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     Date : 19980611

     Dossier : T-2031-97

     AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

     L.R.C. (1985), ch. C-29,

     ET un appel interjeté de la décision

     d'un juge de la citoyenneté,

     ET

                     CINDY SYNN CHEE TAM,

     appelante.

     MOTIFS DU JUGEMENT

         (Prononcés à l'audience, le 1er mai 1998, tels que révisés)

LE JUGE MCKEOWN

[1]          L'appelante interjette appel de la décision en date du 11 août 1997 par laquelle le juge de la citoyenneté a rejeté sa demande de citoyenneté en application de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté (la Loi). Le juge de la citoyenneté a dit que l'appelante n'avait pas maintenu suffisamment d'attaches avec le Canada au cours de ses absences pour faire compter celles-ci comme périodes de résidence sous le régime de la Loi.

[2]          L'appelante est citoyenne de Hong Kong. Elle a quitté Hong Kong en 1979, lorsqu'elle avait quatorze ans. Elle a fait ses études au Royaume-Uni de 1979 à 1988, année où elle a obtenu de Cambridge son diplôme de droit. Elle a vécu et étudié à Vancouver de 1988 à 1990, et elle a obtenu son MBA de l'University of British Columbia.

[3]          Alors qu'elle y était, elle a persuadé ses parents de venir au Canada. Elle est retournée en Angleterre pour commencer son stage dans un cabinet d'avocat. Elle a obtenu son droit d'établissement au Canada le 14 juin 1992 et, après quelques jours, elle est retournée au Royaume-Uni pour terminer son programme d'avocat stagiaire.

[4]          Elle est retournée au Canada en décembre 1992, et elle s'est mariée avec un citoyen canadien. Vers la fin de 1992, son mari a accepté un poste de comptable fiscal chez Coopers and LyBrand à Hong Kong. Après la lune de miel aux États-Unis et un court voyage en Angleterre pour mettre la dernière main à certaines affaires, elle est allée à Hong Kong en mars 1993 pour vivre avec son mari. Elle fait partie de la Law Society of England and Wales. Elle travaille maintenant comme avocate spécialisée en droit des entreprises et en droit commercial pour Baker MacKenzie, un cabinet d'avocats international. Son mari avait voulu retourner au Canada après deux ou trois ans, mais il y est toujours, tout comme l'appelante.

[5]          À la date de sa demande de citoyenneté, le 19 mars 1996, elle s'est absentée du Canada pendant environ 1322 jours; il lui manquait 1043 jours pour avoir les 1095 jours requis. Au cours de ses absences, elle est allée au Royaume-Uni et aux États-Unis mais, la plupart du temps, elle était à Hong Kong.

[6]          Elle a un compte bancaire au Canada, un permis de conduire de la Colombie-Britannique et elle est membre d'un club de loisirs exclusif de Vancouver. Son mari et elle possèdent une maison à Vancouver, qui est continuellement louée depuis qu'ils l'ont achetée en 1989. L'appelante a quelques effets personnels chez ses parents et chez les parents de son mari à Vancouver.

[7]          Ses parents sont devenus citoyens canadiens parce qu'elle les a encouragés à le devenir. Les membres les plus proches de sa famille et de celle de son mari sont maintenant des citoyens canadiens à l'exception d'un frère qui est un citoyen du Royaume-Uni vivant en Malaisie.

[8]          L'appelante et son mari vivent dans un appartement à Hong Kong et, avant de s'installer dans l'appartement en 1996, ils ont vécu chez la soeur de son mari à Hong Kong.

[9]          Malheureusement, le lien de l'appelante avec le Canada est au mieux ténu. Elle n'a pas centralisé son mode d'existence au Canada. Le juge Joyal s'est exprimé en ces termes dans l'affaire Secrétaire d'État c. Nakhjavani (1987), 13 F.T.R. 107, aux pages 111 et 112 :

         Je ne suis pas d'accord pour dire que le simple fait pour les requérants de posséder une résidence au Canada et d'avoir l'intention d'y retourner permet de conclure que leur cas est visé par l'alinéa 5(1)b) de la Loi, même si on devait interpréter cette disposition avec la plus grande flexibilité. Je ne peux pas voir à quel moment pendant les années 1982 à 1986, les intimés se sont mêlés de quelque manière que ce soit à la société canadienne ou ont établi avec les Canadiens ou leurs institutions le genre de liens envisagés par le législateur dans sa Loi. [...] La jurisprudence est claire : avant que l'on puisse appliquer à la durée de la résidence le critère applicable à la résidence en vertu de la Loi, le requérant doit tout d'abord prouver qu'il a établi sa résidence au Canada. On pourrait considérer qu'un séjour de deux semaines en septembre 1982 et un autre d'une semaine en août 1983, comme l'indique le dossier, satisfont théoriquement à cette règle particulière, mais j'estime que cela ne répond pas aux principales exigences de la Loi.

[10]          À mon avis, la situation est très semblable. Bien que l'appelante et son mari aient voulu retourner au Canada dans deux ou trois ans après leur départ en 1993, le mari a depuis accepté de continuer de travailler pour Coopers & Lybrand au moins jusqu'à l'année prochaine, année où ils se proposent de retourner au Canada. Toutefois, en l'absence d'un mode d'existence centralisé au Canada, maintenant ou dans le passé, je ne saurais dire que l'appelante satisfait aux exigences de l'alinéa 5(1)c).

[11]          Toutefois, en l'espèce,le juge de la citoyenneté a, après avoir rejeté la demande de l'appelante, omis de tenir compte du paragraphe 5(4) comme l'exige l'article 15 de la Loi. Bien que je ne voie aucune situation particulière et inhabituelle de détresse mentionnée au paragraphe 5(4), j'estime que l'appelante a droit à ce que le juge de la citoyenneté Glass, ou un autre juge de la citoyenneté si le juge Glass n'est pas disponible, examine les circonstances prévues au paragraphe 5(4) et détermine s'il y a lieu de recommander l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 5(4).

[12]          L'appel est donc accueilli seulement dans la mesure où l'affaire est renvoyée au juge de la citoyenneté Pam F. Glass pour qu'elle examine les circonstances visées au paragraphe 5(4) de la Loi, et décide s'il y a lieu de recommander l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Si le juge Glass n'est pas disponible, les circonstances visées au paragraphe 5(4) peuvent alors être examinées par un autre juge de la citoyenneté.

                                 William P. McKeown

                                         JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 11 juin 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      T-2031-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              AFFAIRE intéressant la Loi sur la citoyenneté

                             et

                             Cindy Synn Chee Tam

LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 1er mai 1998

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE McKEOWN :          le juge

EN DATE DU                      11 juin 1998

ONT COMPARU :

    Julie Fisher                      amicus curiae
    Aleksander Stojicevic              pour l'appelante
                        

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Watson, Goepel, Maledy              amicus curiae
    Vancouver (C.-B.)
    McCREA & Associates                  pour l'appelante
    Vancouver (C.-B.)
   
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