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Date : 20060309

Dossier : IMM-2599-05

Référence : 2006 CF 303

Toronto (Ontario), le 9 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

JACKIE DORA LUBEGA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Mme Lubega est une citoyenne de l'Ouganda qui est entrée au Canada en tant qu'étudiante. Elle prétend que, quand elle était en Ouganda, on allait l'obliger à épouser un homme de 53 ans et à subir une mutilation sexuelle, plus précisément un étirement des parties génitales. Elle a demandé l'asile après avoir appris par sa mère que son départ de l'Ouganda avait causé des problèmes. La Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande d'asile. Je ne suis pas convaincue que la SPR a commis une erreur qui me permettrait d'accueillir de la présente demande.

[2]                La principale question ayant tranché la demande d'asile était le manque de crédibilité de Mme Lubega, en raison des contradictions et des prétentions non plausibles de son témoignage. La SPR a affirmé :

En conséquence, le tribunal rejette la demande d'asile de Jackie Lubega. L'importance des doutes quant à la crédibilité et les conclusions afférentes laissent trop peu de preuves crédibles ou dignes de foi pour que le tribunal puisse prendre une décision favorable.

[3]                La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur de fait en concluant qu'elle n'appartenait pas à la tribu des Baganda et que, par conséquent, les éléments de preuve documentaire concernant la pratique de la mutilation sexuelle des femmes (MSF) par cette tribu n'étaient pas pertinents. Mme Lubega affirme dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) qu'elle est une Muganda. Toutefois, Muganda est le singulier de Baganda. Mme Lubega soutient que la conclusion contestée est importante parce qu'elle a mené la Commission à conclure que sa demande d'asile ne possédait aucun fondement objectif.

[4]                Rien dans le dossier certifié du tribunal (y compris dans la transcription) ne permettrait à la SPR de conclure que Muganda est le singulier de Baganda. Le document contenu à la page 37 du dossier de la demanderesse (pièce « D » de l'affidavit de la demanderesse) n'avait pas été soumis à la SPR; il n'est donc pas opportun de l'inclure dans le dossier de la demande. Le contrôle judiciaire consiste à réviser une décision afin d'en évaluer la légalité. La Cour appelée à exercer ce contrôle doit se fonder sur le dossier tel qu'il a été présenté et se limiter aux critères applicables au contrôle judiciaire : Canada (Procureur général) c. McKenna, [1999] 1 C.F. 401 (C.A.F.). Les observations de la demanderesse à cet égard ne seront donc pas prises en compte.

[5]                La demanderesse conteste également le fait que la Commission ait mentionné une discussion en ligne à propos de la MSF entre deux inconnus clavardant dans un forum de discussion de Yahoo. Je conviens que la véracité de cet élément de preuve est extrêmement douteuse. Néanmoins, il n'est pas à l'avantage de la demanderesse de se plaindre de la mention qu'en a fait la Commission puisque c'est elle qui a présenté ce document en preuve. Quant au fait que la Commission n'ait pas mentionné l'autre élément de preuve documentaire soumis par la demanderesse, bien qu'il eût pu être préférable qu'elle le fasse, il n'a pas porté un coup fatal à la décision. Le document en question servait à appuyer le volet objectif de la demande d'asile de la demanderesse. Au bout du compte, peu importe qu'il soit établi et reconnu que Mme Lubega appartienne à la tribu des Baganda et que celle-ci pratique la MSF, puisque la décision contestée ne repose pas sur le volet objectif de la demande d'asile. Elle repose sur le volet subjectif, auquel la demanderesse n'a pas satisfait. Un demandeur doit satisfaire aux deux volets : Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689; Rajudeen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1984), 55 N.R. 129 (C.A.F.).

[6]                La preuve en l'espèce est truffée de contradictions. La demanderesse conteste certaines des conclusions de la Commission portant sur la crédibilité. Ses arguments sont pour la plupart sans fondement. Je conviens que la Commission a mal interprété la preuve présentée par la demanderesse concernant la mesure de l'étirement. À tous les autres égards, la Commission pouvait conclure comme elle l'a fait.

[7]                La SPR fournit une longue liste de contradictions et d'incohérences concernant la violence dont sa mère aurait été victime, la lettre du président et le témoignage de Mme Lubega, la déclaration de sa mère par rapport aux autres éléments de preuve, ainsi que la documentation relative au visa d'étudiant. Les contradictions sont pertinentes et importantes, car elles portent sur le fondement de la demande. La demanderesse n'a pas non plus expliqué le fait que ses soeurs n'aient pas subi de MSF. La Commission avait le droit de n'accorder que peu de valeur à la lettre du médecin, non pas en raison de ce qu'elle disait, mais en raison de ce qu'elle ne disait pas.

[8]                Bref, les quelques erreurs prouvées par la demanderesse concernant les conclusions de la Commission relativement aux contradictions et aux prétentions non plausibles ne changeraient rien au résultat parce qu'il a été jugé que la preuve, dans son ensemble, n'était pas crédible. Après avoir examiné soigneusement le dossier et la transcription de l'audience, je ne vois aucune erreur dans la conclusion de la Commission et les motifs pour lesquels elle a rejeté la demande d'asile sont clairs.   

[9]                La SPR a jugé clairement et sans équivoque que la demanderesse n'était pas crédible et elle a fourni des motifs détaillés à l'appui de ses conclusions. Pour cette raison, je dois faire preuve d'une grande retenue et mon intervention n'est pas justifiée. Les avocats n'ont proposé aucune question à certifier et aucune n'est soulevée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                                                       « Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-2599-05

INTITULÉ :                                                                JACKIE DORA LUBEGA

                                                                                    c.         

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 8 MARS 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                               LE 9 MARS 2006

COMPARUTIONS :

David Yerzy

POUR LA DEMANDERESSE

Mielka Visnic

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Yerzy

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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