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Date : 20050808

Dossier : IMM-5618-04

Référence : 2005 CF 1075

Ottawa (Ontario), le 8 août 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE :

LUKASZ MUSZYNSKI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE DAWSON

[1]         Lukasz Muszynski est citoyen de la Pologne et il est âgé de 25 ans; il demande le statut de réfugié au sens de la Convention et de personne à protéger.

[2]         M. Muszynski dit que son père exploitait une entreprise de fourrure en Pologne et qu'il travaillait pour cette entreprise familiale à temps partiel pendant les week-ends. M. Muszynski dit que, comme sa famille refusait de payer une protection à la « bande mafieuse locale » , lui et son père se sont fait agresser. Il dit que sa vie serait en danger s'il devait rentrer en Pologne.

[3]         La demande d'asile de M. Muszynski a été entendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), qui a conclu qu'il avait en bonne partie inventé son récit et enjolivé des faits et des situations afin de créer un fondement pour sa demande. La Commission a conclu que M. Muszynski ne serait pas exposé à un risque sérieux d'être persécuté, tué, torturé, ou de subir des traitements cruels ou inusités s'il devait rentrer en Pologne. La Commission a aussi conclu que M. Muszynski pouvait obtenir la protection de l'État en Pologne en cas de besoin.

[4]         M. Muszynski demande le contrôle judiciaire de cette décision.

[5]         Dans sa demande, M. Muszynski a soulevé deux questions relativement à la décision de la Commission. Premièrement, il a affirmé que la Commission a tiré des conclusions abusives quant à sa crédibilité. Deuxièmement, il a soutenu que la Commission n'a pas tenu compte d'éléments de preuve pertinents, ou qu'elle les a mal interprétés, lorsqu'elle a conclu que la preuve documentaire établissait qu'il pouvait obtenir la protection de l'État. Au cours des débats à l'audience, M. Muszynski a soulevé une troisième question : la Commission a-t-elle porté atteinte aux principes de justice naturelle en donnant à la Cour une transcription insuffisante de l'audience? Il y était indiqué que certaine portions de sa déposition étaient inaudibles. L'avocat du ministre ne s'est pas opposé à ce que soit soulevée cette objection.

[6]         Je suis d'avis que, en l'occurrence, la question déterminante a été la protection de l'État, et la Commission a conclu que M. Muszynski n'avait pas établi qu'il ne pourrait pas l'obtenir en Pologne; elle a signalé qu'aucun élément de preuve n'indiquait que M. Muszynski se soit jamais adressé à la police ou à d'autres autorités afin de demander à être protégé. La Commission a signalé le fait que la Pologne était un pays démocratique dont les institutions et l'infrastructure confirmaient la présomption que l'État assurait une protection suffisante aux personnes, que M. Muszynski n'a pas réfutée. Plus précisément, la Commission a mentionné la preuve documentaire indiquant que, s'il y avait certains problèmes de criminalité en Pologne, l'État faisait de sérieux efforts dans sa lutte contre le crime, et que les victimes d'extorsion pouvaient obtenir sa protection.

[7]         Lorsque la Commission doit se prononcer sur le caractère adéquat de la protection de l'État, elle doit tirer certaines conclusions de fait, qui ne peuvent être annulées par la Cour que si la Commission a agi de manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Voir : Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CSC 40, au paragraphe 38.

[8]         Lorsque ces conclusions de fait sont tirées, elles doivent être évaluées selon le critère juridique formulé par la Cour suprême dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, à la page 724 : les faits confirment-ils « d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection » et réfutent-ils donc la présomption que l'État protège les personnes? C'est une question mixte de droit et de fait. Selon l'analyse pragmatique et fonctionnelle effectuée par ma collègue la juge Tremblay-Lamer dans la décision Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 232, je conviens que la norme de contrôle de la décision relative au caractère adéquat de la protection de l'État applicable est la décision raisonnable simpliciter.

[9]         La preuve documentaire produite devant la Commission indique, en effet, que le crime organisé est un problème en Pologne, et que le nombre d' « affaires de vol par extorsion » a augmenté de 1997 à 2000. Cependant, la preuve documentaire établit aussi que la Pologne a pris des mesures légales afin de lutter contre le crime, notamment l'extorsion. Si la preuve documentaire indique l'existence de problèmes et de faiblesses dans la manière dont la Pologne réagit à différentes activités criminelles, je suis d'avis qu'il est impossible de dire que la Commission n'a pas pris en compte ou a rejeté des éléments de preuve portant sur cette question ou qu'elle a soupesé la preuve de manière abusive ou arbitraire. Au regard du critère juridique formulé par la Cour suprême dans l'arrêt Ward, l'interprétation que la Commission a donnée aux faits qu'elle a constatés était raisonnable. Par conséquent, rien ne justifie l'intervention de la Cour.

[10]       Ma conclusion relative à la conclusion de la Commission quant à la protection de l'État me permet à elle seule de statuer sur la présente demande parce que les problèmes relatifs à la transcription ne sont pertinents qu'en ce qui concerne la crédibilité : même si la Commission a fait erreur lorsqu'elle a conclu que M. Muszynski n'était pas crédible, et je ne me prononce pas à ce sujet, sa demande ne pourrait pas être accueillie vu qu'il dispose de la protection de l'État. En ce qui concerne les allégations d'atteinte aux principes de justice naturelle, les carences de la transcription n'ont pas lésé M. Muszynski parce que le dossier dont dispose la Cour est suffisant pour qu'elle puisse statuer sur la demande de contrôle judiciaire comme il convient. Voir : Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c. Montréal (Ville)[1997] 1 R.C.S. 793, aux pages 840 et 842.

[11]       Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[12]       Les avocats n'ont pas demandé que soit certifiée une question, et que je conviens que la présente cause ne soulève aucune question grave de portée générale.

ORDONNANCE

[13]       LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                « Eleanor R. Dawson »

                                                                                    ______________________________

                                                                                                            Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-5618-04

INTITULÉ :                                        LUKASZ MUSZYNSKI

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 18 JUILLET 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                       LE 8 AOÛT 2005

COMPARUTIONS:

Jeinis Patel                                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Alexis Singer                                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Avocat                                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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