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             Date : 20011114

No du greffe : IMM-2312-00

      Référence neutre : 2001 CFPI 1250

Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

    TENG HUI HO

   demandeur

             - et -

                   LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Le demandeur est un homme d'affaires de Taïwan qui demande le contrôle judiciaire de la décision du 20 mars 2000 par laquelle un agent des visas du Consulat du Canada à Hong Kong a refusé sa demande de résidence permanente au Canada en tant que « travailleur autonome » .


[2]                 Le demandeur a témoigné qu'il travaillait pour une société fondée par son beau-père qui se spécialisait dans la fabrication et le commerce d'outils à main et qu'il était chargé des achats et de la mise en marché. En 1981, la société a accru sa production et commencé à faire affaire sur le marché international. La société a été restructurée en 1982 et le demandeur a pris en charge les responsabilités qu'assumait auparavant son beau-père. Il a supervisé trois chefs d'équipe et est devenu responsable du contrôle de la qualité et des négociations d'affaire à Taïwan. En 1992, il a été élu au conseil d'administration. Le demandeur a fait des affaires au Canada en vendant des outils à une société canadienne se trouvant à Montréal. Les profits de la société du demandeur se sont situés entre 50 000 $ et 60 000 $ par année pendant les cinq dernières années. Le demandeur a concédé que les profits de la société étaient minimes et décroissants en raison de l'augmentation de la concurrence. Il gagne environ 25 000 $ par année. Son avoir net, accumulé en majeure partie par son épouse, qui travaille pour une compagnie d'assurance, est d'environ 2 000 000 $ et se compose de 200 000 $ en argent liquide et de deux propriétés. Son épouse gagne environ 135 000 $ par année.

[3]                 Le 27 octobre 1998, le demandeur a fait une demande de résidence permanente auprès du Consulat du Canada à Hong Kong. Il a investi 100 000 $ dans le Great Lakes College de Toronto le 8 novembre 1998. Le même mois, il a visité deux sociétés au Canada pour évaluer le marché de la vente d'outils dans ce pays. Il a participé à un séminaire offert par le gouvernement de l'Ontario aux gens d'affaires, il a consulté un avocat et il a visité des espaces locatifs. Il a également joint un plan d'affaires à sa demande. Il avait l'intention de fonder une entreprise, dont il serait le seul propriétaire, qui se livrerait à l'importation et à l'exportation de pièces détachées de machine, d'outils à main, de quincaillerie, de pièces et d'autres produits connexes.


[4]                 Le 2 mars 2000, l'agent des visas a interrogé le demandeur par l'entremise d'un interprète parlant couramment le mandarin et l'anglais. L'agent a conclu le 20 mars 2000 que le demandeur n'était pas visé par la définition de travailleur autonome figurant au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement), étant donné que le demandeur ne lui avait pas démontré qu'il était en mesure de s'établir avec succès en tant que travailleur autonome dans la profession ou l'entreprise envisagée. Le demandeur a obtenu au total 51 points d'appréciation, dont 6 points sur 10 quant au facteur de la personnalité.


[5]                 À l'audience, le demandeur a renoncé à la plupart des arguments qu'il avait avancés dans son mémoire, notamment l'argument selon lequel l'agent des visas [Traduction] « avait peu de connaissances et d'expérience relativement à la question qu'il devait trancher » . Il a limité ses arguments à un seul point, soit que l'agent des visas avait commis une erreur en tenant compte d'un [Traduction] « facteur non pertinent » , à savoir que le demandeur n'avait pas fait preuve de dynamisme à l'entrevue. Le demandeur a prétendu que l'agent des visas avait eu à tort des réserves quant à son présumé manque de « dynamisme » , qu'il y avait accordé beaucoup d'importance et qu'il l'avait assimilé à son attitude générale, à son apparence et à son comportement lors de l'entrevue. Le demandeur a fait valoir que ni la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi), ni le Règlement pris en vertu de la Loi ne mentionnent le « dynamisme » à titre de critère d'évaluation d'un demandeur. Il a également soutenu que l'agent des visas ne pouvait pas raisonnablement évaluer les réponses qu'il avait données à ses questions en raison de la participation d'un interprète et que l'agent des visas ne pouvait pas raisonnablement le faire échouer pour manque de « dynamisme » tout en lui attribuant une note de passage de 6 points sur 10 pour la personnalité, note qui prenait en considération sa motivation, sa faculté d'adaptation, son esprit d'initiative et son ingéniosité. Enfin, le demandeur a prétendu que l'agent des visas avait commis une erreur en rejetant sa demande puisqu'il n'avait exprimé aucune réserve sur la question de savoir si le demandeur était en mesure de s'établir au Canada et de subvenir à ses besoins sur le plan économique.

[6]                 Depuis l'arrêt de la Cour suprême du Canada Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, la Cour fédérale a toujours adopté la norme de la décision raisonnable simpliciter comme norme applicable au contrôle de la décision d'un agent des visas. (Arora c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 845, à la p. 2, au paragraphe 8.)


[7]                 Mon collègue le juge Pinard a conclu dans Tariq Hamid c. M.C.I. (C.F. 1re inst.), 24 octobre 1997, IMM-183-97, qu'à titre de principal juge des faits, l'agent des visas était le mieux en mesure d'évaluer l'attitude d'un demandeur, ses réactions et ses réponses aux questions. Les conclusions de l'agent des visas à cet égard feront donc l'objet d'une retenue considérable. Dans Kulbhushan Kumar Kaura c. M.C.I. (1997), 125 F.T.R. 227, à la page 229 (C.F. 1re inst.), l'agent des visas a conclu que le demandeur ne s'était pas présenté de façon favorable à l'entrevue, qu'il avait semblé ne pas être prêt et qu'il avait répondu aux questions de l'agent des visas de manière vague, désinvolte et indifférente. La Cour a conclu qu'il était loisible à l'agent des visas de conclure que le demandeur ne serait pas en mesure d'établir avec succès une entreprise au Canada. Dans Dan Remus Covrig c. M.C.I. (1995), 104 F.T.R. 41; (1995), 35 Imm.L.R. (2d) 128, même s'il avait octroyé 71 points d'appréciation au demandeur, l'agent des visas a conclu que celui-ci ne serait pas en mesure de s'établir avec succès au Canada. L'agent des visas a pris en considération dans cette affaire la préparation à l'entrevue du demandeur, son attitude, sa personnalité et son comportement pendant l'entrevue. Il a estimé que le demandeur dénotait un manque flagrant d'énergie et de dynamisme. Mon collègue le juge Muldoon a rejeté l'argument du demandeur selon lequel l'agent des visas avait tenu compte de facteurs non pertinents lorsqu'il avait pris en considération le manque d'énergie et de dynamisme du demandeur, et il a conclu que ces facteurs étaient tous pertinents quant à la question de l'établissement réussi au Canada, particulièrement en ce qui a trait à l'aspect économique de l'établissement. J'ai examiné avec soin la transcription du contre-interrogatoire de l'agent des visas de même que les autres documents déposés et je conclus que l'argument du demandeur était dénué de fondement. J'estime que le « dynamisme » du demandeur, comme l'a expliqué l'agent des visas, ne constituait pas un facteur non pertinent dans l'examen de la question de savoir s'il était en mesure d'établir une entreprise avec succès au Canada. Il ne s'agissait pas du seul facteur pris en considération par l'agent des visas et je conclus qu'à la lumière de la preuve dont celui-ci était saisi, il pouvait raisonnablement tirer sa conclusion relative au dynamisme.

[8]                 L'octroi de 6 points sur 10 pour la personnalité n'est pas nécessairement incompatible avec la conclusion de l'agent des visas. Je suis d'accord avec l'argument du défendeur selon lequel l'octroi d'une note moyenne quant à la personnalité ne démontre pas nécessairement que la personne est dynamique. Je considère sans fondement l'argument du demandeur.


[9]                 Enfin, le demandeur a prétendu que l'agent des visas avait commis une erreur en n'évaluant pas sa capacité d' « acheter » une entreprise au Canada après avoir conclu qu'il n'était pas en mesure d' « établir » une entreprise au Canada. Dans Bakhshaee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1985), 45 Imm. L.R.(2d) 196 (C.F. 1re inst.), le juge Décary, (siégeant en tant que juge de la Section de première instance) a conclu que si un demandeur présentait des renseignements ayant trait uniquement à l'une des possibilités que comporte la définition, l'agent des visas n'était pas tenu d'examiner les deux autres possibilités. J'estime que ce principe s'applique à la présente affaire. Le demandeur a soutenu qu'il avait l'intention d' « établir » une entreprise au Canada. Il n'a toutefois pas mentionné son intention d'acheter une entreprise au Canada, que ce soit dans sa demande, dans les documents à l'appui ou lors de l'entrevue. Pour que l'agent des visas soit tenu d'évaluer cette possibilité, il doit disposer d'un fondement factuel susceptible d'établir cette intention. Je n'en vois aucun. Je conclus donc que l'agent des visas n'a commis aucune erreur donnant ouverture au contrôle en n'évaluant pas la capacité du demandeur d' « acheter » une entreprise au Canada.

[10]            La définition figurant au Règlement exige que le « travailleur autonome » soit notamment en mesure d'établir une entreprise au Canada de façon à créer un emploi pour lui-même. Je suis d'avis qu'à la lumière de l'expérience en affaires du demandeur, de l'entrevue et de tous les autres facteurs, l'agent des visas a raisonnablement conclu que le demandeur n'était pas visé par la définition de « travailleur autonome » . J'estime que l'agent des visas n'a commis aucune erreur justifiant l'intervention de la Cour.

[11]            Pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[12]            Après en avoir eu la possibilité, les parties ne m'ont pas demandé de certifier une question grave de portée générale aux termes de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Je ne me propose donc pas de le faire.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         Le rejet de la demande de contrôle judiciaire.

        « Edmond P. Blanchard »        

                  Juge                

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-2312-00

INTITULÉ :                                        Teng Hui Ho et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                         Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                         Le 23 août 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

EN DATE DU :                                     14 novembre 2001

ONT COMPARU

M. Cecil Rotenberg                                                                         POUR LE DEMANDEUR

M. Stephen H. Gold                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Cecil Rotenberg                                                                         POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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