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Date : 19990316


T-2431-98

Ottawa (Ontario), le l6 mars 1999

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE SHARLOW

E n t r e :

     HOFFMANN-LA ROCHE LIMITED et

     SYNTEX (U.S.A.) INC.,

     demanderesses

     (intimées),

     - et -

     MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

     ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     défendeur

     (intimé),

     - et -

     PHARMASCIENCE INC.,

     défenderesse

     (requérante).

     ORDONNANCE

     La requête visant à faire rejeter la demande est accueillie et la demande d'interdiction est rejetée. Pharmascience a droit aux dépens extrajudiciaires.

                                 Karen R. Sharlow

                            

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 19990316


T-2431-98

E n t r e :

     HOFFMANN-LA ROCHE LIMITED et

     SYNTEX (U.S.A.) INC.,

     demanderesses

     (intimées),

     - et -

     MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

     ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     défendeur

     (intimé),

     - et -

     PHARMASCIENCE INC.,

     défenderesse

     (requérante).

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SHARLOW

[1]      La Cour est saisie d'une requête présentée par Pharmascience Inc. en vertu du paragraphe 6(5) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement) en vue de faire rejeter une demande d'interdiction déposée le 24 décembre 1998 par Hoffmann-La Roche Limited et par Syntex (U.S.A.) Inc. (ci-après appelées collectivement Hoffmann). Pharmascience réclame également les dépens extrajudiciaires.

[2]      Pharmascience ne peut obtenir gain de cause que s'il est évident et manifeste que la demande d'interdiction de Hoffmann est frivole1.

[3]      Dans sa demande d'interdiction, Hoffmann sollicite le prononcé d'une ordonnance interdisant, en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement, la délivrance à Pharmascience d'un avis de conformité concernant un médicament, le chlrodhydrate de ticlopidine, et notamment des comprimés de 250 mg de chlrodhydrate de ticlopidine, tant que le brevet canadien no 1 176 170 (le brevet 170) ne sera pas expiré.

[4]      Hoffmann a présenté sa demande d'interdiction en réponse à un avis d'allégation que Pharmascience lui a signifié le 20 novembre 1998 au sujet du brevet 170. L'avis d'allégation se trouvait dans une lettre qui était ainsi conçue :

     [TRADUCTION]         
     Objet :      Avis d'allégation         
         pms - Ticlopidine, comprimés de 250 mg
     Conformément à l'article 5(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), nous déposons par la présente un avis d'allégation concernant le produit mentionné ci-dessus. Pharmascience allègue qu'" aucune revendication concernant le médicament même ni aucune revendication concernant l'usage du médicament ne subira de contrefaçon par suite de la fabrication, de l'élaboration, de l'usage ou de la vente par la personne du médicament faisant l'objet de la demande d'avis de conformité ".         
     La déclaration ci-jointe présente les fondements juridiques et factuels de cette allégation.         

Cette déclaration est ainsi libellée :

     [TRADUCTION]         
     Objet :      pms - Ticlopidine, comprimés de 250 mg         
     La présente est un avis d'allégation présentée conformément à l'article 5(3) (b) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).         
     Concernant le brevet canadien 1 176 170 apparaissant sur votre liste de brevet (formulaire IV) correspondant aux comprimés contenant 250 mg de chlorhydrate de ticlopidine, nous avançons qu'aucune revendication concernant le médicament même et aucune revendication concernant l'usage du médicament ne subira de contrefaçon par suite de la fabrication, de l'élaboration, de l'usage ou de la vente par nous du produit pms - Ticlopidine en comprimés contenant 250 mg de chlorhydrate de ticlopidine.         
     La déclaration ci-jointe expose les moyens de droit et de fait invoqués au soutien de l'allégation :         
     Le brevet canadien 1 176 170 concerne la stabilisation de préparations pharmaceutiques [sic] contenant des sels acides de dérivés de thiénopyridine. On réalise cette stabilisation à l'aide d'un acide organique non volatile et toléré en pharmacie à savoir, l'acide citrique. De façon plus précise, toutes les revendications concernent des préparations pharmaceutiques contenant au moins un acide organique non volatile et toléré en pharmacie soit les acides ascorbique, benzoïque, cinnamique, citrique, fumarique, glycolique, mandélique, malique, malonique ou tartrique.         
     La description qualitative de la préparation pharmaceutique de comprimés de 250 mg de pms - Ticlopidine apparaît à l'annexe 1. Comme la préparation pharmaceutique de comprimés de 250 mg de pms - Ticlopidine ne contient aucun acide organique non volatile, soit aucun acide ascorbique, benzoïque, cinnamique, citrique, fumarique, glycolique, mandélique, malique, malonique ou tartrique, il n'y aura contrefaçon d'aucune revendication du brevet canadien 1 176 170.

L'annexe 1 est ainsi conçue :

     [TRADUCTION]         

     ANNEXE 1

     pms - Ticlopidine, comprimés de 250 mg         
     Composition quantitative         

    

                     INGRÉDIENTS     
                     Chlorhydrate de ticlopidine
                     Butylhydroxyanisole
                     Cellulose microcristalline
                     Amidon
                     Povidone
                     Acide stéarique
                     Stéarate de magnésium
                     Opadry
     Par la présente, je déclare que la composition qualitative des comprimés de 250 mg de pms - Ticlopidine donnée ci-dessus est vraie et exacte         
     Fait à Saint-Laurent (Québec) ce 20 e jour de novembre 1998         
         [Signature]         
             
     Dr L.G. Neirinok, Ph.D.         
     Vice-président, Affaires scientifiques              

[5]      Hoffmann invoque plusieurs moyens au soutien de sa demande d'interdiction. Les principaux moyens qu'elle invoque sont le fait que Pharmascience n'a pas, contrairement à ce qu'exige le Règlement, fourni un énoncé détaillé des moyens de droit et de fait sur lesquels son allégation était fondée, et le fait que, de toute façon, l'allégation de non-contrefaçon n'est pas justifiée2.

[6]      Pharmascience affirme que la demande d'interdiction d'Hoffmann est frivole, parce qu'à quatre autres reprises, sur le fondement de faits identiques à ceux de la présente espèce, Hoffmann a essayé d'empêcher la délivrance d'un avis de conformité à un fabricant de médicaments génériques relativement à un médicament qui, selon ce qui était allégué, ne contrefaisait par le brevet 170 et qu'elle a échoué dans les quatre cas. Dans trois de ces affaires, la demande d'interdiction a fait l'objet d'une audience, et la demande a échoué parce que l'avis d'allégation visait un produit qui ne pouvait contrefaire le brevet 170, compte tenu de son libellé et de l'interprétation littérale. Dans la quatrième affaire, la demande d'interdiction d'Hoffmann a été rejetée en vertu de l'alinéa 6(5)b) du Règlement au motif qu'elle constituait un abus de procédure. Voici un résumé de ces affaires.

a)      L'affaire Nu-Pharm3 : Cette affaire portait sur une demande présentée par Hoffmann en vue de faire interdire au ministre de délivrer un avis de conformité à Nu-Pharm relativement à " des comprimés de 50 mg de chlorydrate de ticlopidine ". Voici un extrait de l'énoncé détaillé annexé à l'avis d'allégation :
         [TRADUCTION]         
         [...] les revendications du [brevet 170] se limitent aux préparations (formes pharmaceutiques) contenant un acide choisi parmi les acides ascorbique, benzoïque, cinnamique, citrique, fumarique, glycolique, mandélique, malique, malonique ou tartrique. Les comprimés de chlorhydrate de ticlopidine de Nu-Pharm ne contiendront aucun desdits acides [...].         
     Le juge Reed a statué que, comme le produit de Nu-Pharm ne contenait aucun des acides énumérés dans le brevet 170, il ne pouvait y avoir contrefaçon et que rien ne justifiait le prononcé d'une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à Nu-Pharm. Elle a fait remarquer qu'il était de jurisprudence constante que les faits allégués dans un avis d'allégation doivent être tenus pour avérés tant qu'ils n'ont pas été réfutés4 et que l'allégation n'avait pas été réfutée. La Cour d'appel fédérale a abondé dans son sens.
b)      L'affaire Apotex5. Cette affaire concernant une demande d'Hoffmann qui était pour l'essentiel identique à la première, à cette exception près que c'était Apotex qui était le fabricant de médicaments génériques et qui sollicitait un avis de conformité pour " des comprimés de 250 mg de chlorhydrate de ticlopidine ". À l'appui de sa demande d'interdiction dans l'affaire Apotex, Hoffmann a déposé ce qu'elle affirmait être une preuve de contrefaçon. Comme aucune preuve de ce genre n'avait été soumise au juge Reed, Hoffmann soutenait qu'il y avait lieu d'établir une distinction entre les deux affaires. Le juge en chef adjoint Jerome n'était pas de cet avis. Voici ce qu'il a dit (à la page 467) :
         [...] une instance engagée aux termes du Règlement ne devrait pas être un examen complet de la contrefaçon de brevet mais vise à permettre au ministre de délivrer un avis de conformité une fois qu'il est établi que, selon une interprétation littérale du brevet, aucune contrefaçon ne risque de se produire. Comme l'avis d'allégation en cause en l'espèce est identique à celui qui était examiné dans les deux affaires qui précèdent, la présente requête doit elle aussi être rejetée.         
c)      L'affaire Genpharm6. Cette affaire mettait en cause le même brevet et un avis d'allégation semblable, présenté cette fois par Genpharm relativement à des " comprimés de ticlopidine " de concentrations déterminées. Hoffmann invoquait les mêmes arguments qu'auparavant et faisait également valoir que le ministre n'était pas compétent pour délivrer un avis de conformité parce que Genpharm n'avait déposé sa présentation de drogue nouvelle qu'après que l'avis d'allégation eut été signifié. Les deux arguments ont été rejetés.
     Sur la première question, le juge Muldoon a affirmé qu'il avait été établi, dans les décisions antérieures, que les renseignements en question étaient suffisants pour justifier une conclusion de non-contrefaçon. Sur la seconde question, le juge Muldoon a fait remarquer que la présentation de drogue nouvelle avait effectivement été déposée avant l'audition et qu'il est de jurisprudence constante qu'il importe peu que la présentation soit déposée avant ou après la signification de l'avis d'allégation7.
     Hoffmann a également déposé des éléments de preuve visant à démontrer que le produit de Genpharm contreferait le sien parce qu'il contenait un acide stéarique, qui est un acide organique. Le juge Muldoon a rejeté cet argument. En premier lieu, il a déclaré que l'acide stéarique ne faisait pas partie des acides organiques énumérés au brevet 170 et que, suivant l'interprétation du brevet 170 que la Cour d'appel fédérale avait retenue dans l'affaire Nu-Pharm, l'utilisation de l'acide stéarique ne pouvait équivaloir à une contrefaçon. En tout état de cause, il ressortait de la preuve que l'acide stéarique employé dans le produit de Genpharm était utilisé comme lubrifiant, une utilisation qui n'était pas visée par la revendication pertinente du brevet 170. Le juge Muldoon a rejeté la demande d'interdiction et a condamné Hoffmann à la somme de 10 000 $ à titre de dépens, laquelle somme comprenait les débours.
d)      L'affaire Pro Doc8. Cette affaire concernait une demande présentée par Hoffmann qui, une fois de plus, était presque identique à la première, à cette exception près que le fabricant de médicaments génériques était Pro Doc, qui réclamait un avis de conformité pour du " chlorhydrate de ticlopidine en comprimés de 250 mg à administrer par voie orale ". ProDoc a présenté une demande en vertu de l'alinéa 6(5)b) du Règlement en vue de faire rejeter la demande d'Hoffmann. Hoffmann tentait d'établir une distinction entre sa demande et celles qui avaient été présentées dans d'autres affaires en présentant l'affidavit d'un avocat spécialisé en brevets et un chimiste bien au courant des aspects techniques du brevet 170, qui se disait d'avis que l'inventeur du brevet 170 n'avait pas eu l'intention de restreindre la portée de l'invention aux acides énumérés. Le juge Rothstein a déclaré que les arguments présentés dans l'affidavit avaient été examinés et rejetés par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Nu-Pharm. Il a fait droit à la demande de Pro Doc, en déclarant (au paragraphe 14) :
         Compte tenu des décisions déjà rendues au sujet de Nu-Pharm et d'Apotex et du fait que la preuve soumise par les demanderesses dans la présente demande n'ajoute aucun élément nouveau qui pourrait nous aider à interpréter les mots pertinents du brevet, la question en litige dans le présent procès est exactement la même que celle qui était en cause dans les affaires Nu-Pharm et Apotex. Les personnes qui demandent une ordonnance d'interdiction sont les mêmes, le brevet en litige est le même et l'avis d'allégation est pratiquement identique. Le présent procès constitue un abus de procédure, étant donné qu'on tente de faire instruire de nouveau une question qui a déjà été tranchée dans trois instances distinctes et au sujet de laquelle les demanderesses n'ont pas obtenu gain de cause.         

     Le juge Rothstein a adjugé la somme de 7 000 $ à titre de dépens, laquelle somme comprenait les débours.

[7]      On m'informe que les décisions rendues dans les affaires Apotex, Genpharm et Pro Doc ont été portées en appel.

[8]      Toutes ces affaires tournent autour de l'interprétation littérale du brevet 170 qui a d'abord été retenue par le juge Reed et à laquelle la Cour d'appel fédérale a souscrit dans l'affaire Nu-Pharm. Je suis obligée de suivre la même interprétation. Le résultat inévitable de cette interprétation est que le brevet 170 ne saurait être contrefait par un médicament qui n'utilise pas d'acide ascorbique, benzoïque, cinnamique, citrique, fumarique, glycolique, mandélique, malique, malonique ou tartrique.

[9]      Il s'ensuit que lorsqu'une partie se propose de fabriquer un médicament qui ne contient aucun de ces acides et qu'elle dépose un avis d'allégation dans lequel elle l'affirme, le breveté ne saurait obtenir gain de cause dans une demande visant à faire interdire la délivrance d'un avis de conformité au motif que l'avis d'allégation n'est pas suffisamment détaillé ou que l'allégation de non-contrefaçon n'est pas justifiée.

En l'espèce, Hoffmann fait valoir trois autres moyens, que je vais maintenant examiner.

Mode d'administration

[10]      Hoffmann soutient que l'avis d'allégation est insuffisant, étant donné qu'il ne précise pas la forme posologique, notamment le mode d'administration, contrairement à ce qu'exige le Règlement9. Hoffmann ajoute qu'on devrait lui permettre de présenter sa demande d'interdiction sur ce fondement. Cet argument est mal fondé. Si l'interprétation du brevet 170 que la Cour a déjà retenue est bien fondée, un médicament qui ne contient aucun des acides énumérés ne saurait contrefaire le brevet et ce, indépendamment de la posologie ou du mode d'administration.

Moment du dépôt de la présentation de drogue nouvelle

[11]      L'allégation de Pharmascience tombe sous le coup du sous-alinéa 5(1)b)(iv) du Règlement et, par conséquent, l'alinéa 5(3)c) du Règlement s'applique, ce qui signifie que Pharmascience aurait dû déposer sa présentation de drogue nouvelle avant de formuler son allégation de non-contrefaçon ou au même moment que celle-ci. Hoffmann affirme qu'elle devrait être autorisée à poursuivre la présentation de sa demande d'interdiction en raison du défaut de Pharmascience de déposer sa présentation dans les délais prescrits.

[12]      La prémisse à la base de cet argument est que la modification qui a été apportée en 1998 au Règlement par l'insertion de l'alinéa 5(3)c) a effectivement eu pour effet d'infirmer la jurisprudence suivant laquelle le moment du dépôt de la présentation était sans importance, pourvu qu'elle soit déposé avant l'audition10. Pour les motifs qui suivent, j'en suis arrivée à la conclusion que cette prémisse est fausse.

[13]      Les dispositions pertinentes de l'article 5 du Règlement, dans sa version modifiée en 1998, sont ainsi libellées :

     (3)      Lorsqu'une personne fait une allégation visée à l'alinéa 1b) [...], elle doit :         
         [...]
         c)      si l'allégation est faite aux termes du sous-alinéa (1)b)(iv) :         
             (i)      signifier à la première personne un avis de l'allégation relative à la demande déposée selon le paragraphe (1), au moment où elle dépose la demande ou par la suite [...]         

[14]      Avant d'entreprendre l'analyse de l'alinéa 5(3)c), il est nécessaire d'examiner les faits invoqués au soutien de cet argument. L'avis d'allégation en date du 20 novembre 1998 parle du [TRADUCTION] " médicament pour lequel la demande d'avis de conformité est déposée ". Pharmascience affirme que cette affirmation devrait être considérée comme une assertion que Pharmascience a déposé une présentation au plus tard le 20 novembre 1998 et que cette assertion devrait être tenue pour avérée parce qu'il n'y a pas de preuve contraire11.

[15]      Si je ne tiens compte que de l'avis d'allégation de Pharmascience et des autres documents en date du 20 novembre 1998 qu'Hoffmann a reçus (et dont il a déjà été question), je doute que Pharmascience ait déposé une présentation de drogue nouvelle au plus tard à la date à laquelle Hoffmann a reçu l'avis d'allégation. Il s'agit donc de savoir dans quelle mesure cette lacune a une incidence sur la présente demande.

[16]      Hoffmann soutient essentiellement que, même si le médicament que Pharmascience a l'intention de fabriquer ne saurait contrefaire le brevet 170, la demande d'interdiction d'Hoffmann devrait être entendue parce qu'il est possible que Pharmascience ait fait défaut de déposer sa présentation de drogue nouvelle au plus tard à la date à laquelle Hoffmann a reçu l'avis d'allégation et que, si c'est effectivement le cas, Hoffmann sera peut-être en mesure de persuader la Cour d'interdire la délivrance d'un avis de conformité à Pharmascience en raison de ce vice de procédure, indépendamment de la non-contrefaçon.

[17]      Bien qu'il prévoie que la présentation de drogue nouvelle doit être soumise en même temps que l'avis d'allégation ou avant celui-ci, le Règlement n'exige pas que cet ordre chronologique soit respecté pour qu'un avis de conformité soit délivré. Le titulaire du brevet ne subit pas non plus nécessairement un préjudice du fait que le fabricant de médicaments génériques n'a pas suivi les formalités dans l'ordre prévu. Aux termes d'autres modifications qui ont été apportées au Règlement en même temps que l'édiction de l'alinéa 5(3)c), le breveté peut réclamer la communication d'une présentation de drogue, ainsi que la prorogation du délai prévu par la loi, si le fabricant de médicaments génériques n'a pas suffisamment collaboré pour faciliter l'examen expéditif de la demande d'interdiction.

[18]      On m'a cité le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation relatif aux modifications de 199812 et en particulier le passage suivant13 :

     Les améliorations suivantes sont apportées au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) :         
     [...]         
     Pas d'avis d'allégation prématuré : Le fabricant de médicaments génériques ne peut pas signifier au titulaire de brevet un avis d'allégation relatif à une absence de contrefaçon s'il n'a pas d'abord déposé une demande d'approbation d'avis de conformité auprès du ministre de la Santé.         

[19]      Ce n'était qu'un des quelques objectifs mentionnés dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation. On précisait également que les modifications apportées au Règlement visaient à " renforcer l'équilibre entre l'assurance d'un mécanisme qui permet de faire véritablement respecter les droits conférés par les brevets et la garantie que les médicaments génériques soient commercialisés aussitôt que possible14 ". Un autre objectif des modifications était de " réduire le nombre des litiges inutiles et à rationaliser le processus judiciaire15 ".

[20]      Interpréter l'alinéa 5(3)c) du Règlement comme le suggère Hoffmann serait compatible avec l'objectif visant à empêcher les avis d'allégation prématurés, mais aurait pour effet de mettre en échec les autres objectifs susmentionnés, du moins dans les circonstances de la présente affaire.

[21]      J'en suis venue à la conclusion, compte tenu de l'historique du Règlement et de la façon dont notre Cour l'a appliqué16 et de l'interprétation constante du brevet 170 que notre Cour interdirait la délivrance d'un avis de conformité à Pharmascience dans le cas qui nous occupe, même s'il était démontré que Pharmascience n'a pas pris les mesures procédurales dans l'ordre voulu.

Droit à la divulgation

[22]      Hoffmann soutient qu'il serait injuste de la débouter de sa demande d'interdiction à cette étape-ci étant donné qu'elle serait alors privée de son droit de réclamer la divulgation de la présentation de drogue nouvelle, comme le paragraphe 6(7) du Règlement le lui permet et qu'elle serait ainsi privée de son droit de vérifier la véracité des faits énoncés dans l'avis d'allégation. Hoffmann n'a pas présenté de demande en vertu de cette disposition depuis qu'elle a reçu l'avis d'allégation en novembre 1998, plus de trois mois avant l'audition de la présente demande.

[23]      Il semble qu'un argument semblable ait été avancé dans l'affaire Pro Doc, l'une des quatre affaires précitées portant sur le brevet 170, ce qui n'a pas empêché le juge Rothstein de rejeter la demande d'interdiction dans cette affaire au motif qu'elle constituait un abus de procédure. Citant l'arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Nu-Pharm (la première des quatre affaires portant sur le brevet 170), le juge Rothstein a fait remarquer que les déclarations contenues dans un avis d'allégation sont censées être exactes et qu'une instance en interdiction ne remplace pas une instance en contrefaçon. Il a déclaré (au paragraphe 10) :

     Certes, si le chlorhydrate de ticlopidine de Pro Doc atteint le marché, il sera alors possible pour les demanderesses de l'analyser. Si l'on démontrait que ce produit renferme un des acides énumérés dans la revendication no 1, contrairement à ce qu'affirme Pro Doc dans son avis d'allégation, les conséquences pourraient effectivement être très graves pour Pro Doc.         

[24]      Je conclus qu'on peut en dire autant dans le cas qui nous occupe. Le fait que les modifications qui ont été apportées au Règlement en 1998 prévoient expressément certains cas de divulgation qui n'étaient auparavant autorisées qu'au cas par cas ne place pas Hoffmann dans une position différente en ce qui concerne l'avis d'allégation de Pharmascience qu'elle ne l'était en ce qui concerne les avis d'allégation de Nu-Pharm, Apotex, de Genpharm ou de Pro Doc.

Dispositif

[25]      La requête visant à faire rejeter la demande est accueilli et la demande d'interdiction est rejetée. Pharmascience a droit aux dépens extrajudiciaires.

                                 Karen R. Sharlow

                            

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-2431-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Hoffmann-La Roche Limited et Syntex (U.S.A.) Inc.
                     c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et Pharmascience Inc.
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      1er mars 1999

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE

     Mme LE JUGE SHARLOW

     EN DATE DU 16 MARS 1999

ONT COMPARU :

Me Sheldon Hamilton                  pour les demanderesses
Personne n'a comparu                  pour le défendeur (le ministre)
Me Warren N. Sprigings                  pour la défenderesse (Pharmascience)

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar                      pour les demanderesses

Toronto (Ontario)

Me Morris Rosenberg                  pour le défendeur (le ministre)

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Hitchman & Sprigings                  pour la défenderesse (Pharmascience)

Toronto (Ontario)

__________________

11Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, à la page 980, David Creaghan v. Canada, [1972] C.F. 732 (C.F. 1re inst.) et Bayer Inc. c. Apotex Inc. (16 décembre 1998),T-420-98 (C.F. 1re inst.).

2 2Hoffman a également invoqué un moyen au sujet de la signification de l'avis d'allégation. Ce moyen a toutefois été abandonné à l'audience qui s'est déroulée devant moi et il n'en sera donc plus question dans les présents motifs.

3 3Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1996), 67 C.P.R. (3d) 484 (C.F. 1re inst.), conf. à (1996), 70 C.P.R. (3d) 206 (C.A.F.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée à [1996] S.C.C.A. No. 626 (QL).

4 4Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.), autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée à [1994] S.C.C.A. no. 330 (QL).

5 5Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social),(1997), 79 C.P.R. (3d) 464 (C.F. 1re inst.).

6 6Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (22 décembre 1998), T-2730-97 (C.F. 1re inst.).

7 7Eli Lilly & Co. c. Apotex Inc. (29 septembre 1997), A-339-97 (C.A.F.), autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée à [1997] S.C.C.A. no. 528 (QL).

8 8Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), (19 novembre 1998), T-1363-98 (C.F. 1re inst.).

9 9Cette question n'était abordée ni dans la demande d'interdiction ni dans les pièces versées au dossier et elle n'a été soulevée que la veille de l'audition.

1010Eli Lilly & Co. c. Apotex (supra, note 7). L'alinéa 5(3)c) n'était pas en vigueur lorsque les avis d'allégation en cause dans les quatre autres affaires portant sur le brevet 170 ont été déposés.

1111Pharmascience a également déposé au soutien de la présente requête des affidavits qui attesteraient la véracité de cette assertion. J'estime que ces affidavits ne peuvent légitimement être considérés comme une preuve de la date du dépôt de la présentation.

1212DORS/98-166, publié dans la Gazette du Canada, partie II, vol. 132, no 7, aux pages 1055 à 1059.

1313À la page 1057.

1414À la page 1058.

15 15À la page 1058.

1616Je songe en particulier aux décisions dans lesquelles notre Cour a refusé de laisser les vices de procédure l'emporter sur le fond des questions à trancher : Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) 26 janvier 1999), T-970-98 (C.F. 1re inst.), Pfizer Canada Inc. c. Nu-Pharm Inc. (16 octobre 1998), T-1713-95 (C.F. 1re inst.), Eli Lilly & Co. c. Apotex Inc., supra, note 7.

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