemment, j'accorde à Bourgault, par ordonnance distincte, outre les dommages-intérêts ou le redressement subsidiaire de la comptabilisation des profits, les redressements demandés, savoir le jugement déclaratoire, l'injonction, la remise, les intérêts postérieurs au jugement ainsi que les dépens de la présente action.

Douglas M. Campbell

J.C.F.C.

OTTAWA, ONTARIO

Traduction certifiée conforme

                            

C. Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER N ° :                              T-2413-95

INTITULÉ DE LA CAUSE:             Bourgault Industries Ltd. c. Flexi-Coil Ltd.

LIEU DE L'AUDIENCE :                Saskatoon (Saskatchewan)

DATES DE L'AUDIENCE :            Les 3, 4, 5, 6, 7, 12, 13, 14, 17, 18, 19, 20, 21 novembre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL EN DATE DU 27 FÉVRIER 1998

ONT COMPARU

Nicholas H. Fyfe, c.r. Brian P. Isaac

Kohji Suzuki                                                  pour la demanderesse

Roger T. Hughes, c.r.

Gordon S. Clarke                                           pour la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

Smart & Biggar

Ottawa (Ontario)                                            pour la demanderesse

Gordon S. Clarke

Caledon East (Ontario)                                   pour la défenderesse



     [1]       La demanderesse et la défenderesse seront ci-après respectivement désignées « Bourgault » et « Flexi-Coil » .

     [2]       Le brevet en cause est le brevet canadien 1,227,863 qui sera ci-après désigné « le brevet » ou « le brevet `863 » . La loi sous l'empire de laquelle le brevet a été obtenu est la Loi sur les brevets (L.R.C. (1985), ch. P-4), dans sa version antérieure à octobre 1989. Tous les renvois à la « Loi sur les brevets » ou à la « Loi » seront des renvois à cette version.

     [3] Pièce 1, onglet A, ci-après « l'exposéconjoint » .

     [4]       Le témoignage de chaque témoin consiste en une déclaration écrite suivant la règle 482 des Règles de la Cour fédérale et le témoignage y afférent. Les citations qui suivent à la Partie « I. Contexte » sont tirées des déclarations écrites, sauf indication contraire. Dans les citations, des renvois sont faits aux pièces produites dans le cadre de l'examen préalable ou à celles annexées à la déclaration elle-même. Dans chaque cas, la pièce a été soumise et renumérotée à l'instruction. Si, dans une citation, le renvoi à une pièce n'indique pas le numéro de cette pièce à l'instruction, ce numéro serait indiquéentre crochets.

     [5]       Bourgault fabrique généralement ce qu'on appelle un « éventail réduit » de matériel agricole : rouleaux plombeurs, cultivateurs, cultivateurs sous-soleurs, semoirs à houes, semoirs pneumatiques, pulvérisateurs, barres de traction, pulvérisateurs portés, systèmes combinés herse-rouleau plombeur et convoyeurs à grains, mais non les tracteurs ou les moissonneuses-batteuses. Selon M. Bourgault, la société est le deuxième producteur mondial de semoirs pneumatiques, la seule plus grosse société étant celle de la défenderesse (Déclaration de M. Bourgault, pièce 2, paragraphe 6).

     [6]       Une copie du brevet `863 (Pièce 1 (1A)) est jointe.

     [7]       Exposéconjoint, paragraphes 1 à 7.

     [8]           Déclaration de M. Bourgault, pièce 2, paragraphes 9 à 26.

     [9]           Déclaration de M. Dyck, pièce 21, paragraphes 20 à 24.

     [10]         Déclaration de M. Bourgault, pièce 21, paragraphes 32 et 33.

     [11]         Déclaration de M. Bourgault, pièce 2, paragraphes 34 et 35.

     [12]         Déclaration de M. Dyck, pièce 21, paragraphe 25.

     [13]         Exposéconjoint, paragraphes 14 à 17. Le System 75 a remplacé le System 70.

     [14]         Déclaration de M. Dyck, pièce 21, paragraphe 26.

     [15]         Exposéconjoint, paragraphe 8.

     [16]         Déclaration de M. Dyck, pièce 21, paragraphes 27 et 28.

     [17]         Exposéconjoint, paragraphes 9, 10 et 12.

     [18]         À l'instruction, M. Bourgault a admis que lmission de cet ordre de modification n'avait aucune incidence.

     [19]         Exposéconjoint, paragraphes 22, 23 et 25.

     [20]         Déclaration de M. Friggstad, pièce 28, paragraphe 33.

     [21]      Exposéconjoint, paragraphe 18.

     [22]      Pièce 1, p. 8.

     [23]      Exposéconjoint, paragraphes 19 et 20.

     [24]      Nekoosa Packaging Corp. c. AMCA International Ltd., 56 C.P.R. (3d) 470 (C.A.F.).

     [25]      Une objection particulière a été soulevée à l'encontre de l'utilisation par M. Bourgault du mot « invention » pour décrire les résultats de ces travaux de mise au point au motif que l'emploi de ce mot n'était justifié qu'en autant qu'on concluait à la validité du brevet. L'objection ayant été maintenue, la déclaration de M. Bourgault a été modifiée de façon à ce que le mot invention y apparaisse partout entre guillemets. Sur ce point en outre, j'ai également admis que M. Bourgault témoignait à titre de personne directement concernée et possédant une expertise considérable en matière de matériel agricole, mais non à titre de témoin « expert » .

     [26]         Déclaration de M. Bourgault, pièce 2, paragraphes 42 à 52.

     [27]         La déclaration complète de M. Hundeby a été marquée pièce 44 à l'instruction. Les renvois de M. Hundeby aux pièces jointes à ses affidavits portent maintenant les mêmes lettres, sauf pour la pièce 44.

     [28]         Déclaration de M. Hundeby, pièce 44, paragraphes 12, 13, et 15 à 21.

     [29]      Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch.P-4, al. 27(1)a), b) et c). Relativement à ces dispositions, on trouve l'allégation suivante au paragraphe 20 de l'exposéconjoint: [TRADUCTION] « La défenderesse affirme que, eu égard à la commune renommée et aux publications mentionées aux paragraphes 30 et 31, ainsi qu'à la machinerie mentionnée aux paragraphes 31, 32 et 33, les revendications 1 et 3 à 7 inclusivement du brevet en cause n'étaient pas nouvelles ou, subsidiairement, étaient évidentes, donc invalides » . Je ne me reporterai pas aux détails contenus dans ces paragraphes étant donné la délimination des questions en litige ci-après.

     [30]      Exposéconjoint, paragraphes 3 à 5.

     [31]      Pièce 1, A, paragraphes 29 à 34.

     [32]      Cette façon de procéder a été approuvée dans Windsurfing International Inc. et al. c. Bic Sports Inc. [1985] F.C.J. No. 1147, (1985) 8 C.P.R. (3d) 241, à la p. 256.

     [33]         Réplique de M. Dyck, pièce 68, paragraphes 29 et 33.

     [34]         Extrait du contre-interrogatoire de M. Benjamin Dyck, 19 novembre 1997, p. 51.

     [35]      Beloit Canada Ltd. et al. c. Valmet OY (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (F.C.A.) at 297.

     [36]      Almecon Industries Ltd. c. Nutron Manufacturing Ltd. (1996) 65 C.P.R. (3d) 417, aux p. 428 et 429, confirmé par (1997) 72 C.P.R. (3d) 397 (C.A.F.), autorisation de pourvoi refusée [1997] S.C.C. No. 374.

     [37]         Flexi-Coil a allégué qu'on devrait attacher une signification importante au fait que, tandis que les termes décrivant l'effet de l'articulation à deux axes sont inclus dans la revendication 1e), ils sont exclus de la revendication 1f). Je ne suis pas d'accord. Une fois utilisés pour décrire l'effet des rouleaux spirales sur la section milieu du châssis, les termes deviennent redondants pour ce qui est de décrire le même effet sur les sections de châssis à battants et, par conséquent, je n'attribue aucune autre signification à leur exclusion.

     [38]         La preuve est contenue dans la correspondance figurant à la pièce 1,30, examinée plus en détail ci-après dans l'analyse de la question de la « franchise » .

     [39]         Déclaration de M. Friggstad, pièce 28, paragraphe 38.

     [40]         Transcription du contre-interrogatoire de M. William Reed, 17 novembre 1997, p. 109 et 110.

     [41]         Transcription du contre-interrogatoire de M. Benjamin Dyck, 19 novembre 1997, p.31.

     [42]               Creations 2000 Inc. c. Canper Industrial Products Ltd. (1990), 34 C.P.R. (3d) 178, le juge Hugessen à la p. 182 (C.A.F.).

     [43]               Beloit Corp. et al. c. Valmet OY, précité, note 35, à la p. 294.

     [44]               Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1993), 47 C.P.R. (3d) 188, le juge Desjardins, à la p. 198 (C.A.F.).

     [45]               Beecham Can. Ltd. c. Proctor & Gamble Co. (1982), 61 C.P.R. (2d) 1, à la p. 27 (C.A.F.), le juge Urie, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée (1982), 63 C.P.R. (2d) 260n (C.S.C.).

     [46]               Beloit Corp. et al. c. Valmet OY, précité, note 35, à la p. 294.

     [47]       Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp. (1991), 35 C.P.R. (3d) 350 (C.A.F.) .

     [48]         Cette conclusion est tirée de la lettre datée du 8 mai 1990, adressée par M. Bourgault à son agent des brevets, dans laquelle il dit : [TRADUCTION] « Je joins une brochure concernant le Friggstad Wing Type Packer Bar [le HPL] qui a été construit aux environs de 1984. Remarquez le mécanisme d'articulation à trois axes. (Je viens juste de trouver cette brochure.) S'il est évident qu'il faut utiliser une articulation à deux axes, comme dans notre fixation du rouleau plombeur au châssis, on aurait dû l'utiliser ici! » (Pièce 1, 30).

     [49]         Déclaration de M. Bourgault, Pièce 2, paragraphe 62.

     [50]         Déclaration de M. Hundeby, pièce 44, F.

     [51]         Déclaration de M. Hundeby, pièce 44, paragraphe 15.

     [52]         Déclaration de M. Reed, pièce 59, paragraphe 70.

     [53]      Exposéconjoint, paragraphe 35.

     [54]         Pièce 1, 30, lettre datée du 8 mai 1990.

     [55]         Pièce 1, 27, p.3.

     [56]         Transcription de la plaidoirie, 21 novembre 1997, p. 216.

     [57]      Pioneer Hi-Bred Ltd. c. Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 R.C.S. 1623, aux p. 1637 et 1638.

     [58]      Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504 à la p. 520.

     [59]      Jules R. Gilbert Ltd. c. Sandoz Patents Ltd. (1970), 64 C.P.R. 14 (C. de l'É.), conf. [1974] R.C.S. 1336, 8 C.P.R. (2d) 210.

     [60]      Airseal Controls Inc. c. M & I Heat Transfer Product Ltd. (1993), 53 C.P.R. (3d) 259 à la p. 275 (C.F. 1re inst.).

     [61]      Supra, note 59, à la p. 74.

     [62]      Exposé conjoint, à la p. 14.

     [63]      Observations de la défenderesse sur les faits, p. 71.

     [64]      (1887), 4 R.P.C. 333, aux p. 357 et 358 (C.A.).

     [65]      Déclaration de M. Hundeby, pièce 44, aux p. 3 et 4.

     [66]      Déclaration de M. Friggstad, pièce 28, 1.

     [67]      Heffco Inc. c. Dreco Energy Services Ltd. et al. (1997), 127 F.T.R. 286.

     [68]      Eli Lilly & Co. c. O'Hara Manufacturing Ltd. (1989), 26 C.P.R. (3d) 1.

     [69]      Catnic Components Ltd. v. Hill & Smith Ltd., [1982] R.P.C. 183.

     [70]      Dans leur plaidoirie, M. Hughes et M. Fyfe ont tous deux convenu que si la question de l'interprétation doit être examinée indépendamment de celle de la validité, il appartient au juge présidant l'instance, selon la pratique établie et équitable, de choisir, en rendant jugement, d'aborder les questions touchant la contrefaçon avant celles touchant la validité.

     [71]      TRW Inc. c. Walbar of Canada Inc. (1991), 39 CPR (3d) 176, à la p. 188.

     [72]      Exposéconjoint, paragraphe 26.

     [73]      Exposéconjoint, p.13 et 14.

     [74]         Chacune des négations de contrefaçon suivantes figure dans l'Exposéconjoint, paragraphes 27 et 28.

     [75]         Brevet '863, p. 6.

     [76]         Les dessins constituent la pièce A, 26, pages 268 à 279. Malgré la demande de M. Hugues en ce sens, j'estime que les dessins du brevet ne sont pas assez précis pour me permettre de tirer cette conclusion.

     [77]         Brevet '863, p.6.

     [78]         Pièce 44, H2, p.2.

     [79]         Transcription du contre-interrogatoire de M. David Hundeby, p.8.

     [80]         P. 437.

     [81]         Déclaration de M. Dyck, pièce 21, paragraphe 32.

     [82]         Pièce 47, H2, p. 2.

     [83]         Ibid.

     [84]         Déclaration de M. Dyck, pièce 21, paragraphe 36.

     [85]         Pièce 9.

     [86]         Selon M. Fyfe, il s'agit là d'une interprétation « fondée sur le sens commun » et, à cet égard, il a souligné que M. Reed a souscrit à cette interprétation au cours de son témoignage. (transcription de la plaidoirie, 20 novembre 1997, p. 76).

     [87]         Pièce 27, p. 128, question 521.

     [88]         Brevet '863, p. 4.

     [89]         Brevet '863, p. 9.

     [90]         Brevet '863, p. 3.

     [91]         Ibid., p. 8 et 9.

     [92]         Pièce 1, 11., p. 2-1.

     [93]         Pièce 27, p. 192. Q.705.

     [94]         Transcription du contre-interrogatoire de M. Bourgault, p. 195, Q.1000.

     [95]         Transcription du contre-interrogatoire de M. Hundeby, p. 96, Q.349.

     [96]         Pièce A, 26.

     [97]      Exposéconjoint, p. 14.

     [98]      Beloit Canada Ltd. et. al. c. Valmet-Dominion Inc. (1997) 73 C.P.R. (3d) 321, à la p. 366. (C.A.F.).

     [99]      Déclaration de M. Cook, pièce 68, paragraphes 4, 9 et 11.

     [100]    Déclaration de M. Summach, pièce 66, paragraphes 15 et 19.

     [101]    Ibid., paragraphe 30.


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