Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20060622

Dossier : T-666-05

Référence : 2006 CF 794

Ottawa (Ontario), le 22 juin 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

 

ENTRE :

ADVANCED EMISSIONS TECHNOLOGIES LTD.,

CAR-BER INVESTMENTS INC.,

CAR-BER TESTING SERVICES INC. et 

CAR-BER TESTING ALBERTA INC.

demanderesses

et

 

DUFORT TESTING SERVICES LIMITED et

MARIO DUFORT

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Il s'agit de l'appel d'une décision par laquelle un protonotaire a refusé de suspendre la présente action en attendant l'issue d'une action qui est présentement en instance devant la Cour supérieure de l'Ontario. Lors de l'instruction du présent appel, il y a eu désistement de l'appel de la décision aux termes de laquelle le protonotaire avait refusé de radier la déclaration.

 

Demande de présentation de nouveaux éléments de preuve en appel

[2]               Les défendeurs (les défendeurs Dufort) demandent l'autorisation de présenter de nouveaux éléments de preuve dans le cadre du présent appel. En principe, les appels interjetés des ordonnances des protonotaires doivent être tranchés sur le fondement des éléments dont disposait le protonotaire (James River Corp. of Virginia c. Hallmark Cards, Inc. et al., [1997] A.C.F. no 152, 72 C.P.R. (3d) 157, à la page 168; voir aussi Vogo Inc. c. Acme Window Hardware Ltd. et al., [2004] A.C.F. no 1042, 2004 CF 851, à la page 863). 

 

[3]               Il est possible de présenter en appel des éléments de preuve supplémentaires si ceux-ci ne pouvaient être obtenus en première instance en faisant preuve de diligence raisonnable. Parmi les autres facteurs dont il y a lieu de tenir compte, mentionnons la question de savoir si l'admission de ces nouveaux éléments de preuve servira l'intérêt de la justice et si elle aidera la Cour (Mazhero c. Canada (Conseil des relations industrielles), [2002] A.C.F. no 1112, 2002 CAF 295, par. 5).

 

[4]               Après les avoir attentivement examinés, je ne suis pas convaincue que les nouveaux éléments de preuve que les défendeurs souhaitent présenter dans le présent appel devraient être admis. Certains de ces éléments de preuve, comme ceux se rapportant à l'identité des administrateurs et dirigeants des diverses compagnies demanderesse (les demanderesses Car-Ber) auraient pu, en faisant preuve de diligence raisonnable, être obtenus avant l'audience présidée par le protonotaire. D'autres éléments, tels que ceux concernant le financement de la Banque de développement et ceux relatifs aux confirmations de cession, semblent avoir une valeur probante limitée pour ce qui est des questions litigieuses soulevées dans le cadre du présent appel et ils seraient donc de peu d'utilité pour la Cour.

 

[5]               Enfin, dans la mesure où les éléments de preuve se rapportent à l'état d'avancement de l'action intentée en Ontario, les parties sont d'accord pour dire que l'action a progressé depuis que le protonotaire a examiné la requête en suspension et que des mesures ont été prises pour réduire les risques de double emploi et de frais inutiles en permettant la gestion conjointe, par un protonotaire de la Cour fédérale et par un protonotaire de la Cour supérieure, de l'action intentée devant ces deux juridictions, de sorte que les pièces ne seraient produites qu'une seule fois et qu'il n'y aurait qu'une seule série d'interrogatoires préalables. Les deux actions ont ainsi pu progresser et elles se trouvent à peu près au même stade d'avancement.

 

Norme de contrôle

[6]               La décision d'accorder ou de refuser la suspension d'une instance est une décision discrétionnaire qui ne soulève pas de questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal (Vogo Inc., précité, par. 58; voir également le paragraphe 50(1) des Règles de la Cour fédérale). En conséquence, une telle ordonnance ne doit pas être modifiée en appel, à moins qu'elle ne soit entachée d'une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a fondé sa décision sur un mauvais principe de droit ou sur une mauvaise appréciation des faits (Merck & Co. Inc. c. Apotex, [2003] A.C.F. no 1925, 2003 CAF 488, par. 19).

 

Analyse

[7]               Je ne suis pas persuadée que la décision que le protonotaire a rendue en l'espèce était fondée sur un mauvais principe de droit ou sur une mauvaise appréciation des faits et, par conséquent, je ne vois aucune raison de modifier cette décision.

 

[8]               Le pouvoir d'accorder une suspension doit être exercé avec parcimonie et uniquement dans les cas les plus évidents (Varnam c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1987] A.C.F. no 511, 12 F.T.R. 34, par. 7).

 

[9]               Pour justifier le prononcé d'une ordonnance de suspension de l'instance, il faut remplir deux conditions. Les défendeurs Dufort doivent convaincre le tribunal que la poursuite de l'action introduite devant la Cour fédérale entraînerait une injustice parce qu'elle serait oppressive ou vexatoire pour eux ou qu'elle constituerait par ailleurs un abus de procédure. De plus, la suspension d'instance ne doit causer aucune injustice aux demanderesses Car-Ber. Les dépenses et les inconvénients causés à une partie ne constituent pas des faits particuliers suffisants pour accorder une suspension (Varnam, précité).

 

[10]           Il est par ailleurs de jurisprudence constante que lorsque des actions connexes sont instruites devant deux juridictions distinctes, la suspension d'instance ne sera pas accordée lorsque les parties aux deux actions ne sont pas identiques, que la compétence des deux juridictions en question est différente et que les droits d'action exercés devant les deux juridictions sont, eux aussi, différents (voir, par exemple, 94272 Canada Ltd. c. Moffatt, [1990] A.C.F. no 1013, par. 4). 

 

[11]           Suivant l'interprétation que j'en fais, l'arrêt Apotex Inc. c. AstraZeneca Canada Inc., [2003] A.C.F. no 838, 2003 CAF 235 de la Cour d'appel fédérale que les défendeurs Dufort invoquent n'a pas modifié le droit à cet égard.

 

[12]           En l'espèce, c'est à bon droit que le protonotaire a estimé que les parties à une instance introduite devant la Cour fédérale et les parties à une action intentée devant la Cour supérieure ne sont pas identiques. Ainsi, Philip Mitches est une des parties à l'action intentée devant la Cour supérieure, mais il n'est pas une des parties à l'action dont notre Cour est saisie. Dans le même ordre d'idées, Car‑Ber Testing Alberta Inc. est une demanderesse dans l'action intentée devant la Cour fédérale mais elle n'est pas désignée dans l'action intentée devant la Cour supérieure. Bien que Car‑Ber Testing Alberta Inc. puisse avoir certains dirigeants et administrateurs en commun avec les autres défenderesses Car-Ber, elle constitue quand même une entité juridique distincte.

 

[13]           En outre, les droits d'action exercés dans les deux instances sont différents. La demande introduite devant la Cour fédérale vise une contrefaçon de brevet. Bien que les défenderesses Car‑Ber aient d'abord présenté une demande reconventionnelle en contrefaçon de brevet dans l'action ontarienne, elles se sont depuis désistées de cette demande reconventionnelle, sous réserve uniquement de l'adjudication des dépens. En revanche, la demande dont la Cour supérieure de l'Ontario est saisie ne concerne que des allégations d'appropriation illicite de renseignements exclusifs, d'abus de confiance et d'enrichissement sans cause. Bien qu'il existe incontestablement des questions de fait communes à trancher dans chaque cas, on ne saurait dire que les demandes sont identiques.

 

[14]           Pour ce qui est de la volonté des défendeurs Dufort de faire juger leurs prétentions par un jury, il leur est toujours loisible de s'adresser pour ce faire à la Cour supérieure, dans la mesure où la Loi sur les tribunaux judiciaires et les Règles de procédure civile de l'Ontario leur accordent cette faculté.

 

[15]           Enfin, les demanderesses Car-Ber ont le droit de choisir la juridiction devant laquelle elles souhaitent poursuivre leur action en contrefaçon de brevet. Il y a des raisons légitimes pour lesquelles les demanderesses Car-Ber souhaitent faire instruire leurs prétentions par notre Cour : signalons notamment les connaissances reconnues que possède notre Cour en matière de propriété intellectuelle et le fait que les ordonnances de notre Cour ont force exécutoire partout au Canada (voir Biologische Heilmittel Heel GmbH c. Acti-Form Ltd., [1995] A.C.F. no 1503, 64 C.P.R. (3d) 198, à la page 203).

 

[16]           À cet égard, il vaut la peine de signaler que les demanderesses Car-Ber accusent les défendeurs Dufort d'avoir contrefait leur brevet à divers endroits du Canada.

           

Dispositif

[17]           Comme la décision du protonotaire ne reposait pas sur un mauvais principe de droit ou sur une mauvaise appréciation des faits, il n'y a aucune raison de la modifier. L'appel est par conséquent rejeté avec dépens.


 

 

 

ORDONNANCE

 

 

LA COUR ORDONNE que l'appel soit rejeté avec dépens.

                       

                « Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                   T-666-05

 

 

INTITULÉ :                                 ADVANCED EMISSIONS TECHNOLOGIES LTD. ET AL.

         c.

         DUFORT TESTING SERVICES LIMITED ET AL.

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :           OTTAWA (ONTARIO)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :         LE 20 JUIN 2006 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                 LA JUGE MACTAVISH

 

 

DATE DES MOTIFS :                LE 22 JUIN 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Anthony M. Prenol                                                       POUR LES DEMANDERESSES

 

Gordon S. Clarke                                                         POUR LES DÉFENDEURS

                                                                                                                                                           

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blake, Cassels & Graydon LLP

Avocats

Toronto (Ontario)                                                         POUR LES DEMANDERESSES

                                                                

Gordon S. Clarke

Avocat

Collingwood (Ontario)                                                  POUR LES DÉFENDEURS

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.