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     Date : 19990709

     Dossier : IMM-3316-98


OTTAWA (ONTARIO), LE 13 JUILLET 1999

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE SHARLOW


Entre

     JAN HOY CASSELLS,

     demandeur,

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur



     ORDONNANCE (MOTIFS ET DISPOSITIF)


[1]      Par ce recours, M. Cassells cherche à forcer le ministre à instruire la revendication du statut de réfugié qu'il a faite en 1998 en arguant de sa crainte d'être persécuté en Jamaïque. Cette crainte était fondée en partie sur ce qui se passait en 1992, lorsqu'il fut le témoin d'un crime commis au Canada, et ravivée à la suite de ce qui s'est passé après avril 1998, lorsque le ministre le fit renvoyer du Canada à la Jamaïque, alors qu'il y avait sursis, par application de la loi, à la mesure d'expulsion prise contre lui en 1995.

[2]      Le ministre soutient que la mesure d'expulsion de 1995 n'a pas été mise à exécution, ce qui fait que, par l'effet du paragraphe 44(1) de la Loi sur l'immigration, la revendication du statut de réfugié par M. Cassells n'est pas recevable. Celui-ci réplique que cette disposition ne s'applique pas puisque la mesure d'expulsion a été exécutée en avril 1998 lorsque le ministre le fit renvoyer hors du Canada. Le ministre tient que le renvoi illégal d'une personne hors du Canada ne peut valoir exécution de mesure d'expulsion.

[3]      Par motifs pris le 16 juin 1999, j'ai fait droit à l'argument du ministre que la revendication du statut de réfugié par M. Cassells était irrecevable par application du paragraphe 44(1), en indiquant toutefois que je différerais le prononcé de l'ordonnance portant rejet du recours pour donner aux parties le temps de présenter leurs conclusions sur les frais et dépens et sur la question à certifier. Les mémoires respectifs ont été déposés et je les ai examinés.

Les frais et dépens

[4]      La conclusion de M. Cassells aux frais et dépens sur une base avocat-client contre le ministre se heurte à trois obstacles. En premier lieu, la règle 22 des Règles en matière d'immigration ne permet, en cas de recours en contrôle judiciaire, l'allocation des dépens que pour des " raisons spéciales ". En deuxième lieu, l'inclusion des honoraires d'avocat dans les dépens est une mesure extraordinaire et ne doit être ordonnée que s'il y a eu inconduite dans le litige; v. Bland c. Commission de la capitale nationale , [1993] 1 C.F. 541 (C.A.). Enfin, le demandeur n'a pas eu gain de cause.

[5]      M. Cassells soutient que le point litigieux est nouveau et que par conséquent, cette affaire doit être traitée en cause type. La Cour d'appel fédérale a posé que l'existence d'une cause type peut justifier l'allocation des dépens sur une base avocat-client; v. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Mayers, [1993] 1 C.F. 154 (C.A.). Rien ne permet de conclure qu'il s'agit en l'espèce d'une cause type, en ce sens qu'il y a d'autres causes dont l'issue dépend de sa solution. Au contraire, le ministre soutient que le cas qui nous occupe en l'espèce est rare.

[6]      M. Cassells tient encore que la revendication du statut de réfugié qu'il a faite à son retour de la Jamaïque (et par voie de conséquence ce recours) n'aurait pas eu lieu s'il n'avait pas été illégalement renvoyé dans ce dernier pays, où il craignait pour sa sécurité. Il ne m'appartient pas de me prononcer sur ce point. D'ailleurs, il a engagé d'autres procédures pour réclamer des dommages-intérêts pour renvoi illégal. J'ai pris acte de la décision rendue par le juge Rouleau pour rejeter la fin de non-recevoir opposée par le ministre dans Cassells c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, IMM-5228-98, 9 juin 1999. Quelle que soit l'issue de cette revendication, je ne peux voir dans le renvoi illégal de M. Cassells hors du Canada par le ministre, une inconduite dans le cadre du recours dont je suis saisie, et qui justifierait l'allocation de dépens sur une base avocat-client.

Question certifiée

[7]      L'avocat de M. Cassells soutient qu'il y a lieu à certification d'une question aux fins d'appel, ce que conteste celui du ministre. Selon ce dernier, le recours de M. Cassells est fondé sur des arguments manifestement erronés, et qu'il s'agit d'un cas qui se présente rarement. Il s'agit, dit-il, d'une cause qui, par définition, ne soulève pas une question grave de portée générale.

[8]      L'exécution d'une mesure d'expulsion a de graves conséquences juridiques. La question de savoir en quoi consiste cette exécution est donc une question grave de portée générale. Des questions se sont posées par le passé en la matière, encore que peu fréquemment. Voir par exemple Ramkissoon c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1978] 2 C.F. 290 (C.A.), demande d'autorisation d'appel rejetée (1978), 20 N.R. 445n, Cuskic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 130 F.T.R. 232, Clarke c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 147 F.T.R. 259. Par ce motif, je certifierai la question infra.

     ORDONNANCE

     La Cour déboute le demandeur de son recours en contrôle judiciaire, ne prononce pas sur les dépens, et certifie la question suivante :

     Dans l'application de la Loi sur l'immigration, y a-t-il exécution de l'ordonnance d'expulsion prise contre une personne si le ministre la fait renvoyer hors du Canada cependant que cette ordonnance est suspendue par application de la loi?


     Signé : Karen R. Sharlow

     ______________________________

     Juge


Traduction certifiée conforme,



Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER No :              IMM-3316-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Jan Hoy Cassells c. M.C.I.


LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)


DATE DE L'AUDIENCE :      16 juin 1999


MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MME LE JUGE SHARLOW


LE :                      9 juillet 1999



ONT COMPARU :


Osborne Barnwell                  pour le demandeur

David Tyndale                  pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Ferguson, Barnwell                  pour le demandeur

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg              pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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