Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

                                                                                                                                     IMM-1487-96

 

 

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE), LE 27 MARS 1997

 

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

 

 

E n t r e :

 

                                               SAROJINIDEVI ARULAMPALAM,

 

                                                                                                                                            requérant,

 

                                                                             et

 

                        MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                                 intimé.

 

 

 

                                                               ORDONNANCE

 

 

 

            Pour les motifs exposés ci-joint par écrit, la présente demande est rejetée.

 

 

 

 

 

Douglas R. Campbell                    Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                                                                                                                       

 

François Blais, LL.L.


 

 

 

 

 

                                                                                                                                     IMM-1487-96

 

 

E n t r e :

 

                                               SAROJINIDEVI ARULAMPALAM,

 

                                                                                                                                          requérante,

 

 

                                                                             et

 

 

                        MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                                 intimé.

 

 

 

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

LE JUGE CAMPBELL

 

            La Cour statue sur une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 10 avril 1996 par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (section du statut de réfugié). Dans sa décision, la Commission a jugé que la requérante n'était pas une réfugiée au sens de la Convention. La seule question litigieuse que soulève la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la Commission a mal appliqué le critère de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. La requérante sollicite le prononcé d'une ordonnance annulant la décision de la Commission et renvoyant l'affaire devant une autre formation collégiale de la Commission pour qu'elle rende une nouvelle décision.

 

            La requérante, Sarojinidevi Arulampalam, est une femme tamoul de 64 ans de Jaffna, au Sri Lanka. Sa fille aînée vivait sur l'île de Kayts, à 12 milles de Jaffna. En 1991, les forces sri-lankaises ont attaqué Kayts et ont tué de nombreuses personnes. D'autres personnes ont été portées disparues, dont la fille de la requérante. Ses deux filles aînées ont fui le Sri Lanka en 1987 et 1989, respectivement, en raison du harcèlement dont elles faisaient l'objet de la part de militants tamouls. Elles sont toutes les deux venues au Canada et se sont vu reconnaître le statut de réfugiées au sens de la Convention, de même que leur mari.

 

            À la suite du retrait des forces indiennes du Sri Lanka, Jaffna est tombé sous le contrôle du groupe tamoul LTTE (les Tigres). Les Tigres ont pris possession de la maison des filles de la requérante à Jaffna.

 

            La requérante affirme qu'entre 1990 et 1992, elle et son mari ont été menacés et harcelés de façon répétée par les Tigres, qui leur ont extorqué de l'argent et de la nourriture. En décembre 1991, sa maison a été bombardée par les forces sri-lankaises, qui livraient bataille aux Tigres. Son mari a été blessé au cours de l'attaque et a été hospitalisé. Il est décédé à l'hôpital en février 1992 par suite des blessures qu'il avait subies au cours de l'attaque. À la suite de la mort de son mari, la requérante a continué d'être harcelée par les Tigres et a été forcée de leur verser de l'argent.

 

            En avril 1995, certains membres des Tigres se sont rendus chez elle et lui ont dit qu'ils voulaient utiliser sa maison pour y tenir des rencontres. Craignant les Tigres, elle ne pouvait pas refuser et les Tigres ont commencé à occuper plusieurs pièces de sa maison. Elle affirme qu'elle avait peur de ne pas céder à leurs demandes parce qu'ils avaient la réputation d'être impitoyables lorsqu'ils attaquaient ceux qu'ils estimaient être contre eux. Elle affirme qu'elle a reçu l'ordre de cuisiner et de nettoyer pour les Tigres, et qu'elle a été privée de sommeil parce qu'ils la dérangeaient à toute heure de la nuit. Elle a décidé de partir, mais n'a pas réussi à vendre sa maison. La requérante a persuadé les Tigres de lui remettre un permis de voyage à la condition qu'elle déménage et qu'elle quitte Jaffna.

 

            En mai 1995, la requérante a quitté Jaffna et s'est rendue directement à Colombo où elle est demeurée dans une pension à Pettah. Elle affirme qu'elle n'a pas de famille à Colombo et qu'elle n'y était pas retournée depuis son mariage. Suivant la requérante, le climat à Colombo était très tendu à la suite de la fin du cessez-le-feu entre les Tigres et les forces gouvernementales. La requérante est demeurée seule à Colombo, mais elle avait très peur, étant donné que la police effectuait des descentes et qu'elle arrêtait beaucoup de Tamouls provenant de Jaffna et de l'Est. Elle affirme qu'elle a été mise au courant des descentes par le propriétaire de la pension. Un moment donné, la requérante a vu des Tamouls qui étaient emmenés de force de leur logement. Elle affirme qu'elle ne sent pas en sécurité à Colombo, ni ailleurs au Sri Lanka. C'est à cette époque qu'elle a téléphoné à ses filles au Canada pour leur demander de l'aide. On a communiqué avec un représentant pour qu'il prenne des dispositions pour qu'elle puisse quitter le Sri Lanka et venir au Canada. La requérante a alors quitté la pension et est demeurée chez le représentant en question jusqu'à son départ. La requérante a quitté le Sri Lanka pour le Canada en juin 1995.

 

            Ainsi qu'il a déjà été mentionné, la seule question litigieuse qui est soulevée dans la présente demande est celle de savoir si la Commission a mal appliqué le critère de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays. Sur cette question, les règles de droit sont bien établies. Dans l'arrêt Rasaratnam c. M.E.I., [1992] 1 C.F. 706, la section d'appel de notre Cour a statué que ce concept est inhérent à la définition du réfugié au sens de la Convention. Elle a ajouté, à la page 711, qu'il faut satisfaire à deux critères avant de pouvoir affirmer qu'il existait une possibilité de refuge dans une autre partie du pays, à savoir si une telle possibilité existe effectivement et s'il était raisonnable pour le demandeur de s'y réfugier, compte tenu de toutes les circonstances :

 

 

À mon avis, en concluant à l'existence d'une possibilité de refuge, la Commission se devait d'être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant ne risquait pas sérieusement d'être persécuté à Colombo [sic] et que, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles lui étant particulières, la situation à Colombo était telle qu'il ne serait pas déraisonnable pour l'appelant d'y chercher refuge.

 

            Dans l'arrêt Thirunavukkarasu c. Canada (M.E.I.), [1994] 1 C.F. 589, aux pages 597 et 598 (C.A.), la section d'appel a également tiré les conclusions suivantes :

 

 

Ainsi, le demandeur du statut est tenu, compte tenu des circonstances individuelles, de chercher refuge dans une autre partie du même pays pour autant que ce ne soit pas déraisonnable de le faire. Il s'agit d'un critère souple qui tient compte de la situation particulière du demandeur et du pays particulier en cause. C'est un critère objectif et le fardeau de la preuve à cet égard revient au demandeur tout comme celui concernant tous les autres aspects de la revendication du statut de réfugié. Par conséquent, s'il existe dans leur propre pays un refuge sûr où ils ne seraient pas persécutés, les demandeurs de statut sont tenus de s'en prévaloir à moins qu'ils puissent démontrer qu'il est objectivement déraisonnable de leur part de le faire.

 

                                                                                                     [...]

 

Il s'agit plutôt de déterminer si, compte tenu de la persécution qui existe dans sa partie du pays, on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'il cherche refuge dans une autre partie plus sûre de son pays avant de chercher refuge au Canada ou ailleurs. Autrement dit pour plus de clarté, la question à laquelle on doit répondre est celle-ci : serait-ce trop sévère de s'attendre à ce que le demandeur de statut, qui est persécuté dans une partie de son pays, déménage dans une autre partie moins hostile de son pays avant de revendiquer le statut de réfugié à l'étranger?

 

            Bien que la Commission n'ait pas expressément mentionné dans sa décision les termes possibilité de refuge dans une autre partie du même pays, ce concept est analysé dans la décision et a été soulevé par la requérante à l'audience. À cet égard, bien qu'elle ait jugé que la requérante avait raison de craindre d'être persécutée dans les régions du nord du Sri Lanka qui sont sous le contrôle des Tigres, la Commission a déclaré que [TRADUCTION] « les risques qu'elle soit persécutée à Colombo sont presque nuls ». Ainsi, bien que la Commission n'ait pas déclaré explicitement que la requérante avait une possibilité de refuge dans une autre partie du même pays, il ressort implicitement de sa décision que cette possibilité existe.

 

            Pour en arriver à cette conclusion, la Commission a tenu compte d'éléments de preuve suivant lesquels, bien que la situation des Tamouls soit difficile à Colombo et que les femmes tamouls soient surveillées de près par les forces de sécurité, [TRADUCTION] « les personnes âgées pourraient se réinstaller à Colombo et pourraient certainement y obtenir des pensions et d'autres avantages ». Par conséquent, la Commission a conclu que la requérante ne s'était pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu'il existe un risque certain qu'elle soit persécutée à Colombo.

 

            De fait, la requérante ne conteste pas la conclusion qui a été tirée au sujet de l'existence d'une possibilité de refuge à Colombo. La requérante soutient plutôt que la Commission n'a pas déterminé s'il était raisonnable, eu égard à sa situation personnelle, de trouver refuge à Colombo, compte tenu notamment du fait qu'elle est une femme âgée.

 

            Bien que la revendicatrice puisse craindre subjectivement de retourner à Colombo, la norme est objective et on doit tenir compte de sa situation personnelle. La Commission a implicitement tenu compte de cette situation dans sa décision en examinant la situation des personnes se trouvant dans une situation semblable à celle de la requérante, à savoir la situation des femmes âgées. Voici ce que la Commission déclare dans ses motifs :

 

[TRADUCTION]

 

Suivant ce rapport, il y aurait jusqu'à 300 000 Tamouls à Colombo et, bien que [TRADUCTION] « la situation des Tamouls à Colombo puisse être difficile, il y a lieu de tenir compte de la question de se trouver un logement et un emploi » et que [TRADUCTION] « les femmes tamouls, principalement les jeunes femmes, soient surveillées de plus en plus de près par les forces de sécurité [...] les personnes âgées pourraient se réinstaller à Colombo et pourraient certainement y obtenir des pensions et d'autres avantages ». Le rapport mentionne également qu'il y a [TRADUCTION] « plusieurs organismes de défense des droits de la femme (par ex. : le Centre de recherches des femmes et le Centre d'éducation et de recherches des femmes) et que [TRADUCTION] « les services d'assistance sociale du gouvernement qui sont offerts aux nouveaux arrivants ne s'adressent pas exclusivement aux hommes ou aux femmes (les soins médicaux gratuits, par exemple) ».

 

            Cette déclaration me permet de conclure que la Commission a bien appliqué le critère de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays.

 

            En conséquence, la présente demande est rejetée.

 

 

Douglas R. Campbell                    Juge

 

 

 

VANCOUVER

Le 27 mars 1997

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                                                                                                                        

 

François Blais, LL.L.


                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                           SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :IMM-1487-96

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :Sarojinidevi Arulampalam c. M.C.I.

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

 

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :22 janvier 1997

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Campbell le 27 mars 1997

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Me Michael Battistapour la requérante

 

 

Me Godwin Fridaypour l'intimé

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Wiseman & Associatespour la requérante

Toronto (Ontario)

 

 

Me George Thomsonpour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.