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Date : 19990625


Dossier : T-803-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 25 JUIN 1999.

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LUTFY



AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. (1985), ch. C-29


ET un appel de la décision

d"un juge de la citoyenneté

ENTRE :

ZHENWEI DAI,


appelant,

et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,

intimé.



ORDONNANCE

     VU l"appel de la décision de Doreen Wicks, juge de la citoyenneté, datée du 6 mars 1998;

     VU l"audition de l"appel le 16 juin 1999 à Toronto (Ontario);

     LA COUR ORDONNE QUE :

     L"appel soit rejeté.

ALLAN LUTFY

                                             J.C.F.C.


Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.




Date : 19990625


Dossier : T-803-98



AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. (1985), ch. C-29


ET un appel de la décision

d"un juge de la citoyenneté

ENTRE :

ZHENWEI DAI,


appelant,

et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,

intimé.



MOTIFS D"ORDONNANCE


LE JUGE LUTFY


[1]      Dans sa décision du 6 mars 1998, le juge de la citoyenneté a conclu que l"appelant ne satisfaisait pas à l"exigence en matière de résidence prévue à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi sur la citoyenneté. L"appelant a été physiquement présent au Canada pendant environ 827 des 1 095 jours requis au cours de la période de quatre ans qui a immédiatement précédé la date du dépôt de sa demande de citoyenneté. L"appelant interjette appel de cette décision en se fondant sur le paragraphe 14(5) de la Loi. L"appel a constitué un procès de novo en vertu de la Règle 902 des anciennes Règles de la Cour fédérale.

[2]      L"appelant, un citoyen de la Chine, est né à Shanghai. En octobre 1992, il a été admis au Canada en vertu d"un permis d"étudiant et il s"est inscrit en tant qu"étudiant étranger à l"Université Queen"s, où il a obtenu le grade de maîtrise en administration publique en 1994. Il a loué un logement pendant les deux années qu"il a passées à Kingston (Ontario).

[3]      De 1994 à 1996, l"appelant a travaillé à son propre compte en tant que consultant en analyse financière; il a principalement travaillé pour une firme de conseillers en gestion de Toronto en vertu d"un contrat de plus de deux ans qu"il avait conclu avec cette dernière. Pendant cette période, il louait un logement à Toronto.

[4]      En mars 1995, il a obtenu le statut de résident permanent. Peu de temps après, son épouse, qu"il parrainait, a obtenu le droit de s"établir au Canada.

[5]      De 1996 à 1998, l"appelant et son épouse ont poursuivi leurs études à Louvain (Belgique). En juin 1998, l"appelant a obtenu le grade de maîtrise en administration des affaires à l"Université catholique de Louvain. Pendant ses études de maîtrise en administration des affaires, l"appelant a vécu pendant environ trois mois, à la fin de 1997, à Rochester (New York), dans le cadre d"un programme d"échange. Il a témoigné que pendant qu"il s"est trouvé à Rochester, ses études ne lui ont pas permis de se rendre au Canada. Deux raisons ont poussé l"appelant à étudier en Belgique, soit son désir d"acquérir une expérience internationale et le fait que les frais de scolarité y étaient beaucoup moins élevés qu"au Canada.


[6]      En septembre 1998, l"appelant a obtenu un emploi de vérificateur interne dans un grande société canadienne à Vancouver (Colombie-Britannique). Il a préféré cette offre d"emploi à deux autres offres, l"une provenant d"une société allemande qui l"aurait obligé à retourner en Chine et l"autre, d"un cabinet international d"experts-comptables qui lui offrait un poste à Singapour. Il a eu une entrevue avec des représentants de la société canadienne pendant un court séjour à Londres (Angleterre), alors qu"il était toujours étudiant en Belgique. Il vit au Canada en compagnie de son épouse depuis septembre 1998.

[7]      En avril 1997, l"appelant a présenté une demande de citoyenneté canadienne depuis la Belgique. La période pertinente pour ce qui est de l"exigence en matière de résidence a commencé en avril 1993.

[8]      En résumé, l"appelant s"est trouvé au Canada " à temps plein " d"octobre 1992 à août 1996. Sur le fondement de la formule prévue aux sous-alinéas 5(1)c )(i) et (ii) de la Loi, il a été déterminé que l"appelant avait été présent au Canada pendant 827 jours, afin de tenir compte du fait qu"il avait obtenu le statut de résident permanent en mars 1995. Comme l"appelant se trouvait en Belgique pendant la période qui s"est écoulée d"août 1996 au moment où il a présenté sa demande de citoyenneté en avril 1997, il lui manquait 285 jours pour satisfaire à l"exigence en matière de résidence prévue à l"article 5.

[9]      Dans Papadogiorgakis1, le juge en chef adjoint Thurlow a dit :

Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne cesse pas d"y être résidente lorsqu"elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études. Le fait que sa famille continue à y habiter durant son absence peut appuyer la conclusion qu"elle n"a pas cessé d"y résider. On peut aboutir à cette conclusion même si l"absence a été plus ou moins longue. Cette conclusion est d"autant mieux établie si la personne y revient fréquemment lorsque l"occasion se présente. Ainsi que l"a dit le juge Rand dans l"extrait que j"ai lu, cela dépend [TRADUCTION] "essentiellement du point jusqu"auquel une personne s"établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d"intérêts et de convenances, au lieu en question".

Dans Papadogiorgakis, le demandeur a été absent du Canada pendant de longues périodes au cours des quatre années pertinentes. Cependant, il retournait souvent les fins de semaine et à l"occasion des congés scolaires à sa résidence canadienne, une chambre qu"il occupait chez des amis en Nouvelle-Écosse. Cet extrait sous-entend que le résident permanent avait non seulement centralisé son mode de vie au Canada, mais également maintenu une résidence au pays pendant ses absences.

[10]      Dans la lettre qui accompagnait la demande de citoyenneté qu"il avait présentée en avril 1997, l"appelant a dit :

[TRADUCTION] Après avoir vécu au Canada pendant plus de trois ans, j"ai développé un sentiment d"appartenance, car ma croyance au multiculturalisme, à la démocratie, aux droits de la personne et à l"environnementalisme cadre naturellement avec la société canadienne. Comparativement à d"autres pays où j"ai vécu ou voyagé, le Canada offre la meilleur qualité de vie. J"aimerais que le Canada devienne ma patrie et j"estime que mon instruction globale me permettra de faire une contribution valable au Canada. [Non souligné dans l"original.]

S"il avait maintenu une résidence au Canada alors qu"il était en Belgique, l"appelant aurait été en mesure de dire qu"il avait résidé au pays depuis 1992, soit pendant environ cinq ans. Toutefois, je ne peux que déduire du début de l"extrait précité de sa lettre d"accompagnement que, dans son esprit, l"appelant ne " vivait " pas au Canada pendant qu"il poursuivait des études à l"étranger. Cela est compatible avec l"autre aveu qu"il a fait, selon lequel il n"avait pas de pied-à-terre au Canada pendant qu"il se trouvait en Belgique.

[11]      L"appelant a eu une entrevue avec le juge de la citoyenneté au début du mois de mars 1998. L"appelant ne paraît pas avoir encore accepté son emploi à Vancouver à cette époque. Je déduis cela de l"extrait suivant de la décision du juge de la citoyenneté :

[TRADUCTION] Pendant l"audition, vous avez dit que vous et votre épouse étudiiez en Belgique parce que ce pays a beaucoup à offrir aux jeunes. Vous n"avez aucunement exprimé le désir pressant ni fait état d"un projet de revenir au Canada. Pendant votre absence du Canada, vous n"y avez pas maintenu de résidence et vous ne vous y êtes pas rendu une seule fois. [Non souligné dans l"original.]

[12]      Dans Khoury, Re2, affaire dans laquelle un résident permanent avait poursuivi des études à l"étranger, le juge Denault a conclu que " ... qu'il a véritablement établi un pied-à-terre dans ce pays, même s'il n'a accumulé que 102 jours de présence physique durant sa période de référence ". En l"espèce, j"estime que l"appelant n"avait pas de pied-à-terre au Canada pendant qu"il poursuivait des études en Belgique.

[13]      En résumé, j"ai conclu, avec une certaine réticence, que la demande de citoyenneté présentée par l"appelant était prématurée. Bien qu"il soit certainement possible de démontrer qu"il avait centralisé un certain mode vie au Canada entre 1992 et 1996, il n"a pas maintenu de présence significative au pays pendant qu"il poursuivait ses études en Belgique. Sa très modeste déclaration de revenus pour l"année 1997, ses comptes bancaires et de carte de crédit, et son adresse postale de Kingston (Ontario), à l"égard de laquelle très peu d"éléments de preuve n"établissent qu"elle a effectivement servi, ne constituent pas des indices suffisants du maintien d"une résidence au Canada.

[14]      Espérons que l"appelant et son épouse continueront d"occuper leurs emplois et de résider au Canada et que ce dernier présentera une nouvelle demande de citoyenneté en temps voulu. La conduite et l"attitude de l"appelant pendant son témoignage à l"occasion du présent procès de novo ont été exemplaires et je suis convaincu qu"il apportera beaucoup au Canada en tant que citoyen, une fois qu"il aura satisfait à l"exigence applicable en matière de résidence. En attendant, la Cour doit rejeter le présent appel.



ALLAN LUTFY

                                             J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 25 juin 1999.





Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :              T-803-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Zhenwei dai c. Le ministre de la Citoyenneté et de                          l"Immigration


LIEU DE L"AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 16 juin 1999




MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE LUTFY


EN DATE DU : 25 juin 1999




ONT COMPARU :

M. Peter Johnson                                  POUR L"APPELANT

Toronto (Ontario)

Mme Leena Jaakkimainen                              POUR L"INTIMÉ

Toronto (Ontario)


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rekai & Johnson                                  POUR L"APPELANT

Barristers & Solicitors

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                              POUR L"INTIMÉ

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

__________________

1      [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.), à la p. 214.

2      (1995), 33 Imm. L.R. (2d) 247, aux pp. 249 et 250.

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