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Date: 20020528

Dossier : IMM-718-01

OTTAWA (ONTARIO), LE 28 MAI 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

ENTRE :

                                                                 WENLAN HUANG

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission en date du 1er novembre 2000 est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour réexamen.

                                                                                                                                       « W.P. McKeown »

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                                                                                                                                                               JUGE

TRADUCTION CERTIFIÉE CONFORME

                                                                            

Ghislaine Poitras, LL.L.


Date: 20020528

Dossier : IMM-718-01

Référence neutre : 2002 CFPI 606

ENTRE :

                                                                 WENLAN HUANG

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]                 Il s'agit en l'espèce de la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) le 1er novembre 2000, déterminant que la demanderesse n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]                 Trois questions se posent :1) la Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la demanderesse n'était pas chrétienne; 2) la Commission a-t-elle erronément conclu que la demanderesse n'était pas crédible; 3) la Commission a-t-elle mal évalué la preuve documentaire?.


LES FAITS

[3]                 La demanderesse est citoyenne chinoise. Elle affirme que si elle retournait en Chine elle serait persécutée par le gouvernement chinois en raison de ses croyances religieuses chrétiennes.

[4]                 La Section du statut de réfugié a estimé que la demanderesse manquait de crédibilité, et elle n'a pas cru qu'elle était chrétienne. Voici un extrait de sa décision :

Je reconnais qu'elle possède une certaine connaissance du christianisme. Je reconnais que, lorsqu'elle a été réinterrogée par son avocate, elle pouvait réciter le nom des disciples et autres choses de ce genre.

On ne m'a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle était chrétienne. Ses réponses à mes questions sur le christianisme étaient vagues et elles ne s'amélioraient que lorsqu'elle était réinterrogée par son avocate. J'ai le sentiment que ces réponses étaient récitées.

[5]                 La demanderesse prétend que le BSP s'est intéressé à ses croyances chrétiennes parce que quelqu'un l'a vue sortir d'une église à Toronto et a colporté le renseignement en Chine. Voici la conclusion de la Commission à ce sujet :

Je trouve peu plausible de conclure que, puisqu'il est reconnu qu'il existe bel et bien des millions de chrétiens pratiquants en Chine, un tel intérêt soit porté à une touriste entrant par hasard dans une église au Canada.

  

Lorsque ce doute a été signalé à la demanderesse, elle a répondu qu'elle appartenait à une église clandestine en Chine, et que le temple avait fait l'objet d'une descente au mois de mai 1999, lors de laquelle les fidèles avaient été avertis qu'il pourrait leur en coûter s'ils ne mettaient pas fin à leurs pratiques chrétiennes. La Commission a rejeté cet élément de preuve de l'incident du mois de mai car il ne figurait pas dans le FRP de la demanderesse. Elle a également estimé que la demanderesse s'était contredite relativement à certaines dates.

[6]                 La Commission a également examiné quelques-uns des éléments de preuve documentaire, indiquant que le christianisme gagnait très rapidement des adeptes et qu'à beaucoup d'endroits, même des églises illégales pouvaient poursuivre leurs activités sans être sérieusement inquiétées, et elle a conclu que cette preuve n'étayait pas les prétentions de la demanderesse.

ANALYSE


[7]                 La demanderesse soutient que la Commission a conclu à tort qu'elle n'était pas chrétienne. La Commission a reconnu que la demanderesse possédait une certaine connaissance du christianisme, mais après avoir jugé qu'elle donnait des réponses vagues aux questions du tribunal à ce sujet, réponses qui ne s'amélioraient qu'après des questions posées en réinterrogatoire, elle a eu « le sentiment que ses réponses étaient récitées » . La demanderesse fait valoir que les motifs de la décision de la Commission ne sont pas bien fondés, car rien n'étaye sa conclusion que les réponses étaient vagues. Je suis d'avis que la Commission a commis une erreur en n'étayant pas son affirmation selon laquelle les réponses de la demanderesse étaient vagues. Le défendeur ne peut à présent se reporter à des parties de la transcription et conjecturer que c'est sur elles que la Commission a appuyé sa conclusion. Je constate également que les questions posées par la Commission étaient de nature beaucoup plus générale que celles de l'avocate. De plus, la Commission n'a pas fait mention de la lettre émanant de l'église de la demanderesse, que cette dernière avait déposée en preuve et qui déclarait que la demanderesse assistait sporadiquement aux offices.

[8]                 La demanderesse soutient que les motifs exposés par la Commission à l'appui de sa conclusion négative en matière de crédibilité sont ambigus et contradictoires. On peut lire dans les motifs de la Commission que « la revendicatrice n'a pas embelli son histoire et je le reconnais » , mais immédiatement avant cette affirmation, la Commission avait rejeté l'élément de preuve selon lequel il y avait eu une descente dans son église locale au mois de mai 1999. En replaçant les choses dans leur contexte, toutefois, il appert que la Commission ne concède que la demanderesse n'a pas embelli son récit qu'à propos de la partie qui concerne les autres démêlés avec le BSP. Voici les commentaires de la Commission sur ce point :

La revendicatrice n'a pas embelli son histoire et je le reconnais. En réalité, elle me dit que les membres de l'organisation dans laquelle elle était engagée en Chine s'étaient réunis aussi récemment que le 5 septembre dernier et qu'elle n'avait pas éprouvé d'autres problèmes avec le PSB [sic].

L'examen de la transcription des questions posées par le tribunal appuie également cette interprétation.


[9]                 La demanderesse attaque également la déclaration de la Commission selon laquelle elle ne pouvait comprendre comment le fait que la demanderesse avait été vue en sortant d'une église au Canada pouvait ajouter aux doutes qu'avait déjà le BSP au sujet de la demanderesse puisque cette dernière avait déjà été interrogée par le BSP au mois de mai. La demanderesse soutient en premier lieu que la Commission ne peut, après avoir rejeté la preuve de l'incident de mai, s'en servir pour discréditer une autre partie de son témoignage. En deuxième lieu, elle avance que la Commission n'a pas tenu compte du fait que, si le BSP avait eu des doutes à son sujet, le fait que la demanderesse avait été vue en train de sortir d'une église au Canada aurait pu confirmer les soupçons des autorités. J'estime discutable que la Commission se serve d'un témoignage auquel elle a refusé d'ajouter foi pour discréditer d'autres éléments de la relation des faits de la demanderesse. Dans l'arrêt Hilo c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration [1991] A.C.F. no 228 (C.A.), le juge Heald a dit ce qui suit (à la p. 3) :

Aux pages 176 et 177, la Commission a émis des doutes au sujet de la crédibilité de l'appelant, ainsi qu'il a été noté plus tôt. Néanmoins, au paragraphe suivant (p. 77), la Commission juge que le témoignage de l'appelant est suffisamment plausible pour que l'on puisse rejeter un élément de sa revendication du statut de réfugié. Ce traitement sélectif de divers éléments du témoignage de l'appelant ne contribue pas à donner confiance en l'évaluation que la Commission a faite de la crédibilité de l'appelant.

À mon avis, la conclusion de la Commission sur ce point et ses conclusions relatives à l'identité chrétienne de la demanderesse suffisent, prises ensemble, à constituer une erreur susceptible d'examen.

[10]            La demanderesse prétend également que la Commission n'a pas tenu compte d'abondants éléments de preuve documentaire touchant la persécution religieuse en Chine et que si elle avait considéré les actes de la demanderesse dans le contexte de l'intégralité de la preuve documentaire déposée devant elle, la seule conclusion raisonnable qu'elle aurait pu tirer aurait été qu'il existait davantage qu'une simple possibilité de persécution. La Commission a toutefois déclaré ce qui suit :

Maintenant, je dois reconnaître qu'il existe des exceptions à la règle et cela complique toute décision relative à la revendication concernant la Chine à des fins religieuses.


Bien qu'il eût été préférable, selon moi, d'examiner un peu plus en profondeur la preuve documentaire contradictoire, j'estime que cette phrase indique que la Commission connaissait l'existence de la preuve documentaire concernant les difficultés que certains chrétiens éprouvaient en Chine et en a tenu compte.

[11]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission en date du 1er novembre 2000 est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour réexamen.

                                                                                   « W.P. McKeown »

ligne

                                                                                                           JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 28 mai 2002

    

TRADUCTION CERTIFIÉE CONFORME

                                                                            

Ghislaine Poitras, LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

DOSSIER :                 IMM-718-01

  

INTITULÉ :              WENLAN HUANG c. MCI

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

  

DATE DE L'AUDIENCE :                              23 MAI 2002

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

  

DATE DES MOTIFS :                                     28 MAI 2002

   

COMPARUTIONS :

M. ADAM SHAPERO                                       POUR LA DEMANDERESSE

M. MICHAEL BUTTERFIELD                         POUR LE DÉFENDEUR

   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

LEWIS & ASSOCIATES                                   POUR LA DEMANDERESSE

TORONTO (ONTARIO)                                                            

M. MORRIS ROSENBERG                              POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA           

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