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                                                               T-2660-95

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 16 MAI 1997.

 

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

 

 

 

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la Citoyenneté

L.R.C. (1985), ch. C-29

 

ET un appel interjeté contre la décision

d'un juge de la citoyenneté

 

ET

 

KAMILIA IBRAHIM ABDALLAH,

 

                                                              appelante.

 

 

 

 

                             J U G E M E N T

 

 

   En conformité avec mes motifs de jugement, je recommande au ministre d’exercer favorablement son pouvoir discrétionnaire en accordant à l’appelante la citoyenneté.

 

 

 

 

 

 

                                                   « MAX M. TEITELBAUM »                                                         J U G E

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                      ___________________________

                                             Bernard Olivier, LL.B.


 

 

 

 

                                                                                                                               T-2660-95

 

 

 

 

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la Citoyenneté

L.R.C. (1985), ch. C-29

 

ET un appel interjeté contre la décision

d'un juge de la citoyenneté

 

ET

 

KAMILIA IBRAHIM ABDALLAH,

 

                                                                                                                                appelante.

 

 

 

 

                                                 MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

 

LE JUGE TEITELBAUM

 

 

                  La demande de citoyenneté de l’appelante, Kamilia Ibrahim Abdallah, a été rejetée par un juge de la citoyenneté au motif [TRADUCTION] « que vous n’aviez pas une connaissance suffisante du français ou de l’anglais.  L’alinéa 5(1)d) de la Loi sur la citoyenneté prévoit que la personne qui demande la citoyenneté doit avoir une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada pour être admissible à la citoyenneté canadienne ».

 

                  Le juge de la citoyenneté a également conclu que Mme Abdallah n’avait pas une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté, aux termes de l’alinéa 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté

 

                  Le juge de la citoyenneté dit également avoir considéré la question de savoir s’il y avait lieu de faire une recommandation relativement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire sous le régime des paragraphes 5(3) ou (4) de la Loi et elle déclare : [TRADUCTION] « J’ai demandé, à l’audition, si des circonstances justifiaient une telle recommandation de ma part.  Les éléments de preuve que vous m’avez présentés ne constituent pas, à mon avis, des motifs étayant une recommandation sous le régime des paragraphes 5(3) ni (4) ».  Le juge de la citoyenneté n’a pas mentionné la preuve dont elle a pris connaissance et sur laquelle elle s’est fondée pour conclure qu’elle ne devait pas exercer son pouvoir discrétionnaire de faire une recommandation aux termes des paragraphes 5(3) et (4) de la Loi.

 

                  Le juge de la citoyenneté a parfaitement eu raison de conclure que l’appelante n’avait une connaissance suffisante ni de l'une des langues officielles du Canada, ni du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté.

 

                  Cela est ressorti très clairement du témoignage de l’appelante devant moi.

 

                  En écoutant l’appelante, je me suis rendu compte que ce n’est pas par manque d’efforts qu’elle ne pouvait parler l’anglais.  Son témoignage m’a également convaincu qu’elle était le type de personne qui aurait énormément de difficultés, voire qui ne parviendrait jamais à apprendre en quoi consistent les avantages et responsabilités conférés par la citoyenneté.

 

                  L’appelante est arrivée au Canada en 1992 en compagnie de son époux et de ses trois enfants.  Les enfants, je crois, vivent toujours à la maison.  Depuis son mariage en 1971 jusqu’à aujourd’hui, elle s’est consacrée à prendre soin de son époux et de ses enfants.  Sa famille et son foyer étaient tout ce qui importait pour elle, et cela est toujours vrai aujourd’hui.

 

                  Son époux et ses enfants sont citoyens canadiens.  Selon l’époux de l’appelante, celle-ci ne peut accompagner la famille en Angleterre pour rendre visite à sa soeur, car elle n’a pas sa citoyenneté.  L’appelante se dit incapable de voyager à l’extérieur du Canada avec ses enfants.  À mon avis, elle a peur de quitter le pays sans passeport canadien.

 

                  Il faut parfois tenir compte de raisons d’ordre humanitaire en traitant les demandes de citoyenneté.  En l’espèce, je suis convaincu qu’une recommandation devrait être faite au ministre lui suggérant d’accorder la citoyenneté à cette personne qui, peu importe l’enseignement qu’on lui prodiguera, ne sera jamais en mesure de comprendre beaucoup plus de choses qu’à l’heure actuelle.

 

                  Dans l’affaire Khat [1991], 49 F.T.R. 252, à la p. 253, le juge Strayer, alors juge de la Section de première instance de la Cour fédérale, dit, en ce qui concerne la question de l’exercice du pouvoir discrétionnaire :

[...] Le pouvoir qu’un juge de la citoyenneté tient du paragraphe 15(1) relativement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour des raisons d’ordre humanitaire consiste à faire une recommandation au ministre à cet égard.  Il ne s’agit pas d’une «décision» sous le régime du paragraphe 14(2).

 

Le paragraphe 14(2) prévoit toutefois, comme condition préalable à la prise d’une décision en vertu de ce paragraphe, que le juge de la citoyenneté doit examiner s’il y a lieu de faire une recommandation en vertu du paragraphe 15(1).  Certes, il n’appartient pas à cette Cour, statuant en appel, d’examiner la conclusion du juge de la citoyenneté sur la question de savoir une recommandation devrait être faite; mais, le cas échéant, il lui est loisible de renvoyer l’affaire au juge de la citoyenneté si elle n’est pas convaincue que les facteurs pertinents ont été pris en compte dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

 

 

 

                  Comme je l’ai dit, le juge de la citoyenneté n’a pas mentionné les facteurs dont elle a tenu compte en décidant de ne pas faire la recommandation prévue à la Loi et, en temps normal, je lui renverrais la présente affaire pour qu’elle en reprenne l’examen.

 

                  Dans l’affaire Dao Hoang [1990], 30 F.T.R. 88, à la p. 90, le juge Denault, après avoir été convaincu des faits sur lesquels se fondaient les raisons d’ordre humanitaire avancées, n’a pas renvoyé l’affaire au juge de la citoyenneté, mais a plutôt recommandé au ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire de manière favorable à Dao Hoang.

 

                  Le juge Denault dit :

 

Selon le paragraphe 5(3) de la Loi, le ministre a le pouvoir discrétionnaire d’exempter une personne de l’application des alinéas 5(1)d) et (e) de la Loi, pour des raisons d’ordre humanitaire, ou d’attribuer la citoyenneté, en vertu du paragraphe 5(4), afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse, malgré les autres dispositions de la Loi.  Les juges de cette Cour qui siègent en appel d’une décision d’un juge de la citoyenneté diffèrent d’opinion sur la question de savoir s’il convient de recommander à ce stade-ci au ministre d’exercer les pouvoirs discrétionnaires que lui confère le paragraphe 5(4) de la Loi.  (Voir In re la Loi sur la citoyenneté et in re Chute, [1982] 1 C.F. 98).  En l’espèce, comme on l’a déjà dit, il ne semble pas, à la lecture du rapport du juge de la citoyenneté, qu’elle ait même étudié les raisons d’ordre humanitaire dont a fait état la requérante.  Le ministre, avec tous ses pouvoirs d’enquête, est bien mieux placé qu’un juge de la Cour fédérale pour décider s’il y a lieu ou non d’accorder la citoyenneté pour des raisons d’ordre humanitaires.

 

Les faits révélés à l’audience démontrent que l’appelante ne peut avoir gain de cause car elle ne répond pas aux exigences des alinéas 5(1)d) et e) de la Loi, mais il est recommandé que le ministre exerce ses pouvoirs discrétionnaires en sa faveur.

 

                  Il ressort des faits de l’espèce que l’appelante ne peut avoir gain de cause.  Néanmoins, la Cour recommande au ministre d’exercer favorablement son pouvoir discrétionnaire en accordant à l’appelante la citoyenneté.

 

 

 

                                                                              « MAX M. TEITELBAUM »                                                                                                J U G E

 

OTTAWA

Le 16 mai 1997.

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                          ___________________________

                                                                                          Bernard Olivier, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

                                                                       

 

NO DU GREFFE :            T-2660-95

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                  Loi sur la citoyenneté

      - c. -

      Kamilia Ibrahim Abdallah

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :               Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             le 14 mai 1997

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR : monsieur le juge Teitelbaum

 

EN DATE DU :    16 mai 1997

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Me Serge Laflamme                                                                      POUR L’APPELANTE

 

 

Jean Caumartin                                                     L’AMICUS CURIAE

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Jean Caumartin

Avocat

Montréal (Québec)                                                                        L’AMICUS CURIAE

 

Me Serge Laflamme

Avocat

Montréal (Québec)                                                                        POUR L’APPELANTE

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