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Date: 19980804

Dossier: T-2222-97

ENTRE

IAN M. MACNEILL,

demandeur,

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, LA COMMISSION CANADIENNE DES PENSIONS,

LE CONSEIL DE RÉVISION DES PENSIONS ET LE TRIBUNAL DES ANCIENS COMBATTANTS [RÉVISION ET APPEL],

défendeurs.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]         Cette demande de contrôle judiciaire a été présentée par le demandeur conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, dans sa forme modifiée. Le demandeur sollicite une ordonnance infirmant la décision par laquelle le Tribunal des anciens combattants [révision et appel] (ci-après appelé le TACRA) a rejeté, le 12 septembre 1997, la demande qu'il avait faite en vue de faire réexaminer son admissibilité au paiement d'une pension.

Page: 2 [2]        Le demandeur, qui a 63 ans, était membre de l'Aviation royale du Canada, dans laquelle il a servi du 17 septembre 1953 jusqu'à ce qu'il soit réformé, en novembre 1965. Avant de s'enrôler dans l'Aviation royale du Canada, il avait servi dans la Marine royale du Canada (forces régulières) en 1952, mais il en avait été exclu au bout de sept mois parce qu'on estimait que son tempérament ne se prêtait pas à la vie dans la marine.

[3]         Pendant son service dans l'Aviation, le demandeur s'occupait principalement de munitions à titre de technicien d'armement. Il a servi tant au Canada qu'à l'étranger, son service à l'étranger ayant duré de 1957 à 1961. Pendant ce temps, le demandeur s'était plaint de certains malaises physiques, mais on n'avait jamais diagnostiqué l'angoisse. Toutefois, ce diagnostic a par la suite été posé et la demande de pension est fondée sur ce trouble. Après 1961, le demandeur est revenu au Canada, où il a travaillé au sein d'un escadron Argus qui s'occupait de torpilles et de bombes.

[4]         En 1964, le demandeur manifestait certains symptômes d'angoisse et il a commencé à suivre un traitement psychiatrique. À la fin de l'année, on a diagnostiqué une personnalité passive-agressive. Le demandeur a continué à se sentir angoissé et en

juin 1965, il avait encore de la difficulté à tolérer le stress. Compte tenu de son état de santé, le demandeur a été jugé inapte au service et il a donc été exclu pour des raisons de santé.

Page : 3 [5]        Il est également opportun de noter que, pendant son service, le demandeur faisait face à des difficultés financières et qu'en 1964, il devait environ 3 000 $.

[6]         Après avoir été exclu, le demandeur a travaillé dans divers domaines et il a également exploité ses propres entreprises, qui ont toutes fait faillite. Après avoir été réformé, le demandeur a déclaré faillite à trois reprises.

[7]         Le demandeur n'a demandé une pension qu'en 1984. Il n'appartient pas à cette cour d'examiner le bien-fondé des décisions antérieures, en ce qui concerne la demande de pension, mais pour comprendre le fondement et le sens de la décision contestée, il faut examiner les conclusions tirées par chaque formation (voir MacKay v. Canada (Attorney General) (1997), 129 F.T.R. 286, aux pages 297-298).

[8]         La décision initiale du 5 juillet 1984, par laquelle la Commission canadienne des

pensions a rejeté la demande, était fondée sur les motifs suivants

[TRADUCTION]

[...] Le premier diagnostic d'angoisse a été posé en mars 1964; l'angoisse était liée à des problèmes financiers; juste avant que le demandeur soit exclu et après neuf mois de psychothérapie, un psychiatre a diagnostiqué une psychonévrose mixte chronique. Le demandeur soutient que son trouble nerveux est lié au stress auquel il faisait face au sein de la section des armements et il a fait part au psychiatre des réactions phobiques qu'il avait à l'égard des explosifs, mais les rapports rédigés à l'époque par les psychiatres et les évaluations annuelles ne font pas état du fait que le stress ressenti par le demandeur était lié à son emploi. Au contraire, il semble fort clair que son stress était principalement attribuable à des problèmes financiers, comme en fait foi le dossier confidentiel du QG.

Le demandeur a continué à faire face à des difficultés financières après avoir été réformé; il a fait faillite à trois reprises. L'examen psychiatrique et le rapport de psychiatre du 28 septembre 1983 montraient encore une fois que le demandeur

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éprouvait de multiples craintes, que la mort le préoccupait depuis son enfance et que, jusqu'en 1971, il avait consommé abusivement de l'alcool.

La Commission conclut, en se fondant sur la preuve médicale, que le demandeur était déjà atteint d'une psychonévrose avant ses deux périodes de service dans les forces régulières et que la névrose s'est aggravée pendant le service, et ce, pour des raisons qui n'ont rien à voir avec les tâches que le demandeur accomplissait dans les forces régulières. La Commission ne peut pas rendre une décision en faveur du demandeur.

LA COMMISSION PREND LA DÉCISION SUIVANTE

00623 - PSYCHONÉVROSE

Ne donne pas droit à pension étant donné que ni l'état de santé ni son aggravation n'étaient consécutifs ou rattachés directement au service militaire en temps de paix.

La demande initiale de pension a donc été rejetée pour le motif que le

[91 demandeur était prédisposé à ce trouble et que le fait que son état s'était aggravé était peut-être lié aux difficultés financières auxquelles il faisait face pendant son service, mais que cela n'était certainement pas attribuable aux fonctions exercées.

[10]              Il importe également de signaler le paragraphe du rapport du psychiatre sur lequel la décision initiale était fondée. Voici ce qui y est déclaré

[TRADUCTION]

J'ai examiné les antécédents psychiatriques du sujet et, à mon avis, pendant la dernière partie de son service dans l'Aviation, le sujet a été atteint d'une phobie du fait qu'il s'occupait d'explosifs, et la chose a causé des crises de panique aigues. Je ne puis faire aucun commentaire au sujet de la dynamique ou des circonstances particulières qui ont déclenché les phobies [.] De toute évidence, le sujet était prédisposé, à cause de sa personnalité, à des symptômes d'angoisse avant de travailler pour l'Aviation et, selon toute probabilité, c'est la raison pour laquelle la marine l'a réformé. En ce qui concerne les effets à long terme du service accompli dans les forces armées, il me semble qu'étant donné qu'il ne fait plus face à des situations susceptibles de déclencher sa phobie, le sujet est « guéri » de ses crises de panique aigues; cependant, par le passé, il a continué à éprouver des symptômes psychophysiologiques d'angoisse, pour lesquels un traitement était indiqué.

Page : 5

[11]              L'avis médical rédigé pour la Commission canadienne des pensions le 28 mai 1984 est ainsi libellé

[TRADUCTION]

Dans sa demande, l'individu attribuait son trouble nerveux au stress auquel il était soumis au sein de la section des armements; il a fait part au psychiatre (pièce 40) des réactions phobiques qu'il avait à l'égard des explosifs, mais les rapports rédigés à l'époque par les psychiatres et les évaluations annuelles ne montrent pas que son stress était lié à son travail.

Il semble plutôt de toute évidence que le stress était principalement attribuable à des difficultés financières, comme en fait foi le dossier confidentiel du QG (pièce 43).

Il est clair que cet individu était déjà atteint d'une psychonévrose avant les deux périodes de service qu'il a accomplies dans les forces régulières et que la névrose s'est aggravée pendant le service pour des raisons qui n'ont rien à voir avec les fonctions qu'il a exercées au cours de son service dans les forces régulières.

[12]              Le demandeur a interjeté appel contre cette décision devant le comité d'examen de la Commission canadienne des pensions. Le 27 janvier 1986, le comité d'examen a rejeté l'appel pour les motifs suivants

[TRADUCTION]

À la suite d'un examen approfondi et exhaustif de la preuve versée au dossier et de la déposition du demandeur, lesquelles sont à peu près identiques à la preuve écrite versée au dossier avant que la première décision ait été rendue le 5 juillet 1984, il est conclu que le demandeur était atteint de la psychonévrose alléguée avant ses deux périodes de service dans les forces régulières et que tout problème de santé lié au trouble allégué pendant le service était attribuable à des raisons qui n'ont rien à voir avec les fonctions qu'il a exercées pendant son service dans les forces régulières. C'est à regret que la Commission rejette cette demande.

[13]              Dans la décision, il n'est pas fait mention des difficultés financières auxquelles

le demandeur faisait face. Il est simplement dit encore une fois que les fonctions exercées

Page : 6 par le demandeur dans l'Aviation royale du Canada n'étaient pas à l'origine de sa maladie et n'avaient pas aggravé son état de santé.

[14]              Le demandeur a interjeté appel contre cette décision devant le Conseil de

révision des pensions. Dans sa décision du 2 juin 1987, le conseil a dit ceci

[TRADUCTION]

La dernière consultation psychiatrique remonte au 28 septembre 1983. Le psychiatre était d'avis que pendant la dernière partie de son service dans l'Aviation, l'appelant avait été atteint d'une phobie parce qu'il travaillait avec des explosifs, ce qui avait causé des crises de panique gigues desquelles il est apparemment guéri, même s'il a continué à avoir des symptômes psychophysiologiques d'angoisse, exigeant un traitement.

Il n'est fait mention nulle part dans la documentation du fait que le trouble de l'appelant était probablement attribuable à son métier, si ce n'est que cela avait peut­être déclenché des crises aigues dont l'appelant semble être guéri. Il a été soutenu que les difficultés financières de l'appelant étaient à l'origine de son angoisse. Quoi qu'il en soit, le conseil ne peut pas déterminer, à partir des éléments de preuve dont il dispose, que le métier de l'appelant n'a contribué à sa psychonévrose que temporairement, mais il en est convaincu. La décision rendue par le comité d'examen est donc confirmée.

[15]              Cette troisième décision est fondée sur la conclusion selon laquelle l'état de santé du demandeur ne donne pas droit à pension, étant donné que le demandeur n'a plus de crises de panique ai ues et que seules ces crises ai ues étaient liées à ses fonctions.

Page : 7 [16]      En 1996, le demandeur a demandé le réexamen de cette décision en se fondant sur le rapport psychiatrique du docteur Basil Orchard, qui avait tiré les conclusions suivantes

[TRADUCTION]

[...] Le sujet a encore des crises d'angoisse de temps en temps, mais les crises de panique aigues et les phobies qu'il éprouvait à l'égard de la mort ont disparu depuis qu'il a quitté l'armée.

[...]

Je suis en outre d'avis que les difficultés financières auxquelles le sujet faisait face pendant son service militaire n'étaient pas suffisantes pour causer les graves symptômes que le sujet a eus au cours de la dernière année de service. J'estime donc que, selon toute probabilité, les problèmes psychiatriques du sujet étaient liés aux contraintes du service, et que ces contraintes ont causé ou aggravé le problème.

[17]       Le TACRA a fait connaître sa décision le ler mai 1996; il y déclarait ne pas être convaincu que le service militaire eût causé ou aggravé les malaises du demandeur. Le Tribunal a reconnu que le trouble dont le demandeur était atteint donnait en soi droit à pension, si les paramètres de la législation pertinente étaient respectés.

[18]       Conformément à l'article 25 de la Loi, le demandeur a interjeté appel contre cette décision, encore une fois devant le TACRA, et l'appel a été rejeté. C'est cette décision, par laquelle l'appel a été rejeté, qui est ici en cause.

[19]              Il faut noter au départ que l'article 31 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants [révision et appel], L.C. 1995, ch. 18, prévoit ceci

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La décision de la majorité des membres du comité d'appel vaut décision du Tribunal; elle est définitive et exécutoire.

[20]              Une disposition similaire figurait dans l'ancienne loi, intitulée Loi sur le Tribunal d'appel des anciens combattants, L.R.C. (1985), ch. 20 (3e supp.), dans sa forme modifiée.

[21]              Dans l'arrêt Moar v. Canada (Attorney General) (1995), 103 F.T.R. 314, le

juge Heald a conclu que l'ancienne disposition ne prévoyait pas qu'il fallait faire preuve

de retenue à l'égard des conclusions tirées par le Tribunal en matière médicale, étant

donné que les membres du Tribunal n'ont pas de connaissances spéciales particulières

dans ce domaine. À la page 316, le juge Heald dit ceci

Il est indiscutable que l'affaire en instance met en jeu des questions médicales. Le paragraphe 10(3) de la Loi sur le Tribunal d'appel des anciens combattants habilite celui-ci à requérir l'avis d'un expert médical indépendant dans toute matière soumise à sa juridiction. J'en conclus que le Tribunal ne bénéficie pas de la retenue dont les instances judiciaires font habituellement preuve à l'égard des tribunaux spécialisés en raison de leur expertise dans leur domaine de compétence.

[22]              Même si le Tribunal ne possède peut-être pas de connaissances spéciales en matière médicale, il reste qu'il lui appartient d'apprécier la preuve et de trancher les questions de crédibilité et que cette cour ne devrait pas intervenir dans le cadre d'un contrôle, à moins qu'il ne puisse être démontré qu'une erreur susceptible de révision a été commise.

Page : 9

[23]              Les dispositions suivantes de l'article 21 de la Loi sur les pensions, L.R.C.

(1985), ch. P-6, sont pertinentes en l'espèce

21(2) In respect of military service rendered in the non-permanent active militia or in the reserve army during World War 11 and in respect of military service in peace time,

21(2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l'armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix

(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall, on application. be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;

a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d'invalidité causée par une blessure ou maladie - ou son aggravation - consécutive ou rattachée directement au service militaire;

(2.1) Where a pension is awarded in respect of a disability resulting from the aggravation of an injury or disease, only that fraction of the total disability, measured in fifths, that represents the extent to which the injury or disease was aggravated is pensionable.

(2.1) En cas d'invalidité résultant de l'aggravation d'une blessure ou maladie, seule la fraction - calculée en cinquièmes - du degré total d'invalidité qui représente l'aggravation peut donner droit à une pension.

(5) In addition to any pension awarded under subsection (1) or (2), a member of the forces who

(5) En plus de toute pension accordée au titre des paragraphes (1) ou (2), une pension est accordée conformément aux taux indiqués à l'annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, sur demande, à un membre des forces, relativement au degré d'invalidité supplémentaire qui résulte de son état, dans le cas où

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(b) is suffering an additional disability that is in whole or in part a consequence of the injury or disease or the aggravation referred to in paragraph (a)

b) d'autre part, il est frappé d'une invalidité supplémentaire résultant,en tout ou en partie, de la blessure, maladie ou aggravation qui donne ou aurait donné droit à la pension.

shall, on application, be awarded a pension in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I in respect of that part of the additional disability that is a consequence of that injury or disease or aggravation thereof.

[Emphasis added]                                                    [Le souligné est le mien]

Selon les dispositions précitées, deux conditions doivent être remplies pour qu'il soit possible de dire que le demandeur a droit à une pension. En premier lieu, le trouble dont le demandeur est atteint doit donner droit à pension. À cet égard, il doit s'agir d'un trouble qui peut être considéré comme une « invalidité » résultant d'une blessure ou d'une maladie. À mon avis, le mot « invalidité » exige que le demandeur continue à être atteint de ce trouble. En second lieu, le trouble initial doit être directement attribuable au service militaire du demandeur. J'ai minutieusement examiné la disposition en question et j'ai conclu que le service militaire accompli par le demandeur doit être la cause principale de l'invalidité. Toutefois, la Loi prévoit également qu'une pension peut être accordée si l'invalidité est aggravée par le service militaire. Il faut dans les deux cas établir le lien de causalité, et, sauf preuve contraire, le lien de causalité est réputé exister si le trouble est

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survenu pendant que le demandeur accomplissait son service. Cette présomption découle

du paragraphe 21(3) de la Loi, qui prévoit ceci

21(3) For the purposes of subsection (2), an injury or disease, or the aggravation of an injury or disease, shall be presumed, in the absence of evidence to the contrary, to have arisen out of or to have been directly connected with military service of the kind described in that subsection if the injury or disease or the aggravation thereof was incurred in the course of

21(3) Pour l'application du paragraphe (2), une blessure ou maladie - ou son aggravation - est réputée, sauf preuve contraire, être consécutive ou rattachée directement au service militaire visé par ce paragraphe si elle est survenue au cours

(f) any military operation, training or administration, either as a result of a specific order or established military custom or practice, whether or not failure to perform the act that resulted in the disease or injury or aggravation thereof would have resulted in disciplinary action against the member.

f) d'une opération, d'un entraînement ou d'une activité administrative militaires, soit par suite d'un ordre précis, soit par suite d'usages ou pratiques militaires établis, que l'omission d'accomplir l'acte qui a entraîné la maladie ou la blessure ou son aggravation eût entraîné ou non des mesures disciplinaires contre le membre des forces;

[24]              En l'espèce, le TACRA a tiré des conclusions au sujet des deux conditions. Il a reconnu que l'invalidité dont le demandeur est atteint donne droit à pension et qu'elle résulte d'une blessure ou d'une maladie, mais il n'était pas convaincu que le service accompli par le demandeur eût causé ou aggravé cette invalidité. Voici ce que le Tribunal a conclu

Page : 12

[TRADUCTION]

Dans la lettre du 19 mars 1997, le docteur Orchard en arrive de nouveau aux conclusions déjà tirées. Le Tribunal reconnaît que la maladie a été diagnostiquée pendant que l'appelant accomplissait son service dans les forces régulières, mais ce nouvel élément de preuve médicale ne remédie pas à l'absence de preuve, dans le dossier du demandeur, que la maladie était principalement causée par le stress auquel il était soumis dans l'exercice de son emploi plutôt qu'à des difficultés financières. La preuve qui a été versée au dossier pendant les périodes de service de l'appelant ainsi que les rapports psychiatriques qui ont alors été établis n'étayent pas les conclusions tirées par le docteur Orchard une trentaine d'années après que l'appelant eut été réformé.

[25]              En outre, dans la décision antérieure que le TACRA avait rendue le

1er mai 1996, sur laquelle la dernière décision était fondée, voici ce qui était dit

[TRADUCTION]

[...] le Tribunal souscrit à l'avis exprimé dans le rapport médical du 28 mai 1994, à savoir que le fait que la névrose s'était aggravée n'avait rien à voir avec les fonctions exercées par l'appelant pendant son service dans les forces régulières.

[...] les nouveaux éléments de preuve médicale n'étayent pas la prétention de l'avocat, à savoir qu'il existe un doute raisonnable au sujet du fait que la maladie de l'appelant ait été causée ou aggravée par le service accompli dans les forces régulières. Le Tribunal souscrit aux conclusions tirées par le Conseil de révision des pensions dans sa décision du 2 juin 1987, soit que le service militaire accompli par l'appelant n'a contribué à sa psychonévrose que temporairement.

[26]              Par conséquent, on ne saurait dire que le Tribunal n'a pas tiré les deux

conclusions nécessaires.

[27]              Toutefois, le demandeur soutient que le Tribunal a commis une erreur en n'acceptant pas la preuve médicale présentée par le docteur Orchard et en préférant plutôt le rapport qu'un médecin avait rédigé une dizaine d'années auparavant. Le demandeur soutient également que le Tribunal a omis de tenir compte des articles 3 et 39 de la Loi

Page : 13 sur le Tribunal des anciens combattants [révision et appel], qui prévoient, en cas d'incertitude, que des conclusions doivent être tirées en faveur du demandeur.

[28]

Les articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants [révision

et appel] se lisent comme suit

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

39. In all proceedings under this Act, the Board shall, -

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

Page : 14

[29]       Toutefois, ces dispositions n'obligent pas le Tribunal à accepter tous les éléments de preuve présentés par le demandeur : seuls les éléments non contredits qui sont vraisemblables doivent être acceptés en vertu de la Loi. En l'espèce, certains éléments de preuve, en particulier les problèmes financiers du demandeur et les rapports médicaux antérieurs, contredisaient les déclarations que le demandeur avait faites, à savoir que sa maladie était causée ou aggravée par le service qu'il avait accompli. Le Tribunal avait donc le droit de se fonder sur ces éléments de preuve.

[30]       Le demandeur cite des jugements MacKay v. Canada (Attorney General) (1997), 129 F.T.R. 286, et Moar v. Canada (Attorney General) (1995), 103 F.T.R. 314, à l'appui de la thèse selon laquelle, lorsqu'il dispose d'un avis médical, le Tribunal doit accepter cet élément de preuve ou, s'il omet de le faire, doit énoncer les motifs pour lesquels il ne l'estime pas vraisemblable. Toutefois, dans les deux cas, la preuve présentée n'a pas été contredite, de sorte qu'afin d'omettre d'en tenir compte, le Tribunal devait tirer une conclusion au sujet de la vraisemblance de cet élément de preuve. Les affaires citées ne ressemblent pas à celle qui nous occupe. Dans le jugement Brychka c. Canada (Procureur général) (T-1695-96) (2 février 1998), le juge MacKay a fait remarquer que lorsqu'il dispose d'une preuve médicale contradictoire, le Tribunal a le droit de rejeter les éléments qu'il ne juge pas vraisemblables.

Page : 15 [31] En l'espèce, le TACRA ne jugeait pas vraisemblable le diagnostic du docteur Orchard compte tenu des rapports antérieurs rédigés par des médecins, dans lesquels les antécédents médicaux du demandeur avaient été consignés, et de l'intervalle considérable qui s'était écoulé entre le moment où le demandeur était devenu invalide et celui où il avait présenté sa demande. Cette conclusion ne devrait pas être modifiée.

MARC NADON,,

Juge

Ottawa (Ontario) le 4 août 1998

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N ° DU GREFFE:                                     T-2222-97

INTITULÉ DE LA CAUSE:                 Ian M. MacNell c. Sa Majesté la Reine du chef du Canada, la Commission canadienne des pensions, le Conseil de révision des pensions et le Tribunal des anciens combattants [révision et appel]

LIEU DE L'AUDIENCE:                      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE:                     le 9 juin 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE de Monsieur le juge Nadon en date du 4 août 1998

ONT COMPARU

Ian MacNeil                                                                  POUR LE DEMANDEUR

André Chamberlain                                                        POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

Ian MacNeil                                                                  POUR LE DEMANDEUR Mississauga (Ontario)

Ministère de la Justice                                                    POUR LE DÉFENDEUR Toronto (Ontario)

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